commission des lois |
Proposition de loi Protection des lanceurs d'alerte (1ère lecture) (n° 174 ) |
N° COM-26 13 décembre 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme DI FOLCO, rapporteur ARTICLE 3 |
Après l'alinéa 16
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« C. – Les règles applicables aux sociétés appartenant à un même groupe sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine notamment les conditions dans lesquelles :
« 1° Une procédure de recueil et de traitement des signalements, commune à toutes les sociétés du groupe, peut être établie ;
« 2° À défaut, une procédure de recueil et de traitement des signalements peut être établie au sein de l’une des sociétés du groupe, à laquelle ont accès les personnes mentionnées aux 1° à 5° du A souhaitant signaler des informations portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans toute autre société du groupe, auquel cas ces autres sociétés peuvent être soumises à des obligations allégées ;
« 3° Les signalements effectués au sein de l’une des sociétés du groupe peuvent être transmis à une autre de ces sociétés, en vue d’assurer ou de compléter leur traitement.
Objet
Dans un courrier adressé à la Commission européenne le 19 mai 2021, plusieurs organisations d’employeurs du secteur privé, implantées dans divers États de l’Union européenne, se sont inquiétées de l’application, dans les groupes de sociétés, des règles relatives à la procédure interne de recueil et de traitement des signalements prévues par la directive du 23 octobre 2019.
La mise en place dans chaque société d'un même groupe d’une procédure interne de signalement provoquerait des coûts supplémentaires. Surtout, elle réduirait l’efficacité du système d’alerte, à défaut pour chaque société de disposer en interne de l’expertise nécessaire pour assurer un traitement efficace des signalements. Elle rendrait difficile, voire impossible, la tenue de tableaux de bord exhaustifs au niveau de la société mère et, partant, le reporting auprès de ses organes de gouvernance. Ce serait d’autant plus paradoxal que la société mère ou ses dirigeants peuvent, sous certaines conditions, être reconnus civilement ou pénalement responsables des manquements commis par ou au sein de leurs filiales. En outre, d’autres dispositifs d’alerte, notamment celui prévu par la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, sont obligatoirement organisés au niveau de la société mère.
Dans sa réponse datée du 2 juin 2021, la Commission européenne considère que la directive impose à toute société employant plus de cinquante salariés de mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, qu’elle fasse ou non partie d’un groupe, la mutualisation des moyens n’étant possible que pour les sociétés comptant entre 50 et 249 salariés (au sein d’un même groupe ou non). En particulier, la Commission estime que la faculté laissée par la directive de confier le recueil des signalements à un tiers ne doit pas s’entendre comme la possibilité de mettre en place une procédure commune à plusieurs sociétés d’un même groupe.
Toutefois, la Commission souligne que la directive offre certaines souplesses. Selon elle, il serait ou pourrait être conforme à ce texte :
- que des filiales comptant entre 50 et 249 salariés bénéficient des moyens d’investigation de leur société mère, à condition que des canaux de signalement restent disponibles au niveau des filiales, que les lanceurs d’alerte puissent s’opposer à la remontée d’informations et qu’ils bénéficient d’un retour d’informations au niveau de la filiale ;
- que les signalements révélant des problèmes structurels au sein du groupe soient portés à la connaissance de la société mère, avec l’accord du lanceur d’alerte, afin d’être traités de manière transversale ;
- que la procédure de signalement établie par la société mère soit accessible aux salariés, associés, dirigeants, collaborateurs et cocontractants de ses filiales, qui auraient alors le choix du niveau auquel effectuer leur signalement.
En attendant que la Cour de justice ait clarifié la portée des exigences de la directive, le présent amendement renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’adapter aux groupes de sociétés les dispositions de la loi « Sapin 2 » relatives à la procédure de signalement interne. En particulier, dans le cas où une procédure centralisée serait accessible à toutes les personnes travaillant au sein du groupe, les obligations imposées aux filiales pourraient être allégées, dans la mesure compatible avec la directive.