Direction de la séance |
Projet de loi Ordonnance Réforme du droit des contrats (1ère lecture) (n° 23 , 22 ) |
N° 10 rect. 17 octobre 2017 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme MÉLOT et MM. MALHURET, BIGNON, CAPUS, CHASSEING, DECOOL, FOUCHÉ, GUERRIAU, LAGOURGUE et WATTEBLED ARTICLE 7 |
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article 1128 du code civil est ainsi modifié :
1° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; »
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …° Une cause licite dans l’obligation. »
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À l’article 1162, les mots : « ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties » sont remplacés par les mots : « ni par son objet, ni par sa cause, que celle-ci ait été connue ou non de toutes les parties » ;
III. – Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article 1167, il est inséré un article 1167-… ainsi rédigé :
« Art. 1167-… – Toute obligation doit avoir une cause et la cause du contrat elle-même doit être licite. La cause de l’obligation réside dans la contre-prestation, dans l’intérêt recherché ou dans le mobile déterminant entré dans le champ contractuel. Tous les autres mobiles relèvent de la cause du contrat. » ;
IV. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L’article 1171 est abrogé.
Objet
Le nouvel article 1128 du code civil supprime la référence à la cause et à l’objet du contrat, remplacés par la notion de « contenu du contrat ». Les nouveaux articles 1162 à 1171 du code civil déclinent cette notion, reprenant une partie des différentes fonctions que la jurisprudence avait assignées à la cause et à l’objet.
L’ancien article 1108 du code civil disposait que « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation ».
Les notions d’objet et de cause sont duales :
- L’objet du contrat : il s’agit de l’opération juridique projetée (cela permet la qualification de l’acte juridique, par exemple la qualification de contrat d’entreprise, de contrat de vente, etc.).
- L’objet de l’obligation : c’est la prestation promise par le contractant en sa qualité de débiteur.
- La cause de l’obligation : la prestation promise, vue du côté du créancier (la prise en compte de la contre-prestation, la raison d’être de l’engagement du contractant) : il s’agit de protéger le contractant contre un engagement dépourvu de rationalité.
- La cause du contrat : c’est l’ensemble des motifs connus ou inconnus qui ont amené les contractants à s’engager : il s’agit cette fois-ci de protéger la société contre des buts illicites, par exemple contre les conventions contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Il s’agit ainsi de concepts précis, définis par une abondante jurisprudence, mais également de notions suffisamment flexibles pour permettre au juge de s’adapter à l’apparition de nouveaux risques contractuels et de nouvelles situations.
Or l’ordonnance remplace ces concepts tout à la fois précis et souples par une notion floue et incertaine, celle de « contenu du contrat », qui ne manquera pas de générer un abondant contentieux.
L’ordonnance reprend la plupart des fonctions attribuées à la « cause » par la jurisprudence, en les codifiant et en les figeant dans le marbre. Si la plupart des applications de la cause existent toujours, le concept est supprimé, ce qui n’est pas transparent. A l’avenir, le juge se verra privé d’un concept dynamique, instrument d’évolution du droit par la jurisprudence qui permettait d’adapter le droit aux changements de la société.
Il convient par ailleurs de souligner que la suppression de la cause a été justifiée par le faux prétexte que celle-ci aurait nui à l’attractivité du droit français. Or aucune entreprise étrangère (ni aucune entreprise française dans ses rapports avec des partenaires étrangers) n’a jamais refusé l’application du droit français afin d’échapper à la cause.
Il convient dès lors de rétablir les notions d’objet et de cause à la place de celle de « contenu ». Le nouvel article 1162 du Code civil doit également être modifié pour faire référence à l’objet et à la cause du contrat.
Le rétablissement de la notion de « cause », définie au nouvel article 1168 du code civil, permettra d’effectuer un contrôle des clauses abusives en droit commun en lieu et place de la notion de « déséquilibre entre les droits et obligations des parties » introduite par l’ordonnance. En effet, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, la théorie de la cause était d’ores et déjà utilisée en droit commun afin de contrôler les clauses aboutissant soit à priver le contractant de la contrepartie attendue, soit à faire échec au mobile déterminant entré dans le champ contractuel. La théorie de la cause, plus fiable et plus sûre que la notion impossible à définir et trop générale de « déséquilibre significatif » (prévue par le nouvel article 1171 du Code civil, qu’il conviendrait de supprimer), devrait être rétablie à des fins de sécurité juridique.