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commission des lois

Projet de loi

Nouvelle organisation territoriale de la République

(1ère lecture)

(n° 636 , 0 )

N° COM-112

5 décembre 2014


 

AMENDEMENT

présenté par

Retiré

M. Vincent DUBOIS


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 13


Rédiger ainsi cet article : 

Dispositions spécifiques à la collectivité territoriale de Polynésie française

I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2573-25 est ainsi modifié :

Le point « II » est supprimé et est remplacé par les dispositions suivantes :

« II.- Pour son application en Polynésie française, l’alinéa 1er de l’article L. 2223-1 est ainsi rédigé :

« Chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de cimetières dispose d'au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l'inhumation des morts. Les communes de 6 000 habitants et plus ou les établissements publics de coopération intercommunale de 6 000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, peuvent décider de la création d’un site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation.

Les communes disposent d'un délai courant jusqu’au 31 décembre 2020 pour mettre en œuvre les dispositions prévues par le présent article » ;

Il est ajouté un point V à l’article L. 2573-25 du code, ainsi rédigé :

« V.- Pour son application en Polynésie française, l’article L. 2223-9 est ainsi rédigé : « Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, après accord de l’autorité compétente, en l’occurrence du Maire ou du Président de l’établissement public de coopération intercommunale selon les cas, et dans le respect des prescriptions légales et règlementaires d’hygiène et de salubrité » ;

2° L’article L. 2573-27 est ainsi modifié :

La phrase « Les communes doivent assurer, au plus tard le 31 décembre 2015, le service de la distribution d’eau potable et, au plus tard le 31 décembre 2020, le service de l’assainissement » par la phrase : « Les communes doivent assurer le service de la distribution d'eau potable et le service de l'assainissement au plus tard le 31 décembre 2024 » ; 

3° L’article L. 2573-30 est ainsi modifié :

Les mots : « le 31 décembre 2011 » ; Sont remplacés par les mots : « le 31 décembre 2024 ».

 

Objet

Le présent article prévoit d’augmenter, pour les Communes de Polynésie française, le seuil du nombre d’habitants à partir duquel une Commune pourra disposer d’un site cinéraire pour accueillir les cendres des personnes décédées et dont le corps a donné lieu à crémation. Il est ainsi proposé de porter à 6.000 habitants ledit seuil. Il est également proposé de transformer l’obligation d’installer un site cinéraire en une simple faculté pour les communes (« peuvent décider »). Il porte enfin au 31 décembre 2020 le délai d’accomplissement des obligations prévues par cet article, compte tenu de la proximité du délai actuel (05 octobre 2017). En effet, porter le seuil de 2 000 habitants à 6 000 habitants est en cohérence avec la culture, la religion et les traditions locales, la population polynésienne, très croyante (protestants et catholiques), demeurant particulièrement attachée à l’inhumation traditionnelle (mise sous terre). A ce jour, il n’existe ainsi aucun site cinéraire en Polynésie française, tandis qu’aucun projet n’a été envisagé par les Communes. La crémation est donc une pratique totalement étrangère aux habitudes des familles polynésiennes, lesquelles, à l’inverse, continuent parfois d’enterrer leurs proches dans le domaine familial, et/ou sur des cimetières « privés » ou « familiaux », notamment dans les petites communes ou les atolls éloignés. Par ailleurs, l’absence de foncier municipal suffisant pour construire tant des cimetières que des sites cinéraires, constitue un obstacle objectif justifiant le report du délai à fin 2020 pour atteindre les obligations prévues à l’article L. 2223-1, notamment pour les communes ne disposant pas encore de cimetière à ce jour. Aussi, pour éviter toutes difficultés aux communes et plus particulièrement aux petites communes, l’amendement modifie le caractère obligatoire de l’article pour laisser le choix aux communes de créer ou non, un lieu destiné à recevoir les cendres de défunts, tout en portant le seuil à 6.000 habitants, mais tout en conservant la possibilité pour les communes qui le souhaitent de se regrouper en EPCI. En outre, pour répondre davantage aux traditions et afin d’éviter d’éventuels contentieux, la rédaction de l’article L. 2223-9, pour son application en Polynésie française, est modifiée pour permettre aux familles polynésiennes de pouvoir continuer d’enterrer leurs proches sur leurs terrains et cimetières familiaux, après accord de l’autorité compétente et dans le respect des prescriptions légales et règlementaires d’hygiène et de salubrité. En effet, la notion d’« enceinte des villes et des bourgs », prévue par l’actuel article L. 2223-9 n’est pas adaptée à l’organisation géographique des communes de Polynésie française, et source d’interprétation.

 

La production d’eau potable et l’assainissement sont pour de nombreuses communes de Polynésie française une problématique réelle et récurrente. Principalement pour les communes dont la ressource en eau n’est pas suffisante comme les atolls des Tuamotu notamment. L’absence de foncier suffisant et les difficultés de maîtrise rencontrées en la matière dans un contexte d’indivision familiale représentent un obstacle important à la mise en œuvre des projets d’aménagement aussi bien en matière d’obtention des financements que pour la construction des infrastructures. Cet état des lieux fait également ressortir l’inégalité dans l’évolution et la mise en place des services d’eau potable dans les différents archipels, réalité qui n’a pas été prise en considération lors de la fixation des échéances. Parvenir à répondre aux prescriptions en matière d’accès à l’eau potable et d’assainissement est déjà difficile pour les communes pouvant être qualifiées d’« urbaines » (en nombre très limité : Papeete, Punaauia, Faa’a, Pirae, Bora Bora,…), mais devient quasi impossible pour les communes des Tuamotu, regroupant souvent quelques centaines d’habitants répartis sur plusieurs atolls isolés. Dans les îles sans ressources abondantes en eau, créer un service de distribution d’eau potable obligerait la commune à investir dans une unité de dessalement de l’eau de mer, puis dans un réseau hydraulique afin de desservir l’ensemble des administrés, pour un coût totalement disproportionné au regard du nombre d’habitants, lesquels seraient en outre dans l’impossibilité financière de payer le service rendu. Les rapports 2007 et 2013 du Centre d'hygiène et de salubrité publique (CHSP) sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine à Tahiti et dans les îles, relèvent que la qualité de l'eau distribuée est très variable selon les communes. En 2007, les résultats du bilan conduit par le CHSP montrent une très mauvaise qualité générale des eaux distribuées : 80 % des communes desservent une eau de qualité mauvaise à moyenne, et 5 communes seulement distribuent une eau de qualité « relativement satisfaisante » (taux de conformité compris entre 81% et 100%) (Papeete, Arue, Papara, Pirae, Faa'a et Bora-Bora). Toujours en 2007, seules deux communes, Papeete et Arue, ont atteint près de 100 % de résultats conformes. Par conséquent, seuls 10 % des habitants de la collectivité ont accès à une eau potable à 100 %. Cependant, une évolution positive a pu être constatée depuis 2007 puisque le rapport de 2013 relève désormais que 15 communes distribuent une eau avec un taux de conformité compris entre 81% et 100%. Ces 15 communes se répartissent de la façon suivante :

-       7 communes distribuent de l’eau potable à 100% (Arue, Bora Bora, Huahine, Mahina, Papeete, Punaauia, Tumaraa) soit 36% de la population,

-       3 communes ont un taux de conformité supérieur à 91% (Faaa , Tubuai, Gambier),

-       et 5 autres communes ont un taux de conformité compris entre 81% et 90%.

Cette amélioration montre qu’un effort important a été fait, mais démontrent aussi une difficulté réelle à fournir de l’eau potable pour les communes éloignées de Tahiti ou pour celles ne disposant pas d’une ressource abondante. A titre d’exemple, on note qu’aucune des 16 communes de l’archipel des Tuamotu et des 6 communes des îles Marquises ne distribue d’eau potable. Les atolls souffrent donc de la faiblesse des ressources en eau, en raison d’un manque de pluie et de l’insuffisance des réceptacles naturels. L’approvisionnement en eau constitue pour la population, qui ne dispose pour certains que de quelques dizaines de litres d’eau par jour et par habitant, un souci constant et les manques sont fréquents. En effet, la principale technique à laquelle recourent ces communes disposant de peu de ressources consiste à mettre en place des citernes individuelles et publiques de collecte d'eaux de pluie. Les habitants des atolls consomment en moyenne de 6 à 10 fois moins d’eau que dans les îles hautes. Une étude récente du syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française a montré que l’objectif eau potable aux Tuamotu ne serait envisageable qu’à l’échéance de 10 ans, sous réserve de la mise en œuvre de solutions visant à la distribution d’un volume d’eau potable limité, à consacrer aux besoins vitaux des habitants. Il est donc essentiel de reporter les délais pour permettre aux communes de Polynésie, et notamment aux petites communes isolées de la Polynésie française, de disposer du temps nécessaire à la mise en place d’un système de distribution d’eau potable efficace pouvant s’adapter notamment aux contraintes géographiques et insulaires, mais aussi aux faibles ressources financières de la population. En fonction des priorités, un système d’assainissement collectif public a été mis en place dans les communes d’abord concernées par l’industrie touristique (Bora Bora, Moorea et Punaauia) et dans les communes les plus fortement urbanisées (Paea, Faa’a, Papeete, Arue et Pirae). Ces programmes d’assainissement collectif public nécessitent des investissements financiers très lourds. Pour exemple, le programme qui concerne l’île de Bora Bora a couté 2,9 milliards de francs CFP (soit plus de 24 millions d’euros), et le programme global de travaux pour l’ensemble de la Polynésie française a été estimé à plusieurs dizaines de milliards de francs CFP, soit plusieurs centaines de millions d’euros, par l’agence française de développement. La conception et la réalisation de ce type de programme est complexe et demande de nombreuses années. Pour ces raisons, ils ne peuvent être mis en œuvre, de manière simultanée, au niveau de toutes les zones du Territoire. A l’heure actuelle, seulement 4 programmes d’assainissement collectif public sont en cours, mais ils ne concernent que 8 communes sur les 48 que compte la Polynésie française, étant rappelé que certaines de ces 48 communes sont composées de communes associées qui ne se trouvent pas toujours sur la même île (exemple : les atolls des Tuamotu). Par ailleurs, le statut spécifique de la Polynésie française mis en place par la loi organique de 2004 prévoit une répartition de compétences particulière, différente du droit commun. Si les communes ont la responsabilité de la mise en place et de l’exploitation des projets sur le terrain en matière d’eau et d’assainissement, c’est la Polynésie française qui est compétente pour définir la politique sectorielle en la matière, mais également pour définir les normes applicables, normes impactant très fortement l’étude des projets et l’exploitation ultérieure. Or, à ce jour, l’audit préalable à l’élaboration de la politique sectorielle de l’eau potable et de l’assainissement est en cours de finalisation et les normes existantes ont été élaborées pour une application dans des îles hautes avec une ressource naturelle abondante permettant la mise en œuvre de solutions reconnues par ailleurs. La particularité de certaines îles hautes, sans ressource abondante et celle encore plus spécifique des atolls des Tuamotu avec un environnement très sensible pour l’assainissement (proximité des lagons, absence de reliefs, sol calcaire difficile à creuser) et l’absence totale de ressource naturelle pérenne  ne sont pas réellement prises en compte. L’objet de l’article est donc de repousser les délais aussi bien pour l’accès à l’eau potable que pour le traitement des eaux usés (assainissement). Ce délai supplémentaire permettra en particulier à la Polynésie française et aux communes de définir ensemble les solutions les plus adaptées aux situations très différentes que l’immensité du territoire polynésien engendre.

 

Depuis le 15 septembre 2005, la Polynésie française a adopté la stratégie de gestion des déchets solides avec 14 autres pays de la région Pacifique. La gestion des déchets en milieu insulaire est, en effet, un défi de taille, et une véritable problématique pour les maires. En Polynésie française, le gisement total annuel des ordures ménagères atteint environ 130 000 tonnes, soit environ 500 kilos de déchets par an et par habitant. Pour répondre au délai imposé par le CGCT, la Polynésie française s’est dotée depuis plusieurs années de différentes unités de gestion des déchets  ont permis d’améliorer le traitement des déchets tout en diminuant les décharges communales. Néanmoins, des difficultés persistent, en raison de l’étendue du territoire, de la dispersion et de l’éloignement des îles, des faibles surfaces disponibles. Le gisement est disparate avec 80% des déchets produits entre Tahiti et Moorea et les 20% restant émanent de micro-gisements répartis sur plus de cent îles. La création de huit unités de traitement sous la forme de CET pour les îles hautes (Marquises, Iles sous le Vent, Australes) et d'incinérateurs pour les atolls de Tuamotu, se heurte aujourd’hui à des problèmes fonciers, à la perspective de dépenses de fonctionnement trop élevées pour les communes (et donc à une redevance particulièrement élevée pour les administrés), ou à des réticences de la part de la population (pollution, nuisances). L'investissement nécessaire à la réalisation de ces projets est titanesque, en raison notamment du surcoût lié à l’importation du matériel et des matériaux en Polynésie française, coût encore augmenté ensuite lors du transport vers les différentes îles de la Polynésie française. A titre d’exemple, pour la communauté de Commune de Havai (composée de deux communes de Raiatea : Tumara et Taputapuatea), le projet de CET a été chiffré à 450 millions de francs CFP soit 3,7 millions d’euros, pour une population d’à peine 9.000 habitants ! La difficulté pour chaque commune d'assumer seule la gestion des déchets apparaît de façon plus aiguë dans les archipels des Tuamotu, qui sont en général faiblement peuplés, éloignés les uns des autres et dont le relief ne permet pas toujours le recours à l'enfouissement, bien que la problématique liée au traitement des déchets soit régulièrement soulevée par la totalité des communes polynésiennes. La faiblesse des ressources des communes, notamment dans les Tuamotu et les Australes, constitue également un obstacle majeur au développement des équipements nécessaires au bien-être des habitants et au respect de l'environnement. Par ailleurs, le statut spécifique de la Polynésie française mis en place par la loi organique de 2004 prévoit une répartition de compétences particulière, différente du droit commun. Si les communes ont la responsabilité de la mise en place et de l’exploitation des projets sur le terrain, c’est la Polynésie française qui est compétente pour définir la politique sectorielle en matière de déchets, mais également pour définir les normes applicables, normes impactant très fortement l’étude des projets et l’exploitation ultérieure. Or, à ce jour, la politique sectorielle des déchets n’est pas finalisée et les normes existantes ont été élaborées pour une application dans des îles hautes avec un gisement de déchets permettant la mise en œuvre de solutions reconnues par ailleurs. La particularité des îles hautes à population faible, notamment avec des vallées peu habitées et celle encore plus spécifique des atolls des Tuamotu en plus d’une faible population un environnement très sensible (proximité des lagons, absence de reliefs, sol calcaire difficile à creuser) n’est pas réellement pris en compte. Enfin, il convient de noter que, au-delà de l’investissement initial important, la difficulté principale pour les communes à faible population va être constituée par des coûts de fonctionnement se traduisant, sans mise en place de dispositifs particuliers, notamment fiscaux, par des redevances à payer par les usagers disproportionnées. Il est donc essentiel de rallonger les délais afin de permettre aux communes de Polynésie française de mettre en place des systèmes de traitement des déchets répondant aux difficultés économiques et géographiques locales, et qui soient adaptés aux contraintes, mais également aux besoins, de chaque archipel et/ou de chaque commune. Ce délai supplémentaire permettra en particulier à la Polynésie française et aux communes de définir ensemble les solutions les plus adaptées aux situations très différentes que l’immensité du territoire polynésien engendre, mais également – la Polynésie française étant compétente en matière de fiscalité communale – de créer les ressources financières permettant de retrouver une certaine équité dans la participation du citoyen à un même service. Ce report du délai permettra également d’éviter des contentieux et des éventuelles sanctions pour les élus, lesquels se trouvent aujourd’hui démunis et dépourvus des moyens techniques et financiers pour atteindre les objectifs fixés dans le délai prescrit, lequel est d’ailleurs dépassé, nécessitant chaque année une prorogation.