Direction de la séance |
Projet de loi constitutionnelle Protection de la Nation (1ère lecture) (n° 395 , 447 ) |
N° 43 rect. quater 16 mars 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme KHIARI, MM. LECONTE et YUNG, Mmes GHALI et LEPAGE, MM. ASSOULINE, ANZIANI et SUEUR, Mme LIENEMANN, M. GORCE, Mme CONWAY-MOURET, M. DAUDIGNY, Mme MEUNIER, M. VAUGRENARD, Mme GUILLEMOT, M. NÉRI, Mme YONNET, M. ROGER, Mme BONNEFOY, MM. GODEFROY et MASSERET, Mme CLAIREAUX, MM. DURAIN, MAZUIR, LABAZÉE, CABANEL, DURAN, MADRELLE, RAYNAL, PATIENT et PATRIAT et Mmes Sylvie ROBERT et BLONDIN ARTICLE 2 |
Supprimer cet article.
Objet
L’article 2 propose de réviser notre loi fondamentale afin d’y inscrire la déchéance de nationalité.
En dépit des modifications rédactionnelles opérées à l’Assemblée nationale, cet article vise toujours en pratique les binationaux et fragilise leur sentiment d’appartenance à la Nation. En outre, la garantie de ne pas créer de cas d’apatridie n’est plus constitutionnellement prévue, et dépendra, y compris en cas de ratification d’accords internationaux - des réserves ayant été émises par la France-, de l’évolution de la volonté des futurs législateurs ordinaires. Le nouvel article 2 peut, de ce point de vue, apparaître comme encore moins protecteur des droits et libertés publiques.
- Cette mesure est inutile et inefficace car elle ne serait en aucun cas dissuasive. Au-delà de son aspect symbolique, elle n’est évidemment pas de nature à dissuader une personne en cours de radicalisation ou radicalisée de commettre le pire. Elle n’apporte donc aucune garantie supplémentaire en matière de protection des populations.
- Cette révision ne saurait également se prévaloir de répondre aux attentats ayant endeuillé la France en 2015. En effet, aucun des terroristes de janvier et de novembre 2015 n’aurait pu faire l’objet d’une déchéance de nationalité. A l’exception d’un franco-belge, aucune autre des personnes de nationalité française identifiée comme terroriste ne disposait d’une autre nationalité.
- En outre, l’application d’une telle mesure poserait des difficultés d’ordre diplomatique. D’une part, il appartient à la France de prendre en charge les criminels qu’elle engendre. D’autre part, les pays concernés pourraient, dans une course à la déchéance, agir en premier, et la France ne pourrait dès lors plus déchoir la personne concernée du fait de sa seule nationalité française. Si l’expulsion du territoire français, but affiché par le gouvernement pour justifier l’article 2 du projet de révision constitutionnelle, entraîne la reconduite de l’intéressé dans un Etat qui l’expose à la peine de mort ou à des traitements inhumains et dégradants, elle ne pourra pas avoir lieu. En dépit de l’adoption de l’article 2, puis de la loi d’application, la personne condamnée pour terrorisme restera sur le territoire français.
- Une telle mesure serait également de nature à modifier la conception de la République française à l’égard du sentiment d’appartenance à la Nation. La constitutionnalisation de la déchéance revient à considérer que tout lien familial, culturel, linguistique avec un autre pays, équivaudrait à un défaut d’allégeance nationale. Supprimer l’article 2 revient donc à éviter les risques supplémentaires d’une nouvelle fracture française et à rétablir les conditions d’un sentiment commun d’appartenance et d’indivisibilité de la Nation.
- Enfin, l’ajout à l’Assemblée nationale des délits à la liste des infractions permettant d’encourir une déchéance de nationalité permet d’habiliter un futur législateur ordinaire à élargir considérablement la liste des infractions permettant de déchoir un individu de sa nationalité française, et d’étendre cette mesure à des délits de droit commun.