Direction de la séance |
Projet de loi Parquet européen et justice pénale spécialisée (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 336 , 335 ) |
N° 47 24 février 2020 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||||||
MM. SUEUR, Jacques BIGOT, DURAIN et KANNER, Mme de la GONTRIE, M. FICHET, Mme HARRIBEY, MM. KERROUCHE, LECONTE, MARIE et SUTOUR, Mme ROSSIGNOL et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 5 |
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 689-11. - En dehors des cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV du présent code pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée de l’une des infractions suivantes :
« 1° Les crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-3 du code pénal ;
« 2° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.
« La poursuite ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public et si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition. Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »
Objet
Cet amendement reprend la proposition de loi tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale, déposée au Sénat par l’auteur de l’amendement en septembre 2012. Il a pour objet de modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale qui élargit la compétence territoriale des tribunaux français et permet ainsi la poursuite et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger.
Ce mécanisme de compétence extraterritoriale, fondamental dans la lutte contre l’impunité, a cependant été vidé de sa substance par la mise en place de plusieurs conditions cumulatives excessivement restrictives. Ces conditions constituent autant de verrous qui rendent pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition.
La proposition de loi susmentionnée a été adoptée au Sénat à l’unanimité des groupes politiques mais n’a jamais été examinée à l’Assemblée.
Si la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis d’obtenir de timides avancées en permettant de supprimer l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale et de supprimer la double incrimination pour les génocides, il reste cependant des verrous majeurs à l’application du mécanisme de compétence extraterritoriale.
Ainsi, la condition de résidence habituelle sur le territoire français constitue toujours une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux. Comme le soulignait M. Robert Badinter, en juin 2008 lors des débats au Sénat sur la loi du 9 août 2010, « conserver la condition de résidence habituelle signifie (...) que nous ne nous reconnaissons compétents pour arrêter, poursuivre et juger les criminels contre l’humanité, c’est-à-dire les pires qui soient que s’ils ont eu l’imprudence de résider de façon quasi permanente sur le territoire français. »
Par ailleurs, si la condition de double incrimination a été supprimée pour les génocides, ce n’est pas le cas pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Or, cette condition de double incrimination n’est jamais invoquée dans le cadre du mandat d’arrêt européen pour les infractions les plus graves (terrorisme, trafic d’armes et traite des êtres humains, par exemple). De plus, cette condition n’est exigée dans aucune autre des dispositions relatives à la compétence extraterritoriale des tribunaux français.
Le présent amendement vise donc à supprimer ces deux derniers verrous afin que le juge français puisse enfin exercer pleinement sa compétence extraterritoriale.