commission des lois |
Projet de loi lutte contre les violences sexuelles et sexistes (1ère lecture) (n° 487 ) |
N° COM-7 18 juin 2018 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes COHEN et PRUNAUD ARTICLE 4 |
Rédiger ainsi cet article :
I. La section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 225-4-1 ainsi rédigée :
« Art. 225-4-1. - Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout propos ou comportement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
« Les faits prévus au premier alinéa sont punis de 7 500 euros d’amende.
« Les peines sont portées à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende quand ils sont commis :
« - sur un mineur de quinze ans ;
« - une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
« - sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
« - par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
« - dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
« - au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public.
« Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende quand les faits sont commis en réunion. »
II. Dans l’article L. 1142-2-1 du code du travail, le mot : « agissement », est remplacé par les mots : « propos ou comportement ».
III. Dans l’article 6 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le mot : « agissement », est remplacé par les mots : « propos ou comportement ».
Objet
Cet amendement tire les conséquences de plusieurs recommandations de la délégation aux droits des femmes.
Il s’agit de créer dans le code pénal un délit autonome d’agissement sexiste, qui se substituerait à l’outrage sexiste prévu par l’article 4 du projet de loi.
La délégation aux droits des femmes n’a en effet pas été convaincue par la solution préconisée par le Gouvernement en réponse à un phénomène qui « empoisonne la vie des femmes au quotidien », comme le relève le Haut Conseil à l’Égalité dans son avis relatif au harcèlement sexiste et aux violences sexuelles dans les transports en commun[1], sans pour autant être réprimé. Comme le souligne le rapport d’information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, « la plupart des comportements visés par l’outrage sexiste peuvent d’ores et déjà être réprimés par le droit existant » : agression sexuelle, exhibition sexuelle, violences volontaires n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, injure.
En tant que relevant d’une contravention de 4ème classe, l’outrage sexiste équivaut, dans l’échelle des peines, à l’abandon de déchets sur la voie publique, ce qui n’est pas à la hauteur de la gravité de certains comportements.
On peut par ailleurs douter de l’efficacité de l’outrage sexiste, qui suppose pour être appliqué que des effectifs très importants soient mis en place pour que les personnels habilités à constater cette infraction et à verbaliser ses auteurs soient en cohérence avec la fréquence des faits à réprimer.
Il ne permettra pas de protéger les femmes de comportements qui affectent leur dignité tels que le refus de serrer la main d’une femme ou la récusation de son autorité, pour le seul motif qu’elle est une femme. Ces agissements et attitudes, en effet, se heurtent à un vide juridique :
- ils ne relèvent pas de l’injure, car celle-ci, selon l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, suppose le recours à des « écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image », c’est-à-dire à des propos écrits ou oraux. Elle n’inclut pas a priori des gestes ;
- ils ne constituent pas une agression sexuelle ; ils ne relèvent pas non plus du harcèlement dit d’ambiance, qui suppose la répétition ; la discrimination ne semble pas non plus pleinement adaptée.
Comme le rappelle la délégation aux droits des femmes dans son rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, adopté le 12 juin 2018, il est nécessaire de ne pas limiter le champ de la nouvelle infraction aux comportements et propos déplorés dans les transports ou dans la rue.
[1] Avis relatif au harcèlement sexiste et aux violences sexuelles dans les transports en commun, Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, 16 avril 2015.