Direction de la séance |
Proposition de loi Protection des lanceurs d'alerte (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 300 , 299 ) |
N° 13 12 janvier 2022 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. DURAIN, Mme de LA GONTRIE, M. BOURGI, Mme HARRIBEY, MM. KANNER, KERROUCHE, LECONTE, MARIE, SUEUR et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE 5 |
I. – Alinéa 21
1° Première phrase
Remplacer les mots :
dûment justifiée
par les mots :
justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement ou à la divulgation
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase
II. Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge peut décider à tout moment de la procédure que cette provision est définitivement acquise. »
Objet
Le terme de « poursuites-bâillons » (ou SLAPP en anglais pour « strategic lawsuit against public participation ») désigne une action en justice, émanant généralement de grandes entreprises, intentée contre un lanceur d’alerte, un détracteur ou un opposant dans le but non pas de le faire condamner, mais de le faire taire, en l’épuisant financièrement, moralement et nerveusement. Ces poursuites présentent un certain nombre de caractéristiques communes. D’une part, la partie poursuivante est bien souvent une entreprise du secteur privé alors que la personne accusée est un individu (ex : un lanceur d’alerte) ou un collectif (ONG, association…). D’autre part, le déséquilibre financier entre les parties est important. Il conduit bien souvent à une inégalité des armes entre les parties résultant de la puissance financière des multinationales. Enfin, les propos attaqués relèvent d’un sujet d’intérêt général (ex : droits de l’homme, droit de l’environnement, corruption…).
Par ailleurs, lancer l’alerte a un coût financier et psychologique. Les études ont démontré que les lanceurs d’alerte souffraient dans la majorité des cas (entre 47 % et 52 %) de syndrômes de dépression sévère et d’anxiété, une prévalence comparable aux personnes en situation de stress post-traumatique. Sur le plan financier, une étude conjointe des universités de Galway et Belfast a démontré le coût élevé de l’alerte pour ceux qui la portent, avec un coût moyen par année de 28,910 euros.
En prévoyant une possibilité de faire prendre en charge les frais de justice du lanceur d’alerte lorsqu’une procédure est, en référé, jugée abusive, ou lorsque le lanceur d’alerte conteste une mesure de représailles, la proposition de loi règle en grande partie la problématique du déséquilibre financier entre les parties dans ce type de procédures.
Or, la version issue de la commission des lois vide largement de sa substance cette disposition.
D’une part, alors que la version adoptée par l’Assemblée prévoyait que l’organisation ne pouvait échapper à son obligation de verser un subside qu’en justifiant que la mesure prise à l’égard du lanceur d’alerte est fondée sur des éléments « objectifs et étrangers » au fait que ce dernier ou cette dernière ait lancé l’alerte, cette formulation est remplacée par la notion de mesure « dûment justifiée ». Or, là où la notion d’éléments « objectifs et étrangers » est claire car issue d’une longue jurisprudence relative à la charge de la preuve en matière de représailles discriminatoires, le terme de « dûment justifié » est vague , peu juridique, et excessivement large.
Surtout, une mesure « dûment justifiée » peut être prise contre un lanceur d’alerte lorsque plusieurs éléments entrent en compte pour justifier cette dernière, alors qu’une mesure fondée sur des éléments « objectifs et étrangers » à l’existence d’une alerte exclut toute prise en compte de la qualité de lanceur d’alerte :
Au-delà, dans la version issue du Sénat, la provision n’est plus définitivement acquise, ce qui peut forcer un lanceur d’alerte, par la suite, à rembourser cette dernière. Avec une telle « épée de Damoclès » au-dessus de la tête, aucun lanceur d’alerte ne se risquera à demander le bénéfice d’une telle provision.
Il convient de supprimer ces modifications et revenir à la version adoptée par l’Assemblée Nationale.