Proposition de loi Lutte contre la haine sur internet (PPL)
commission des lois
N°COM-26
6 décembre 2019
(1ère lecture)
(n° 645 )
AMENDEMENT
Adopté |
présenté par
M. FRASSA, rapporteur
ARTICLE 1ER
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Rédiger ainsi cet article :
I. – Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « ou identité sexuelle » sont remplacés par les mots : « sexuelle, de leur identité de genre » et, après la référence : « article 24 », sont insérées les références : « , à l’article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 ».
2° Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'un contenu mentionné au troisième alinéa du présent 7 a fait l’objet d’un retrait, les personnes mentionnées au 2 substituent à celui-ci un message indiquant qu’il a été retiré.
« Les contenus illicites retirés peuvent être conservés pendant une durée maximale d’un an pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, à la seule fin de mettre ces informations à la disposition de l’autorité judiciaire. »
II. – Au dernier alinéa du 7 du I et au 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, la référence : « cinquième » est remplacée par la référence : « antépénultième ».
III. – En conséquence, rédiger ainsi l'intitulé du Chapitre Ier : "Simplification des dispositifs de notification de contenus haineux en ligne"
Objet
L'article 1er de la proposition de loi transmise entend créer un nouveau délit : les hébergeurs ne supprimant pas un contenu "haineux" dans les 24 heures de sa notification encourraient désormais un an de prison et 250000 euros d'amende.
Si l'intention est certes louable et s'il est normal de responsabiliser les grandes plateformes, la rédaction proposée reste encore juridiquement très inaboutie à ce stade:
– Tel qu'il est envisagé, ce dispositif reste déséquilibré et ne manquera pas d'entraîner de nombreux effets pervers : « sur-censure » (blocage de propos pourtant licites par précaution), contournement du juge, délégation de la police de la liberté d'expression en France à des plateformes étrangères.
– L'application concrète de ce nouveau délit n'est pas réglée (problèmes d'imputabilité et preuve de l'intentionnalité), au point que certains représentants du parquet parlent ici de « droit pénal purement expressif ».
– Le délai couperet de 24 heures pose également problème : il interdit de prioriser entre les contenus les plus nocifs qui ont un caractère d'évidence et doivent être retirés encore plus rapidement (terrorisme, pédopornographie) et ceux nécessitant d’être analysés pour en apprécier le caractère « manifestement illicite » (les infractions de presse qui dépendent beaucoup de leur contexte : ironie, provocation...).
En outre, selon la Commission européenne, ce dispositif viole plusieurs principes majeurs du droit européen (libre prestation des services de la société de l'information et responsabilité aménagée des hébergeurs résultant de la directive e-commerce ; liberté d'expression garantie par le Charte des droits fondamentaux) ;
Face au risque de censure, cette nouvelle sanction pénale inapplicable et contraire au droit européen ne peut qu’être supprimée, à ce stade, par le Sénat.
Certaines dispositions intéressantes de l'article 1er méritent cependant d’être conservées et améliorées, en les intégrant au régime général prévu par la LCEN :
– la substitution de messages informatifs aux contenus illicites retirés, et la possibilité de leur conservation pour les enquêtes judiciaires ;
– l’ajout des injures publiques à caractère discriminatoire et du négationnisme aux contenus devant faire l’objet d’un dispositif technique de notification spécifique mis en place par les hébergeurs.