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Direction de la séance

Projet de loi

Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles

(1ère lecture)

(n° 581 , 580 , 593, 598, 601)

N° 263 rect.

29 mai 2013


 

Exception d'irrecevabilité

Motion présentée par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mlle JOISSAINS


TENDANT À OPPOSER L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ


En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 581, 2012-2013).

Objet

Les articles 3 et 30 du projet de loi sont contraires à l'article 72 de la Constitution.

I. – Inconstitutionnalité de l'article 3.

L'article 3 du projet de loi a pour objet de désigner la région, le département, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale en qualité de chef de file pour l'exercice de certaines compétences.

D'une part, cet article généralise l'autorité d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public pour l'exercice des compétences qui y sont mentionnées.

D'autre part, la désignation d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public comme chef de file conduit à organiser, de manière généralisée, la tutelle d'une collectivité sur une ou plusieurs autres.

Or, l'article 72 alinéa 5 de la Constitution prévoit qu'aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre sauf de manière exceptionnelle.

II. - Inconstitutionnalité de l'article 30.

L’article 30 du projet de loi crée de façon forcée, à compter du 1er janvier 2015, un nouvel établissement public de coopération intercommunale, qui regroupe l’ensemble des communes membres de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, de la communauté d’agglomération du Pays d’Aix-en-Provence, de la communauté d’agglomération Salon Etang de Berre Durance, de la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, du syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence et de la communauté d’agglomération du Pays de Martigues.

Cette création doit s’imposer en faisant disparaître les établissements publics de coopération intercommunale existants, sans les consulter et sans consultation des communes appelées à devenir membre du nouvel établissement public de coopération intercommunale. Cette création s’accompagne de nombreux transferts de compétence, au-delà de ceux qu’avaient consenties les communes aux établissements publics de coopération intercommunale existants.

Cet article est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales consacré par l’article 72 de la Constitution et à la Charte européenne de l’autonomie locale.

En effet, d’une part, le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier 2013 (décision n°363749 du Conseil d’Etat) et le 8 mars 2013 (décision n°365791 du Conseil d’Etat) de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées respectivement par les communes de Puyravault et de Couvrot portant sur la conformité à la Constitution :

-        du paragraphe II de l’article 60 de la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui définit la procédure de modification de périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;

-        du paragraphe III de l’article 60 de la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui définit la procédure de fusion des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Il s’agit de deux articles faisant partie des dispositifs temporaires d’achèvement et de rationalisation de l’intercommunalité.

Le Conseil constitutionnel a déclaré les paragraphes II et III de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 conforme à la Constitution dans ses décisions n°2013-303 QPC du 26 avril 2013 (article 60 II) et n°2013-315 QPC du 26 avril 2013 (article 60 III) mais en faisant état dans les motifs de ses décisions des garanties apportées aux communes préalablement à la modification de périmètre (article 60 II) ou à la fusion (article 60 III) des établissements publics à fiscalité propre. Comme le relève le Conseil constitutionnel, les décisions de modification de périmètre ou de fusion ne peuvent intervenir qu’après :

consultation des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés et des communes incluses dans le projet de périmètre objet de la modification ou de la fusion ;consultation de la commission départementale de coopération intercommunale, pour permettre la consultation des élus locaux, dont il convient de rappeler qu’elle comprend 40% de représentants des communes du département, 40% de représentants des établissements publics de coopération intercommunale, 5% de représentants des syndicats mixtes et des syndicats de communes, 10 % de représentants du conseil général et 5% de représentants du conseil régional dans la circonscription départemenale ;consultation de tout maire qui en fait la demande par la commission départementale de coopération intercommunale.

Or, l’article 30 du projet de loi conduit à une fusion forcée sans comporter aucune de ces garanties attachées au principe de libre administration des collectivités territoriales, alors que la création de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence doit s’accompagner de transferts supplémentaires de compétence par rapport aux établissements publics existants.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré que ces garanties devaient s’appliquer dans le cas d’extension de périmètre ou de fusion qui concerne une ou quelques communes.

Or, dans le cas de l’article 30, il s’agit de fusionner six établissements publics de coopération intercommunale existants et leurs 90 communes en créant un nouvel établissement public doté de nombreuses compétences antérieurement exercées par les communes.

D’autre part, l’article 30 du projet de loi est contraire à l’article 9 – 6 de la Charte européenne de l’autonomie locale dont l’approbation a été autorisée par la loi n°2006-823 du 10 juillet 2006 (JO, 11 juillet 2006, p. 10335) et dont la publication a été assurée par le décret n°2007-679 du 3 mai 2007 (JO, 5 mai 2007, p. 7932).

L’article 9 – 6 de la Charte européenne de l’autonomie locale stipule que « les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décisions pour toutes les questions qui les concernent directement ».

Il est incontestable qu’un texte qui fusionne des établissements publics de coopération intercommunale existants, en regroupant des communes dans un nouvel établissement, lequel doit bénéficier de transferts supplémentaires de compétence par rapport aux établissements fusionnés, « concerne directement » les communes de son périmètre.

Par comparaison, la création de la métropole de Paris doit s’accompagner préalablement à sa création de l’achèvement de la carte intercommunale de l’unité urbaine de Paris.

À cette occasion, conformément à l’article 11 du projet de loi, une procédure d’établissement du schéma régional de coopération intercommunale doit être mise en œuvre avec l'obligation de consulter les communes et la commission régionale de coopération intercommunale.

Ainsi, la loi établit une différence de traitement entre Paris et Aix-Marseille-Provence, en privant ce territoire des garanties constitutionnelles relatives à la libre administration des collectivités territoriales.

En ne prévoyant aucune procédure de consultation des communes concernées par le nouvel établissement public, le texte méconnaît la Charte européenne de l’autonomie locale.

Le projet de loi étant contraire à une disposition constitutionnelle et à une stipulation conventionnelle, il doit être rejeté.