Direction de la séance |
Projet de loi laïcité dans les écoles (1ère lecture) (n° 209 , 219 ) |
N° 15 1 mars 2004 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. VERGÈS ARTICLE 2 |
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Pour tenir compte des caractéristiques particulières de La Réunion, un décret précisera les conditions d'application spécifiques de la loi dans ce département.
Objet
Le débat sur le principe de laïcité au sein de l'école publique résulte largement des tensions suscitées par le port du « foulard islamique » par quelques élèves dans des établissements de l'hexagone.
La Réunion, le port du foulard, tout aussi minoritaire, n'a jamais soulevé de difficultés dans les écoles, ni donné lieu à aucune procédure d'exclusion.
En fait, un même phénomène peut être apprécié de façon sensiblement différente en fonction des réalités socio-historiques et culturelles.
Multiculturelle dès l'origine de son peuplement, la société réunionnaise a appris à forger, non sans difficultés, mais avec ténacité, son unité dans le respect des diversités culturelles et religieuses. En trois siècles d'histoire, il en résulte une société où les différentes options religieuses et spirituelles ont une longue tradition de dialogue et de cohabitation.
Le paysage réunionnais en porte la trace : les églises voisinent toujours avec les mosquées et les temples hindous et bouddhistes. En témoigne également l'existence d'un Comité de dialogue Interreligieux regroupant l'ensemble des représentants des cultes et qui bénéficie au sein de la population d'une grande audience et d'un très large soutien dans ses initiatives.
La Réunion est aussi le seul département de France à accueillir une école coranique sous contrat d'association avec l'éducation nationale.
Il est possible d'affirmer que la société réunionnaise a fait la démonstration, dans les conditions qui lui sont propres, de la viabilité, dans le cadre de la République, d'un modèle original : elle a inventé une manière réunionnaise de vivre la laïcité, et démontre que celle-ci peut accueillir sereinement l'expression des différentes religions.
La société multiculturelle réunionnaise a surtout conscience que seule la laïcité, comprise, soutenue et vécue par tous, peut assurer la cohésion pour aujourd'hui et pour demain.
Dans ces conditions, se pose la question des conséquences sur la société réunionnaise d'une application uniforme, automatique et stricte de la présente loi.
Il est en effet à craindre qu'une application sans nuance de la loi, qui ne tienne pas compte de la réalité complexe de la société réunionnaise, ne comporte des risques, notamment de fragilisation de l'unité réunionnaise. Elle risque, en effet, de créer des tensions là où il n'en existait pas.
Si l'article 73 de la Constitution pose pour les départements d'outre-mer le principe de l'assimilation législative, il en détermine aussi les limites en autorisant des adaptations à la loi pour tenir compte des « caractéristiques particulières » de ces départements.
Il est donc souhaitable, dans le respect de la Constitution, que dans son application à La Réunion, l'appréciation de la présente loi tienne compte des caractéristiques particulières de ce département.