commission de la culture |
Projet de loi Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (1ère lecture) (n° 539 ) |
N° COM-2 15 mai 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. OUZOULIAS et BACCHI, Mme BRULIN et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ARTICLE 1ER |
Alinéa 7, après les mots :
« les autorités des territoires »
rédiger ainsi la fin de la phrase :
« qu’elle a annexés, occupés, contrôlés ou influencés ou dans le cadre des lois et règlements antisémites pris par l’autorité de fait se disant “gouvernement de l’État français”.»
Objet
C’est le 27 septembre 1940 que l’administration militaire allemande a pris sa première ordonnance relative aux personnes de confession juive. Celle-ci leur interdisait l’accès à la « zone occupée », les obligeait à se déclarer en préfecture et leur imposait d’apposer des affiches sur les entreprises susceptibles de leur appartenir. S’en suivront d’autres ordonnances permettant à l’armée allemande d’organiser la spoliation et la déportation de ces personnes.
Dès le 3 octobre 1940, dans la zone qu’elle administrait, l’autorité́ de fait se disant « Gouvernement de l’État français », plus connu sous le nom de régime de Vichy, a quant à elle promulgué une première loi antisémite portant « statut des Juifs ». Ses dispositions ont été aggravées par une seconde loi antisémite, en date du 2 juin 1941, puis par de nombreux décrets d’application.
Dans les deux zones, l’État français a organisé les spoliations antisémites par le biais des préfectures et d’administrateurs provisoires placés sous le contrôle d’un service national et du Commissariat général aux questions juives. Leur rôle consistait à administrer, vendre ou liquider les « entreprises juives » afin « d’aryaniser » toute l’économie et en particulier, pour ce qui concerne le présent projet de loi, les galeries d’art.
La recherche historique a établi de façon définitive la responsabilité autonome de l’État français et de son chef dans l’élaboration de sa politique antisémite. L’historien Martin Jungius a montré dans le détail combien « Vichy avait mené sa propre politique antijuive et promulgué des lois antijuives parfois sans la moindre pression allemande ». Selon lui : « il existait au contraire forcément, au sein du gouvernement de Vichy, une volonté fondamentale d’éliminer les Juifs de la société et de l’économie » (Un vol organisé. L’État français et la spoliation des biens juifs, 1940-1944, 2012). Le rapport commandé par le Premier ministre à la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, présidée par Jean Mattéoli, avait déjà conclu, en 2000, que « la politique antisémite de Vichy a été largement autonome ».
Or, dans le premier article du présent projet de loi, l’adverbe « notamment », qui lie l’État français aux « autorités des territoires […] occupés, contrôlés ou influencés » par l’Allemagne nazie, ne fait pas apparaître clairement la responsabilité propre du régime de Vichy dans l’élaboration et la mise en œuvre de ses politiques antisémites.
Pourtant, l’étude d’impact (p. 20) cite l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 portant deuxième application de l’ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi qui mentionne dans son article premier les actes pris « soit en vertu des prétendus lois, décrets et arrêtés, règlements ou décisions de l’autorité de fait se disant gouvernement de l’État français, soit par l’ennemi, sur son ordre ou sous son inspiration ».
Il semble donc historiquement et juridiquement utile de placer le présent projet de loi dans la continuité de cette ordonnance en citant plus directement les lois et règlements pris par l’État français pour organiser les spoliations antisémites. Cette précision supplémentaire permettra de fonder en droit plus explicitement les travaux de la commission administrative chargée d’instruire les demandes de restitution.