commission des lois |
Projet de loi Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification (1ère lecture) (n° 588 rect. , 719, 720, 721) |
N° COM-1065 24 juin 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme GATEL et M. DARNAUD, rapporteurs ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 73 |
Après l'article 73
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1111-7, il est inséré un article L. 1111-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-7-1. – Lorsque la loi prévoit qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales est représenté par un ou plusieurs membres de son assemblée délibérante au sein des organes d’une personne morale de droit public ou de droit privé ou d’une entité dépourvue de la personnalité morale, ses représentants ne sont pas considérés comme étant intéressés à l’affaire, au sens de l’article L. 2131-11 du présent code, de l’article 432-12 du code pénal ou du I de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec la personne morale ou l’entité concernée. » ;
2° Après l’article L. 1412-3, il est inséré un article L. 1412-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 1412-4. – Les élus locaux qui représentent une collectivité territoriale, un établissement public local, un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat au conseil d’administration ou au conseil d’exploitation d’une régie soumise aux dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie ne sont pas considérés comme étant intéressés à l'affaire, au sens de l'article L. 2131-11 du présent code, de l’article 432-12 du code pénal ou du I de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, lorsque la collectivité ou l'établissement public délibère sur ses relations avec la régie. »
3° L’article L. 1524-5 est ainsi modifié :
a) Au onzième alinéa, sont insérés les mots : « du présent code, de l’article 432-12 du code pénal ou du I de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique » ;
b) À la fin du douzième alinéa, sont ajoutés les mots : « , non plus qu’aux délibérations mentionnées au dixième alinéa du présent article. »
II. – À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 711-17 du code de commerce, après la seconde occurrence du mot : « territoriales », sont insérés les mots : « , de l’article 432-12 du code pénal ou du I de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ».
III. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 5313-3 est ainsi modifié :
a) Les mots : « peuvent prendre la forme » sont remplacés par les mots : « prennent la forme d'associations ou » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’association ou le groupement d’intérêt public est doté d’un conseil d’administration au sein duquel les personnes publiques qui en sont membres sont représentées. »
2° L’article L. 5314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’association ou le groupement d’intérêt public est doté d’un conseil d’administration au sein duquel les personnes publiques qui en sont membres sont représentées. »
IV. – Le III de l’article 21 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique est ainsi modifié :
1° Au dixième alinéa, après la seconde occurrence du mot : « territoriales », sont insérés les mots : « , de l’article 432-12 du code pénal ou du I de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique » ;
2° À la fin du onzième alinéa, sont ajoutés les mots : « , non plus qu’aux délibérations mentionnées au neuvième alinéa du présent article. »
V. – Le III du présent article entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.
Objet
Dans un Guide déontologique publié en février 2021, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique recommande aux élus locaux de se déporter dans le cas où, en tant que membres d’une assemblée délibérante ou en tant qu’exécutif, ils auraient à prendre ou à participer à la prise d’une décision relative aux sociétés d’économie mixte (SEM) et aux sociétés publiques (SPL) au sein desquelles ils représentent leur collectivité. La Haute Autorité considère en effet qu’une telle situation est constitutive d’un conflit d’intérêts, au sens de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013, et d’une prise illégale d’intérêts au sens de l’article 432-12 du code pénal.
Cette interprétation paraît très éloignée de l’esprit de la loi.
Il faut rappeler, en effet, que les élus locaux qui siègent au conseil d’administration ou de surveillance des SEM et SPL sont soumis à un statut très dérogatoire au droit commun des sociétés commerciales. Ils ne sont pas désignés par l’assemblée générale des actionnaires, mais par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités dont ils sont élus. La loi les désigne, non pas comme des mandataires sociaux, mais comme les mandataires de ces collectivités et groupements. Ils ne sont pas dépositaires des intérêts de la société, mais de ceux de la collectivité ou du groupement qu’ils représentent.
Pour l’application des règles de validité des délibérations, la loi prévoit d’ores et déjà que ces élus, lorsqu’ils participent aux délibérations de leur assemblée délibérante relatives aux relations de la collectivité ou du groupement avec la société, ne sont pas considérés comme étant personnellement « intéressés à l’affaire ».
Pour ce qui est de leur responsabilité pénale, le fait même que la loi prévoie que les collectivités territoriales et leurs groupements soient représentés au conseil d’administration d’une SEM ou d’une SPL, sans interdire à leurs représentants de prendre part à de telles délibérations, doit être interprété comme une autorisation de la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal.
En outre, le raisonnement tenu par la Haute Autorité pourrait aussi bien s’appliquer aux élus qui représentent leur collectivité au sein d’un établissement public (par exemple de coopération intercommunale). Le distinguo opéré par le Guide déontologique, à ce propos, entre les personnes publiques et privées au sein desquelles les collectivités territoriales peuvent être représentées ne convainc pas, et il ne lierait d’ailleurs pas le juge pénal.
Reconnaissant qu’une telle interprétation du droit en vigueur aurait des conséquences non seulement excessives, mais injustes, la Haute Autorité, dans son rapport d’activité pour 2020, rendu le 2 juin 2021, recommande :
- d’une part, de modifier l’article 432-12 du code pénal, afin de définir la prise illégale d’intérêt non plus comme « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement », mais comme le fait d’y prendre un intérêt « de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité » de la personne concernée », conformément à la recommandation formulée en 2011 par la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts, présidée par M. Jean-Marc Sauvé ;
- d’autre part, de déroger expressément à l’article 432-12 du code pénal, afin qu’un élu siégeant, en tant que représentant de sa collectivité, au sein des organes dirigeants d’un établissement public et commercial, d’une SEM ou d’une SPL puisse participer aux décisions de sa collectivité portant sur cet organisme, « à l’exception des décisions lui procurant un avantage personnel, direct ou indirect, des décisions visant l’attribution de subventions et des décisions relatives aux marchés publics et aux délégations de service public ».
En attendant qu’une discussion sereine et fructueuse puisse s’engager entre les deux assemblées et le Gouvernement sur une redéfinition du délit de prise illégale d’intérêts, comme le Sénat le propose depuis plusieurs années, le présent amendement a pour objet d’apporter aux élus locaux la sécurité juridique indispensable à l’exercice serein de leur mandat.
L’amendement prévoit d’abord d’insérer, dans le code général des collectivités territoriales, un nouvel article L. 1111-7-1 de portée générale selon lequel, lorsque la loi prévoit qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales est représenté par un ou plusieurs membres de son assemblée délibérante au sein des organes d’une personne morale de droit public ou de droit privé ou d’une entité dépourvue de la personnalité morale, ses représentants ne sont pas considérés comme étant intéressés à l’affaire, au sens des dispositions relatives à la légalité des délibérations, au délit de prise illégale d’intérêts et aux conflits d’intérêts, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec la personne morale ou l’entité concernée. Cette disposition ne fait qu’expliciter l’irresponsabilité pénale qui découle, dans un tel cas, de l’autorisation législative.
Dans un souci pédagogique, et sans que cela doive prêter à une interprétation a contrario, il est proposé de maintenir les dispositions spéciales, éparses dans la législation, selon lesquelles les élus locaux qui représentent une collectivité ou un groupement au sein d’entreprises publiques locales de diverses espèces ne sont pas considérés comme intéressés à l’affaire lorsqu’ils participent aux délibérations de leur assemblée délibérante touchant à ces entreprises publiques, tout en précisant que la notion d’intérêt doit s’entendre également au sens des dispositions du code pénal relatives à la prise illégale d’intérêts.
Par ailleurs, le présent amendement prévoit d’ériger au rang législatif le principe – qui découle de l’article R. 2221-6 du même code – selon lequel les collectivités territoriales, les établissements publics locaux, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats sont représentés au conseil d’administration ou d’exploitation des régies qu’ils créent pour exploiter des services publics. Ces représentants ne seraient pas considérés comme intéressés à l'affaire lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec la régie.
Enfin, l’amendement traite du cas des maisons de l'emploi (qui concourent au service public de l'emploi) et des missions locales (consacrées à l’insertion professionnelle des jeunes), étant entendu que ces structures sont obligatoirement constituées sous forme d'associations ou de groupements d'intérêt public. Les élus locaux qui siègent au conseil d'administration en tant que représentants de leur collectivité ou de leur groupement bénéficieraient du régime protecteur institué à l’article L. 1111-7-1 du code précité.