commission des affaires étrangères |
Projet de loi PJL de programmation relatif au développement solidaire (1ère lecture) (n° 404 ) |
N° COM-9 9 avril 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme CARLOTTI, MM. TEMAL, KANNER, TODESCHINI et ROGER, Mmes CONWAY-MOURET et Gisèle JOURDA, MM. Mickaël VALLET, VALLINI, VAUGRENARD et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE 1ER A (NOUVEAU) |
Alinéa 3
A l’alinéa 3, après les mots : « de développement » :
Ajouter une phrase ainsi rédigée :
« Elle s’engage à ce que les actions menées sur financement de son aide publique au développement puissent être mises en œuvre dans le respect du principe de non-discrimination de l’attribution de l’aide aux populations ».
Objet
Si le principe de non-discrimination de l’action humanitaire a pu être précisé dans le projet de loi lors de son examen à l’Assemblée nationale et qu’un rapport a été prévu à son article 13 destiné à évaluation les situations et conditions de criblage sur le terrain, l’application de ce principe à l’aide au développement dans son ensemble et en particulier dans les actions de stabilisation n’est pas actuellement conforté. Ces dernières concernent aujourd’hui des OSI tant humanitaires que de développement, voire intervenant sur les deux secteurs dans la logique d’un continuum urgence/réhabilitation/développement. Le cas du Sahel l’illustre parfaitement, sur des financements d’OSI françaises provenant tant du Centre de crise et de soutien que de l’Agence française de développement. Quelle que soit la catégorisation des acteurs OSI intervenant dans des territoires en crise et fragiles, l’exemption de criblage des populations bénéficiaires devrait naturellement s’imposer, pour permettre aux OSI de développer leurs actions rapidement et de manière efficace, sans mettre en danger leurs propres équipes et partenaires vis-à-vis de groupes radicaux et terroristes, et en respectant un principe fondamental de non-discrimination de l’attribution de l’aide auprès de populations vulnérables. Par ailleurs, concernant d’autres géographies et territoires, hors zone de conflit et de crise, parfois exempts de toute présence de groupes terroristes ou mafieux inscrits sur les listes de sanctions internationales, quel sens aurait le criblage des populations bénéficiaires ? Cribler chaque bénéficiaire d'un projet représenterait un coût en ressources humaines et équipements considérables. En 2017, le seul dispositif Initiative OSC de l'AFD a bénéficié à 7,3 millions de personnes. Au-delà de détourner les équipes et leur énergie du fondement de leurs activités au service de populations en situation de vulnérabilité ou d’exclusion partout dans le monde, saurions-nous justifier l’usage de tels moyens à cette fin, de surcroit là où justement il n’y a pas de terroristes ou de réseaux de blanchiment identifiés et recensés ? Au regard des territoires en conflits et fragiles, cette situation n’en serait-elle pas paradoxale et très singulière ? Enfin, dans de telles situations, comment les demandes d’information précises sur l’identité des personnes à des fins de criblage anti-terroriste émises par les OSI seront-elles perçues par les populations elles-mêmes ?Le criblage des populations bénéficiaires est également incompatible avec un certain nombre d’engagements pris par les OSI ou les États dans différents secteurs d’intervention, comme par exemple dans le domaine de l’enfance avec la convention internationale des droits de l’enfant qui interdit toute discrimination, ou le serment d'Hippocrate dans le domaine de la santé. Enfin d’un point de vue très pratique, le criblage des populations bénéficiaires des actions des OSI s’avère par ailleurs inopérant dans bien des situations. Environ 1,1 milliard de personnes, vivant principalement dans les zones récipiendaires d'aide publique, n'ont pas de titre d'identité. Les titres, quand ils existent, sont parfois erronés. Les homonymes sont nombreux. L’obligation de criblage conduirait à les exclure de l’aide, à les laisser de côté, alors qu’elles sont souvent parmi les plus démunies...Ainsi, tant pour respecter le principe de non-discrimination et les droits humains qui guident les actions des OSI, que pour des raisons évidentes de cohérence et d’efficacité, il est indispensable que l’exemption du criblage des populations bénéficiaires s'applique à l’ensemble des actions de terrain des organisations de solidarité internationale. L’élaboration de la Loi présente aujourd’hui une opportunité unique d’offrir un cadre qui sécurise l’action de l’ensemble des OSI humanitaires et de développement, et le rayonnement de leurs valeurs d’humanité et de solidarité.