Logo : Sénat français

SIMP

Projet de loi

Simplification de la vie économique

(1ère lecture)

(n° 550 )

N° COM-154

24 mai 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mme PONCET MONGE, MM. DOSSUS, Grégory BLANC, DANTEC, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, M. JADOT, Mme de MARCO, M. MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL


ARTICLE 19


I. - Alinéa 1 à 11

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéas 15 à 22

Supprimer ces alinéas.

Objet

L'article 19 du présent projet de loi vise à accélérer les procédures d'attribution et de refus des permis exclusifs de recherche (PER) des mines en modifiant une disposition qui, n'étant même pas en vigueur, devait s'appliquer en juillet 2024 suites aux ordonnances prises après la loi Climat et Résilience en 2021.

Selon les rapports remis au Président de la République sur les ordonnances du 13 avril et du 10 novembre transposant les 20 et 21 de la loi Climat et résilience, les mesures visaient à ce que « l'activité physique d'exploration ou d'exploitation, soient soumis à l'ensemble des dispositions du droit de l'environnement français et européen, notamment en matière de participation du public », à « transformer les fondements juridiques et les objectifs du modèle minier français, à améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux liés aux activités minières à tous les stades, à rénover la participation du public et des collectivités territoriales, moderniser le droit minier national et à clarifier certaines de ses dispositions. ».

Deux ans à peine après l’édiction de ces ordonnances et sans même que leurs dispositions soient toutes en application, le présent projet de loi revient sur ces dispositions en supprimant du Code Minier :  les avis environnementaux et sociaux émis en réponse au mémoire produit par le demandeur du titre minier et du PER, les réponses du demandeur à ces avis, la transmission de cet avis aux collectivités, les avis des collectivités et leur publicisation et l'obligation de mettre à disposition du public les dossiers de demande pendant la consultation publique et supprime enfin les autorisations préalables délivrés par l’ONF se pliant ainsi aux demandes de la fédération des opérateurs miniers de Guyane en 2023.

Ces nombreuses dispositions supprimées portent une atteinte grave aux objectifs de protection de l’environnement que se donne pourtant la France, le gouvernement supprimant tout parallélisme avec le Code de l’Environnement sans justification, au profit d’une prolongation des PER alors même que l’on connait les conséquences dévastatrices de l’industrie minière sur l’environnement.

À l’échelle mondiale, le Global Resources Outlook (perspectives des ressources mondiales) 2019 de l’ONU estime que les activités d’extraction sont notamment responsables de 53 % des émissions de carbone dans le monde et de 20 % des effets de la pollution atmosphérique sur la santé.

Selon un rapport de SystExt, l’exploitation d’une mine d’or correspond à la consommation annuelle d’électricité et d’énergies fossiles de 31 000 foyers français et 3 000 voitures particulières pendant un an. Pire « les rejets annuels de gaz à effet de serre correspondraient à la quantité de CO2 émise par 190 000 voitures particulières françaises pendant un an ». S’y ajoutent de nombreux dommages écologiques, car une mine nécessite des routes, des moyens de transports lourds et parfois des usines de raffinage en sus. Même les Permis de recherche, bien que ne déforestant et n’abimant qu’une faible surface sont hautement néfastes. Ainsi une étude publiée en 2022 dans la revue Nature portant sur 74 sites naturels dans le bassin du fleuve Maroni démontre que même une déforestation faible génère un impact significatif sur la biodiversité à plusieurs dizaines de kilomètres. Ainsi les chercheurs ont montré que la biodiversité aquatique baissait (moins 25% des espèces de poissons), que la biodiversité terrestre s’effondrait (moins 41% des espèces) même lorsque la déforestation ne concernait “que” 11% du couvert végétal situé en amont des sites étudiés. Pourtant entre 2013 et 2020, les autorités ont délivrés 36 permis exclusifs de recherche, dont vingt en Guyane, lesquels s’étalent sur environ 2000 kilomètres carrés en 2019.

La prédation minière en Guyane concernant l’or, mais aussi le coltan ou encore le lithium, menace l’un des couverts forestiers les plus riches du monde, pour des retombées sociales souvent nuls, car, comme l’avait démontré le cabinet Deloitte en 2018 à propos des mines d’or, « Le secteur aurifère a les effets d’entraînement les plus faibles, il génère une augmentation de valeur ajoutée et d’emplois quatre fois inférieure à celle du secteur de la construction. ». A contrario, le WWF avait identifié six autres filières durables en Guyane qui pourraient aboutir à la création de 18 000 à 20 000 emplois au total sur dix ans comme le développement de l'agroforesterie, des énergies renouvelables ou du tourisme durable. Cette prédation minière menace une forêt primaire qui constitue un puits de carbone de plusieurs milliards de tonnes et un refuge pour 300 espèces d’arbres, 100 000 espèces d’insectes, et selon la DGTM Guyane « 217 espèces de mammifères, 301 espèces de reptiles et d'amphibiens, 691 espèces d'oiseaux et 500 espèces de poissons d'eaux douces et saumâtres, soit autant d'espèces de vertébrés que l'Europe entière pourtant 45 fois plus grande. ».

Ainsi, tous ces projets miniers, pour le lithium ou le coltan, au nom de la transition écologique, sont un non-sens car les surfaces boisées de Guyane, en raison de leur forte densité de biomasse, absorbent 50% de carbone de plus que les autres types de forêts. Lorsqu’elles sont détruites, elles relâchent le carbone absorbé, ce qui participe au dérèglement climatique. Les projets aurifères sont bien pires car contrairement à ce que déclarent les exploitants, les mines ne protègent pas contre le développement de l’orpaillage illégal. De fait, selon une étude du WWF, « sur la période de 2013 à 2022, il apparaît que 50% des sites miniers illégaux se situent en moyenne à moins de 4 km d’une mine officielle et 25% à moins de 2km, en moyenne ».

En plus des conséquences écologiques, le sud de la Guyane héberge aussi des populations autochtones, les Wayana, les Wayampi, les Lokono, les Teko, les Pahikweneh et les Ka’lina, qui préservent les espaces naturels, dépendent de la forêt et dont l’existence est menacée par les projets miniers. Ils en constituent les premières victimes, et parfois les premiers opposants, sans que leur consentement libre et éclairé ne soit pris en compte.

Pour toutes ces raisons, la Convention Citoyenne pour le Climat s’était prononcée à 94% en faveur d’un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane. Une proposition qui, contrairement aux promesses du Président de la République, n’a pas été reprise.

Dès lors, parce que cet article constitue un recul sur les ordonnances prises en 2022 qui ne sont même pas encore appliquées, que ces dernières déjà ne respectaient pas la Convention Citoyenne pour le Climat, et parce que les conséquences d’une prolongation de permis de recherche minier et de l’octroi de ces permis sans qu’aucun avis social et environnemental ne soit émis ou trop tard, constitue un danger pour l’environnement et la population guyanaise dans son ensemble, cet amendement se propose de supprimer certaines dispositions de l’article 19.