commission de la culture |
Projet de loi Oeuvres culturelles à l'ère numérique (1ère lecture) (n° 523 ) |
N° COM-58 3 mai 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme Laure DARCOS ARTICLE 1ER |
Après l'alinéa 113
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'article L.336-2 est complété par six alinéas ainsi rédigés :
" La décision judiciaire rendue en application du présent article précise les conditions dans lesquelles elle autorise l’actualisation de la mesure qu’elle ordonne en cas de réitération, dans le cadre d’un même service autrement accessible ou autrement localisé, de l’atteinte aux droits d’auteurs ou aux droits voisins à laquelle elle tend à remédier.
" La mise en œuvre de l’actualisation prend la forme d’une notification sous la responsabilité du demandeur aux personnes destinataires des mesures ordonnées.
" La notification comporte la justification des conditions requises au premier alinéa.
" Le destinataire d’une telle notification ne peut voir sa responsabilité engagée en raison de la mise en œuvre d’une mesure d’actualisation conforme à la demande reçue par lui qui s’avèrerait non fondée.
" Il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond lorsque la mise en œuvre de la mesure d’actualisation fait apparaitre une difficulté.
" Le fait, pour toute personne de notifier à une personne ayant mis en place une mesure judiciaire ordonnée en application du présent article une demande d'actualisation de cette mesure fondée sur la réitération de l'atteinte dans le cadre d'un même service autrement accessible ou autrement localisé à laquelle elle tendait à remédier alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d’amende."
Objet
L'objet de cet amendement est d'instaurer un dispositif d'injonction dynamique qui s'inscrit dans une situation dans le cadre de laquelle a été prise par un juge, sur le fondement de l'article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle, une décision qui identifie une activité, en constate le caractère illicite et ordonne des mesures propres à prévenir ou à faire cesser l'atteinte aux droits, et à laquelle serait désormais ajoutée la détermination des conditions dans lesquelles ces mesures pourraient être imposées sur l’initiative du titulaire des droits à l’égard de la même activité autrement accessible ou autrement localisée.
Ce dispositif présente un caractère nécessaire, dans la mesure où il vise à assurer l’effectivité des décisions judiciaires de cessation des atteintes aux droits de propriété intellectuelle dans un contexte où les mesures ordonnées par le juge peuvent être contournées dans des conditions de rapidité et de simplicité propres aux techniques numériques. Permettre au titulaire des droits d’étendre les mesures de retrait ou de blocage qu’il a obtenues du juge sans avoir à revenir devant ce dernier s’avère donc nécessaire pour assurer la sauvegarde de la propriété intellectuelle.
Il présente également un caractère adapté, reposant sur une autorisation judiciaire puisque les conditions dans lesquelles l’actualisation des mesures peut être imposées par le titulaire des droits sont définies par avance par le juge qui ordonne les mesures de cessation. Cet encadrement judiciaire des mesures d’actualisation constitue une alternative efficace à un dispositif dans lequel les mesures d’actualisation supposeraient l’intervention d’un tiers de confiance ou d’une autorité administrative indépendante et qui ne répondrait pas, de ce fait, aux exigences de rapidité et réitération précitées.
Il garantit à l'opérateur de ne pas voir sa responsabilité engagée à l’égard des tiers à raison d’une exécution conforme de la demande. En outre, en laissant au juge le soin de déterminer les conditions d’une actualisation des mesures de cessation, cet amendement permet d’adapter ces mesures, sous le contrôle d’un juge, à l’ensemble des techniques de contournement actuellement pratiquées, qu’il s’agisse d’un contournement par modification du chemin d’accès au site ou d’un contournement par délocalisation du site avec redirection automatique ou « site miroir » (copie à l’identique du site). Elles assurent à la lutte contre la contrefaçon une capacité de s’adapter aux évolutions des techniques utilisées par les contrefacteurs.
Enfin, les mesures qu'il prévoit sont proportionnées au regard de l'objectif constitutionnellement garanti de sauvegarde de la propriété intellectuelle, qu’il s’agisse des effets produits sur la liberté d’entreprendre ou sur la liberté de communication et le libre accès aux services en ligne.
S'agissant de la distinction entre les deux versions d'un site qui peut être délicate à définir en pratique, les critères d'identification sont connus et d'usage courant dans la mise en œuvre de l'article L.336-2 aujourd'hui.
En pratique, des agents assermentés ou des huissiers dressent des PV constatant la violation de droits exclusifs sur un échantillon d’œuvres suivant une méthode statistique précise (reconnue par tous les défendeurs et consacrée par la jurisprudence) démontrant que le service est structurellement dédié à la contrefaçon. C’est sur la base de ces PV (agents assermentés, huissier) qu'actuellement le tribunal prononce en référé les mesures initiales.
L'injonction dynamique permettrait de viser ce même service, sur la base non pas d'une identité de contenus mais d'une identité structurelle.
D'autre part, le juge ordonnant l'injonction dynamique peut préciser les critères d'identité du service. Il leur sera possible de s'inspirer des pratiques existantes dans les procédures en référé d'actualisation.
A ce jour, lorsque des contournements sont mis en place, les agents assermentés, ou les huissiers identifient le type de contournement ; par exemple, utilisation d’une redirection automatique 301 ou 302 permettant de changer la localisation du service sur le réseau, ou modification du nom de domaine qui sert de route pour y accéder.
Les agents ou huissiers constatent la continuation de l’activité par le même service en précisant le faisceau de preuves qui permet d’identifier le service comme étant le même que celui déjà jugé. Ces critères figureront parmi les conditions posées par le juge pour accorder un caractère dynamique à son injonction.
Ces éléments n'ont fait l'objet d'aucune contestation lors des actualisations en référé ces dernières années.
Quant à la possibilité pour les ayant-droits de déterminer si l'on est en présence d’un site pirate dans le processus de notification, il y a lieu de rappeler que la mise en œuvre de l'article L.336-2 permet de mettre en lumière les méthodes statistiques nécessaires pour caractériser l'activité illicite.
L'actualisation des mesures de blocage aujourd'hui obtenue en référé, le serait par notification selon les méthodes définies par le juge dans sa décision de blocage initial. Ces méthodes pourront s'inspirer de celles consacrées dans l'actualisation du blocage obtenue en référé.
C'est le juge ordonnant le blocage initial et les mesures d'actualisation par injonctions dynamiques qui fixe les règles du jeu, ces règles pouvant s'inspirer des pratiques actuelles éprouvées, qui ne sont en aucun cas à la discrétion des ayant-droits.