Direction de la séance |
Projet de loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 47 , 46 ) |
N° 2 rect. bis 18 octobre 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes Valérie BOYER et BILLON, MM. GENET, BELIN et GRAND, Mme BORCHIO FONTIMP, MM. Daniel LAURENT et LEFÈVRE, Mmes GARNIER, IMBERT et LASSARADE, MM. REICHARDT, SAVARY, REGNARD et PELLEVAT, Mme BELRHITI, M. CALVET, Mmes DEMAS et CHAUVIN, M. DAUBRESSE, Mmes NOËL et Laure DARCOS, MM. CHARON, SIDO et TABAROT, Mme Frédérique GERBAUD et M. Bernard FOURNIER ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER BIS |
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’avant-dernier alinéa de l’article 222-14 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’impact de ces violences sur la victime est pris en compte pour l’application des articles 122-1, 122-2 et 122-5 lorsque sa responsabilité pénale est engagée. »
Objet
La lutte contre les violences conjugales est un combat qui concerne toute la société, c’est un combat universel. Un certain nombre de parlementaires mène ce combat depuis plusieurs années mais il n’avance jamais assez vite.
La prise de conscience qui s’opère depuis plusieurs années sur cette question est salutaire. Trop longtemps, notre société a tu la réalité des violences intra-familiales. Leur persistance est une meurtrissure qui ne peut plus être ignorée. Elle nous enjoint à agir.
En 2019, (dernières données consolidées) les chiffres des violences conjugales ont bondi de 16 % selon les données collectées auprès des services de police et de gendarmerie. Au total, ce sont 142 310 personnes qui ont été victimes de violences conjugales en 2019, 88 % d’entre elles sont des femmes. En 2019, 146 femmes ont été tuées par leur conjoint, soit 25 femmes de plus qu’en 2018. 3 % des plaintes concernent des plaintes pour viol ou agression sexuelle. 98 % de ces plaintes sont déposées par des femmes.
Même s’il semble que le dernier décompte macabre en 2020 soit moins lourd, la réalité au-delà des chiffres est celle d’une souffrance insupportable et inacceptable, dont parfois l’horreur du parcours de vie peut dépasser ce que notre imagination ne peut concevoir à l’image de Valérie Bacot.
Valérie Bacot était accusée d’avoir tué en 2016 son mari, aux termes de plusieurs dizaines d’années de sévices sexuels, physiques et émotionnels dont le seul énoncé peut sembler incroyable tant les faits sont abjects.
Condamnée à quatre ans de prison, dont un ferme Valérie Bacot est sortie libre vendredi 25 juin 2021. Elle avait déjà purgé un an en détention provisoire.
Les jurés ont pris en compte le contexte de violences conjugales dans lequel s’inscrit ce crime. Daniel Polette, l’ancien beau-père de Valérie Bacot qui la viole depuis ses 12 ans, devient un mari tyrannique et violent. Il l’humilie, la frappe et la prostitue. Exercer sur elle une telle emprise, que la Cour a conclu qu’elle souffrait du syndrome de la femme battue. Ce qui atténue sa responsabilité. Ce verdict témoigne d’une meilleure prise en compte des violences intrafamiliales par les magistrats.
Sur cette question l’expert psychiatre avait reconnu pour la première fois dans une expertise requise par un parquet en France que l’accusée était atteinte au moment des faits du SFB « syndrome de femme battue »[1]. Celui-ci va plus loin encore que le stress post-traumatique inhérent aux personnes ayant subi des violences.
Ainsi l’expert judiciaire indiquait : « qu’au-delà d’une altération de ses capacités d’adaptation avec hypervigilance, anxiété généralisée… confirmant l’existence d’un syndrome de stress post traumatique majeur, que cette dernière était atteinte du syndrome de femme battue : de nombreux indices mettant en évidence une soumission résultant d’une emprise d’une toute puissance incarnée par le personnage de son mari vécue comme un tyran domestique ayant droit de vie et de mort sur chaque personne du foyer ».
La personne qui est atteinte du SFB ne peut plus prendre de décisions raisonnables comme toute personne qui n’a pas connu la violence conjugale répétitive sur plusieurs années.
Que ce soit à travers des insultes, des critiques incessantes, des remarques désobligeantes, des comportements de mépris, d’avilissement ou d’asservissement de l’autre, des violences physiques et sexuelles, toutes ces attaques touchent l’intégrité psychique de la victime, qui devient alors prisonnière de la situation qu’elle subit.
Ce sont, en fait, des actes de torture mentale.
De par ces agissements, le conjoint violent porte atteinte au principe de respect de la dignité de la personne humaine.
Aujourd’hui, rares sont les cas dans lesquels la victime de violences conjugales arrive à se défaire de l’emprise exercée sur elle par son bourreau. En effet, ces victimes ne portent que trop rarement plainte.
Cet état de soumission et de « danger de mort permanent » vécu pendant des années, peut entrainer un comportement extrême. La plupart du temps une des issues de sortie de cet enfer conjugal est le suicide.
Dans des cas extrêmement rares, la victime se retourne contre le conjoint car il n’y a pas d’autre issue que de tuer pour ne pas mourir, « c’est lui ou moi ».
Aussi, devant les jurés, l’avocate de Valérie Bacot, Maître Nathalie TOMASINI, a fait référence à un amendement [2] adopté en mai par le Sénat dans une proposition de loi sur l’irresponsabilité pénale.
C’est pourquoi, comme nous l’avons fait il y a quelques mois, il conviendrait de nouveau de prendre en compte l’impact de ces violences sur la victime pour l’application des articles 122-1, 122-2 et 122-5 lorsque sa responsabilité pénale est engagée.
Tel est le sens de cet amendement.
[1] Ce syndrome est admis en Cour depuis l’arrêt R. c. lavallée [1990] 1 R.C.S. 852 pour établir l’état d’esprit de la femme violentée lors de la perpétration du meurtre de son conjoint.
[2] https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/603/Amdt_1.html