commission des affaires sociales |
Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (1ère lecture) (n° 583 ) |
N° COM-213 25 juin 2018 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. COLLOMBAT, Mme COHEN, M. WATRIN et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ARTICLE 63 |
Supprimer cet article.
Objet
Contre l’avis du Conseil d’Etat le Gouvernement a choisi de faire figurer à la fin du Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (articles 63, 64 et 65) une disposition tendant à permettre aux fonctionnaires de conserver pendant cinq ans leurs droits à avancement dans le cadre d’une mise en disponibilité, ce qui n’est possible à l’heure actuelle que dans le cadre du détachement.
Cette disposition est déclinée dans les trois versants de la fonction publique mais touche particulièrement les hauts fonctionnaires puisque, sous réserve d’avoir occupé dans le privé un poste de responsabilité ils peuvent s’en prévaloir à leur retour pour obtenir une promotion.
Dans son étude d’impact le Gouvernement justifie cette mesure au nom de l’égalité homme-femme en constatant que les femmes demandent plus de disponibilités que les hommes et que ceci nuit à leur carrière. Même si cet état de fait est incontestable, la mesure telle qu’elle est conçue n’a pas l’égalité entre les femmes et les hommes comme principal objectif et pose un risque sérieux au regard de la nature de la fonction publique.
En effet, l’écart constaté entre hommes et femmes porte pour l’essentiel sur les disponibilités de droit (pour s’occuper d’un enfant de moins de huit ans, pour suivre son conjoint, pour s’occuper d’un enfant conjoint ou ascendant handicapé ou gravement malade) mais ce n’est pas sur celles-ci uniquement que porte l’élargissement proposé. C’est en fait sur les disponibilités pour convenance personnelle, qui elles sont majoritairement prises par des hommes, que la mesure aura le plus d’impact. Le Gouvernement joue sur l’assimilation de ces deux types de position dont l’usage est très différent.
Les disponibilités de droit sont conçues pour permettre aux agents de faire face à des circonstances familiales leur interdisant de fait l’exercice de leur activité professionnelle ce qui justifie une interruption de leur carrière. Or le bénéfice du dispositif proposé est réservé aux fonctionnaires en disponibilité ayant une activité comparable à celle exercée précédemment pour obtenir une promotion et donc continuer à progresser dans leur carrière. Il s’agit donc clairement d’assimiler l’exercice d’une fonction de haut niveau dans le secteur privé à haut niveau, avec des revenus conséquents voire supérieur à celui des fonctions précédents dans la fonction publique. Rien à voir donc avec une quelconque compensation d’une inégalité touchant surtout les femmes.
Clairement, cette mesure favorisera plus que proportionnellement les plus hauts fonctionnaires.
En effet, si les disponibilités ne concernent que 2,75 % des fonctionnaires civils des ministères (DGAFP rapport annuel sur l’Etat de la fonction publique 2017) elles concernent par exemple plus d’un tiers des inspecteurs des finances. Si l’on raisonne en stock, 22% des anciens élèves de l’ENA sortis de l’Ecole entre 1980 et les années 2000 ont fait au moins un passage par le privé et ce taux monte à 75 % si l’on prend en compte les seuls inspecteurs des finances. C’est donc principalement pour les fonctionnaires sortis dans les grands corps que cette mesure est intéressante.
Or outre le coût qu’elle représente pour l’Etat, et s’agissant de l’article 64 pour les collectivités territoriales et de l’article 65 pour les établissements sanitaires, cette mesure n’est pas utile.
En effet les passages dans le privé et les allers retours sont aujourd’hui faciles et la commission de déontologie de la fonction publique se prononce sur les passages dans le privé n’oppose que 2 % de refus en moyenne aux demandes qui lui sont faites et il n’existe aucun contrôle sur les retours. Il n’y a donc pas lieu d’encourager des départs dans le privé qui sont parfaitement possibles et très pratiqués par les fonctionnaires des grands corps.
Enfin la disposition proposée par le Gouvernement pose un problème de principe. A l’heure actuelle la préservation des droits à l’avancement n’est possible que dans le cas d’un détachement, position réservée à l’exercice de fonctions au sein du secteur public. En l’étendant aux disponibilités et donc aux fonctions exercées dans le secteur privé, cette disposition établit une équivalence entre le service de l’intérêt public et celui de l’intérêt privé qui n’est pas acceptable, même pour une durée de cinq ans. Elle touche en effet au fondement même de la fonction publique qui conditionne l’octroi de certains avantages dont la garantie de l’emploi au service de l’Etat.
A défaut d’être recentré uniquement sur les mises à disposition de droit, ce dispositif qui n’a pas été réellement conçu pour l’égalité entre les femmes et les hommes mais a pour principal effet de favoriser les allers-retours des hauts fonctionnaires entre le privé et le public doit être supprimé.