commission des lois |
Proposition de loi Violences intrafamiliales (1ère lecture) (n° 344 ) |
N° COM-7 3 mars 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme Valérie BOYER ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3 (NOUVEAU) |
Après l'article 3 (nouveau)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre XIV du Livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 515-9 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « La mise en danger est présumée lorsque les violences datent de moins de six mois ou lorsqu’elles présentent un caractère réitéré » ;
2° La première phrase du premier alinéa de l’article 511 est complétée par les mots : « , ou si des violences datant de moins de six mois ou des violences réitérées sont établies ».
Objet
La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (dont les dispositions ont été modifiées en dernier lieu par la loi n° 2019-1480 du 28 déc. 2019) a mis en place des moyens de protection des victimes de violences au sein du couple. Elle a créé un titre XIV intitulé « Des mesures de protection des victimes de violences » dans le livre premier du code civil.
Ces mesures consistent pour le juge à délivrer une ordonnance de protection afin d'éviter les faits de violence.
En vertu de l’article 515-9 du Code civil, il faut que la victime démontre au juge :
1) La commission des faits de violences allégués. Depuis la loi du 9 juillet 2010, l’article 222-14-3 du Code pénal précise que les violences sont réprimées, quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques. Il faut donc préciser qu’il peut s’agir de faits de violences physiques (coups de poing, gifle, etc.), sexuelles (viol, agression sexuelle) ou psychiques (dénigrement, humiliations, interdictions, menaces).
2) Que ces faits mettent en danger la personne qui en est victime ou un ou plusieurs enfants, sachant que le danger peut résulter des circonstances, de la gravité des actes ou de leur répétition.
Pourtant, contrairement aux exigences des règles relatives à l’ordonnance de protection, des juridictions ont exigé que le danger soit « actuel », ce qui a pu conduire à ce que des femmes victimes de violences conjugales soient déboutées de leur demande d'ordonnance de protection parce qu'elles étaient hospitalisées en raison des violences ou hébergées hors du domicile conjugal (famille ou CHRS).
La direction des affaires civiles et du sceau, dans un guide sur l’ordonnance de protection, a donc précisé que la loi n'exigeait pas que le danger soit actuel (ou imminent).
C’est pourquoi certains parlementaires ont souhaité supprimer la notion de « danger », notamment lors de l’examen en séance publique à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, qui a abouti à la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.
Un amendement tendant à rendre ces conditions alternatives et non plus cumulatives avait été présenté par M. Jean Terlier [1]. Il l’avait cependant retiré à la demande du Gouvernement et de la commission.
Tant le rapporteur que la garde des Sceaux avaient en effet insisté sur la nécessité de bien distinguer l’ordonnance de protection, qui est une procédure civile devant le juge aux affaires familiales ne devant servir qu’à protéger dans l’urgence la victime et devant donc répondre à une situation de danger actuelle, de la procédure pénale, qui implique une plainte, peut intervenir bien après la commission des violences -dans la limite du délai de prescription- et vise d’abord à punir l’auteur de violences, tout en rappelant que ces deux procédures pouvant être engagées parallèlement.
La garde des sceaux avait ainsi manifesté son opposition.
Aussi pour répondre à ses critiques[2], nous devons maintenir le cumul de conditions, tout en prévoyant une présomption de mise en danger :
- lorsque les violences sont récentes. Nous pourrions envisager un délai de six mois.
- lorsque les violences sont réitérées, quelle que soit l’ancienneté des premières violences.
Le caractère vraisemblable des violences relèverait comme actuellement d’un faisceau d'indices, comme un dépôt de plainte, une main courante, mais aussi un certificat médical du médecin généraliste ou d'une unité médico-judiciaire, des attestations ou des témoignages.
[2] « Votre proposition, monsieur le député, aboutirait à ce que le juge aux affaires familiales délivre des ordonnances de protection pour des faits de violence pouvant avoir été commis plusieurs mois auparavant, même en l’absence de réitération, en dehors de tout contexte de danger ou de menace de danger. C’est pourquoi j’estime nécessaire de conserver cette double exigence qui fonde la procédure dérogatoire de l’ordonnance de protection, qui est une procédure d’urgence enclenchée face à un danger afin de protéger les victimes de violences conjugales. Je suggère donc le retrait de l’amendement tout en rappelant que, en toute hypothèse, la voie pénale demeure naturellement ouverte pour traiter des questions de violences, même passées. »