L'article I-6 du projet de Constitution européenne, relatif au droit de l'Union, dispose que « la Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celles-ci, priment le droit des Etats membres ».
Cette disposition est issue d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés qui lui donne un sens absolu : supériorité du droit européen par rapport à tout droit national, même constitutionnel, et même postérieur ( Cf. CJCE, arrêt « Costa c/ Enel » du 15 juillet 1964 et arrêt « Internationale Handelsgesellschaft » du 17 décembre 1970.
C'est en violation du Traité de Rome que la Cour de Justice des Communautés européennes, qui a une conception téléologique du droit communautaire, avait acté la supériorité d'un règlement douanier communautaire sur le droit national d'un Etat membre. Il ne s'agissait alors que du premier pilier du droit communautaire.
En effet, la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, forgée dans une Communauté aux compétences techniques et limitées -la Communauté des années 60- n'a plus du tout le même sens dans une Union qui devrait assumer des compétences de souveraineté fondamentales, telle que le nouveau traité européen la propose. Ainsi, l'article I-6 du traité aura notamment pour effet d'étendre le principe de primauté aux matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune ainsi qu'à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Surtout, cette jurisprudence de la Cour n'a jamais été inscrite jusqu'ici dans un traité. Elle n'a jamais été ratifiée explicitement par le peuple français, pour lequel, quelles que soient les interprétations variables des juristes, il va de soi que sa Constitution a une valeur supérieure au droit européen. C'était d'ailleurs bien la doctrine traditionnelle.
La constitutionnalisation de cette jurisprudence nécessite à son tour la constitutionnalisation de la jurisprudence de nos cours suprêmes ( Conseil d'Etat et Cour de cassation ) sur la supériorité de notre Constitution sur la Constitution européenne. Il s'agit notamment de l'arrêt « Sarran » du Conseil d'Etat en date du 30 octobre 1998 ainsi que de l'arrêt « Fraisse » de la Cour de cassation en date du 2 juin 2000.
Il est d'autant plus important de maintenir fermement cette position aujourd'hui que le droit européen est de plus en plus souvent fixé à la majorité, et que la Constitution européenne ne ferait qu'accentuer cette tendance. La primauté du droit européen, dans ces conditions, aboutirait à admettre qu'une majorité de pays voisins peut modifier la Constitution française contre la volonté du peuple français. Comment cet effacement systématique de la Constitution pourrait-il être conforme à la Constitution ?
Tout le problème vient du fait qu'en cas de conflit, c'est la jurisprudence extensive en faveur de la suprématie de la CJCE qui prévaudra toujours ! Il importe donc que la portée du Traité soit celle que lui fixe le peuple français et non celle qui est retenue par la CJCE.
Dans ces conditions, il convient dès lors que le parlement national prenne position clairement, et ne laisse pas croire, en approuvant une clause de compatibilité générale entre le projet européen et la Constitution française, qu'il approuve en même temps la primauté absolue du droit européen sur la Constitution française. Dans le cas contraire, la Constitution française ne serait pas simplement révisée, mais en réalité abrogée.
:La rectification porte sur la liste des signataires.