Direction de la séance |
Projet de loi Ordonnance Réforme du droit des contrats (1ère lecture) (n° 23 , 22 ) |
N° 7 rect. 17 octobre 2017 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme MÉLOT et MM. MALHURET, BIGNON, CAPUS, CHASSEING, DECOOL, FOUCHÉ, GUERRIAU, LAGOURGUE et WATTEBLED ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3 |
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1112-1 du code civil est ainsi modifié :
1° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque contractant est tenu de se renseigner sur les éléments du contrat qui sont déterminants de son consentement. » ;
2° Au premier alinéa, les mots : « ou fait confiance à son cocontractant » sont supprimés.
Objet
Le nouvel article 1112-1 du code civil introduit un devoir général d’information, d’ordre public.
Ce devoir d’information est subordonné à plusieurs conditions : l’importance déterminante de l’information pour le consentement de l’autre partie, la connaissance de l’information par le créancier, l’ignorance de l’information par l’autre partie – cette ignorance devant être légitime et pouvant tenir aux relations de confiance entre les cocontractants.
Si l’introduction d’un devoir général d’information est légitime, il est contestable que l’ordonnance consacre le devoir d’information mais non celui de se renseigner. A cet égard, il n’est pas évident que la mention au nouvel article 1112-1 du code civil du fait que le débiteur de l’obligation d’information « légitimement, (…) ignore cette information » implique un devoir de renseignement. Le devoir de renseignement d’une partie doit constituer la limite à l’obligation d’information de son cocontractant, et être expressément mentionné. Ce devoir de renseignement doit précéder l’obligation d’information.
Le droit comparé nous apprend que de nombreux autres systèmes juridiques imposent une obligation de se renseigner, par exemple le Common law qui n’admet pas de devoir général d’information (voir John Cartwright, Contract Law : An Introduction to the English Law of Contract for the Civil Lawyer, Hart Publishing, 2016, p. 70), les parties à la négociation devant elles-mêmes entreprendre les recherches nécessaires, avant de conclure le contrat ; une obligation d’information n’existe que pour les contrats conclus uberimmae fidei (tels les contrats d’assurance) et se limite à une obligation de ne dire que la vérité lorsque l’on dit quelque chose. En droit anglais, seul le mensonge caractérisé peut être source de responsabilité au titre des négociations précontractuelles.
Toutefois, le devoir de se renseigner ne saurait annihiler totalement l’obligation d’information : il reviendra au juge de trouver le juste équilibre entre ces deux obligations (comme il le fait déjà dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L. 330-3 du code de commerce), chacun étant tenu de se renseigner selon ses capacités. Aussi, le devoir de se renseigner visé par le présent amendement n’a pas pour objet de supprimer l’obligation d’information mais d’inciter le juge à tenir compte de la situation particulière des parties.
En outre, la référence à la « confiance » accordée par l’une des parties à son cocontractant constitue une notion intrinsèquement subjective, qui risque de générer de nombreux contentieux. Elle pourrait conduire à élargir excessivement les cas dans lesquels une obligation d’information est due sans aucune obligation de se renseigner. Elle doit par conséquent être supprimée.