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Direction de la séance

Projet de loi

Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 61 , 60 , 59)

N° 6

22 octobre 2020


 

Question préalable

Motion présentée par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

MM. GONTARD, LABBÉ, SALMON

et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE


En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, (n° 61, 2020-2021).

Objet

Cette motion a pour objet d’opposer la question préalable au projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (n°61, 2020-2021).

Le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires estime que le Parlement déjà a pleinement joué son rôle sur ce sujet : la question de l’interdiction des néonicotinoïdes a été débattue à de multiples reprises, notamment dans le cadre des discussions sur la loi n° 2014-1170 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, dans le cadre de l’examen par le Sénat de la Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l'environnement et de la santé et à un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes, en 2015,  avant d’être adoptée dans la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a fait l’objet de 7 lectures parlementaires. En 2018, le sujet a de nouveau été discuté via l’extension de l’interdiction des néonicotinoïdes aux molécules ayant un mode d’action similaire, votée par le Sénat dans le cadre des débats sur la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Or, aucun élément scientifique nouveau ne vient remettre en cause la légitimité de cette interdiction, justifiée par l’atteinte grave de ces molécules néonicotinoïdes à l’environnement.  Les études publiées depuis cette interdiction viennent au contraire alimenter la documentation sur les effets importants et persistants des néonicotinoïdes envers la biodiversité et confirmer la présence de risques pour la santé humaine.

Sur le plan agronomique, en 2018, L’ANSES avait estimé qu’il n’y avait pas d’impasse technique pour la filière betterave dans son avis relatif à "l’évaluation mettant en balance les risques et les bénéfices relatifs d’autres produits phytopharmaceutiques autorisés ou des méthodes non chimiques de prévention ou de lutte pour les usages autorisés en France des produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes". Elle a été saisie, cette année de deux avis complémentaires sur le sujet, dont les résultats ne sont pas encore disponibles. Dans ces conditions, un débat éclairé ne paraît pas possible, faute d’éléments établissant de manière neutre la réalité de l’impasse technique et du danger sanitaire pour la filière. Et ce d’autant plus que, selon les données d’Agreste, le rendement à l’hectare pour la betterave sucrière s’établirait pour la campagne 2019-2020 à 76,2 tonnes, ce qui en fait une année similaire aux campagnes pour la période du début des années 2000, époque pour laquelle les néonicotinoïdes étaient utilisés.

Quant aux éléments économiques et sociaux liés aux pertes des agriculteurs et aux difficultés de la filière sucre, le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires estime que l’examen d’un projet de loi réautorisant les néonicotinoïdes ne répond pas à ces enjeux. Si cette crise doit être reconnue et appelle des réponses, elle est avant tout liée à la politique de fin des quotas et non à l’interdiction des néonicotinoïdes. C’est donc, pour le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires dans d’autres cadres que le débat sur ce sujet doit être organisé, notamment au moment des discussions des textes budgétaires, afin de proposer des dispositifs d’urgence, avec des contreparties sociales et environnementales, et des mesures d’accompagnement financier pour la recherche et la transition écologique de l’ensemble de la filière.

En outre, l’avenir de la filière betterave sucrière ne saurait être envisagé dans un cadre strictement national.

Sur le plan international, le projet d'accord commercial UE-Mercosur bouleverserait les équilibres économiques de la filière sucre en France. Sans opposition ferme et définitive de la France à ce projet d’accord, par la voix du président de la République, tout débat sur l’avenir de la filière sucre est totalement vain.

Sur le plan européen, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires estime également que les discussions doivent se poursuivre à l’échelon communautaire. La Cour des comptes européenne a regretté l’usage d’autorisation d’urgence sur les néonicotinoïdes, revenant sur le droit européen, dans son rapport spécial 15/2020 “Protection des pollinisateurs sauvages dans l´Union européenne – Les initiatives de la Commission n'ont pas porté leurs fruits”, publié en juillet 2020. De même, la Commission européenne s'est exprimée le 1er octobre dernier pour préciser qu’elle entendait vérifier la conformité du présent projet de loi avec le droit communautaire et pour estimer qu’il était très problématique de multiplier le nombre de dérogations d’urgence pour les néonicotinoïdes dans les États membres, se réservant la possibilité de les interdire.

Ainsi, sans éléments nouveaux remettant en cause l’interdiction des néonicotinoïdes, examiner ce projet de loi paraît, pour le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires porter atteinte à la crédibilité du droit et à sa cohérence. Le Parlement a voté le principe de non-régression du droit de l’environnement, en introduisant l’article L.110-1 du code de l'environnement par la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 relative pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui dispose que la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Les membres du Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires se questionnent sur l’autorité donnée à la loi en acceptant l'examen d’un texte proposant la réintroduction des néonicotinoïdes, 4 ans seulement après le vote de la loi interdisant ces molécules, et sans éléments scientifiques et économiques tangibles.

Le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires estime donc que cet examen du texte ne permettra pas d’apporter des réponses aux problèmes soulevés par le présent projet de loi, et en parallèle portera atteinte au droit de l’environnement. C’est pourquoi il propose le vote de la présente motion.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes.