commission des affaires économiques |
Projet de loi Lutte contre la maltraitance animale (1ère lecture) (n° 326 ) |
N° COM-9 rect. bis 20 septembre 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes BOULAY-ESPÉRONNIER, LHERBIER, DEROMEDI, GOY-CHAVENT, BELRHITI et DUMAS, M. SAVARY et Mmes RENAUD-GARABEDIAN et BELLUROT ARTICLE 7 |
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
... - Après le premier alinéa de l’article 1915 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de dépôt peut porter sur un animal. Néanmoins, lorsque l’obligation principale a pour objet l’hébergement de l’animal et les soins à lui apporter, les parties sont liées par un contrat de pension, conformément à l’article 1914-1 ».
Objet
Améliorer les conditions de détention des équidés impose d’encadrer la relation contractuelle liant un propriétaire à un professionnel par des normes adaptées. Les obligations des pensions équestres et écuries de propriétaires sont en principe régies par le contrat de dépôt, inadapté à la mise en pension d’un animal vivant.
Usuellement, le contrat de pension d’un animal est analysé juridiquement comme un contrat de dépôt, répondant à la définition posée par l’article 1915 du Code civil selon lequel le dépôt « est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature ». Or, cette qualification révèle son inadaptation lorsque la « chose » en garde est un animal, notamment au regard des obligations incombant aux parties.
En effet, le contrat de dépôt est un contrat nommé dont les deux obligations principales sont la garde de la chose et sa restitution. Il s’agit, par essence, d’un contrat à titre gratuit (art. 1917 du Code civil), qui implique seulement une attitude passive de la part du dépositaire.
La mise en pension d’un équidé, convention par laquelle un professionnel s’engage à héberger un cheval confié par un propriétaire, lui prodiguer des soins adaptés et éventuellement l’entraîner impose au contraire une prestation active. Dès lors, le rattachement juridique de la pension au contrat de dépôt s’avère artificiel, inadapté et susceptible de conséquences néfastes pour l’animal, tant les obligations légales découlant du contrat de dépôt disconviennent à la mise en pension d’un être vivant.
Si un dépositaire est classiquement tenu à une obligation de garde, supposant l’entretien de la chose et son maintien en bon état, le bien être d’un équidé implique des soins particuliers, parfois exceptionnels, étendant l’obligation de garde et de surveillance à un entretien qui dépasse le cadre d’un entretien « normal » (maréchalerie, dentisterie, ostéopathie, etc.). Les seules obligations du dépositaire sont en ce sens insuffisantes à assurer des conditions de détention appropriées.
Ex : Le contrat de dépôt n’oblige pas le dépositaire à faire voir le cheval régulièrement par un maréchal ferrant, pourtant essentiel au bien-être de l’équidé.
De même, le contrat de dépôt n’impose aucune obligation d’information du dépositaire au déposant quant à l’état de la chose au fur et à mesure de l’exécution du contrat de dépôt ; un équidé pourrait donc décéder sans que le dépositaire soit dans l’obligation d’en informer le propriétaire. Or, si la chose confiée est un animal, les soins apportés à sa garde impliquent d’informer le propriétaire quant à son état de santé et soins vétérinaires à envisager, sous peine d’une détérioration de la santé et donc du bien être de l’animal. Une telle obligation d’information se conçoit d’autant plus logiquement que les frais occasionnés par ces soins seront mis à la charge du propriétaire.
Ex : Le contrat de dépôt n’oblige pas le dépositaire à tenir informé le propriétaire de l’état de santé du cheval : s’est-il blessé ? a t-il besoin de soins ? Ces informations régulières sont pourtant essentielles au bien être de l’animal.
En outre, les dispositions applicables au contrat de dépôt offrent au dépositaire un droit de rétention de la chose (art. 1948 du Code civil) en cas d’impayés, lui permettant de ne la restituer qu’une fois intégralement réglé. A nouveau, comme de récentes affaires en témoignent (Cour d’appel de Poitiers, 19 février 2019 n° 55/2019 ; CA Caen, 30 avril 2019, n° 16/03282 ; CA Caen, 25 juin 2019, n° 16/04642), cette prérogative peut s’avérer dramatique si l’objet du dépôt est un animal : l’obligations de soins dans le cadre d’une rétention ne peut être que réduite. Par définition en effet, le dépositaire-rétenteur n’est pas payé, il est donc peu probable qu’il engage des frais exceptionnels pour veiller à la santé de l’animal. Le rétenteur risque au contraire de se contenter d’un entretien a minima c'est-à-dire à moindres frais puisqu’il ne parvient déjà pas à recouvrer la créance principale. Le droit de rétention met donc sur le même plan l’obligation de payer du déposant et l’obligation de soins du dépositaire. Seulement, un défaut de paiement est réparable alors qu’un défaut de soins entraînant souffrances et mort d’un équidé ne l’est pas. La perte d’un animal en raison d’un défaut de soins, ne peut être justifiée par un défaut de rémunération.
Ex : A laisse un cheval en dépôt à B. A ne paye plus le prix fixé par les parties. B peut conserver le cheval tant que A n’a pas payé intégralement sa dette.
- Hypothèse 1 : Ne sachant pas s’il finira par être payé, B limite les frais avancés pour l’entretien du cheval, générant un défaut de soins
- Hypothèse 2 : Si A ne veut pas récupérer son cheval, qu’il juge par exemple trop vieux, le cheval demeurera à la charge de B qui, déjà impayé, ne voudra pas soigner le cheval pour ne pas augmenter ses frais. Le cheval sera dès lors laissé à l’abandon
Enfin, s’il est arrivé que la qualification de contrat de dépôt soit écartée au profit d’un autre contrat, par exemple le contrat d’entreprise en cas de contrat impliquant une prestation autre que la garde de la part du professionnel, par exemple le travail ou l’entraînement d’un cheval, cette solution n’apparaît guère satisfaisante. Elle contraint le juge à dépecer le contrat pour en retrouver l’obligation principale afin de parvenir à une qualification certes unitaire mais artificielle. Or, par essence, la mise en pension d’un animal n’est ni strictement un contrat de dépôt, ni strictement un contrat d’entreprise. Elle mériterait sans nul doute une catégorie juridique à part entière, dans un but de protection de l’animal confié.
Ces exemples, qui pourraient être multipliés, attestent de ce que le régime juridique du dépôt n’est pas adapté au contrat de pension et qu’à ce titre, cette qualification devrait être exclue s’agissant d’un contrat relatif à l’hébergement et aux soins à porter à un animal. Le contrat de dépôt pourrait rester applicable aux situations dans lesquelles une personne se contente de loger un cheval sans avoir à le nourrir ni à s’en occuper (location simple de boxe, cheval en transit dans un établissement le temps d’un transport, cheval en fin de soins chez un vétérinaire dans l’attente de son propriétaire, etc.) Il est dès lors suggéré de créer une catégorie nouvelle de contrat, réservée à l’objet spécifique qu’est la prise en pension d’un animal, être sensible : le contrat de pension d’animal, distinct du contrat de dépôt et imposant aux parties des obligations adaptées. Sa définition juridique peut être insérée dans le Code civil préalablement aux dispositions régissant le contrat de dépôt (création d’un article 1914-1). Son régime pourra être ultérieurement précisé aux articles 1914-2 et suivants.