commission des lois |
Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic (1ère lecture) (n° 735 rect. (2023-2024) ) |
N° COM-41 20 janvier 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. BOURGI, Mmes de LA GONTRIE, NARASSIGUIN, HARRIBEY et LINKENHELD et MM. CHAILLOU, KERROUCHE et ROIRON ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 9 |
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 450-1 du code pénal, il est inséré un article 450-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 450-1-1. - Une association constitue un groupe criminel organisé lorsqu’elle comprend au moins trois personnes qui, dans le cadre d’une organisation pérenne, usant du pouvoir d’intimidation du lien associatif et de la loi du silence qui en dérive, s’associent en vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative de liberté d’au moins cinq ans d’emprisonnement, se concertent pour contrôler, directement ou indirectement, des marchés publics, des entreprises privées, corrompre ou intimider des personnes investies d’un mandat électif public ou privé ou les candidats à des élections, des agents de la fonction publique ou toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, faire obstacle au libre exercice du vote, ou se procurer des votes à eux-mêmes ou d’en procurer à autrui, afin de détourner le résultat des consultations électorales.
« La personne qui a contribué, en connaissance de cause, à un groupement criminel organisé, y compris par une assistance ou une aide matérielle, est considérée comme ayant participé à ce groupe criminel organisé.
« Lorsque les infractions préparées sont des crimes, la participation au groupe criminel organisé est punie de 15 ans de réclusion criminelle et de 225 000 euros d’amende. »
Objet
L'objet de cet amendement est de créer un article 450-1 bis pour faire face à l'évolution de la criminalité organisée et à la présence indéniable de mafias sur le territoire français. On ne peut lutter efficacement contre elles si la loi ne prend pas en compte leur méthode, l'usage du pouvoir d'intimidation, fondé sur le capital criminel accumulé, afin de pénétrer l'économie légale et corrompre les personnes en charge d'une mission de service public.
Les groupes criminels organisés, les mafias, se différencient des simples associations de malfaiteurs, par leur volonté de devenir un pouvoir occulte, un pouvoir parallèle à celui des instances que la société s'est donnée pour se gouverner. C’est la capacité de poursuivre des buts licites, comme le contrôle de marchés publics, en toute impunité, sans violence apparente, grâce à leur pouvoir d'intimidation qui rend difficile la lutte contre ce type singulier de criminalité.
L'absence d'une législation adaptée à la criminalité organisée, aux mafias qui étendent de plus en plus leur emprise en Europe et dans le monde, est un problème resté, à ce jour, sans solution.
Dans le cadre d'un rapport d'information, en date du 23 juin 1993, sur la mise en place et le fonctionnement de la convention de Schengen du 14 juin 1985, le Sénat constatait : « De récentes enquêtes criminelles ont montré que la mafia et la camorra italiennes trouvent en France des facilités de refuge et d'investissement, car il n'existe pas en droit français de délit d'association mafieuse. »
Par arrêté, en date du 23/12/1992, avait été créée l'Unité de Coordination et de Recherches Anti-Mafias (UCRAM). La France reconnaissait donc officiellement l'existence de mafias sur son territoire et la nécessité urgente de lutter contre elles par le renforcement de la législation.
La convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à Palerme le 15 décembre 2000, invitait les États à se mobiliser contre le crime organisé mais n'en proposait pas de définition juridique. Seuls certains termes de base étaient rappelés pour permettre aux États d'intégrer dans leur législation ce qui peut permettre d'identifier un groupe criminel organisé. Malheureusement, le terme « mafia » n’apparaît plus.
La décision-cadre européenne du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée demande aux États-membres de l'Union Européenne de prendre les mesures nécessaires pour punir la participation à une organisation criminelle c'est-à-dire : "une association structurée dans le temps, de plus de deux personnes agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins quatre ans ou d'une peine plus grave, pour en tirer directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel."
Le rapport d'enquête sénatorial sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier recommande, « d'étendre l'infraction d'association de malfaiteurs sur le modèle de la loi anti-mafia italienne et de créer un crime d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un des crimes relevant de l'article 706-73 du code de procédure pénale ».
L'article 9 de la proposition de loi ne définit pas ce qui caractérise la méthode mafieuse c’est à dire le recours systémique au pouvoir d'intimidation fondé sur son « capital criminel » et ce qui en dérive, la loi du silence et la pénétration de plus en plus accélérée de ces groupes criminels dans l'économie légale.
L'objet de cet amendement est de prendre en compte cette méthode et ses conséquences et de poursuivre aussi les personnes qui y ont apporté un concours externe en connaissance de cause.
Cet amendement ne crée pas de charge supplémentaire pour l'État. Il permet, au contraire, de mieux cibler cette criminalité, de l'empêcher de pénétrer l'économie légale et de corrompre les personnes investies d'une mission de service public ou des chefs d'entreprise.
Cet amendement a été travaillé avec le Collectif Anti-Mafia Massimu Susini.