Direction de la séance |
Projet de loi Liberté de création, architecture et patrimoine (1ère lecture) (n° 341 , 340 ) |
N° 4 rect. 4 février 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes MÉLOT et DUCHÊNE, MM. HOUEL et PELLEVAT, Mmes CAYEUX et GARRIAUD-MAYLAM, MM. BUFFET, DUFAUT, MANDELLI, MOUILLER, GRAND, Daniel LAURENT, TRILLARD et KENNEL, Mmes DI FOLCO et MORHET-RICHAUD, M. LAUFOAULU, Mmes GIUDICELLI et IMBERT, MM. CORNU, REICHARDT, Bernard FOURNIER et BOUCHET, Mme LOPEZ, MM. RETAILLEAU, Gérard BAILLY et POINTEREAU, Mme DURANTON, MM. PINTON, MASCLET et Philippe LEROY, Mme DEROMEDI et M. PERRIN ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 18 |
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 111-2 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les biens qui, eu égard à leur importance particulière pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie, entrent dans l’une des catégories définies par décret en Conseil d’État, ce certificat précise que ces biens ne peuvent faire l’objet, dans le délai d’un an courant à compter de sa délivrance, d’une vente publique, d’une vente de de gré à gré au sens de l’article L. 321-9 du code de commerce ou assimilées que si cette vente est réalisée sur le territoire français. »
Objet
Le code du patrimoine reconnait à l’État un droit de préemption sur toutes ventes publiques d’œuvres d’art ou sur toutes ventes de gré à gré. Ce mécanisme est essentiel à la protection du patrimoine culturel français, protection dont l’importance a été rappelée par une décision récente du Conseil d’État (CE, 18 décembre 2015, n° 363163).
C’est l’exercice du droit de préemption qui a notamment permis le maintien dans le patrimoine français d’œuvres célèbres, et l’enrichissement de nos musées.
Pour essentiel qu’il soit, le dispositif mis en place n’est pas suffisamment efficace puisque lorsque la vente d’une œuvre d’art est réalisée à l’étranger, le droit de préemption ne peut pas s’appliquer. L’établissement de la vente à l’étranger rend donc totalement inopérant l’exercice du droit de préemption par l’État.
Ce phénomène de délocalisation des ventes d’œuvres d’art à l’étranger, notamment à Londres, New York et Hong Kong, s’est accéléré ces dernières années, jusqu’à atteindre environ 250 millions d’euros par an (avec des conséquences économiques, fiscales et sociales directes pour le secteur des maisons de ventes).
On notera d’ailleurs l’absurdité de la politique française dans ce secteur. L’État protège les collectionneurs français par divers dispositifs fiscaux (sortie des œuvres d’art de l’assiette de l’ISF), alors qu’in fine, la vente de ces collections à l’étranger ne permet même pas à l’État d’exercer son droit de préemption.
C’est pourquoi pour assurer l’effectivité de ce droit, il est proposé de subordonner la délivrance du certificat d’exportation prévu qui à l’article L. 111-2 du code du patrimoine à la réalisation de toute vente publique en France si cette vente intervient dans un délai d’un an à compter de sa délivrance.
Lors de l’examen de l’amendement en commission, la question de sa constitutionnalité a été posée, puisqu’il apporte des restrictions aux droits du propriétaire (droit de propriété et droit contractuel). En vertu de la jurisprudence constitutionnelle, ces restrictions, pour être acceptables, doivent répondre à un motif d’intérêt général et être proportionnées.
Dans le cas présent, la mesure est justifiée par un motif d’intérêt général : garantir l’effectivité du droit de préemption de l’État pour assurer le maintien de biens culturels en France. Or, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a admis que le maintien en France de biens culturels présentait un caractère d’intérêt général (notamment décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 2011, n° 2011-207, et Conseil constitutionnel 14 novembre 2014, n° 2014-426).
Par ailleurs, cet amendement respecte la condition de proportionnalité, le dispositif devant être limité aux seuls biens visés par l’article L111-2 du code du patrimoine et figurant sur une liste fixée par décret.
Il y a donc lieu d’adopter cet amendement dont la portée est circonscrite à ce qui est strictement nécessaire à la sauvegarde du patrimoine français.