Direction de la séance |
Proposition de loi Réforme du divorce (1ère lecture) (n° 17 , 252 ) |
N° 2 rect. 21 février 2002 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||||||
M. COINTAT, Mme BRISEPIERRE et MM. del PICCHIA, DUVERNOIS et GUERRY ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 12 |
Après l'article 12, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
L'article 310 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - lorsque la loi étrangère compétente réserve l'initiative du divorce ou de la séparation de corps au conjoint de sexe masculin ou d'une manière générale comporte des dispositions portant atteinte à l'égalité des droits entre les époux et dans leurs relations avec leurs enfants lors de la dissolution du mariage. »
Objet
L'article 310 du code civil régit les conflits de lois française et étrangères relatifs au divorce et à la séparation de corps. Cet article est ainsi rédigé : « Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française: - lorsque l'un et l'autre époux sont de nationalité française; - lorsque les époux ont, l'un et l'autre, leur domicile sur le territoire français; - lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps. »
La jurisprudence a été obligée de pallier certaines imperfections de ce dispositif qui n'apparaît pas suffisamment protecteur des justiciables français et étrangers. Les difficultés d'application de la loi étrangère compétente lorsqu'elle comporte des atteintes à l'égalité des hommes et des femmes a conduit la Cour de cassation à s'opposer à l'application en France des lois étrangères qui autorisent la répudiation d'une femme par son mari. La Cour considérait en effet, que la répudiation porte atteinte à l'ordre public international français en ne préservant pas les droits de la défense de la femme et en portant atteinte à l'égalité des droits et responsabilités des époux lors de la dissolution du mariage, reconnue par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° 7, à la Convention européenne des droits de l'homme et que la France s'est engagée à garantir à toute personne relevant, comme en l'espèce, de sa juridiction. (Civ 1, 19 décembre 1995, M F c/ Mme F, pourvoi n° 93-19950).
Cette jurisprudence, protectrice à la fois des femmes françaises mariées au ressortissant d'un Etat autorisant la répudiation et des femmes étrangères nationales d'un tel Etat, vient toutefois d'être remise en cause par un arrêt récent de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation. Revenant sur sa jurisprudence de 1995, la Cour a jugé valide l'institution de la répudiation. Dans un arrêt du 3 juillet 2001, la Cour déclare que la conception française de l'ordre public international ne s'oppose pas à la reconnaissance en France d'un divorce étranger par répudiation unilatérale par le mari dès lors que le choix du tribunal par celui-ci n'a pas été frauduleux, que la répudiation a ouvert une procédure à la faveur de laquelle chaque partie a fait valoir ses prétentions et ses défenses et que le jugement étranger, passé en force de chose jugée et susceptible d'exécution, a garanti des avantages financiers à l'épouse en condamnant le mari à lui payer des dommages-intérêts pour divorce abusif, une pension de retraite légale et une pension alimentaire d'abandon.
Ce revirement jurisprudentiel remet en cause l'effort de plusieurs générations de femmes et de juristes en Occident comme dans le monde musulman lui-même pour éradiquer l'institution discriminatoire de la répudiation. Elle peut avoir de graves effets à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières.
Elle porte atteinte à la condition de nombreuses femmes françaises ayant épousé des ressortissants des Etats où la répudiation par le mari est autorisée, dans tous les cas où par l'effet de l'article 310-1 du code civil, la loi étrangère est compétente pour régler les cas, les conditions et les effets du divorce. Un nombre non négligeable des femmes français expatriées sont aussi susceptibles d'être les victimes de cette nouvelle jurisprudence. Par ailleurs, une évolution notable mérite d'être signalée dans plusieurs pays du Maghreb. Des milliers de manifestantes au Maroc ont revendiqué, très récemment une rénovation du code marocain de statut personnel. La jurisprudence tunisienne récente n'a pas hésité à opposer le principe de l'égalité des sexes à la reconnaissance d'une répudiation prononcée en Egypte (Tribunal 1re instance Tunis, 27 juin 2000, aff. n° 34179).
Cet amendement propose donc afin d'apporter la protection indispensable de la loi, que la loi française soit applicable lorsque la loi étrangère compétente réserve l'initiative du divorce ou de la séparation de corps au seul époux de sexe masculin ou d'une manière générale comporte des dispositions portant atteinte à l'égalité des hommes et des femmes, notamment en matière de pensions, allocations, indemnités, capitaux, prestations ou de garde des enfants.
Le Parlement français manifestera ainsi l'importance qu'il accorde et qu'il souhaite applicable à toutes les Nations du principe d'égalité entre l'homme et la femme, inscrit dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui s'impose donc aux pouvoirs publics français et qui a été consacré par plusieurs conventions internationales.