Direction de la séance |
Projet de loi constitutionnelle Protection de la Nation (1ère lecture) (n° 395 , 447 ) |
N° 37 11 mars 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||||||
MM. GABOUTY, CADIC, CANEVET et GUERRIAU et Mmes LOISIER, JOISSAINS et Nathalie GOULET ARTICLE 2 |
Supprimer cet article.
Objet
L'incorporation de la déchéance de nationalité dans la Constitution est une disposition à la fois inutile et dangereuse.
Inutile parce que la possibilité de déchéance existe déjà dans notre code civil pour les personnes ayant acquis la nationalité par naturalisation ou pour ceux qui se comportent comme le national d'un pays étranger. Face à l'objectif de lutte contre le terrorisme cette extension de la déchéance de nationalité n'aura aucune efficacité préventive ou dissuasive, et cela n'est contesté par personne ce qui est un comble.
Elle pourrait même avoir l'effet pervers, vis-à-vis de nombreux jeunes à la frontière de la radicalisation en suscitant non pas de l'indifférence mais une certaine fierté dans leur démarche de défiance à l'égard de notre société et de nos institutions. Gardons-nous de pousser les jeunes dans les bras des recruteurs jihadistes.
L'introduction de la déchéance de nationalité dans la Constitution est également dangereuse pour la cohésion sociale. Elle instaure une suspicion certaine à l'égard des binationaux qui seuls pourraient être frappés de déchéance puisque la création d'apatrides ne peut être retenue. Ce texte consacre la séparation des français en deux catégories – les détenteurs de la double nationalité et les autres. Cette distinction irait à l'encontre même de l'esprit de la Constitution qui prévoit une République indivisible assurant l'égalité de tous les citoyens devant la loi.
Elle provoque division et débat inutile entre les Français auxquels on voudrait faire croire que cette mesure peut contribuer à la protection de la Nation alors qu'elle ne pourra générer que des désillusions dans ses effets et son application.
Une République forte doit assumer la responsabilité de tous les citoyens français sans exception, même celle de ceux qui commettent les crimes les plus horribles, en les sanctionnant lourdement et en s'assurant de leur contrôle.
Ce débat a assez duré. Cessons d'exorciser notre mauvaise conscience et surtout de tromper l'opinion publique sur les réponses à apporter au terrorisme. Les Français attendent des mesures concrètes et efficaces, de l'action sur le front de la sécurité mais aussi de l'emploi et des réformes.
Une loi constitutionnelle inutile et dangereuse ne peut qu'abimer la République et affaiblir la cohésion nationale.