Direction de la séance |
Projet de loi Vérification du droit au séjour (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 86 , 85 ) |
N° 26 rect. 7 novembre 2012 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Le Gouvernement ARTICLE 2 |
I. - Alinéas 9 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l’examen de sa situation et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa. Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment.
II. – Alinéa 17, première phrase
Remplacer les mots :
, la vérification du droit de séjour ainsi que son éventuelle prolongation
par les mots :
ainsi que la vérification du droit de séjour
Objet
Le présent amendement a pour objet de rétablir le projet du Gouvernement.
Les préoccupations qui ont motivé l’amendement du rapporteur adopté par la commission des lois, de renforcer le contrôle de l’autorité judiciaire sur le déroulement de la retenue et d’affirmer l’exigence de compatibilité de la mesure avec l’état de santé de l’étranger, sont bien comprises. Pour autant, le gouvernement ne peut souscrire au mécanisme proposé d’une retenue dissociée en deux phases, l’une de 10 heures, l’autre de 6 heures nécessitant une réitération de l’information du procureur de la République, en considération de certaines conditions prévues par la loi. En outre, la rédaction retenue par la commission des lois est ambiguë sur le pouvoir reconnu au médecin durant la retenue et mérite d’être modifiée sur ce point.
La durée de retenue maximale de 16 heures a été fixée strictement et en considération de contraintes et d’obligations réelles et concrètes.
Il s’agit, d’abord, de tenir compte des impératifs des différents services appelés à coordonner leur action pour l’examen de la situation de l’étranger retenu et de tenir compte des différents temps de la procédure.
Celle-ci comprend en effet plusieurs phases qui sont indispensables à l’effectivité du contrôle, à la sécurité juridique des actes pris et au respect des droits fondamentaux de la personne retenue.
1° Le temps de conduite au local de police : la durée de la retenue commence à compter de la demande de présentation des pièces et documents.
2° Le temps pour l’information et l’exercice des droits pour la personne retenue : le droit à l’interprète impose des délais évidents tant au regard de la recherche de celui-ci que de l’exercice de sa mission durant toute la durée de la procédure. Le droit à l’avocat permet, dès l’arrivée de celui-ci, un entretien de 30 minutes dans des conditions de confidentialité. Le droit à l’examen par un médecin peut imposer des temps d’indisponibilité.
3° Le temps de dialogue avec l’étranger : les services de police ne disposant pas des mêmes pouvoirs que lors d’une garde à vue, la place du dialogue est nécessairement plus importante. Ainsi, le projet de loi prévoit que la personne doit être « mise en mesure de fournir par tout moyen les documents requis ». Cette possibilité offerte au retenu peut impliquer pour l’officier de police judiciaire un déplacement au domicile de l’intéressé ou en tout autre lieu qu’il désigne pour y rechercher des justificatifs que cette personne est susceptible de produire.
4° Le temps d’investigation par l’officier de police judiciaire : il s’agit notamment de la consultation des différents fichiers dans lequel sont enregistrées les mesures d’éloignement exécutoires et éventuellement de la prise d’empreintes digitales ou de toute autre mesure permettant d’établir l’identité de la personne retenue.
5° Le temps pour la coordination entre l’OPJ et la préfecture compétente laquelle doit disposer elle-même d’un temps d’examen raisonnable.
En effet, si la situation de séjour irrégulier est avérée, la transposition de la directive retour impose aujourd’hui à l’autorité préfectorale de prendre plusieurs décisions qui nécessitent une analyse juridique différenciée et complexe :
- la décision relative au séjour,
- l’obligation de quitter le territoire assortie ou non d’une interdiction de retour,
- l’octroi ou le refus du délai de départ volontaire,
- si le délai de départ volontaire est refusé, l’évaluation de la possibilité de la mesure d’assignation à résidence ou à défaut le prononcé d’une décision de placement en rétention administrative, ce qui implique la recherche d’un lieu adapté ;
Ainsi, au regard de l’importance des diligences et vérifications et de la complexité du droit, une durée trop brève aurait pour conséquences une moindre garantie des droits de l’étranger et une moindre sécurité juridique pour l’action administrative.
Les exigences résultant de l’article 66 de la Constitution sont pleinement respectées par le texte du Gouvernement qui place la retenue sous le contrôle de l’autorité judiciaire dès sa mise en œuvre et prévoit l’information immédiate du procureur de la République qui peut y mettre fin à tout moment. En outre, en précisant que la retenue dure «le temps strictement exigé par l’examen de la situation », le texte du Gouvernement rappelle explicitement le principe de nécessité et de proportionnalité de la mesure. Le procureur peut en outre mettre fin à tout moment à la retenue. La durée de 16 heures constitue ainsi un maximum, indispensable dans des affaires complexes pour lesquelles des phases d’investigations et d’analyses partagées entre les services sont nécessaires.
Dès lors, le mécanisme en deux phases adopté par la commission des lois apparaît inadéquat et non nécessaire. Ce mécanisme, qui n’est imposé par aucun principe constitutionnel ou conventionnel sera vécu comme un élément de complexité supplémentaire, dans une procédure déjà très encadrée juridiquement, et qui n’apporte aucune garantie véritable à l’étranger retenu.
Enfin, la rédaction retenue par la commission des lois est ambiguë sur les rôles respectifs du médecin et de l’officier de police judiciaire. Il va de soi que l’incompatibilité de l’état de santé avec la retenue impose à l’officier de police judiciaire la levée de la mesure. Toutefois cette obligation ne résulte pas juridiquement d’une décision médicale mais des obligations et responsabilité générales de l’officier de police judiciaire dans l’exercice de ses fonctions, au vu des constations faites par le médecin. L’amendement proposé, qui supprime ce passage litigieux, lève cette ambiguïté.