Direction de la séance |
Projet de loi Economie sociale et solidaire (1ère lecture) (n° 85 , 84 , 69, 70, 106) |
N° 158 31 octobre 2013 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme LIENEMANN, M. GODEFROY et Mme CLAIREAUX ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 33 |
I. – Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre 2 du titre Ier du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article L. 512-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 512-1-… - L’assemblée générale annuelle de chaque banque coopérative désigne au moins deux sociétaires pour participer aux assemblées générales de l’organe central auquel la banque est affiliée. L’assemblée générale désigne également deux suppléants parmi les sociétaires.
« Les personnes désignées conformément aux dispositions ci-dessus sont convoquées suivant les mêmes procédures que les mandataires sociaux qui, à l’assemblée générale, exercent les droits de vote détenus par la banque affiliée.
« Les mandataires sociaux soumettent au vote du conseil d’administration de la banque coopérative affiliée les résolutions soumises à l’assemblée générale de l’organe central. Lors des votes en assemblée générale de l’organe central les mandataires sociaux sont tenus d’exprimer des votes conformes à ceux décidés par leur conseil d’administration.
« Chaque personne désignée conformément aux dispositions du premier alinéa du présent article peut exercer en assemblée générale les mêmes compétences que celles prévues à l’article L. 225-120 du code de commerce pour les actionnaires minoritaires sur les sujets prévus aux articles L. 225-103, L. 225-105, L. 225-231, L. 225-232, L. 225-252, L. 823-6 et L. 823-7 du code de commerce.
« Les personnes désignées au premier alinéa peuvent être entendues à la demande du président du conseil d’administration de la banque affiliée ou à leur demande par le conseil d’administration préalablement au vote concernant les résolutions examinées par l’assemblée de l’organe central. Elles peuvent également soumettre au vote du conseil d’administration de la banque affiliées les résolutions qu’elles veulent soumettre à l’examen de l’assemblée générale de l’organe central.
« Lors de l’assemblée générale de la banque coopérative affiliée qui suit une assemblée générale de l’organe central les personnes désignées au premier alinéa présentent un rapport écrit rendant compte des débats et des votes exprimés par les mandataires sociaux de l’assemblées générale de l’organe central. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigé :
Section 8
Les banques coopératives
Objet
Objectif de la démarche : dans le prolongement du projet de loi bancaire visant à séparer les activités financières risquées des activités de banque commerciale, nous souhaitons redonner un contrôle effectif aux sociétaires des banques coopératives régionales sur l’ensemble de leur groupe, en particulier sur l’organe central et ses activités financières en renforçant la transparence et la démocratie sur le fonctionnement des organes centraux créés par le code monétaire et financier
1/ Rappel sur l’organisation des groupes bancaires coopératifs
En France, le tissu bancaire repose sur deux types de banques universelles : les banques nationales et des banques coopératives régionales regroupées au sein de groupes. L’Etat a organisé ces groupes bancaires sur la base de la solidarité financière entre les banques affiliées à un même « organe central [1]». Cet organe central et les « maisons mères » sont soumis au contrôle étatique de l’Autorité de Contrôle Prudentiel.
Du fait de cette solidarité financière, le Législateur a confié à « l’organe central » des pouvoirs régaliens (pouvoir d’agrément des dirigeants, pouvoirs de sanctions à leur égard, pouvoir d’inspection, etc.…). L’organisation juridique et la gouvernance des organes centraux ont variées dans le temps et suivant les groupes coopératifs. En dépit des variantes, l’architecture de base est similaire : une « pyramide inversée », où la pointe est l’organe central mandaté par les « maisons mères ». Historiquement, la gouvernance démocratique et des règles d’équilibre des pouvoirs devaient garantir l’impartialité de l’exercice des pouvoirs régaliens confiés par l’Etat.
La fonction d’organe central doit être distinguée de la fonction de « tête de réseau » chargée de la promotion de la marque. Cette deuxième fonction, de coordination commerciale, ne s’appuie pas sur des prérogatives légales, mais sur un transfert volontaire de souveraineté de la part des banques coopératives régionales. Il n’y a pas systématiquement de confusion des missions d’organe central et tête de réseau dans un seul et même organisme.
Ultérieurement, la volonté de mutualisation de techniques a conduit au développement d’une dernière fonction centrale : holding de contrôle des outils et filiales mis en commun. Au début, ces outils étaient des GIE d’informatique, ou des sociétés spécialisées pour certains métiers : gestion collective de valeurs mobilières ou crédit-bail. Au cours des années 2000, les groupes bancaires coopératifs ont étendus leurs champs d’activité à l’international et aux marchés financiers, le plus souvent par des acquisitions. Ces opérations de prise de contrôle capitalistique ont justifié la remontée de fonds de la part des « maisons mères ». Le plus souvent, c’est au sein de la même structure d’organe central historique que sont cumulés les pouvoirs régaliens et les délégations de pouvoirs capitalistiques de holding[2].
2/ Les conséquences du mélange des fonctions d’organe central et de holding des activités de marché
Cette domination, de la technostructure de l’organe central, insuffisamment contrebalancée par les représentants des sociétaires, ne manque d’avoir des effets préjudiciables.
2.1. Tout d’abord pour l’équilibre des pouvoirs garantissant une bonne gouvernance coopérative des groupes. Il est choquant que l’exercice des pouvoirs régaliens visant à assurer le respect de règles prudentielles, ne soit pas distingué des intérêts de « tête de réseau » et de ceux de holding de contrôle capitalistique.
Dans certaines situations plus extrêmes, il est à craindre que cette confusion des fonctions n’ait conduit à un assujettissement des pouvoirs régaliens à la satisfaction des attentes des marchés boursiers[3].
2.2. D’un point de vue financier, ceci s’est traduit par un transfert significatif des banques coopératives régionales vers les structures centralisées menant également des opérations pour compte propre ou spéculatives sur les marchés financiers. Ce déséquilibre d’organisation et des pouvoirs a fait dériver une capacité de financement qui aurait pu être utile pour les ménages et les PME des régions de France. Il suffit de noter le poids financier des fonctions centralisées dans le bilan des banques coopératives régionales.
3/ Pour une nouvelle organisation qui remette les groupes bancaires coopératifs « les pieds sur terre »
Dans l’intérêt de l’économie nationale et de la crédibilité du qualificatif de coopératif desdits groupes, il est important de rétablir leur centre de gravité au profit de leurs propriétaires légitimes : les sociétaires[4].
Pour cela il est proposé que les votes aux l'assemblée générale de l'organe central ne puissent être portés que par des sociétaires directement désignés par l'assemblée générale des banques coopératives. Afin d'assurer la transparence d'information sur les votes exprimés dans les assemblées générales l'amendement proposé prévoit que les projets de résolutions soumis à l'assemblée générale de l'organe central sont transmis pour information à l'ensemble des sociétaires avec les instructions de vote données par l'organe délibérant (Conseil d'Administration ou conseil de surveillance) de la banque coopérative maison mère. Enfin lors de la plus prochaine assemblée générale de la banque coopérative maison mère il est rendu compte des votes exprimés par les délégués de la banque maison mère lors de l'assemblée générale de l'organe central.
[1] Il y a aujourd’hui 3 organes centraux : BPCE, pour les Banques Populaires et les Caisses d’Epargne. CASA pour les Caisses régionales du Crédit agricole et la Confédération du Crédit Mutuel.
[2] Par exemple CASA, ou BPCE cumulant les fonctions d’organe central et d’actionnaire de référence de Natixis.
[3] Relèvent de cette analyse des stratégies mal maitrisées de développement à l’étranger ou le développement débridé d’activités financières très éloignées des besoins des maisons mères et de leurs clientèles.
[4] Rappelons que la richesse de ces groupes repose pour l’essentiel sur les réserves accumulées par des générations de sociétaires. Le renflouement des activités financières de marché par les maisons mères en apporte la démonstration.