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Direction de la séance

Projet de loi

de finances rectificative pour 2011

(1ère lecture)

(n° 612 , 620 , 642)

N° 159

20 juin 2011


 

AMENDEMENT

présenté par

C Demande de retrait
G Demande de retrait
Retiré

M. COINTAT


ARTICLE 18


Supprimer cet article.

Objet

L’article 18 propose l’instauration d’un dispositif visant à taxer à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux les plus-values latentes sur les valeurs mobilières et droits sociaux constatées avant le changement de domicile des personnes physiques. L’incidence budgétaire en rythme de croisière d’une telle disposition serait de 189 millions d’euros par an.

Nous proposons la suppression de ce dispositif d’une complexité excessive, inégalitaire, offrant des possibilités de contournement, contraire au droit européen et d’un rendement incertain.

Le dispositif est d’une rare et excessive complexité. Il porte donc atteinte aux principes constitutionnels d’intelligibilité et de la clarté de la règle de droit.

Le dispositif est inégalitaire. Il créée une discrimination fondée sur la résidence du contribuable à l’étranger. Les Français de l’étranger sont donc pénalisés uniquement en raison de leur domiciliation fiscale hors de France. Cette discrimination est contraire au principe d’égalité des citoyens devant la loi et au droit de l’Union européenne.

Le dispositif de l’exit-tax est également inégalitaire parce qu’il ne vise pas le cas de contribuables qui auraient plusieurs participations pour un montant total éventuellement plus élevé que le seuil de 1,3 millions. Il vise essentiellement ceux qui voudraient céder une grosse participation dans une entreprise. Au nom de quoi le contribuable qui décide de vendre son entreprise serait-il pénalisé, alors que le détenteur de plusieurs participations serait exonéré ? C’est indéfendable et contraire au principe d’égalité devant l’impôt. Ce dispositif inégalitaire offre un magnifique moyen d’éluder l’impôt par une dispersion des participations. Il va faire la fortune des conseillers fiscaux.

Le dispositif comporte des possibilités de contournement. L’Assemblée nationale a tenté d’y remédier. Mais il existe une possibilité juridique de contourner le dispositif via notamment le système des holdings établies à l’étranger. Prenons l’exemple d’un entrepreneur français qui part en Belgique et qui place les actions de son entreprise française en sa possession dans une société holding. Comment l’État français pourra-t-il être au courant de la vente des actions de la société holding, qui, dans cet exemple, est de droit belge ? À moins de renégocier les conventions bilatérales pour avoir communication de ces informations, il ne le saura pas et, s’il ne le sait pas, on ne voit pas comment il pourra appliquer l’exit tax.

Le dispositif de l’exit-tax est contraire à la réglementation de l’Union européenne. Une telle disposition, si elle était adoptée, contreviendrait à la liberté de circulation des capitaux qui régit le droit communautaire. Le rapporteur général de la Commission des finances s’étonnait lui-même que le dispositif allemand n’ait pas fait l’objet d’un recours sur la base de l’arrêt Lasteyrie de la Cour de justice.

Comme le souligne le rapport de l’Assemblée nationale, le chiffrage du rendement de la mesure n’est pas fiable. Il donne lieu à de nombreuses incertitudes. Il ne prend mal en compte plusieurs paramètres importants, tels que les évènements purgeant la plus-value (donations, décès, expiration d’un délai de huit ans), les abattements pour durée de détention, l’imputation de l’impôt étranger. Le rapporteur général de la Commission des finances souligne que cette dernière imputation « minorera, parfois très fortement, le produit réel au titre des cessions réalisées dans des Etats taxant la plus-value par rapport au produit théorique résultant de la simple application du taux français ». Par ailleurs, l’évaluation préalable du dispositif ne chiffre aucun produit afférent à l’imposition des plus-values en report.

Si l’on entre dans la logique du dispositif, celui-ci est incomplet et il est question de le compléter et donc de l’aggraver dès la discussion de la loi de finances pour 2012. Comme l’a fait remarquer le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et comme l’a confirmé son rapporteur général, la durée de détention continue de courir pendant le séjour du contribuable à l’étranger. Des lors, des évènements qui auraient purgé la plus-value, intervenus en France, donneront lieu à l’étranger à un dégrèvement ou à une restitution de l’impôt, ce qui contrevient à l’esprit du dispositif.