II. LE PROGRAMME 183 : LA NÉCESSAIRE RÉVISION DU DISPOSITIF DE L'AIDE MÉDICALE D'ETAT
Placé sous la responsabilité de la direction de la sécurité sociale, le programme « Protection maladie » rassemble les crédits dédiés au financement de l'aide médicale d'État (AME) et à la contribution de l'État au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).
Pour 2017, le projet de loi de finances fixe les crédits de ce programme à 823,2 millions d'euros , contre 754,5 millions en 2015 et 686,4 millions en 2014. Les crédits alloués connaissent ainsi une augmentation très soutenue, qui atteint près de 10 % entre 2015 et 2016 après 13,7 % entre 2014 et 2015.
Cette forte progression résulte intégralement des crédits destinés à l'AME de droit commun, qui représentent près de 95 % des crédits du programme, le montant de la dotation au Fiva étant réduite de 40 % par rapport à son niveau de 2016.
Évolution des crédits des actions du programme 183 entre 2016 et 2017
(en millions d'euros)
LFI 2016 |
PLF 2017 |
Évolution |
|
Action 02 : Aide médicale d'Etat |
739,0 |
815,2 |
+10,3 % |
Action 03 :
Fonds d'indemnisation
|
13,4 |
8,0 |
-40 % |
Total |
754,5 |
823,2 |
+9,4 % |
Source : Projet annuel de performances pour 2017
A. L'AME : UN DISPOSITIF AU DOUBLE ENJEU HUMANITAIRE ET DE SANTÉ PUBLIQUE, QUI NÉCESSITE D'ÊTRE RÉVISÉ
1. Un dispositif qui répond à un double objectif humanitaire et de santé publique
L'AME 4 ( * ) vise à assurer une couverture du risque maladie aux personnes étrangères en situation irrégulière dans un double objectif humanitaire et de santé publique. Elle regroupe trois dispositifs distincts :
•
L'AME de droit commun,
entrée en vigueur le 1
er
janvier 2000
parallèlement à la couverture maladie universelle (CMU), permet
la prise en charge des soins des personnes résidant en France de
façon ininterrompue depuis plus de trois mois et disposant de ressources
inférieures à un plafond identique à celui fixé
pour le bénéfice de la couverture maladie universelle
complémentaire (CMU-C)
5
(
*
)
. Elle est accordée pour la durée d'un an
renouvelable. Financé par l'Etat, le dispositif est
géré par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs
salariés (Cnam) qui avance les frais avant leur prise en charge par
l'Etat.
•
L'AME « soins
urgents »
concerne les étrangers en situation
irrégulière ne justifiant pas de la condition de résidence
nécessaire pour bénéficier de l'AME de droit commun et
nécessitant des soins urgents «
dont l'absence mettrait en
jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération
grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant
à naître
». Sont également
considérés comme urgents les soins destinés à
éviter la propagation d'une pathologie à l'entourage ou à
la collectivité ainsi que les soins liés à la
maternité et à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Les
soins sont assurés par les hôpitaux et réglés aux
établissements de santé par la Cnam à partir d'une
subvention forfaitaire de l'Etat fixée à 40 millions d'euros
depuis plusieurs années.
•
L'AME
« humanitaire »
est quant à elle
accordée au cas par cas, sur décision individuelle du ministre
compétent, à des personnes ne résidant pas sur le
territoire français de façon habituelle (personnes
françaises ou étrangères en situation
régulière). Elle représente environ une centaine
d'admissions pour soins hospitaliers.
L'action n° 02 du programme 183 regroupe par ailleurs des dispositifs connexes tels que les évacuations sanitaires d'étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de La Réunion ou de la métropole et les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.
2. Une dépense sous-budgétisée, qui connaît un fort dynamisme
Les dépenses liées à l'AME de droit commun se caractérisent à la fois par une forte dynamique et par une faible fiabilité des prévisions budgétaires.
a) Un fort dynamisme
Pour 2017, les crédits ouverts au titre de l'AME s'élèvent à 815 millions d'euros contre 739 millions ouverts en loi de finances initiale pour 2016, soit une hausse de 10 % entre les deux exercices. Depuis 2012, les dépenses d'AME ont progressé de 40 %.
La progression tendancielle des effectifs, qui a plus que doublé depuis la création du dispositif, demeure le déterminant essentiel de la dépense. Au 31 décembre 2015, le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun s'élevait à 316 314, dont environ 21 000 en outre-mer, ce qui correspond à une hausse de 7,5 % par rapport à fin 2014 et de plus de 50 % par rapport à fin 2011.
Évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME depuis 2002
Au 31/12 |
Nombre de bénéficiaires |
Variation annuelle |
2002 |
154 015 |
|
2003 |
180 415 |
+17 % |
2004 |
154 971 |
- 14% |
2005 |
189 284 |
+22 % |
2006 |
202 396 |
+7 % |
2007 |
194 615 |
- 4 % |
2008 |
202 503 |
+4 % |
2009 |
215 763 |
+6,5 % |
2010 |
228 036 |
+5,7 % |
2011 |
208 974 |
-8 % |
2012 |
252 437 |
+21 % |
2013 |
282 425 |
+12 % |
2014 |
294 298 |
+4 % |
2015 |
316 314 |
+7,5 % |
Source : Projet annuel de performances pour 2017, page 103
Selon les informations communiquées par le Gouvernement, 41 % des bénéficiaires ont moins de 30 ans. Les hommes représentent 57 % de l'effectif total. Environ 66 % des dépenses d'AME de droit commun résultent de prestations hospitalières. S'agissant des prestations de ville, les honoraires des médecins généralistes et spécialistes représentent 26 % des dépenses et les dépenses de médicaments 43 %.
Depuis toujours, les dépenses exécutées au titre de l'AME restent relativement concentrées sur le territoire. Sur 106 caisses primaires d'assurance maladie (Cpam) ou caisses générales de sécurité sociale, 10 concentrent 65 % de la dépense. La Cpam de Paris représente 23 % de la dépense totale d'AME, les caisses franciliennes 53 % et celle de Cayenne 5 %.
b) Une dépense sous-budgétisée
Les dépenses d'AME font l'objet d'une sous-budgétisation récurrente qui appelle des abondements de crédits en loi de finances rectificative.
De plus, les dotations inscrites dans les lois de finances ne permettant pas de couvrir la totalité des dépenses d'AME, il en résulte une dette de l'État vis-à-vis de la Cnam. Des apurements de dette ont eu lieu en 2007 (920 millions d'euros) et 2009 (280 millions d'euros). Une dette s'est cependant de nouveau constituée dès 2011. Son montant est passé de 6,2 millions à 57,3 millions d'euros fin 2014. La dette cumulée de l'État vis-à-vis de la Cnam au titre des dépenses d'AME représentait 12,5 millions d'euros fin 2015.
En 2016, la dépense d'AME de droit commun atteindrait 770 millions d'euros, soit 74 millions d'euros de plus que les crédits ouverts initialement. Pour 2017, la prévision de dépenses d'AME inscrite dans le projet de loi de finances se décompose comme suit :
- 772,55 millions d'euros au titre de l'AME de droit commun , contre 700 millions en loi de finances initiale pour 2016. Le Gouvernement se fonde sur l'hypothèse d'une évolution des effectifs moyens annuels « consommants de soins », de + 4,9 % par an en 2016 et 2017 et d'une « diminution du coût moyen des dépenses de santé prises en charge prenant en compte les économies réalisées dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2017, qui intègrent notamment les résultats de la lutte contre la fraude et des mesures visant à contenir les dépenses de médicaments » 6 ( * ) .
- 40 millions d'euros pour l'AME « soins urgents » , une dotation forfaitaire d'un montant identique à celui prévu chaque année depuis 2008 ;
- 2,65 millions d'euros pour les autres dépenses d'AME .
S'agissant de l'AME « soins urgents », le projet annuel de performances pour 2017 indique que la participation forfaitaire de l'État n'a couvert que 45 % des dépenses de soins à la charge de la Cnam en 2015, après 38 % en 2014. Les dépenses exécutées se sont en effet élevées à 89,4 millions d'euros en 2015 après 105,2 millions en 2014.
Compte tenu de l'ensemble de ces constats, votre rapporteur est convaincu qu'une révision du dispositif de l'AME est nécessaire, dans le respect des enjeux humanitaires et de santé publique soulevés par la question de la prise en charge de l'ensemble des personnes présentes sur le territoire français.
* 4 Article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.
* 5 721 euros mensuels pour une personne seule au 1 er avril 2016.
* 6 Projet annuel de performances pour 2017, page 104.