Direction de la séance |
Proposition de loi Fiscalité de la succession et de la donation (1ère lecture) (n° 62 , 61 ) |
N° 2 17 octobre 2019 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||||||
MM. DELAHAYE, CADIC, DELCROS, CANEVET, LAFON et les membres du groupe Union Centriste ARTICLE 8 (SUPPRIMÉ) |
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – L’article 787 B du code général des impôts est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« … Sont également exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 100 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de dix ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit en ligne direct, entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
« Lorsque les parts ou actions transmises par décès n’ont pas fait l’objet d’un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux conclure dans les six mois qui suivent la transmission l’engagement prévu au premier alinéa du présent 1° ;
« 2° L’engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises.
« En cas de non-respect de la durée de détention, les héritiers doivent s’acquitter des droits de mutation à titre gratuit de manière proportionnelle à la durée de détention. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Objet
Inspiré de la proposition n° 35 du rapport d’information n° 405, Pour une France libre d’entreprendre, fait par Olivier Cadic au nom de la Délégation aux entreprises, et déjà adopté par le Sénat lors de l'examen du PLF pour 2019, cet amendement propose d'exonérer de droits de mutation à titre gratuit la transmission d'entreprise au sein du cadre familial en cas de conservation des titres pour une durée de dix ans. En cas de non-respect de cette durée de détention, les droits de mutation sont acquittés prorata temporis de la durée de conservation.
Si l’on veut muscler l’appareil productif français et favoriser la transmission et la croissance des entreprises familiales, il est nécessaire d’édicter une mesure forte : l’exonération totale, telle qu’elle se pratique en Suède, en Suisse, en Russie, au Portugal, ou encore au Royaume-Uni au bénéfice des seules donations. Si l’on compare en effet la France à ses pays limitrophes, le coût de transmission d’une entreprise reste, malgré le pacte Dutreil, l’un des plus élevés (avec un taux marginal avec faveur de 5,63 %, contre 4,5 % en Allemagne, 3 % en Belgique ou encore 0 % en Italie).
Les auteurs de l'amendement n'ignorent pas le nécessaire respect du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques. Une exonération analogue à celle du dispositif Dutreil avait en effet été déclarée inconstitutionnelle par le juge constitutionnel dans sa décision relative à la loi de finances pour 1996, considérant que l'avantage fiscal alors consenti était trop important.
Dans le présent amendement néanmoins, le bénéfice de l'exonération resterait subordonné à l'engagement de conserver les parts de l'entreprise pour un délai de dix ans (au lieu de six aujourd'hui). Au surplus, dans le raisonnement qui a conduit, en 2013, le Conseil constitutionnel à valider l'extension de l'exonération partielle des droits de mutation en matière de succession aux transmissions gratuites d'entreprises entre vifs, un « intérêt national » avait été invoqué dans un commentaire autorisé (voir le commentaire de la décision n°2003-477 DC du 31 juillet 2003 sur la loi pour l’initiative économique) :
« Le législateur a voulu éviter que les conditions concrètes dans lesquelles se transmettent les entreprises ne les exposent (elles et leurs salariés) aux risques de moindre autofinancement, de délocalisation, de démembrement ou même de prédation.
« Dans les dix années à venir, quelque 500 000 entreprises vont en effet changer de dirigeants pour des raisons démographiques. Dans une telle perspective, veiller à ce que les transmissions d'entreprises se passent dans des conditions permettant de garantir la pérennité de l'appareil productif et la sauvegarde de l'emploi relève de l'intérêt national.
« Ce motif d'intérêt général justifie l'octroi d'un avantage fiscal déjà admis pour le décès du dirigeant et calculé de la même façon et sous les mêmes réserves ».
Ce motif d'intérêt général devrait pouvoir justifier une exonération fiscale exceptionnelle : faire grandir nos entreprises doit s'effectuer en facilitant notamment les transmissions d'entreprises. Faute de quoi il ne nous restera plus qu'à déplorer le rachat des exploitations familiales par de grands groupes étrangers.