Direction de la séance |
Projet de loi Production d'énergies renouvelables (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 83 , 82 , 70, 80) |
N° 590 31 octobre 2022 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Le Gouvernement ARTICLE 4 |
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’État.
II. – Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces conditions sont fixées notamment selon le type de source renouvelable, la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés aux alinéas suivants, compte tenu :
« a) Pour le territoire métropolitain, de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-2, en particulier des mesures et dispositions du volet relatif à la sécurité d’approvisionnement et des objectifs quantitatifs du volet relatif au développement de l’exploitation des énergies renouvelables, mentionnés aux 1° , 3° et 4° de cet article ;
« b) Pour le territoire de chacune des collectivités mentionnées à l’article L. 141-5, de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui lui est propre, en particulier des volets relatifs à la sécurité d’approvisionnement en électricité, au soutien des énergies renouvelables et de récupération et au développement équilibré des énergies renouvelables et de leurs objectifs mentionnés aux 2°, 4° et 5° du II de cet article et après avis de l’organe délibérant de de la collectivité. »
Objet
L’article 4, dans sa rédaction issue des travaux de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, reconnait l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur attachée, par principe, à tous les projets d’énergie renouvelable. Cette disposition, en tant qu’elle n’est encadrée par aucun critère permettant d’une appréciation au cas par cas des projets, est vidée de sa substance et fragilise juridiquement tous les projets qui sont pris en application de cet article.
En effet, la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) attachée à un projet est la première condition qui doit être remplie pour qu’un projet bénéficie d’une dérogation espèces protégées.
Elle est prévue par la directive Habitats et la Commission européenne a rappelé, à de nombreuses reprises, que « L’autorité compétente doit examiner minutieusement, au cas par cas, le caractère « majeur » de l’intérêt public et trouver un équilibre approprié avec l’intérêt public général consistant à atteindre les objectifs de la directive. […] lorsqu’ils ont recours à cette dérogation, les États membres doivent être en mesure de démontrer, à l’aide d’éléments de preuve suffisants, qu’il existe un lien entre la dérogation et les objectifs d’intérêt public majeur cités » (extrait du Document d’orientation de la Commission sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire en vertu de la directive « Habitats », mis à jour en octobre 2021). Ainsi, il ressort de la directive Habitats que la RIIPM doit faire l’objet d’une analyse au cas par cas, selon des critères objectifs, fondés sur des éléments de preuve suffisants. Cela exclue une reconnaissance par principe dans la loi de cette qualification pour tous les projets d’EnR.
Le Conseil d’Etat, qui a fait sienne cette interprétation, a développé une jurisprudence qui « repose sur une approche casuistique sans faire découler la qualification [de RIIPM] de la seule nature de l’installation, y compris pour celles destinées à la production d’énergie renouvelable. Pour retenir la qualification de RIIPM, [le Conseil d’Etat ne se borne] pas à constater, in abstracto, que l’installation projetée est par nature susceptible de contribuer, du fait de l’interconnexion du réseau, à un objectif général d’approvisionnement électrique ou de développement des énergies renouvelables mais vérifi[e], dans chaque cas d’espèce, selon une dialectique articulant le local et le global, si le projet est de nature à s’inscrire véritablement comme une partie intégrante d’un objectif national ou si, à défaut, il participe d’un objectif propre défini à une plus petite échelle » (conclusions Nicolas Agnoux, rapporteur public, sur l’affaire n° 443420).
Maintenir, dans le projet de loi, une disposition qui, en l’absence de critères objectifs, neutralise le critère de RIIPM et méconnait la directive Habitats telle qu’interprétée par la Commission européenne, reviendrait à faire peser sur tous les projets d’EnR qui la mettront en œuvre une insécurité juridique forte, les requérants étant alors fondés à soulever l’inconventionalité de la loi pour obtenir l’annulation des dérogations qui l’ont appliquée et mettre un coup d’arrêt à tous les projets attaqués. Cela reviendrait également à faire peser sur l’Etat français un risque de contentieux européen pour méconnaissance de la directive, eu égard à la neutralisation de fait de la condition de RIIPM pour toute une catégorie de projets.
Il convient donc de restaurer dans cet article un mécanisme d’analyse au cas par cas du projet, qui pourra être facilité par la définition dans la loi de conditions suffisamment précises et discriminantes pour permettre une réelle appréciation des projets par l’autorité compétente.
Ce point a été confirmé par le Conseil d’Etat dans le cadre de son avis sur le présent projet de loi, puisqu’il a souligné que ni l’article 16, paragraphe 1, de la directive Habitats, ni, en son état actuel, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne ne font obstacle à ce que la loi définisse des critères permettant de considérer que certains projets répondent à une raison impérative d'intérêt public majeur, à la condition toutefois que l’encadrement ainsi institué le soit au regard de critères pertinents pour la qualification d’opération répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur (CE, Assemblée générale, n°405732, 15 et 22 septembre 2022, Avis sur le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables).
Par suite, une modification de la rédaction est nécessaire afin de répondre aux objectifs fixés par cette disposition sans fragiliser les projets.
Au-delà de la restauration de la mention expresse de critères dans la loi, la référence à un décret en Conseil d’Etat est essentielle afin de qualifier les typologies de projet donc les apports en termes de lutte contre le réchauffement climatique sont, sans aucun doute, suffisant pour en attester la raison impérative d’intérêt public majeur. Rien n’empêche toutefois d’autres projets, n’étant pas dans ces catégories pré définies, d’obtenir cette reconnaissance après l’avoir justifiée auprès des services instructeurs.
Dans le texte, le remplacement de la mention explicite des gaz bas carbone et d’hydrogène par la mention « bas carbone » permet de les inclure dans le périmètre de l’article, sans vider de sa substance le décret en Conseil d’Etat.