CS DDADUE |
Projet de loi Adaptation au droit de l'Union européenne (1ère lecture) (n° 112 ) |
N° COM-63 8 décembre 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. BUFFET ARTICLE 28 |
Alinéa 10
Après cet alinéa, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
c) Au quatrième alinéa, les mots : "permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves" sont remplacés par les mots : "éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale" ;
4° bis Après l'article 63-4-2, il est inséré un article 63-4-2-1 ainsi rédigé :
"Art. 63-4-2-1. - Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire et sur décision écrite et motivée, décider de faire procéder immédiatement à l’audition de la personne gardée à vue ou à des confrontations si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d’une personne. Il peut également, selon les mêmes modalités, prendre une telle décision lorsqu’il est impossible, en raison de l’éloignement géographique du lieu où se déroule la garde à vue, d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté.
"En cas de mise en œuvre de la procédure prévue au premier alinéa, la personne gardée à vue est immédiatement informée lorsque son avocat se présente. Lorsque cette présentation intervient alors qu'une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s'entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l'article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l'article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s'entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l'audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation."
Objet
Faisant une interprétation erronée d’un avis motivé qui a pourtant été précédé d’une mise en demeure précise il y a plus de deux ans, ce qui aurait dû laisser au Gouvernement le temps d’en faire une analyse poussée (et, évidemment, ce qui aurait dû le conduire à aviser immédiatement le Parlement et à l’associer à ses réflexions), l’article 28 du projet de loi supprime purement et simplement le dispositif de "carence" qui permet aujourd’hui aux officiers de police judiciaire d’entendre une personne gardée à vue deux heures après que son avocat a été contacté pour venir l’assister et ce, y compris si l’avocat n’est pas effectivement présent à l’expiration de ce délai.
Or, si la Commission européenne a vu dans cette "carence" une transposition incorrecte de la directive 2013/48/UE (dite "directive C") sur le droit d’accès à un avocat, elle n’a pas pour autant exclu la possibilité d’une audition immédiate des gardés à vue. Plus encore, il apparaît que cette possibilité est compatible avec la directive dès lors qu’elle se fait dans le cadre des "dérogations" prévues par l’article 3 (points 5 et 6) de ce texte, et qui portent sur trois hypothèses : en cas de nécessité urgente de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ; lorsque les autorités qui procèdent à l’enquête doivent agir immédiatement pour éviter de compromettre sérieusement une procédure pénale ; lorsqu’il est impossible, en raison de l’éloignement géographique d’un suspect ou d’une personne poursuivie, d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté.
L’audition immédiate est également possible dans un quatrième cas, c’est-à-dire si la personne a renoncé expressément à bénéficier de l’assistance de l’avocat : cette possibilité est, pour mémoire, prévue par la nouvelle rédaction de l’article 63-4-2.
Ainsi, afin d’éviter de priver indûment les officiers de police judiciaire et les parquets de la possibilité de procéder à l’audition immédiate d’un gardé à vue tout en respectant strictement les contraintes posées par la directive C de 2013, le présent amendement prévoit :
- de retenir, plutôt que la notion d’"investigation urgente tendant à la conservation ou au recueil des preuves" qui existe dans la rédaction actuelle du code de procédure pénale, la rédaction plus large issue de la directive précitée, qui permet un report de l’assistance de l’avocat ou une audition immédiate du gardé à vue en cas de "situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale" ;
- de maintenir la possibilité d’une audition immédiate dans les deux autres hypothèses prévues par la directive, donc "pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne" mais aussi "lorsqu’il est impossible, en raison de l’éloignement géographique du lieu où se déroule la garde à vue, d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu" ;
- de réécrire, par coordination, les dispositions relatives aux prérogatives des avocats lorsqu’ils se présentent auprès de leur client alors qu’une audition ou une confrontation est en cours.