Direction de la séance |
Proposition de loi Statut des travailleurs des plateformes numériques (1ère lecture) (n° 717 , 471 (2019-2020) ) |
N° 2 rect. 2 juin 2020 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. JACQUIN ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3 |
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le chapitre III du sous-titre II du titre III du livre III du code civil, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Devoir de vigilance
« Art. 1253. – Toute plateforme de mise en relation par voie électronique, au sens de l’article 242 bis du code général des impôts, ayant recours à des travailleurs indépendants pour l’exécution d’une opération, quelle qu’en soit la nature, est tenue d’une obligation de vigilance consistant à identifier les risques, à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, consécutifs à l’exécution de cette opération, et à garantir une rémunération décente et juste au regard du temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de la plateforme.
« Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui, à titre de professionnel, contracte avec une plateforme ayant recours à des travailleurs indépendants dans les conditions posées à l’alinéa précédent, veille à ce que la plateforme respecte les obligations mentionnées à l’alinéa précédent. S’il est informé par écrit, par le travailleur, par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ou par une organisation syndicale, du fait que la plateforme ne respecte pas les obligations visées à l’alinéa premier, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage lui enjoint aussitôt, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation. A défaut de régularisation de la situation signalée ou de rupture sans délai du contrat conclu avec la plateforme, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est solidairement responsable du dommage mentionné à l’article 1254 du présent code.
« La plateforme publie chaque année sur son site internet un rapport précisant les modalités selon lesquelles est assuré, directement et le cas échéant par l’intermédiaire des algorithmes mis en œuvre, le respect des obligations mentionnées au premier alinéa, selon les modalités précisées par décret en Conseil d’État.
« Les mesures mises en œuvre au titre des alinéas précédents sont proportionnées aux moyens dont dispose l’entreprise mentionnée au premier alinéa, ou, le cas échéant, l’unité économique et sociale ou le groupe auquel elle appartient.
« Art. 1254. – Le manquement aux obligations définies à l’article 1253 oblige la plateforme à réparer le dommage que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter.
« La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.
« La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte.
« L’action est introduite devant la juridiction compétente par toute personne justifiant d’un intérêt à agir à cette fin. »
II. – Le troisième alinéa du I de l’article L. 225-102-4 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sans préjudice des articles 1253 et 1254 du code civil, le plan détaille les mesures relatives aux opérations effectuées par les travailleurs indépendants. »
Objet
La fiction du travailleur de plateformes indépendant, déjà contredite par l’arrêt de la Cour de Cassation du 4 mars dernier, a éclaté au grand jour à l’occasion de la crise sanitaire que nous connaissons.
De toute évidence, il y aura un avant et un après-Covid pour les travailleurs uberisés.
Combien de chauffeurs, combien de livreurs ont été contaminés pour avoir continué à travailler malgré le confinement et ce, sans aucune garantie du point de vue sanitaire.
Depuis le déconfinement, certaines plateformes semblent vouloir exercer une vigilance accrue en matière de respect de la distanciation sociale, confirmant en cela le pouvoir de direction qu’elles détiennent sur leurs chauffeurs ou leurs livreurs.
Ainsi, Uber a communiqué sur la mise en place aux frais de l’entreprise de parois en plastique à l’intérieur des véhicules et la fourniture de gel et de masque à ses chauffeurs.
L’objet du présent amendement est de faire appliquer le devoir de vigilance, inscrit dans le droit français depuis les lois de 2014 et 2017, aux plateformes numériques qui emploient des travailleurs supposés indépendants mais également d’imposer le respect de ce principe aux donneurs d’ordre de ces plateformes.
Cette exigence est d’autant plus importante que
Carrefour, par exemple, vient d’annoncer pendant le confinement un partenariat avec Uber Eats pour la livraison de ses clients à domicile.
De même, la SNCF développe sous marque blanche un système de réservation préalable de VTC et le Sénat possède son propre système de réservation via LeCab.
Il est donc indispensable de s’assurer que ces grandes entreprises ou ces institutions exercent bien leur devoir de vigilance pour que l’ensemble des règles de droit du travail, notamment en matière sanitaire, soient respectés par les travailleurs qui effectuent le service demandé.