commission de la culture |
Projet de loi Oeuvres culturelles à l'ère numérique (1ère lecture) (n° 523 ) |
N° COM-50 rect. 4 mai 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme MORIN-DESAILLY, MM. KERN, Loïc HERVÉ et LAUGIER, Mmes BILLON et de LA PROVÔTÉ, MM. LONGEOT et de BELENET, Mme DREXLER, MM. LE NAY, DECOOL, HENNO, Pascal MARTIN, CIGOLOTTI et CHAUVET, Mmes JOSEPH, JACQUEMET, SAINT-PÉ et SCHALCK, MM. LEVI, DUFFOURG et MOGA, Mme DOINEAU, MM. Jean-Michel ARNAUD, HINGRAY, CANEVET et DÉTRAIGNE, Mme LOISIER et M. JANSSENS ARTICLE 1ER |
Après l'alinéa 113
Insérer un alinéa ainsi rédigé
Sont insérés à l’article L.336-2 du CPI les alinéas additionnels ainsi rédigés :
« La décision judiciaire rendue en application du présent article précise les conditions dans lesquelles elle autorise l’actualisation de la mesure qu’elle ordonne en présence de la continuation dans le cadre d’un même service autrement accessible ou autrement localisé de l’atteinte au droit d’auteur ou au droit voisin à laquelle elle tend à remédier.
« La mise en œuvre de l’actualisation prend la forme d’une notification sous la responsabilité du demandeur aux personnes destinataires des mesures ordonnées.
« La notification comporte la justification des conditions requises au premier alinéa.
« Le destinataire d’une telle notification ne peut voir sa responsabilité engagée en raison de la mise en œuvre d’une mesure d’actualisation conforme à la demande reçue par lui qui s’avèrerait non fondée.
Il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la forme accélérée au fond lorsque la mise en œuvre de la mesure d’actualisation fait apparaitre une difficulté́́ ».
Le fait, pour toute personne de notifier à une personne ayant mis en place une mesure judiciaire ordonnée en application de l'article L.336-2 du CPI une demande d'actualisation de cette mesure fondée sur la continuation de l'atteinte dans le cadre d'un même service autrement accessible ou autrement localisé à laquelle elle tendait à remédier alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 Euros d’amende. »
Objet
Le présent amendement complète le dispositif, le cas échéant en deux temps, établi dans le projet d’article L.331-6 du CPI qui permet à toute personne bénéficiaire d’une mesure judiciaire restrictive d’accès qui s’avère être contournée et qui n’est pas en mesure de procéder par voie d’injonction dynamique de solliciter le concours de l’autorité administrative à cette fin.
Cependant, force est de constater que ce dispositif qui nécessite le passage par l’autorité administrative - et dont il n’est pas avéré qu’il sera le plus souvent suivi d’effet compte tenu de la possible localisation du destinataire en dehors de l’Union - ne peut pas constituer le seul moyen d’augmenter l’efficacité des mesures judiciaires prononcées. Il faut que les bénéficiaires d’une décision judiciaire ordonnant des mesures soient en situation de répliquer dans un temps aussi rapide que celui des contrefacteurs.
Le présent amendement permet ainsi la création d’injonctions dynamiques par insertion de quatre nouveaux alinéas dans l’article L.336-2 du CPI afin de permettre au Juge judiciaire de préciser dans quelles conditions il est possible de faire échec au contournement des mesures qu’il prononce dès lors que l’atteinte au droit d’auteur ou au droit voisin ayant permis de qualifier d’illicite l’activité du service visé continue dans le cadre d’un même service autrement accessible (Changement de chemin d’accès par redirection) ou autrement localisé (Site clone dit « site miroir »).
Une notification aux fins d’actualisation de ces mesures est adressée par ou à la demande du bénéficiaire des mesures contournées à un intermédiaire destinataire partie à la procédure judiciaire qui n’a pas les moyens de connaître l’évolution du service objet de la décision originelle.
La mise en œuvre de l’injonction dynamique est subordonnée à l’obligation de motivation de la notification sous la responsabilité de la personne pour le compte de qui elle est adressée.
Seul un tel dispositif permet un traitement le plus rapide possible de tels contournements dans les conditions d’urgence qu’impose le temps des réseaux numériques.
Les victimes de contrefaçons massives commises sur les réseaux numériques doivent être mises en situation de réagir aux actes de contournement des décisions judiciaires qu’elles ont obtenues dans un temps tendant à être aussi rapide que celui mis par les pirates pour mettre en place leurs contournements.
Dans le domaine culturel, le présent amendement permet donc au tribunal judiciaire de prévoir dès sa décision initiale qu’en présence de la continuation de l’atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin caractérisant l’activité illicite visée par ses mesures par un même service autrement accessible ou autrement localisé, le périmètre de sa décision puisse être étendu à l'ensemble des accès donnés ou à la localisation nouvelle de ce même service continuant cette atteinte, au moyen de chemins d’accès et localisations mis en place après la décision qu’elle ne peut donc pas avoir visés, y compris des « sites miroirs ».
Le domaine d’application de ce dispositif est circonscrit aux services pour lesquels le juge a donc déjà pu apprécier la proportionnalité de la mesure prononcée pour protéger la propriété intellectuelle, en particulier au regard des autres libertés fondamentales que sont la liberté d’expression et la liberté d’entreprendre.
C’est en vain que l’on objecterait que ce dispositif présenterait un danger en ce qu’il laisse entre les mains du bénéficiaire des mesures initiales le soin et la responsabilité de notifier directement les mesures visant à empêcher le contournement au destinataire de l’injonction initiale.
Cette objection n’est pas fondée pour plusieurs raisons :
En premier lieu, le droit positif connaît déjà un mécanisme de notification à l’initiative et sous la responsabilité des victimes d’atteinte au droit d’auteur et aux droits voisins : il figure dans l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique – et constitue le pilier de la mise en cause de la responsabilité des hébergeurs.
Ce type de notification a conduit très récemment à la condamnation pénale d’un hébergeur pour la première fois par le Tribunal Correctionnel de Nancy le 23 avril 2021.
Ce type de notification n’est en rien assujetti à un filtre préalable exercé par l’autorité administrative indépendante.
Il est effectué sous la responsabilité du commanditaire de la notification, cette responsabilité pouvant être pénale en cas de notification inexacte en connaissance de cause.
Le présent amendement comporte les garanties en ce qui concerne le régime de responsabilité applicable dès lors qu’il précise que le destinataire d’une demande d’actualisation qui la met en œuvre conformément à cette demande ne peut voir sa responsabilité engagée.
En outre, une disposition analogue à celle instituant une responsabilité pénale en cas de notification inexacte en connaissance de cause de l’article 6.I.4 de la LCEN est également prévue par le présent amendement.
La nécessité de l’intervention de l’autorité administrative indépendante, fut-ce comme simple tiers de confiance, peu compatible avec la temporalité de l’actualisation n’est donc pas établie.
A cet égard, il ne faut pas confondre les spécificités de l’actualisation anti-contournement dans le domaine culturel, et celles qui caractérisent l’actualisation des mesures dans le domaine de l’évènementiel sportif. Dans l’évènementiel sportif, le recours à l’autorité administrative indépendante est nécessaire dès lors que, contrairement aux actualisations dans le domaine culturel, les mesures recherchées par les titulaires de droits sur l’évènementiel sportif viseront également des services nouveaux qui n’ont pas été soumis au Juge dans sa décision initiale.
Cette particularité s’ajoute aux besoins distincts de l’évènementiel sportif par rapport à ceux du secteur culturel en présence du piratage d’un mono-programme éphémère et à programmation ponctuelle.
Enfin, il convient d’observer que le présent amendement sera sans incidence sur les coûts de mise en œuvre des mesures dès lors que ce n’est pas la volumétrie des mesures qui change, mais simplement la rapidité de leur mise en œuvre.
Compte tenu du gain de temps considérable qu’elle permet, en pratique, l’injonction dynamique se substituera vraisemblablement en pratique à la procédure de référé empruntée jusqu’ici.
Le présent amendement consacre législativement une solution qui s’inscrit dans le droit de l’Union et qui est reconnue dans la jurisprudence de plusieurs États membres de l’Union Européenne comme le révèle une récente étude de l’EUIPO de mars 2021 (Study on Dynamic Blocking Injunctions in the European Union)