commission des affaires économiques |
Proposition de loi Ferme France (1ère lecture) (n° 349 ) |
N° COM-61 5 mai 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme PRIMAS, rapporteur ARTICLE 13 |
Alinéa 1er
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – La deuxième et la troisième phrases du deuxième alinéa de l’article L. 1313-5 du code de la santé publique sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le ministre chargé de l'agriculture peut, par arrêté motivé, suspendre une décision du directeur général prise en application du onzième alinéa de l’article L. 1313-1, après avoir réalisé une balance détaillée des risques sanitaires, environnementaux et de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l'Union européenne, et évalué l'efficience de solutions alternatives. »
Objet
Cet amendement permet au ministre de l’agriculture de suspendre une décision de l’ANSES de retrait de mise sur le marché de produits phytosanitaires dans le cas où il n’existerait pas de solutions alternatives efficientes et où cette décision engendrerait une distorsion de concurrence au sein du marché intérieur.
Il va ainsi plus loin que l’article 13.
Considérant que cette prise en compte ne saurait relever des prérogatives de l’Anses, l’amendement propose une voie alternative, pour parvenir au même résultat.
En effet, au fil des auditions de la rapporteure, il est apparu que la rédaction initiale n’était pas appropriée pour deux raisons.
Premièrement, l’Anses étant un établissement scientifique procédant à des évaluations des risques en matière de santé publique et d’environnement, elle ne dispose ni des compétences ni des moyens pour mener à bien des investigations s’écartant du champ scientifique.
Secondement, l’Anses, pour garantir l’impartialité de ses évaluations, dispose de canaux d’échanges très normés avec les pétitionnaires, de manière à maintenir son indépendance et son impartialité, ainsi que se tenir à l’écart des pressions extérieures liées aux enjeux économiques en présence.
La rédaction proposée entend ainsi acter le retour du politique dans la prise de décision, seul capable, avec l’aide des services de son administration, d’appréhender de manière plus large les impacts d’une décision envisagée.
Aussi, il est proposé que le ministre chargé de l’agriculture puisse, par arrêté motivé, suspendre une décision de l’Anses, à l’issue d’une évaluation prenant en compte les conclusions de l’établissement mais aussi les distorsions de concurrence que pourrait entrainer une décision, en l’espèce, de retrait d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), et cela en l’absence d’alternative viable.
Cette disposition est en réalité une forme de retour à avant la loi de 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, mais simplement en cas de nécessité. Avant cette loi, l’Anses instruisait, le ministre décidait. Pour des raisons certes légitimes, il a été décidé de transférer le pouvoir de décision au directeur général de l’Anses, ce qui a permis une amélioration très nette des délais d’instruction.
Cependant, à l’usage, il apparait nécessaire, dans des cas spécifiques, de ne pas cantonner l’analyse aux seules dimensions sanitaires et environnementales, mais de considérer les effets de bord en termes de souveraineté alimentaire, notamment. En effet, une interdiction pourrait entrainer, sans que cette donnée n'ait été prise en considération à l'occasion de l'évaluation scientifique, une hausse des importations de denrées traitées avec le produit interdit, annulant en grande partie les bénéfices attendus initialement en termes de santé publique. Le rôle du ministre est alors de prendre cette donnée en considération, au regard des effets déstructurants qu'une interdiction sans solution peut entrainer pour des filières par ailleurs déjà en souffrance.
C’est pourquoi, les décisions relatives aux molécules phytopharmaceutiques doivent se prendre à l’échelle européenne.
Enfin, cette procédure est d’autant plus indispensable que l’Union européenne n’avance toujours pas sur le sujet des clauses miroir. La France ne peut pas continuer à interdire, de son côté, toujours plus de molécules, et, en même temps, accepter l’arrivée de denrées traitées à l’aide de dizaines de molécules interdites pour nos agriculteurs.