commission de la culture |
Projet de loi Oeuvres culturelles à l'ère numérique (1ère lecture) (n° 523 ) |
N° COM-67 3 mai 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. HUGONET, rapporteur ARTICLE 1ER |
Après l'alinéa 52, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« 16 bis (nouveau). - Après l'article L. 331-19 est inséré un article L. 331-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 331-19-1. – I. – Le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique chargé d’exercer la mission prévue au paragraphe 1 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’il constate des faits constitutifs d’une négligence caractérisée prévue par l’article L. 335-7-1, peut, si ces faits n’ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l’action publique, proposer à leur auteur une transaction consistant dans le versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 350 € s’il s’agit d’une personne physique et 1 050 € s’il s’agit d’une personne morale. Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de l’auteur des faits. La transaction proposée par le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique chargé d’exercer la mission prévue au paragraphe 1 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du code de la propriété intellectuelle et acceptée par l’auteur des faits doit être homologuée par le procureur de la République. La personne à qui est proposée une transaction est informée qu’elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition.
« II. – Les actes tendant à la mise en œuvre ou à l’exécution de la transaction mentionnée au I sont interruptifs de la prescription de l’action publique. L’exécution de la transaction constitue une cause d’extinction de l’action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal de police. Le tribunal, composé d’un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils.
« III. – En cas de refus de la proposition de transaction ou d’inexécution d’une transaction acceptée et homologuée par le procureur de la République, le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique chargé d’exercer la mission de protection des œuvres et des objets protégés, conformément à l’article 1er du code de procédure pénale, peut mettre en mouvement l’action publique par voie de citation directe. »
Objet
Le présent amendement propose de renforcer les mesures destinées à prévenir le piratage avec l'instauration d'une transaction pénale. Il reprend un dispositif défendu l'année dernière par la rapporteure du projet de loi "audiovisuel", malheureusement non soutenu par sa majorité et par le gouvernement.
Actuellement, les moyens d'action de la Hadopi sont essentiellement réduits à la phase dite "pédagogique", soit l'envoi d'avertissements à l'internaute contrevenant qui aurait téléchargé en pair-à-pair des œuvres protégées par le droit d'auteur. Initialement, la Hadopi pouvait ordonner la suspension de l'accès à Internet en cas de manquements répétés. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009, a cependant jugé que le droit de se connecter relevait de la liberté de communication. Dès lors, les moyens de la Hadopi se sont trouvés déséquilibrés, la rendant dépendante de la réaction d'une institution judiciaire à laquelle jamais les moyens nécessaires n'ont été accordés. Ainsi, plus de 85 % des saisines du Procureur ne donnent lieu à aucune poursuite.
Il est temps de doter le nouveau régulateur des moyens juridiques de sanctionner l'internaute. Une étude réalisée par M. Louis Dutheillet de Lamothe et Mme Bethania Gaschet a éclairé les différentes options possibles, afin de renforcer l'efficacité des mécanismes de lutte contre le piratage sans pour autant mettre en danger la constitutionnalité du dispositif.
Tel est l'objet du présent amendement, qui propose d'instaurer une transaction pénale, sur le modèle du Défenseur des droits.
Concrètement, lorsque le comportement délictueux répété de l'internaute ne fait plus de doute, le membre de l'ARCOM en charge de la réponse graduée aura la faculté de lui proposer une transaction, d'un montant de 350 euros, soit le tiers de la sanction maximum aujourd'hui encourue, destinée à éteindre l'action publique. Cette transaction doit être homologuée par le Procureur de la République, soit une procédure relativement légère. En cas de refus, le droit actuel trouve à s'appliquer, et l'internaute sera passible de poursuites.
Cette mesure, très attendue par les ayants droits, présente trois avantages :
- premier avantage, elle met un terme au sentiment d'impunité des internautes "pirates", qui peuvent actuellement commettre leur forfait sans jamais encourir la moindre sanction. Symboliquement, et alors que le projet de loi fait peser de nouvelles responsabilités sur les sites, il est nécessaire de responsabiliser également les internautes ;
- deuxième avantage, elle renforce et complète la réponse graduée. Même d'un montant relativement faible, elle constitue donc une ultime étape dont la vocation est moins de s'appliquer que de crédibiliser l'approche pédagogique ;
- enfin, troisième avantage, elle pourrait soulager les tribunaux, en permettant à l'internaute d'éteindre en amont le travail de la justice.
Telles sont les raisons pour lesquels je vous propose d'adopter cet amendement.