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Direction de la séance

Projet de loi constitutionnelle

Équilibre des finances publiques

(1ère lecture)

(n° 499 , 568 , 578, 591, 595)

N° 39

9 juin 2011


 

AMENDEMENT

présenté par

C Demande de retrait
G Demande de retrait
Retiré

M. COINTAT


ARTICLE 1ER


Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

5° Après le dernier alinéa est inséré l’alinéa suivant :

« L’État assure le respect des principes d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, de sécurité juridique et de confiance légitime dans la règle de droit. »

 

Objet

Nous proposons d’inscrire dans notre pacte fondamental les principes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit déjà consacrés par le Conseil constitutionnel, celui de la sécurité juridique, largement consacré par nos plus hautes juridictions, et de « confiance légitime » dans la règle de droit qui s’applique tout spécialement dans les domaines économiques, budgétaires et fiscaux. Le Président de la République a, en effet, souhaité la consécration constitutionnelle du principe de « confiance légitime ». Il écrit, dans une lettre du 30 mars 2007 : « Je défendrai le principe de non rétroactivité de la loi fiscale….C’est un engagement que je prends devant vous… A plusieurs reprises d’ailleurs, j’ai déjà indiqué que je souhaitais inscrire dans notre Constitution les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. »

Nous proposons de consacrer le principe de confiance légitime dans le sens qui est lui donné par le droit de l’Union européenne. Ce principe est d’ailleurs déjà applicable en France pour l’interprétation et l’exécution des mesures prévues par le droit de l’Union.

La Cour de justice des communautés européennes (aujourd’hui de l’Union européenne) a, en effet, progressivement consacré un principe dit de « confiance légitime » qui limite la possibilité pour les autorités publiques d’adopter des mesures économiquement rétroactives. Le principe a été qualifié de principe général du droit communautaire par la Cour dans une décision Commission c/ Conseil du 5 juin 1973. Il se distingue d’autres principes voisins, et notamment de celui de sécurité juridique, par le fait qu’il ne peut jouer qu’au bénéfice de particuliers, qu’il s’agisse de requérants ou de tiers. Plusieurs centaines d’arrêts de la Cour font référence au principe de confiance légitime.

La Cour subordonne la reconnaissance des moyens tirés de la violation de ce principe à deux conditions :

- L’administration doit avoir fait naître des espérances fondées dans le chef d’un particulier, ce qui suppose un engagement très crédible de sa part (CJCE, Commission c/Conseil, préc.). La confiance légitime est ainsi trahie lorsque l’administration modifie avant son terme une réglementation instaurée pour une période déterminée (CJCE, Deuka, 18 mars 1975), ou lorsque les particuliers sont incités à souscrire un engagement dont la contrepartie disparaît par suite d’une modification de la réglementation au cours de la validité de l’engagement (CJCE, Mulder, 28 avril 1988) ;

- La confiance dont l’administration est à l’origine doit être légitime, c’est-à-dire raisonnable. Cette appréciation de la légitimité de la confiance est empreinte d’une forte subjectivité, qui restreint la portée du principe. A ce titre, la Cour fait notamment peser sur l’administré une obligation de bonne foi : la confiance légitime ne garantit pas les comportements spéculatifs (CJCE, Mackprang, 25 mai 1975). L’administré a également une obligation de diligence : il lui faut devancer les changements de réglementation pour adapter son activité. La prévisibilité de la modification s’oppose ainsi à la protection de la confiance légitime (CJCE, Espagne c/ Conseil, 19 novembre 1988). La Cour interprète largement la notion de modification prévisible : ainsi a-t-elle considéré que des exportateurs de denrées agricoles ne pouvaient prétendre ignorer que la Commission avait soumis au Conseil une proposition de modification de la méthode de calcul des montants compensatoires monétaires, alors même qu’il n’était pas certain que cette proposition soit adoptée (CJCE, Coopératives agricoles de céréales c/ Commission et Conseil, 10 décembre 1972).

En outre, lorsque les conditions de formation de la confiance légitime sont réunies, le juge communautaire met en balance les intérêts de la Communauté et ceux des particuliers. Le principe de confiance légitime s’efface ainsi devant l’existence d’intérêts impérieux de la Communauté (CJCE, Racke, 25 janvier 1979). La Cour a en outre clairement affirmé que le principe de confiance légitime ne saurait être étendu jusqu’à empêcher une réglementation nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la réglementation antérieure (CJCE, Tomadini, 16 mai 1979 ; CJCE, Dürbeck, 5 mai 1981).

Toutes les garanties sont donc réunies pour que le principe ne porte aucune atteinte à l’intérêt général et ne paralyse pas l’action nécessaire de l’Etat mais conforte les droits et libertés des citoyens.