commission des lois |
Projet de loi Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (1ère lecture) (n° 220 ) |
N° COM-104 16 janvier 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. DAUBRESSE ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 7 |
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre temporaire et à la seule fin d’assurer la sécurité face à un risque d’acte de terrorisme de grands évènements sportifs, récréatifs ou culturels tenus dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 et des manifestations sportives internationales mentionnées à l’article L. 230-2 du code du sport précédant la tenue desdits jeux, les officiers de police judiciaire peuvent mettre en œuvre un traitement algorithmique destiné à identifier, sur la base de leurs caractéristiques biométriques, des personnes limitativement et préalablement énumérées faisant peser une menace grave et immédiate sur l’ordre public sur les images collectées au moyen de caméras dédiées et distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 du code de sécurité intérieure dans et aux abords des lieux accueillant ces évènements qui, par leur ampleur ou leurs circonstances sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme.
II. – Ces traitements sont régis par les dispositions applicables du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
III. – Le public est informé par tout moyen approprié de l'emploi de traitements algorithmiques visant à identifier des personnes limitativement énumérées à partir de leurs caractéristiques biométriques sur les images collectées au moyen de caméras dédiées, sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.
Une information générale du public sur l'emploi de traitements algorithmiques destinés à identifier des personnes limitativement énumérées à partir de leurs caractéristiques biométriques sur les images collectées au moyen de caméras dédiées est organisée par le ministre de l'intérieur.
IV. – Ces traitements ne permettent aucune catégorisation ou notation des personnes physiques sur la base de leurs données biométriques. Ils ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
Leur recours obéit aux principes de nécessité et de proportionnalité, appréciés notamment au regard de la finalité qu’ils poursuivent et des circonstances dans lesquelles ils sont mis en œuvre, du caractère proportionné des images traitées et de leur durée de conservation.
L’identité des personnes ne peut apparaître qu'une fois les opérations de rapprochement effectuées par ces traitements, et uniquement pour celles de ces données qui sont entrées en concordance entre elles ou avec d'autres informations exploitées par le logiciel.
Ces traitements procèdent exclusivement à un signalement d’attention, strictement limité à l’indication de la probabilité de l’identification de la personne qu’ils ont été programmés à détecter. Ils ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ou acte de poursuite. Ils demeurent en permanence sous le contrôle des personnes chargées de leur mise en œuvre.
Les signalements qu’ils génèrent donnent lieu à une analyse par des agents individuellement désignés et dûment formés et habilités des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale. L'habilitation mentionnée au présent alinéa précise la nature des données auxquelles elle donne accès.
V. – Le recours à un traitement mentionné au I est, par dérogation à l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, autorisé par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Ce décret fixe les caractéristiques essentielles du traitement. Il indique notamment les conditions d’habilitation et de formation des agents pouvant accéder aux signalements du traitement et, le cas échéant, les spécificités des situations justifiant l’emploi du traitement. Il désigne l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité mentionnée au dernier alinéa du VI.
Le décret est accompagné d’une analyse d’impact relative à la protection des données personnelles qui expose :
1° Le bénéfice escompté de l’emploi du traitement au service de la finalité mentionnée au I ;
2° L’ensemble des risques éventuellement créés par le système et les mesures envisagées afin de les minimiser et de les rendre acceptables au cours de son fonctionnement.
VI. – L’État assure le développement du traitement ainsi autorisé, en confie le développement à un tiers ou l’acquiert. Dans tous les cas, le traitement doit satisfaire aux exigences suivantes :
1° Des garanties sont apportées afin que les données d’apprentissage, de validation et de test choisies soient pertinentes, adéquates et représentatives, et leur traitement loyal, objectif et de nature à identifier et prévenir l’occurrence de biais et d’erreurs. Ces données doivent demeurer accessibles et être protégées tout au long du fonctionnement du traitement ;
2° Le traitement comporte un enregistrement automatique des signalements d’attention permettant d’assurer la traçabilité de son fonctionnement ;
3° Le traitement dispose de mesures de contrôle humain et d’un système de gestion des risques permettant de prévenir et de corriger la survenue de biais éventuels ou de mauvaise utilisation ;
4° Les modalités selon lesquelles, à tout instant, le traitement peut être interrompu sont précisées ;
5° Le traitement fait l’objet d’une phase de test conduite dans des conditions analogues à celles de son emploi tel qu’autorisé par le décret mentionné au V, attestée par un rapport de validation.
Lorsque le traitement est développé ou fourni par un tiers, celui-ci doit en outre présenter des garanties de compétences et de continuité et fournir une documentation technique complète.
Dans le cadre du présent VI, la Commission nationale de l'informatique et des libertés exerce les missions prévues au 2° du I de l'article de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en particulier en accompagnant les personnes en charge du développement du traitement.
Le respect des exigences énoncées au présent VI fait l’objet d’une attestation de conformité établie par l’autorité administrative compétente. Cette attestation est publiée avant que le traitement soit mis à la disposition des services mentionnés au I qui demandent l’autorisation de l’utiliser dans les conditions prévues au VII.
VII. – L’autorisation d’avoir recours aux traitements mentionnés au I est subordonnée à une demande adressée au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police qui précise :
1° Le service responsable des opérations ;
2° Le ou les motifs de la mise en œuvre du traitement au regard de la finalité mentionnée au I ;
3° La liste des personnes recherchées ainsi que la justification de la menace pour l’ordre public qu’elles représentent ;
4° La justification de la nécessité de recourir au dispositif, permettant notamment d'apprécier la proportionnalité de son usage au regard de la finalité poursuivie ;
5° Le périmètre géographique concerné ;
6° Le cas échéant, les modalités d’information du public ;
7° La durée souhaitée de l’autorisation, proportionnée à l’évènement concerné.
L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée. Elle ne peut être accordée que lorsque le recours au traitement est nécessaire et proportionné. Elle précise :
1° Le responsable du traitement et les services associés à sa mise en œuvre ;
2° La manifestation sportive, récréative ou culturelle concernée et les motifs de la mise en œuvre du traitement au regard de la finalité mentionnée au I ;
3° Le périmètre géographique concerné par la mise en œuvre du traitement, qui ne peut inclure les abords des lieux de culte ou l’itinéraire d’une manifestation déclarée en application de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure ;
4° Les modalités d’information du public, notamment sur ses droits ou, lorsque cette information entre en contradiction avec les finalités poursuivies, les motifs pour lesquels le responsable du traitement en est dispensé ;
5° La durée d’autorisation. Cette durée ne peut excéder 48 heures, renouvelable selon les mêmes modalités lorsque les conditions de sa délivrance continuent d’être réunies.
Le représentant de l'État dans le département ou le préfet de police peut mettre fin à tout moment à l’autorisation qu’il a délivrée, dès lors qu’il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies.
Le nombre maximal de caméras sur les images desquelles peut être simultanément mis en œuvre le traitement algorithmique mentionné au I dans chaque département est fixé par arrêté du ministre de l'intérieur.
VIII. – L'autorité responsable tient un registre des signalements générés par ces traitements, des suites qui y sont apportées ainsi que des personnes ayant accès aux signalements.
Ce registre est transmis chaque jour au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, qui s'assure de la conformité des interventions réalisées à l'autorisation délivrée. Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police informe la Commission nationale de l’informatique et des libertés des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre.
IX. – La Commission nationale de l'informatique et des libertés exerce un contrôle sur l'application du présent article. À cette fin, elle peut mettre en œuvre les dispositions des sections 2 et 3 du chapitre II du titre Ier de de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Elle est informée tous les trois mois des conditions de mise en œuvre des dispositions du présent article.
X. – L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises ou mises en œuvre par les autorités administratives en application du présent article. Ces autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu'elles prennent en application de ces dispositions. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures.
Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport détaillé sur l'application du présent article. Ce rapport est transmis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
XI. – Un comité scientifique et éthique dont la composition, l’organisation et les modalités de fonctionnement sont fixés par décret est chargé d’évaluer régulièrement l’application du présent article. Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, respectivement désignés par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat. Ses rapports, transmis aux présidents des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, sont rendus publics.
Objet
Cet amendement tend à prévoir un dispositif temporaire et exceptionnel autorisant, dans des conditions limitatives, le recours à des traitements de données biométriques en temps réel dans l’espace public afin de sécuriser les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et les manifestations sportives internationales précédant la tenue les Jeux. Cet amendement traduit ce faisant la recommandation n° 22 du rapport d’information n° 627 (2021-2022) intitulé « La reconnaissance biométrique dans l'espace public : 30 propositions pour écarter le risque d'une société de surveillance », de MM. Marc-Philippe DAUBRESSE, Arnaud de BELENET et Jérôme DURAIN, fait au nom de la commission des lois et publié le 10 mai 2022.
Le rapport proposait en effet, dans quelques cas très spécifiques et circonscrits, à titre d'exception, d'autoriser l'utilisation de la reconnaissance biométrique sur la voie publique en temps réel dès lors que celle-ci serait strictement nécessaire, adaptée et proportionnée pour la prévention d'une menace grave et imminente pour la vie ou la sécurité des personnes ou en cas de menace grave et imminente pour la sécurité nationale.
L’amendement prévoit en conséquence que des traitements algorithmiques de caractéristiques biométriques pourraient être utilisés au moment des Jeux olympiques et paralympiques et lors des manifestations sportives internationales qui les précèderaient, dans des conditions très resserrées.
Outre les garanties prévues par l’article 7 pour encadrer le déploiement de la vidéoprotection dite « augmentée » ou « intelligente », des garanties supplémentaires sont prévues pour assurer le caractère exceptionnel du cadre prévu par cet article.
Concernant d’abord le cadre d’usage de ces traitements, ces derniers ne pourraient être utilisés que par les officiers de police judiciaire en vue de détecter des personnes inscrites sur une liste limitative spécialement élaborée pour l’évènement concerné par le déploiement du traitement. Ces traitements ne pourraient conduire à une catégorisation ou une notation des personnes physiques. Leur recours obéirait aux principes de nécessité et de proportionnalité. Ils procèderaient uniquement à un signalement d’attention, strictement limité à l’indication de la probabilité de la présence de la personne qu’ils ont été programmés pour détecter. Les suites données à ces signalements relèveraient de la décision des officiers de police judiciaire, ces derniers étant individuellement désigné et dûment formés et habilités pour pouvoir utiliser ces traitements.
Le recours à ces traitements devrait être autorisé par le préfet, sur la base d’une demande détaillée par les services de police ou de gendarmerie souhaitant les utiliser. L’autorisation serait donnée pour une durée de 48 heures et devrait être réexaminée si elle devait être prolongée. Elle ne pourrait concerner les abords des lieux de culte et les manifestations, conformément au rapport d’information mentionné ci-dessus. Le nombre maximal de caméras sur les images desquelles peut être mis en œuvre le traitement algorithmique serait limité, tant au niveau national qu’au niveau territorial.
Enfin, un contrôle fort du dispositif serait mis en place, faisant participer trois acteurs distincts :
- la CNIL serait chargée du contrôle, sur pièces et sur place, de la mise en œuvre du dispositif, serait régulièrement informée des conditions de mise en œuvre du dispositif et se verrait transmettre les rapports réalisés par le Gouvernement ;
- le Parlement, Assemblée nationale et Sénat, serait informé sans délai des mesures prises ou mises en œuvre en application de ce dispositif, et recevrait copie de tous les actes. Le Gouvernement lui adresserait chaque année un rapport détaillé sur l’application du dispositif proposé. Le Parlement pourrait en outre requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ;
- un comité scientifique et éthique, comprenant notamment deux députés et deux sénateurs, serait chargé d’évaluer régulièrement l’application de ces mesures. Ses rapports, transmis aux présidents des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, seraient rendus publics.