TITRE Ier : Dispositions renforçant la protection des mineurs contre les violences sexuelles
Le rapport sur les orientations de la politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, annexé à la présente loi, est approuvé.
Chapitre Ier : Dispositions relatives à la prescription
I. – L'article 7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706‑47 du présent code, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « dudit code » sont remplacés par les mots : « du code pénal ».
II. – Le premier alinéa de l'article 9‑1 du code de procédure pénale est supprimé.
III (nouveau). – L'article 434‑3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l'action publique court à compter du jour où tous les éléments constitutifs de l'infraction réprimée par le présent article ont cessé. »
L'article 706‑48 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une telle expertise peut également être ordonnée pour apprécier l'existence d'un obstacle de fait insurmontable rendant impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, en application de l'article 9‑3 du code de procédure pénale. »
Chapitre II : Dispositions relatives à la répression des infractions sexuelles sur les mineurs
I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 222‑22‑1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) La seconde phrase est ainsi rédigée : « La contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits, de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime ou encore de ce que la victime mineure était âgée de moins de 15 ans et ne disposait pas de la maturité sexuelle suffisante. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l'article 222‑22 peuvent être caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire. » ;
2° L'article 222‑23 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « autrui », sont insérés les mots : « ou sur la personne de l'auteur » ;
b) (nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La contrainte est présumée lorsque l'acte de pénétration sexuelle est commis par un majeur sur la personne d'un mineur incapable de discernement ou lorsqu'il existe une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur des faits. » ;
5° Le paragraphe 3 de la section 3 est ainsi modifié :
a) À la fin de l'intitulé, les mots : « commis sur les mineurs » sont supprimés ;
b) L'article 222‑31‑1 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, les mots : « sur la personne d'un mineur » sont supprimés ;
– au 3°, les mots : « le mineur » sont remplacés par les mots : « la victime ».
I bis. – L'article 227‑25 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 227‑25. – Hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle, le fait, par un majeur, d'exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. »
II et II bis. – (Supprimés)
III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L'article 351 est ainsi rédigé :
« Art. 351. – S'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président pose une ou plusieurs questions subsidiaires.
« Lorsque l'accusé majeur est mis en accusation du chef de viol aggravé par la minorité de quinze ans de la victime, le président pose la question subsidiaire de la qualification d'atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans si l'existence de violences ou d'une contrainte, menace ou surprise a été contestée au cours des débats. » ;
2° (nouveau) Après l'article 351, il est inséré un article 351‑1 ainsi rédigé :
« Art. 351‑1. – Le président ne peut poser une ou plusieurs questions prévues aux articles 350 ou 351 que s'il en a préalablement informé les parties au cours des débats et au plus tard avant le réquisitoire, afin de permettre à l'accusé et à son avocat de faire valoir toutes les observations utiles à sa défense. »
(Non modifié)
Le k de l'article L. 114‑3 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« k) Des actions de sensibilisation, de prévention et de formation concernant les violences, notamment sexuelles, à destination des professionnels et des personnes en situation de handicap. »
(Non modifié)
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 223‑6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans. » ;
2° Après le premier alinéa de l'article 434‑3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le défaut d'information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. »
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l'article 706‑53‑7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « maires », sont insérés les mots : « , les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale » ;
2° Le mot : « général » est remplacé par le mot : « départemental ».
TITRE II : Dispositions relatives aux dÉlits de harcÈlement sexuel et de harcÈlement moral
I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Le I de l'article 222‑33 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« L'infraction est également constituée :
« 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
« 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. » ;
1° bis Le III du même article 222‑33 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique. » ;
2° Après le premier alinéa de l'article 222‑33‑2‑2, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L'infraction est également constituée :
« a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
« b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. » ;
3° Le 4° du même article 222‑33‑2‑2 est complété par les mots : « , ou par le biais d'un support numérique ou électronique » ;
4° Aux deuxième et dernier alinéas dudit article 222‑33‑2‑2, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier à quatrième alinéas ».
II (nouveau). – Au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, les mots : « faites aux femmes » sont remplacés par les mots : « sexuelles et sexistes » et, après le mot : « articles », est insérée la référence : « 222‑33 ».
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article 132‑80 est complété par les mots : « , y compris lorsqu'ils ne cohabitent pas » ;
2° Le chapitre II du titre II du livre II est ainsi modifié :
a) Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :
– l'avant-dernier alinéa de l'article 222‑8 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« La peine encourue est portée à trente ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction définie à l'article 222‑7 est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu'un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– l'avant-dernier alinéa de l'article 222‑10 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« La peine encourue est portée à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction définie à l'article 222‑9 est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu'un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– après le 15° de l'article 222‑12, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines encourues sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsque l'infraction définie à l'article 222‑11 est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu'un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 222‑12 est supprimée ;
– au dernier alinéa de l'article 222‑12, les mots : « prévues par le précédent alinéa » sont remplacés par les mots : « prévues par le présent article lorsqu'elles sont punies de dix ans d'emprisonnement » ;
– après le 15° de l'article 222‑13, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende lorsque l'infraction définie au premier alinéa est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu'un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– la première phrase du dernier alinéa de l'article 222‑13 est supprimée ;
b) La section 3 est ainsi modifiée :
– l'article 222‑24 est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Lorsqu'un mineur de quinze ans était présent au moment des faits et y a assisté. » ;
– l'article 222‑28 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Lorsqu'un mineur de quinze ans était présent au moment des faits et y a assisté. » ;
– le III de l'article 222‑33 est complété par des 6° et 7° ainsi rédigés :
« 6° Alors qu'un mineur de quinze ans était présent et y a assisté ;
« 7° Par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. » ;
c) La section 3 bis est ainsi modifiée :
– le premier alinéa de l'article 222‑33‑2‑1 est complété par les mots : « ou ont été commis alors qu'un mineur de quinze ans était présent et y a assisté » ;
– après le 4° de l'article 222‑33‑2‑2, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Lorsqu'un mineur de quinze ans était présent et y a assisté. » ;
– à la fin du dernier alinéa du même article 222‑33‑2‑2, la référence : « 4° » est remplacée par la référence : « 5° ».
TITRE III : Dispositions rÉprimant l'outrage sexiste
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après la section 1 ter du chapitre V du titre II du livre II, est insérée une section 1 quater ainsi rédigée :
« Section 1 quater
« De l'outrage sexiste
« Art. 225‑4‑11. – Le fait d'imposer à une personne, dans l'espace public, tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou lié au sexe d'une personne qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, est puni de 3 750 € d'amende.
« Dans les conditions prévues à l'article 495‑17 du code de procédure pénale, l'action publique peut être éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 135 €. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 90 € et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 375 €.
« L'outrage sexiste est puni de 7 500 € d'amende lorsqu'il est commis :
« 1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
« 2° Sur un mineur de quinze ans ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
« 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
« 7° (nouveau) En raison de l'orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime. »
2° (nouveau) Le 5° de l'article 131‑3 est ainsi rédigé :
« 5° Les peines de stage ; »
3° (nouveau) L'article 131‑5‑1 est ainsi rédigé :
« Art. 131‑5‑1. – Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement ou lorsqu'une disposition législative le prévoit, la juridiction peut, à la place ou en même temps que l'emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir, pendant une durée ne pouvant excéder un mois, un ou plusieurs stages dont elle précise la nature eu égard à la nature du délit et aux circonstances dans lesquelles il a été commis.
« Sauf décision contraire de la juridiction, le stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3e classe, est effectué aux frais du condamné.
« Le stage est exécuté dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive, sauf impossibilité résultant du comportement ou de la situation du condamné. » ;
4° (nouveau) Au premier alinéa de l'article 131‑8, après les mots : « peine d'emprisonnement », sont insérés les mots : « ou lorsqu'une disposition législative le prévoit » ;
5° (nouveau) L'article 225‑19 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la référence : « sections 1 », est insérée la référence : «, 1 quater » ;
b) Au 6°, les mots : « de citoyenneté » sont supprimés ;
c) Il est ajouté un 8° ainsi rédigé :
« 8° Une peine de travail d'intérêt général. »
II. – (Supprimé)
III. – La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
2° Le 13° de l'article 41‑2 est ainsi rédigé :
« 13° Accomplir, le cas échéant à ses frais, une peine de stage ; ».
IV et V. – (Supprimés)
L'article 1676 du code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est supprimé ;
2° (nouveau) Au troisième alinéa, le mot : « aussi » est supprimé.
Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport sur la politique publique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes les enfants, les femmes et les hommes. Cette annexe générale :
1. Récapitule, par ministère et pour le dernier exercice connu, l'ensemble des crédits affectés à cette politique publique ;
2. Évalue, au regard des crédits affectés, la pertinence des dispositifs de prévention et de répression de ces violences ;
3. Comporte une présentation stratégique assortie d'objectifs et d'indicateurs de performance, une présentation des actions ainsi que des dépenses et des emplois, avec une justification au premier euro. Elle comporte, pour chaque objectif et indicateur, une analyse entre les résultats attendus et obtenus ainsi qu'une analyse des coûts associés.
TITRE IV : Dispositions relatives À l'outre-mer
I. – Le premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° du d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
II. – L'article 711‑1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711‑1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° du d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
La loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes s'inscrit dans le cadre de l'article 34 de la Constitution, selon lequel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État ».
La lutte contre les violences sexuelles appelle une stratégie globale reposant sur quatre piliers : prévenir les violences sexuelles ; favoriser l'expression et la prise en compte de la parole des victimes le plus tôt possible ; améliorer la répression pénale des infractions sexuelles ; disjoindre la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles du procès pénal.
Davantage que des évolutions législatives, la mise en œuvre de cette politique implique une revalorisation notable et durable des crédits et des effectifs qui lui sont alloués.
I. – PRÉVENIR LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES
A. – Mieux évaluer et connaître le nombre d'infractions sexuelles commises
Comme le souligne le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants (2017‑2019) : « La persistance des violences s'explique notamment du fait de leur invisibilité. Ce déni collectif face aux violences faites aux enfants est renforcé par l'absence de données statistiques ».
D'où la nécessité d'améliorer le recensement des violences sexuelles subies par les mineurs, notamment les plus fragiles, afin de les rendre visibles et de lever un tabou.
Des enquêtes de victimation régulière permettront d'estimer la prévalence et l'incidence des violences sexuelles infligées aux mineurs, d'évaluer les faits ne faisant pas l'objet d'une plainte et d'identifier les facteurs déterminants d'un dépôt de plainte. Des enquêtes de victimation spécifiques aux personnes handicapées seront également conduites, prenant en compte leur vulnérabilité et leur risque élevé d'exposition à ces violences.
Les recherches scientifiques sur les psycho-traumatismes et les mécanismes mémoriels consécutifs à un fait traumatique doivent être encouragées : à cette fin, les connaissances scientifiques doivent être largement diffusées afin de favoriser un consensus médical facilitant leur prise en compte.
L'observatoire national de la protection de l'enfance et le réseau des observatoires départementaux jouent également un rôle essentiel pour mieux connaître ces phénomènes trop souvent abordés à partir des seules statistiques judiciaires.
B. – Mener une politique de sensibilisation tous azimuts
La prévention des violences sexuelles et sexistes impose une politique ambitieuse de sensibilisation de toute la société.
Les parents, tout d'abord, doivent prendre conscience des comportements qu'il convient d'éviter à l'égard de leurs enfants. Cette sensibilisation à la parentalité débutera dès la naissance des enfants, par une information dispensée dans les maternités.
Les enfants, ensuite, doivent recevoir une véritable éducation à la sexualité. Il convient de garantir les moyens d'assurer cette obligation légale d'enseignement sur tout le territoire.
Une politique active doit par ailleurs être menée en direction des hébergeurs de contenus pornographiques sur internet. L'accès précoce des enfants à la pornographie engendre en effet des conséquences désastreuses sur leurs représentations de la sexualité, et notamment du consentement. Des dispositions répressives ont été instituées depuis 1998. Il convient de dédier une unité de police spécialisée dans la lutte contre la cybercriminalité au relevé des infractions commises par les hébergeurs afin de poursuivre ces derniers.
II. – FAVORISER L'EXPRESSION ET LA PRISE EN COMPTE DE LA PAROLE DES VICTIMES LE PLUS TÔT POSSIBLE
A. – Lutter contre le faible taux de signalement à la justice des agressions sexuelles
Les obstacles à la révélation à la justice des agressions sexuelles doivent être identifiés et levés.
Il importe de mettre les victimes, et en premier lieu les enfants, en capacité de prendre conscience de leurs droits, de l'anormalité des violences sexuelles qu'ils peuvent subir et de l'existence d'interdits, comme l'inceste, qui ne doivent pas être transgressés. À cet effet, des réunions d'information et de sensibilisation seront organisées dans les établissements scolaires par des professionnels : associations, policiers ou gendarmes, personnels de santé…
Les adultes, qu'il s'agisse des parents et des proches des enfants ou des professionnels à leur contact, doivent être informés et sensibilisés pour qu'ils assument l'obligation légale de signalement des violences sexuelles commises à l'encontre des mineurs et qu'ils apprennent à mieux les repérer.
Des outils formalisés permettant l'identification de situations de maltraitance et des protocoles de réponses seront mis en place pour aider les professionnels au contact des mineurs. Conformément au plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants (2017‑2019), un référent hospitalier sur les violences faites aux enfants sera nommé dans chaque établissement de santé.
Des temps et des espaces de parole sanctuarisés seront instaurés à l'école, auprès des professionnels de santé et à certaines étapes de la vie d'un enfant, pour faciliter le signalement d'évènements intrafamiliaux.
Les conseils départementaux ont un rôle essentiel à jouer, au titre de leur compétence en matière de protection de l'enfance, que la loi n° 2007‑293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a conforté.
La libération de la parole des mineurs sera accompagnée d'une meilleure utilisation des outils nationaux d'écoute et d'aides aux victimes, qui devront faire l'objet d'une stratégie nationale concertée de communication.
Ces campagnes nationales de communication s'appuieront sur une plate-forme numérique de référence pour les violences sexuelles, afin d'informer les victimes sur les modalités simplifiées de dépôt de plainte et les différents lieux de signalement possibles.
B. – Faciliter le dépôt de plainte et accompagner les victimes en amont de leurs démarches judiciaires
Par la diffusion de consignes claires à l'ensemble des enquêteurs, le droit de voir sa plainte enregistrée sera garanti à chaque victime.
De même, des structures adaptées au recueil de la parole des mineurs, comme par exemple les salles « Mélanie », seront développées afin de permettre à chaque victime de voir sa parole recueillie dans les meilleures conditions.
Les moyens dédiés à la formation des enquêteurs pour l'accueil et l'écoute des plaignants seront augmentés.
La présence de psychologues et d'assistantes sociales sera généralisée dans les unités de police ou de gendarmerie.
III. – AMÉLIORER LA RÉPRESSION PÉNALE DES INFRACTIONS SEXUELLES COMMISES À L'ENCONTRE DES MINEURS
A. – Mieux traiter les affaires de violences sexuelles commises à l'encontre des mineurs
Afin de réduire les délais des enquêtes et de traiter le flux considérable de contenus pédopornographiques, les moyens et les effectifs de la police judiciaire et scientifique seront renforcés.
Les moyens des juridictions seront eux aussi renforcés pour :
– lutter contre les délais excessifs de traitement par la justice des infractions sexuelles ;
– éviter la requalification en agression sexuelle ou en atteinte sexuelle d'un crime de viol en raison du seul encombrement des cours d'assises ;
– faciliter l'audiencement des infractions sexuelles en matière correctionnelle, éviter le recours à des procédures simplifiées, voire expéditives, de jugement de certaines infractions et prohiber tout recours aux jugements en comparution immédiate ;
– tirer les conséquences de l'allongement des délais de prescription de l'action publique ;
– mettre en place des matériels adaptés, tels que la visio-conférence pour l'organisation des confrontations, afin de réduire les risques de traumatisme supplémentaires pour les victimes ;
– augmenter les budgets consacrés aux frais de justice afin de pouvoir faire appel à des experts, notamment psychiatres, et régler leurs honoraires dans des délais corrects.
B. – Mieux accompagner les victimes de violences sexuelles
Les moyens des bureaux d'aide aux victimes seront renforcés pour accompagner chaque victime d'infractions sexuelles par une association d'aide aux victimes, dès le dépôt de plainte.
Un accès des victimes aux unités médico-judiciaires et aux unités d'accueil pédiatriques médico-judiciaires des établissements de santé sera garanti sur l'ensemble du territoire.
Parce que tout médecin est susceptible d'examiner une victime d'infractions sexuelles, la formation en médecine légale des étudiants en médecine sera renforcée.
C. – Adapter l'organisation et le fonctionnement de la justice judiciaire
La formation de l'ensemble des professionnels du droit susceptibles d'être au contact des victimes d'infractions sexuelles, qu'il s'agisse des magistrats ou des avocats, sera renforcée.
Les spécialisations des magistrats seront encouragées, tout comme l'identification de pôles d'instruction spécialisés. Dans les juridictions les plus importantes, une chambre spécialisée sera créée pour traiter ce contentieux.
Des moyens seront mobilisés pour notifier en personne, par exemple par un délégué du procureur ou une association d'aide aux victimes, chaque décision de classement sans suite intervenant à la suite d'une plainte pour violence sexuelle.
IV. – DISJOINDRE LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES D'INFRACTIONS SEXUELLES DU PROCÈS PÉNAL
A. – Offrir une alternative au procès pénal
La reconstruction des victimes est trop souvent associée à la seule réponse pénale, jusqu'à en devenir une injonction pour elles. Il est nécessaire de disjoindre le temps du procès pénal du temps de la plainte.
Le dépérissement des preuves, l'absence d'identification de l'auteur ou son décès empêchent objectivement de nombreuses victimes d'obtenir un procès pénal.
En conséquence, le procès pénal ne doit pas être présenté aux victimes comme la solution incontournable permettant une reconstruction, ni par les enquêteurs, ni par les professionnels de santé.
Afin de proposer aux victimes d'autres prises en charge que celles ancrées dans une procédure judiciaire, il convient en premier lieu de désacraliser le recours au procès pénal dans les discours de politique publique et de présenter de manière transparente aux victimes les finalités et les modalités d'une procédure judiciaire.
Le temps du procès pénal doit être distingué du temps de la plainte. Les victimes doivent toujours être entendues et reçues par les services enquêteurs même en cas de prescription de l'action publique. Chaque violence dénoncée par une victime doit faire l'objet d'une plainte et d'une enquête, même si les faits apparaissent prescrits. En effet, l'enquête préalable est nécessaire pour constater ou non la prescription et peut permettre d'identifier des infractions connexes qui ne seraient pas prescrites.
Dans le ressort de certains tribunaux de grande instance, même en cas de faits largement et évidemment prescrits, les victimes de viols commis pendant leur enfance peuvent, avec l'autorisation du parquet, venir témoigner dans un lieu spécialisé, dans le même cadre d'écoute, d'attention et d'enquête que les victimes de faits plus récents. Les personnes mises en cause sont alors invitées à répondre aux questions des enquêteurs dans le cadre d'une audition libre, voire à participer à des confrontations lorsque les victimes en expriment le besoin. Cette pratique répond à un double objectif, thérapeutique pour aider les victimes à se reconstruire, et opérationnel pour identifier, le cas échéant, un auteur potentiellement toujours « actif ». Ce protocole de prise en charge des victimes pour des faits prescrits sera généralisé sur l'ensemble du territoire, dans tous les services spécialisés de police judiciaire.
B. – Accompagner le processus de reconstruction des victimes d'infractions sexuelles
La justice pénale ne peut plus être l'unique recours des victimes. D'autres voies que le procès pénal, permettant la reconnaissance et la reconstruction des victimes, doivent être développées. Il convient ainsi d'encourager le recours à la justice restaurative et de faciliter la réparation des préjudices subis.
Les victimes doivent, d'une part, être informées de l'existence des mesures de justice restaurative prévues à l'article 10‑1 du code de procédure pénale, par exemple une médiation, afin de pouvoir y recourir si elles le souhaitent, d'autre part, se les voir systématiquement proposées lorsque les faits sont prescrits ou lorsque les preuves de la culpabilité de l'auteur manquent.
Les victimes doivent en outre être informées de la possibilité d'obtenir une réparation civile des dommages subis, y compris lorsque les faits sont prescrits sur le plan pénal. À cet effet, il convient de sensibiliser les associations et les professionnels de santé chargés de leur accompagnement.
Une réflexion doit être menée sur le champ d'application de l'article 9‑2 de la loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui accorde actuellement le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux victimes de viols, sans condition de ressources, afin de l'étendre à d'autres infractions sexuelles.
Des parcours de soins et de prise en charge cohérents doivent être mis en place pour les victimes de violences sexuelles, et en particulier pour les mineurs. Conformément aux engagements du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, la Haute autorité de santé publiera un protocole national de prise en charge ainsi qu'une cartographie de l'offre de prise en charge spécialisée des victimes de violences sexuelles. Les connaissances scientifiques en matière de traitement des psychotraumatismes doivent être plus largement diffusées auprès des professionnels de santé.
Il est enfin nécessaire de concrétiser la création du centre national de ressources et de résilience qui permettrait de briser le tabou des douleurs invisibles et de structurer une offre institutionnelle de parcours de résilience pour les victimes d'infractions sexuelles.