commission des lois |
Proposition de loi Violences intrafamiliales (1ère lecture) (n° 344 ) |
N° COM-6 3 mars 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme Valérie BOYER ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3 (NOUVEAU) |
Après l'article 3 (nouveau)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’avant-dernier alinéa de l’article 222-14 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’impact de ces violences sur la victime est pris en compte pour l’application des articles 122-1, 122-2 et 122-5 lorsque sa responsabilité pénale est engagée. »
Objet
Valérie Bacot est accusée d’avoir tué en 2016 son mari, aux termes de plusieurs dizaines d’années de sévices sexuels, physiques et émotionnels dont le seul énoncé peut sembler incroyable tant les faits sont abjects. L’homme, qui était également son beau-père, l’a violée, alors qu’elle n’avait que 12 ans, l’a épousée, l’a battue ainsi que ses enfants pendant plusieurs années et l’aurait aussi obligée à se prostituer.
Torturée, violée, prostituée pendant 25 ans, Valérie Bacot encourait une peine de prison à perpétuité. Devait-elle finir ses jours en prison pour avoir tué son bourreau ?
Sur cette question l’expert psychiatre a reconnu pour la première fois dans une expertise requise par un parquet en France que l’accusée était atteinte au moment des faits du SFB « syndrome de femme battue »[1]. Celui-ci va plus loin encore que le stress post-traumatique inhérent aux personnes ayant subi des violences.
Ainsi l’expert judiciaire indiquait : « qu’au-delà d’une altération de ses capacités d’adaptation avec hypervigilance, anxiété généralisée… confirmant l’existence d’un syndrome de stress post traumatique majeur, que cette dernière était atteinte du syndrome de femme battue : de nombreux indices mettant en évidence une soumission résultant d’une emprise d’une toute puissance incarnée par le personnage de son mari vécue comme un tyran domestique ayant droit de vie et de mort sur chaque personne du foyer ».
C'est pourquoi, le 25 juin 2021, Valérie Bacot est condamnée à quatre ans de prison dont trois avec sursis et ressort libre du tribunal.
Pour la première fois, le syndrome de la femme battue a été reconnu dans une affaire juridique en France. Si la reconnaissance de la SFB est une première en France, ce n'est pas le cas au Canada où il est reconnu depuis 1990. Cette notion avait en effet été validée par la Cour Suprême canadienne dans le cas d’un homicide conjugal survenu dans des conditions très proches, soit l’affaire Angélique Lavallée, l'accusée ayant été acquittée des charges pesant sur elle. Elle caractérise un état d’emprise lié à la répétition de violences physiques et psychiques, souvent exercées de façon continue pendant une longue durée. Les attaques répétées atteignant l’intégrité psychique de la victime.
La personne qui est atteinte du SFB ne peut plus prendre de décisions raisonnables comme toute personne qui n’a pas connu la violence conjugale répétitive sur plusieurs années.
Que ce soit à travers des insultes, des critiques incessantes, des remarques désobligeantes, des comportements de mépris, d’avilissement ou d’asservissement de l’autre, des violences physiques et sexuelles, toutes ces attaques touchent l’intégrité psychique de la victime, qui devient alors prisonnière de la situation qu’elle subit.
Ce sont, en fait, des actes de torture mentale.
De par ces agissements, le conjoint violent porte atteinte au principe de respect de la dignité de la personne humaine.
Aujourd’hui, rares sont les cas dans lesquels la victime de violences conjugales arrive à se défaire de l’emprise exercée sur elle par son bourreau. En effet, ces victimes ne portent que trop rarement plainte.
Cet état de soumission et de « danger de mort permanent » vécu pendant des années, peut entrainer un comportement extrême. La plupart du temps une des issues de sortie de cet enfer conjugal est le suicide.
Dans des cas extrêmement rares, la victime se retourne contre le conjoint car il n’y a pas d’autre issue que de tuer pour ne pas mourir, « c’est lui ou moi ».
C’est pourquoi, il conviendrait de nouveau prendre en compte l’impact de ces violences sur la victime pour l’application des articles 122-1, 122-2 et 122-5 lorsque sa responsabilité pénale est engagée.
Tel est le sens de cet amendement qui avait été voté positivement le 25 mai 2021, quelques semaines avant le procès de Valérie Bacot.
Si notre droit a évolué depuis plusieurs années dans le sens d’une meilleure protection des victimes de violences notamment depuis 2010 avec la loi de Guy Geoffroy, dix ans après, nous devons aller plus loin. En effet, des situations particulièrement dramatiques comme celles vécues par Valérie Bacot doivent nous interroger sur nos failles dans la prise en charge et le suivi des victimes mais aussi sur notre droit, à la lumière de ce qui se passe à l’étranger mais aussi de l’évolution de la science qui reconnait et décrit aujourd’hui les effets traumatiques des violences répétées.