Direction de la séance |
Projet de loi Délégation parlementaire renseignement (1ère lecture) (n° 326 rect. , 339 , 337) |
N° 26 26 juin 2007 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. PEYRONNET, BOULAUD et les membres du Groupe socialiste, apparentés et rattachés ARTICLE UNIQUE |
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 :
« Art. 6 nonies. - I. - Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation au renseignement chargée de suivre et d'évaluer les activités des services qui concourent au renseignement, en examinant leur organisation et leurs missions générales, leurs compétences et leurs moyens, afin d'assurer, dans les conditions prévues au présent article, l'information de leur assemblée respective.
« II. - Chaque délégation au renseignement est composée d'une part, des présidents des commissions compétentes chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure, des affaires de défense, des affaires de politique extérieure et des affaires financières, membres de droit, et d'autre part, d'un membre de chacun des groupes politiques de l'assemblée concernée.
« Dans chacune des assemblées, le président de la délégation au renseignement et le rapporteur de la délégation au renseignement sont désignés de manière à assurer une répartition pluraliste.
« III. - La délégation au renseignement de l'Assemblée nationale est désignée au début de chaque législature.
« La délégation au renseignement du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.
« IV. - Les délégations au renseignement recueillent les informations utiles à l'accomplissement de leur mission.
« Elles entendent le Premier ministre, le secrétaire général de la défense nationale, les ministres ayant autorité sur les services qui concourent au renseignement, les directeurs de ces services ou toute autre personne placée sous leur autorité et déléguée par eux.
« Elles entendent également toute personne susceptible de les éclairer et ne relevant pas de ces services.
« Ces informations et leur appréciation ne peuvent porter sur les activités opérationnelles en cours et à venir des services qui concourent au renseignement. Dans ce cadre, elles ne peuvent porter sur les relations de ces services avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« V. - Les membres des délégations au renseignement sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d'appréciation définis au IV et protégés au titre de l'article 413-9 du code pénal, à l'exclusion des données dont la communication mettrait en péril l'anonymat, la sécurité ou la vie d'une personne relevant ou non des services intéressés, ainsi que les modes opératoires propres à l'acquisition du renseignement.
« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres des délégations au renseignement doivent être habilités, dans les conditions définies pour l'application de l'article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d'appréciation.
« VI. - Les travaux des délégations au renseignement sont couverts par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au V sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.
« VII. - Chaque délégation au renseignement établit au moins une fois par an un rapport public dressant le bilan de ses activités. Ce rapport est remis par le président de la délégation au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée.
« VIII. - La délégation au renseignement de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.
« IX. - Chaque délégation au renseignement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l'approbation du Bureau de son assemblée.
« Les dépenses de la délégation au renseignement de l'Assemblée nationale et du Sénat sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l'article 7 ci-après. »
Objet
Le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat le 5 juin 2007 - reprise intégrale du texte déposé le 8 mars 2006 à l'Assemblée nationale par le précédent gouvernement - présente une formule inaboutie qui ne prend pas suffisamment en compte la réalité de notre culture politique et de notre pratique institutionnelle. Il privilégie à l'excès les impératifs liés à la protection du secret au détriment de réels pouvoirs d'investigation qui auraient du être conférés à cette nouvelle instance parlementaire pour le renseignement. Il ne permet pas de respecter véritablement le principe d'une représentation pluraliste en son sein. Animé par une certaine défiance à l'encontre de la représentation nationale, il présuppose l'impossibilité pour les parlementaires d'être destinataires d'informations sensibles. Au final, il entretiendra davantage la culture du secret contrairement au but recherché par les auteurs du projet de loi.
Ces écueils auraient pu être évités si le gouvernement avait respecté l'engagement solennel pris devant la représentation nationale de réunir un groupe de travail composé de représentants des groupes parlementaires et de fonctionnaires au plus haut niveau des services de renseignements afin de faire précéder la création d'un tel organe d'une réflexion élargie. Sur un tel sujet, il aurait fallu s'abstraire des clivages politiques. « L'ouverture » d'esprit du gouvernement aurait illustré en pratique le principe du respect des droits de l'opposition.
Les auteurs de l'amendement proposent de mettre en place un dispositif qui s'inscrit dans une logique différente de celui présenté par le projet de loi tant dans la forme que sur les compétences et les pouvoirs de ce nouvel instrument d'association et de contrôle des services de renseignement.
Cette proposition a pour ambition d'instaurer un meilleur équilibre entre les exigences de légitimité, d'efficacité et la nécessité de prévoir la préservation du secret.
Il crée dans chaque chambre une délégation parlementaire pour le renseignement, même s'il permet que les deux chambres puissent tenir des réunions conjointes.
Il allie le pragmatisme et la souplesse en prenant en compte la configuration politique et institutionnelle existante dans chacune des chambres du Parlement afin d'assurer le principe du pluralisme dans la composition des délégations mais également dans la répartition des fonctions de président et de rapporteur.
La préservation du secret est assurée mais avec le souci réaliste et responsable de ne pas limiter excessivement l'étendue de la mission des délégations. Le champ de compétence des délégations parlementaires est donc contraint au respect impératif de l'exigence de confidentialité consubstantielle à la protection de l'intérêt national et des personnes qui y concourent. La condition nécessaire de respecter le secret exige que soient également inscrits dans la loi des mécanismes de contrôle rigoureux : règle de l'habilitation des membres de la délégation (habilitation ès qualité de par la loi) et des agents parlementaires désignés pour assister les membres des délégations, classification secret-défense des travaux des délégations, sanctions pénales en cas de violation des règles qui organisent le secret de la défense nationale.
Enfin le présent amendement autorise chaque délégation au renseignement à présenter au moins une fois par an, un rapport public dressant le bilan de ses activités. A défaut d'un minimum de publicité, c'est la culture du secret qui se perpétuera avec le risque de reconduire les causes qui ont empêché jusqu'à ce jour la mise en place d'instruments parlementaires de contrôle des services de renseignement.
Les auteurs de l'amendement estiment que leur proposition garantit autant que possible un juste équilibre entre l'impérieux devoir de confidentialité des travaux des délégations, préalable indispensable à l'efficacité de leur action ; la recherche d'une légitimité indiscutable reposant sur une représentation pluraliste des membres qui les composent et l'exigence de transparence, condition essentielle pour asseoir leur crédibilité.