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commission des lois

Proposition de loi

Sortir la France du piège du narcotrafic

(1ère lecture)

(n° 735 rect. (2023-2024) )

N° COM-88

20 janvier 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme Muriel JOURDA et M. DURAIN, rapporteurs


ARTICLE 24


Rédiger ainsi cet article :

I.- Après le titre II du livre II du code de la sécurité intérieure, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

« Titre II bis

« Lutte contre les troubles générés par le trafic de stupéfiants

« Art. L. 22-11-1 .- Afin de faire cesser les troubles à l’ordre public résultant de l’occupation liée à des activités de trafics de stupéfiants, en réunion et de manière récurrente, d’une portion de la voie publique, d’un équipement collectif ou des parties communes d’un immeuble à usage d’habitation, le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police peut prononcer une interdiction de paraître dans les lieux concernés à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle participe à cette occupation ou à ces activités.

« L’interdiction, qui ne peut être prononcée que pour une durée maximale d’un mois, tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. En particulier, le périmètre géographique de la mesure ne peut comprendre son domicile principal.

« Art. 22-11-2.- Le non-respect d’un arrêté pris sur le fondement de l’article L. 22-11-1 du présent code est puni d’une peine de deux mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende ».

II.- Le chapitre Ier du titre Ier loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :

1° À la première phrase du g de de l’article 4, après le mot : « voisinage », sont insérés les mots : « ou aux abords du logement » ;

2° Après le b de l’article 7, il est inséré un b bis ainsi rédigé :

« b bis) De s’abstenir de tout comportement ou de toute activité, qui, aux abords du logement, aurait pour effet de porter atteinte aux droits et libertés des autres occupants de l’immeuble et des immeubles environnants, à la jouissance paisible de leur logement et de son environnement, ou aux intérêts du bailleur ; »

III. - Le chapitre II du titre IV du livre IV du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° À l’article L. 442-4-1, les mots « de l'obligation prévue au troisième alinéa (b) » sont remplacés par les mots : « des obligations prévues aux b) et b) bis » ;

2° Après l’article L. 442-4-2, il est inséré un article L. 442-4-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-4-3 – Lorsqu’il constate que les agissements ou les activités de l’occupant habituel d’un logement troublent l’ordre public de manière grave ou répétée, et que ces agissements ou ces activités méconnaissent les obligations définies aux b) et b) bis de l’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le préfet peut enjoindre au bailleur de mettre en œuvre la procédure définie aux articles L. 442-4-1 et L. 442-4-2 du présent code. L’injonction mentionne les éléments de fait qui justifient la mise en œuvre de la procédure susmentionnée.

« Le bailleur fait connaître au préfet la suite qu’il entend réserver à l’injonction dans un délai de quinze jours.  En cas de refus du bailleur, d’absence de réponse dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours ou lorsque, ayant accepté le principe de l’expulsion, le bailleur n’a pas saisi le juge à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de sa réponse, le préfet peut se substituer à lui et saisir le juge dans les conditions mentionnées à l’article L. 442-4-2. »

Objet

Le présent amendement vise à garantir l’opérationnalité et la robustesse juridique des deux dispositifs figurant à l’article 24 : la possibilité pour le préfet de prononcer une interdiction de paraître sur les points de deals à l’encontre des têtes de réseaux ainsi que la possibilité pour le représentant de l’État d’imposer le relogement d’un trafiquant et de le mettre en demeure de quitter son domicile lorsque celui-ci est situé dans la zone d’interdiction de paraitre ou lorsqu’il est utilisé pour faciliter le trafic.

S’agissant de l’interdiction de paraître, le dispositif est premièrement étendu à toute personne et non aux seules têtes de réseaux qui, en tout état de cause, ne se rendent quasiment jamais sur les lieux des trafics qu’ils organisent. Deuxièmement, l’inapplicabilité du dispositif aux mineurs est supprimée. Celle-ci serait en effet probablement contreproductive en ce qu’elle inciterait les trafiquants à privilégier encore davantage qu’actuellement le recrutement de mineurs pour exercer leurs activités illicites sur des points de deal. Il s’agit donc d’une mesure de protection. Troisièmement, il est prévu que le représentant de l’État « tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée » pour apprécier de l’opportunité de la mesure. Conformément à la jurisprudence constitutionnelle sur le sujet, il est expressément mentionné que le périmètre géographique de l’interdiction ne peut comprendre le domicile principal de l’intéressé (Conseil constitutionnel, décision n° 2021-822 DC du 30 juillet 2021).

S’agissant de l’expulsion locative, le dispositif actuel est juridiquement fragile du fait de l’absence d’intervention de l’autorité judiciaire. Pour lever cet obstacle, il est proposé de s’appuyer sur le dispositif préexistant dans la loi du 6 juillet 1989. Concrètement, il s’agirait d’étendre le périmètre des clauses d’occupation paisible qui figurent obligatoirement dans les baux mais qui, en l’état, ne s’appliquent qu’aux comportements commis à l’intérieur du logement ou dans les parties communes. La modification de cette base légale permettrait de fonder juridiquement des décisions d’expulsion en application de l’article L. 442-4-2 du code de la construction et de l’habitation. Afin de protéger les bailleurs d’éventuelles représailles, il est par ailleurs prévu que le préfet puisse se substituer à ces derniers pour saisir le juge.