Direction de la séance |
Projet de loi Croissance, activité et égalité des chances économiques (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 371 , 370 ) |
N° 995 rect. bis 7 avril 2015 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme MORIN-DESAILLY, MM. RETAILLEAU, BIZET et LENOIR, Mme JOUANNO et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 33 NONIES (SUPPRIMÉ) |
Après l’article 33 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Tout exploitant d’un moteur de recherche susceptible, compte tenu de son audience, d’avoir un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique :
1° Met à disposition de l’utilisateur, sur la page d’accueil dudit moteur, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche sans lien juridique avec cet exploitant ;
2° Met à disposition des utilisateurs des informations portant sur les principes généraux de classement ou de référencement proposés ;
3° Veille à ce que le moteur de recherche considéré fonctionne de manière loyale et non discriminatoire, sans favoriser ses propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec lui ;
4° Ne peut obliger un tiers proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques, à utiliser, de façon exclusive, ledit moteur de recherche pour accéder à Internet.
II. – On entend par moteur de recherche tout service en ligne dont l’activité consiste à trouver des informations, de nature générale ou commerciale, se rapportant à un ou plusieurs sujets de recherche, délimités et spécifiques, proposés au public sur l’ensemble ou une partie substantielle du réseau Internet, sous forme de texte, d’image ou de vidéo et à les mettre à disposition de l’utilisateur en réponse à une requête exprimée par ce dernier, selon un ordre de préférence.
III. – L’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Veille au bon fonctionnement des marchés de l’économie numérique et encourage la diffusion de bonnes pratiques qui peuvent être élaborées en concertation avec les entreprises du secteur et les associations de consommateurs ou d’utilisateurs. »
IV. – En cas de manquement à l’une des obligations prévues au I du présent article, l’Autorité de régulation des communications électronique et des postes peut infliger une sanction pécuniaire à l’encontre de l’exploitant du moteur de recherche, dans le respect de la procédure prévue par l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques. Par dérogation aux dispositions dudit article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, le montant de la sanction pécuniaire peut s’élever jusqu’à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les manquements ont été réalisés. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante.
V. - Un décret en Conseil d’État, pris après consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, précise les conditions d’application du présent article.
Objet
Les craintes face au pouvoir de monopole des grands sites Internet américains ne cessent de croître en France et en Europe. En novembre dernier, le Parlement européen a ainsi adopté une résolution pour la défense des droits des consommateurs sur le marché numérique qui appelait la Commission européenne à envisager des propositions afin de mieux séparer les moteurs de recherche d’autres services appartenant à ces mêmes groupes.
Cette préoccupation concernant les moteurs de recherche s’explique par le fait qu’ils sont la principale porte d’entrée à Internet. Or, le comportement de certains acteurs structurants porte atteinte au pluralisme des idées et des opinions, nuit à l’innovation et entrave la liberté d’entreprendre. La question de la loyauté de ces opérateurs à l’égard des acteurs français et européens est ainsi essentielle, comme l’a relevé le Conseil d’État dans son Étude annuelle 2014 « Le numérique et les droits fondamentaux ».
Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui vise à établir une concurrence saine sur plusieurs marchés susceptibles de libérer l’activité économique et de créer de l’emploi, ne peut laisser de côté le secteur du numérique qui constitue un des principaux relais de la croissance économique.
Le présent projet de loi reprend ainsi de nombreuses préoccupations du Sénat exprimées en particulier dans le rapport de la mission commune d’information sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance de l’Internet. L’Europe ne peut plus rester une « colonie du monde numérique » et il est temps de lutter contre la dépendance croissante de nos sociétés à l’Internet tel qu’il existe aujourd’hui et qui est devenu pour elles un facteur de vulnérabilité.
Il est ainsi devenu urgent de se donner les moyens d’encadrer les pratiques de ces moteurs de recherche, compte tenu des conséquences néfastes qu’occasionnent certaines de leurs pratiques pour nos entreprises. Cet objectif passe par la mise en place d’une régulation ex ante.
Le classement des résultats par un moteur de recherche conditionne en effet très largement la visibilité effective d’une information sur Internet et, partant, l’attention que lui porte l’internaute. Or, ce dernier a tendance à accorder une « confiance abusive » dans les résultats des algorithmes, perçus comme objectifs et infaillibles, notamment car il ne dispose d’aucune information quant aux méthodes utilisées et que, du fait d’accords d’exclusivité, il n’a parfois pas d’autre choix que de se référer aux résultats d’un unique moteur.
En outre, par le truchement du paramétrage de son algorithme et, dans certains cas, de ses conditions générales d’utilisation, un moteur de recherche peut refuser de référencer ou de classer, ou bien déréférencer ou déclasser tout site Internet, et ce, de manière potentiellement discriminatoire, voire arbitraire. Un tel aléa pour les opérateurs économiques présents sur Internet et une telle dépendance vis-à-vis d’acteurs ultra-dominants sont préjudiciables au dynamisme de l’économie française.
Le présent amendement permet de préserver la liberté d’entreprendre des opérateurs économiques français, ainsi que le droit à une existence numérique qui en découle.
Enfin, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes constitue une autorité idoine pour prendre en charge la mission de contrôler le respect des obligations mises à la charge des exploitants de moteurs de recherche.