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Direction de la séance

Proposition de loi

Lutte contre la fracture numérique

(1ère lecture)

(n° 560 , 559 )

N° 58

20 juillet 2009


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER H


I. - Les collectivités territoriales et leurs groupements sont autorisées à détenir, séparément ou à plusieurs, au plus la moitié du capital et des voix dans les organes délibérants de sociétés commerciales ayant pour objet l'établissement et l'exploitation d'infrastructures passives de communications électroniques destinées à être mises à disposition d'opérateurs déclarés en application de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, notamment pour la fourniture de services de communications électroniques à très haut débit en fibre optique à l'utilisateur final.

Ces sociétés exercent leur activité sur le marché des communications électroniques dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.

Leur intervention se fait en cohérence avec les réseaux d'initiative publique établis ou exploités en application de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, garantit l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises en application du présent article et respecte le principe d'égalité et de libre concurrence sur le marché des communications électroniques.

II. - Les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements présentent, une fois par an, aux assemblées délibérantes, le rapport présenté par le conseil d'administration ou le directoire à l'assemblée générale des actionnaires. Ce rapport comporte notamment en annexe le bilan, le compte de résultat et le rapport des commissaires aux comptes du dernier exercice clos. Il fait état également d'une présentation de l'activité prévisionnelle de la société au cours des deux prochains exercices.

III. - Toute collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales actionnaire a droit au moins à un représentant au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, désigné en son sein par l'assemblée délibérante concernée.

Dans une proportion au plus égale à celle du capital détenu par l'ensemble des collectivités territoriales ou de leurs groupements actionnaires par rapport au capital de la société, les statuts fixent le nombre de sièges dont ils disposent au conseil d'administration ou de surveillance, ce nombre étant éventuellement arrondi à l'unité supérieure. Les sièges sont attribués en proportion du capital détenu respectivement par chaque collectivité ou groupement.

Si le nombre des membres d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance prévus aux articles L. 225-17 et L. 225-69 du code de commerce ne suffit pas à assurer, en raison de leur nombre, la représentation directe des collectivités territoriales ou de leurs groupements ayant une participation réduite au capital, ils sont réunis en assemblée spéciale, un siège au moins leur étant réservé. L'assemblée spéciale désigne parmi les élus de ces collectivités ou groupements le ou les représentants communs qui siégeront au conseil d'administration ou de surveillance.

Les personnes qui assurent la représentation d'une collectivité territoriale ou d'un groupement au sein du conseil d'administration ou de surveillance de la société visée au I doivent respecter, au moment de leur désignation, la limite d'âge prévue au premier alinéa des articles L. 225-19 et L. 225-70 du code de commerce.

Ces personnes ne peuvent être déclarées démissionnaires d'office si, postérieurement à leur nomination, elles dépassent la limite d'âge statutaire ou légale.

Il n'est pas tenu compte de ces personnes pour le calcul du nombre des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance qui peuvent demeurer en fonction au-delà de la limite d'âge, en vertu soit des statuts de la société, soit, à défaut de dispositions expresses dans les statuts, des articles précités du code de commerce.

Par dérogation à l'article L. 225-20 du code de commerce, la responsabilité civile qui résulte de l'exercice du mandat des représentants incombe à la collectivité territoriale ou au groupement dont ils sont mandataires. Lorsque ces représentants ont été désignés par l'assemblée spéciale, cette responsabilité incombe solidairement aux collectivités territoriales ou aux groupements membres de cette assemblée.

Les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés visées au I et exerçant, à l'exclusion de toute autre fonction dans la société, les fonctions de membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ne sont pas considérés comme entrepreneurs de services municipaux, départementaux ou régionaux au sens des articles L. 207, L. 231 et L. 343 du code électoral.

Ces représentants peuvent percevoir une rémunération ou des avantages particuliers à condition d'y être autorisés par une délibération expresse de l'assemblée qui les a désignés ; cette délibération fixe le montant maximum des rémunérations ou avantages susceptibles d'être perçus ainsi que la nature des fonctions qui les justifient.

Les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein du conseil d'administration ou de surveillance des sociétés visées au I et exerçant les fonctions de membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, ne sont pas considérés comme étant intéressés à l'affaire, au sens de l'article L. 2131-11, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec ladite société.

Toutefois, ils ne peuvent participer aux commissions d'appel d'offres ou aux commissions d'attribution de délégations de service public de la collectivité territoriale ou du groupement lorsque la société précitée est candidate à l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public dans les conditions prévues aux articles L. 1411-1 et suivants.

En cas de fin légale du mandat de l'assemblée, le mandat de ses représentants au conseil d'administration ou au conseil de surveillance est prorogé jusqu'à la désignation de leurs remplaçants par la nouvelle assemblée, leurs pouvoirs se limitant à la gestion des affaires courantes.

Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires se prononcent sur le rapport écrit qui leur est soumis au moins une fois par an par leurs représentants au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, et qui porte notamment sur les modifications des statuts qui ont pu être apportées à la société. Lorsque ce rapport est présenté à l'assemblée spéciale, celle-ci assure la communication immédiate aux mêmes fins aux organes délibérants des collectivités et groupements qui en sont membres.

Toute prise de participation de cette société dans le capital d'une autre société commerciale fait préalablement l'objet d'un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d'un siège au conseil d'administration, en application du premier alinéa du III du présent article.

Objet

Le plan de développement de l'économie numérique, « France Numérique 2012 », a proposé d'étudier l'intérêt et les modalités juridiques d'une intervention des collectivités territoriales comme investisseur minoritaire dans des réseaux ouverts de communications électroniques.

Cette action s'inscrit dans le cadre du déploiement des réseaux à haut et surtout très haut débit jusqu'à l'abonné qui constitue un enjeu majeur pour la France et une réponse effective à la crise économique. Pour les collectivités locales, l'objectif recherché à travers ce nouvel outil est de mobiliser moins de ressources financières publiques par rapport à la mise en œuvre d'une subvention classique. Par ailleurs, il s'agirait de fédérer plusieurs investisseurs privés autour d'objectifs d'aménagement et de mutualisation de réseaux, et plus généralement, de disposer d'une plus grande flexibilité par rapport aux dispositifs existants. En effet, il existe une zone grise dans laquelle les conditions de rentabilité des déploiements des réseaux à très haut débit par un ou plusieurs opérateurs sont difficiles à anticiper. Elle couvre une dizaine de millions de ménages, c'est à dire les villes moyennes et la périphérie des grandes villes.

La mise en œuvre d'un outil d'investissement minoritaire pour les collectivités locales répondrait en partie aux carences des modes d'intervention existants. Elle permettrait notamment aux collectivités d'intervenir en zone grise (ville moyenne ou en périphérie des grandes villes), là où une intervention subventionnée pourrait être critiquable ou du moins laborieuse à justifier en tant qu'aide d'État. Par ailleurs, les collectivités locales seraient à même de disposer d'un effet de levier, c'est à dire pouvoir atteindre une partie des objectifs publics que le marché n'aurait pas spontanément satisfait ; même minoritaire, la collectivité peut imposer certaines obligations dans le pacte d'actionnaire et disposer de droit de veto sur certains sujets ; la limite est le niveau d'acceptabilité des objectifs publics par le privé. Enfin, cet outil permettrait aux collectivités territoriales de se placer dans le calendrier du marché, par opposition au calendrier administratif, pour le montage du projet, la définition de ses objectifs, puis leurs nécessaires évolutions ; le privé étant majoritaire, le plus naturel est de considérer qu'il est à l'initiative du projet et qu'il en détermine le rythme de déploiement et, le cas échéant, de redéfinition.

Il est proposé que cet outil d'investissement minoritaire soit mis en œuvre par la création d'un dispositif autorisant les collectivités territoriales et leurs groupements à participer au capital d'une société commerciale ayant pour objet l'établissement et l'exploitation d'infrastructures passives de communication électroniques destinées à être mises à disposition d'opérateurs pour la fourniture de services de communication haut et très haut débit..

L'utilisation du statut des sociétés d'économie mixte locales (SEML) et la création d'une nouvelle dérogation au principe de l'actionnariat public majoritaire ne semble pas être la solution la plus pertinente, en particulier au regard de l'objet même des SEML. L'article L. 1521-1 du code général des collectivités locales dispose que « les communes, les départements, les régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales qui les associent à une ou plusieurs personnes privées et, éventuellement, à d'autres personnes publiques pour réaliser des opérations d'aménagement, de construction, pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial, ou pour toute autre activité d'intérêt général ; lorsque l'objet de sociétés d'économie mixte locales inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. En outre, les sociétés d'économie mixte locales peuvent réaliser des opérations de conception, réalisation, entretien ou maintenance ainsi que, le cas échéant, de financement d'équipements hospitaliers ou médico-sociaux pour les besoins d'un établissement de santé, d'un établissement social ou médico-social ou d'un groupement de coopération sanitaire. »

La création de SEML, que les collectivités locales en soient actionnaires majoritaires ou minoritaires (dérogations de l'article L. 1525-1 du CGCT), se réalise dans le cadre des compétences dévolues aux collectivités par la loi.

Dans le cadre de l'article L. 1425-1 du CGCT, les collectivités territoriales ont la possibilité d'établir et d'exploiter des infrastructures passives de communications électroniques. Il s'agit d'une compétence facultative. Dès lors, plusieurs options s'offrent à elles :

soit elles décident d'intervenir et dès lors, en application du principe de la libre administration des collectivités territoriales, elles sont libre de choisir le mode de gestion de ce service public facultatif qu'elles jugent le plus pertinent (gestion directe ou déléguée via une délégation de service public ou un marché public) ;

soit, elles n'interviennent pas et laisse le libre accès au secteur privé.

La création de SEML pour établir et exploiter les infrastructures passives de communications électroniques n'est possible que lorsque les collectivités locales ont décidé d'intervenir et qu'elles ont considéré que la SEML constitue le mode de gestion du service public le plus approprié.

Dans l'hypothèse où les collectivités décident de ne pas organiser le service public et laissent la place à l'initiative privée, elles pourraient toutefois prendre une participation dans une société privée qui aurait vocation à intervenir librement sur le marché. Toutefois, cette participation doit être faite dans les mêmes conditions que celles qui seraient acceptables pour un investisseur privé fonctionnant dans les conditions normales d'économie de marché. Cette condition permet de respecter les règles du droit communautaire des aides d'État, et en particulier la communication de la Commission de 1984 sur la participation des autorités publiques dans les capitaux des entreprises.

Le présent amendement a pour objet, de créer régime législatif dérogatoire[1] permettant aux collectivités de prendre des participations minoritaires au sein de sociétés anonymes qui ne sont pas des SEML et, de prévoir plusieurs garanties susceptibles d'éliminer les risques inhérents à la mise en œuvre de ce nouvel outil.

1. Autorisation législative de participation minoritaire au capital de sociétés commerciales à objet défini :

Le présent amendement a pour objet de créer un dispositif de prise de participation des collectivités locales au capital de sociétés commerciales dont l'objet social est l'établissement et l'exploitation d'infrastructures passives de communications électroniques destinées à être mises à disposition d'opérateurs déclarés en application de l'article L.33-1 du code des postes et des communications électroniques notamment pour la fourniture de services de communications électroniques à très haut débit en fibre optique à l'utilisateur final.

La prise de participation est minoritaire. Il serait souhaitable que les collectivités locales qui investissent dans ces sociétés disposent de la minorité de blocage afin de pouvoir préserver leurs intérêts financiers.

Il serait également souhaitable que cette prise de participation soit limitée à la durée de mise en place du réseau. C'est à la création de la société que l'investissement public est le plus nécessaire, afin notamment de constituer un effet de levier pour des financements privés.

La forme de la société commerciale est libre : SA, SAS, etc. Le pacte d'actionnaire définit le mode de gouvernance de la société, en fonction de la forme juridique choisie.

2. Les garanties apportées aux collectivités locales actionnaires et à leurs mandataires ou représentants au sein de la société commerciale :

- disposer d'au moins un représentant dans l'instance chargée de la gouvernance de la société, en fonction de ce qui a été décidé dans le pacte d'actionnaires

- responsabilité civile incombant à la collectivité territoriale et non au mandataire

- mise à disposition de manière régulière des informations techniques et financières aux collectivités locales actionnaires. Les assemblées délibérantes se prononcent sur ces éléments.

 


[1] En principe, la prise de participation des collectivités dans le capital d'une société commerciale et de tout autre organisme à but lucratif n'ayant pas pour objet d'exploiter les services communaux ou des activités d'intérêt général n'est possible qu'après autorisation par décret en Conseil d'Etat (article L. 2253-1 du CGCT).