Mardi 28 mai, le Sénat a adopté la proposition de loi de Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, par 180 voix pour et 136 voix contre (voir le résultat du scrutin public).

La proposition de loi ainsi modifiée est transmise à l'Assemblée nationale.

Pourquoi ce texte ?

La prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre suscite, en France et dans le monde, des prises de position discordantes et évolutives, parce qu'elle n'est pas sans incidence sur leur santé physique et psychique.

La proposition de loi est la traduction législative des préconisations du rapport d’un groupe de travail sur la transidentité des mineurs, mené au sein du groupe Les Républicains, par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio.

La proposition de loi vise à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre.

Pour ce faire, elle interdit aux professionnels de santé de prescrire aux mineurs, dans le cadre de telles prises en charge, des bloqueurs de puberté, ainsi que des traitements hormonaux tendant à développer les caractéristiques sexuelles secondaires du genre auquel le mineur s'identifie. Elle interdit également la réalisation d'opérations chirurgicales de réassignation sexuelle.

En cas de méconnaissance de cette interdiction, le professionnel de santé s’expose à une peine de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Il s'expose également à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer pendant dix ans au plus.

Enfin, la proposition de loi prévoit la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie.

Les apports du Sénat

Le Sénat a souhaité confier le diagnostic et la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre à des centres de référence spécialisés, listés par arrêté, sur le modèle des consultations hospitalières spécialisées existantes

Il a, par ailleurs, supprimé l'interdiction des prescriptions aux mineurs de bloqueurs de puberté, que le texte vise désormais à encadrer.

La prescription initiale de ces traitements aux mineurs serait réservée aux médecins exerçant dans les centres de référence et pourrait être réalisée :

  • après évaluation par l’équipe médicale de l’absence de contre-indication comme de la capacité de discernement du mineur et examen du dossier dans une réunion de concertation pluridisciplinaires (RCP) ;
  • dans le respect d'un délai de deux ans séparant la prescription de la première consultation du patient dans un centre de référence.

Le Sénat a, en revanche, adopté les dispositions visant à interdire la prescription d’hormones croisées et la réalisation de chirurgies de réassignation chez des patients de moins de dix-huit ans. Observant que des cas de "détransition" et de regrets sont désormais documentés, le Sénat a, ainsi, souhaité laisser le temps aux mineurs de réfléchir à l'opportunité de traitements longs, lourds et difficilement réversibles.

Le Sénat a veillé à ce que l’entrée en vigueur de ce nouveau cadre légal n'interrompe pas les traitements engagés.

En outre, il a introduit des dispositions prévoyant un réexamen du texte cinq ans après sa promulgation afin de tenir compte, le cas échéant, de l'avancée des connaissances scientifiques.

Le Sénat a, enfin, souhaité isoler formellement dans le texte les dispositions relatives à la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie. Il a souligné que celles-ci ont vocation à permettre à tous les enfants d’avoir accès à une offre de soins adaptée au plus près de leur lieu de vie, sans viser spécifiquement les mineurs présentant une dysphorie de genre. Le Sénat a renforcé ces dispositions en prévoyant, notamment, l'inclusion dans la stratégie d'un volet relatif à la formation des professionnels de santé et d'un autre relatif à la valorisation des conditions d'exercice de la pédopsychiatrie.

Revoir l'examen en séance publique