Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
Mmes Michelle Demessine, Sylvie Desmarescaux.
3. Convocation du Parlement en Congrès
4. Dépôt d’un rapport du Gouvernement
Mme Nathalie Goulet, M. le président.
6. Réforme du crédit à la consommation. – Discussion d’un projet de loi et de cinq propositions de loi (Texte de la commission spéciale)
Discussion générale : Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; MM. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale ; Philippe Marini, président de la commission spéciale.
Mmes Nicole Bricq, Muguette Dini, Odette Terrade, M. Dominique de Legge, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Sueur, Claude Biwer, Charles Revet, Daniel Raoul.
Mme la ministre.
Clôture de la discussion générale.
Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 21 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur.
Mme la ministre, M. le président de la commission spéciale. – Rejet.
Amendements nos 1 rectifié bis de M. Claude Biwer et 59 rectifié de Mme Odette Terrade. – M. Claude Biwer, Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Nicole Bricq, M. le président de la commission spéciale. – Retrait de l’amendement no 1 rectifié bis ; rejet de l’amendement no 59 rectifié.
Amendement n° 20 de Mme Nicole Bricq. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Mmes la ministre, Nicole Bricq. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 1er A
Amendement n° 26 de Mme Nicole Bricq. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Mmes la ministre, Odette Terrade, M. Joël Bourdin. – Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 11 rectifié bis de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 115 de Mme Odette Terrade. – Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 44 de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 79 de Mme Odette Terrade. – Mme Isabelle Pasquet, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 22 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
8. Réforme du crédit à la consommation. – Suite de la discussion d’un projet de loi et de cinq propositions de loi (Texte de la commission spéciale)
Article additionnel avant l'article 2
Amendement n° 78 de Mme Odette Terrade. – Mme Odette Terrade, M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. – Rejet.
Amendements nos 75 de Mme Odette Terrade et 23 de Mme Nicole Bricq. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 24 de Mme Nicole Bricq. – MM. le rapporteur, Mme la ministre, M. Daniel Raoul. – Rejet.
Amendement n° 76 de Mme Odette Terrade. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié ter de M. Hugues Portelli. – Mme Sylvie Desmarescaux, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 45 de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Mmes la ministre, Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendements identiques nos 77 de Mme Odette Terrade et 101 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Mme Françoise Férat, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Nicole Bricq. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Mme Nathalie Goulet.
Amendement n° 71 de Mme Odette Terrade. – Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 32 de Mme Nicole Bricq et 73 de Mme Odette Terrade. – Mmes Nicole Bricq, Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. – Rejet des deux amendements.
Amendements nos 96 rectifié de Mme Muguette Dini, 72, 70 de Mme Odette Terrade et 2 rectifié bis de M. Claude Biwer. – Mmes Muguette Dini, Odette Terrade, MM. Claude Biwer, le rapporteur, Mme la ministre, M. le président de la commission spéciale, Mmes Nathalie Goulet, Nicole Bricq. – Retrait de l’amendement no 2 rectifié bis ; rejet de l’amendement no 70 ; adoption de l’amendement no 96 rectifié, l’amendement no 72 devenant sans objet.
Amendement n° 6 rectifié ter de M. Hugues Portelli. – MM. Bernard Fournier, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 69 de Mme Odette Terrade. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 66 de Mme Odette Terrade. – Mme Isabelle Pasquet, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements nos 65 de Mme Odette Terrade et 46 de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait de l’amendement no 46 ; rejet de l’amendement no 65.
Amendement n° 3 rectifié bis de M. Claude Biwer. – MM. Claude Biwer, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 47 de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 60 de Mme Odette Terrade. – Mme Isabelle Pasquet, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements nos 67 de Mme Odette Terrade et 95 rectifié de Mme Muguette Dini. – Mmes Isabelle Pasquet, Muguette Dini, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait de l’amendement no 95 rectifié ; rejet de l’amendement no 67.
Amendements identiques nos 28 de Mme Nicole Bricq et 68 de Mme Odette Terrade ; amendements nos 12 rectifié bis de M. Charles Revet et 25 rectifié de Mme Nicole Bricq. – Mmes Nicole Bricq, Isabelle Pasquet, MM. Charles Revet, le rapporteur, Mmes la ministre, Nathalie Goulet, MM. le président de la commission spéciale, Daniel Raoul. – Retrait de l’amendement no 12 rectifié bis ; rejet des amendements nos 28, 68 et 25 rectifié.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 5
Amendements identiques nos 10 rectifié bis de M. Charles Revet, 61 de Mme Odette Terrade et 92 de Mme Muguette Dini. – M. Charles Revet, Mmes Odette Terrade, Muguette Dini, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait des trois amendements.
Amendement n° 62 de Mme Odette Terrade. – Mme Odette Terrade, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement no 63 de Mme Odette Terrade. – Mme Odette Terrade, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements nos 74 rectifié de Mme Odette Terrade et 8 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Isabelle Pasquet, Françoise Henneron, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait de l’amendement no 74 rectifié ; adoption de l’amendement no 8 rectifié bis.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 117 de Mme Anne-Marie Escoffier. – Mme Anne-Marie Escoffier, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° 118 de Mme Anne-Marie Escoffier. – Mme Anne-Marie Escoffier, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 64 de Mme Odette Terrade. – Mme Isabelle Pasquet, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 119 de Mme Anne-Marie Escoffier. – Mme Anne-Marie Escoffier, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Transmission d'un projet de loi
11. Dépôt d'une proposition de loi
12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Sylvie Desmarescaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Henri Portier, qui fut sénateur de l’Aube de 1980 à 1989.
3
Convocation du Parlement en Congrès
M. le président. Par lettre en date du 11 juin 2009, M. le Président de la République a transmis à M. le président du Sénat le décret convoquant le Congrès du Parlement le lundi 22 juin 2009 par application du deuxième alinéa de l’article 18 de la Constitution.
L’article 2 du décret fixe l’ordre du jour du Congrès ainsi qu’il suit :
1) Modification du règlement du Congrès ;
2) Déclaration du Président de la République.
Acte est donné de cette transmission.
M. Bernard Accoyer, président du Congrès, a convoqué le Congrès du Parlement le lundi 22 juin 2009, à dix heures trente, pour la modification du règlement du Congrès, et à quinze heures, pour la déclaration du Président de la République.
Les présidents des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat seront réunis le jeudi 18 juin, à neuf heures trente, pour évoquer le déroulement de ce Congrès.
4
Dépôt d’un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport relatif à la mise en application de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.
Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des affaires sociales.
Le document sera disponible au bureau de la distribution.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 29 de notre règlement.
Il y a quatre ans, l’élection du président Mahmoud Ahmadinejad au second tour de scrutin pouvait, certes, ne pas correspondre aux aspirations d’une partie de la population ou des observateurs étrangers, mais aucune violence ni aucun signe de fraude massive n’avaient été constatés.
Tel n’est pas le cas aujourd’hui : le dépouillement du scrutin au fur et à mesure du remplissage des urnes, l’interdiction pour les partisans du réformateur Moussavi et des autres candidats d’assister au transport des urnes et au dépouillement, notamment, constituent des violations extrêmement regrettables des standards internationaux en matière de régularité d’élection.
Je me fais ici l’écho de l’inquiétude de mes amis proches, membres du Parlement iranien ou universitaires, aujourd’hui privés de leur droit d’expression le plus élémentaire. Ainsi les violences ont-elles conduit les gardiens de la révolution à blesser gravement l’ancien ambassadeur d’Iran à Paris, qui n’est pas précisément un grand libéral, mais qui militait en faveur du candidat Moussavi.
Connaissant bien ce grand pays et ce grand peuple, et attachée à promouvoir le dialogue et l’ouverture, je veux dire, tant en mon nom personnel qu’au nom de nombreux collègues, ma déception, ma préoccupation, mon inquiétude face à la dérive autoritaire à laquelle nous assistons et que le peuple iranien n’a sans doute pas voulue.
C’est pourquoi je souhaiterais que le Sénat puisse, dans les prochaines semaines, débattre de cette importante question, personne ne contestant en effet la place majeure de l’Iran pour assurer l’équilibre de la région et la stabilité du monde. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La prochaine conférence des présidents sera sans doute sensible à votre demande et je ne doute pas que nous serons amenés à débattre prochainement de cette question.
6
Réforme du crédit à la consommation
Discussion d’un projet de loi et de cinq propositions de loi
(Texte de la commission spéciale)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (nos 364, 325, 255, 173, 114, 94, 447 et 448).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme du crédit à la consommation est une réforme à risque : la direction en est assez évidente, mais les voies pour y arriver sont étroites et multiples. La tentation sera sans doute parfois grande de trop en faire, mais nous devons prendre en compte deux nécessités : maintenir le crédit à la consommation et l’assainir en protégeant les consommateurs, parfois contre eux-mêmes.
La direction, vous la connaissez : le Gouvernement a fixé le cap. J’ai voulu ce projet de loi pour supprimer les excès et les abus, en particulier ceux du crédit renouvelable.
Ce texte rejoint de nombreux travaux du Sénat, comme les propositions de loi préparées de longue date par le président de votre commission spéciale, Philippe Marini, et par le sénateur Claude Biwer, ou d’autres propositions qui, déposées ces dernières semaines, ont profondément marqué le débat public.
Les voies pour atteindre l’objectif fixé sont étroites, car nous devons prévenir la tentation des « fausses bonnes mesures », celles qui, au nom de la protection des consommateurs, conduisent en réalité à entraver la distribution du crédit à la consommation, alors que nous en avons particulièrement besoin en ce moment.
Ceux qui détruiraient le crédit à la consommation commettraient, de mon point de vue, un double contresens vis-à-vis des Français.
Contresens social, tout d’abord, car les Français sont attachés au crédit à la consommation : neuf millions de ménages, soit un tiers d’entre eux, y ont recours. C’est un outil utile et nécessaire à la gestion de leur budget, en particulier dans la période actuelle, où ce dernier peut être mis à rude épreuve.
Contresens économique, ensuite : aujourd’hui, la France résiste mieux à la crise que ses voisins, notamment grâce au dynamisme de la consommation des ménages français, qui a augmenté de 0,2 % au premier trimestre 2009. La consommation est donc l’un des moteurs puissants de la croissance française, et ce moteur aujourd’hui fonctionne.
Quelques exemples suffisent à illustrer mon propos : aujourd’hui, 40 % du chiffre d’affaires du secteur de la vente par correspondance est financé par le crédit à la consommation et 25 % du chiffre d’affaires de la distribution spécialisée ; l’achat de deux véhicules neufs sur trois est financé par du crédit spécialisé, donc du crédit à la consommation.
Pourtant, ce crédit, essentiel à notre activité économique, se porte mal. En un an, la production de nouveaux crédits par les établissements spécialisés s’est littéralement effondrée, baissant de 19 %. Cette chute n’épargne aucun type de crédit et les nouvelles utilisations de crédits renouvelables diminuent de 14 %.
C’est la raison pour laquelle, au moment où nous nous apprêtons à légiférer sur le crédit à la consommation, j’en appelle à la responsabilité de chacun d’entre nous, pour que nous parvenions à choisir ensemble – quelles que soient nos appartenances politiques – les « bonnes mesures », celles d’une réforme gagnante, qui permettra à la fois de redonner du crédit au crédit à la consommation, tout en préservant les conditions d’une distribution efficace, mais responsable et responsabilisée, au bénéfice des ménages.
La matière étant complexe, j’ai souhaité éclairer abondamment nos travaux. J’ai ainsi commandé et fait publier une série d’études qui ont alimenté nos réflexions, ainsi que les vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, car j’ai toujours souhaité partager cette information.
Quatre études, en particulier, ont pu nous inspirer : l’Inspection générale des finances m’a remis en septembre un rapport sur la modernisation du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP ; par ailleurs, la Banque de France a publié son enquête triennale sur le surendettement ; à ma demande, le Comité consultatif du secteur financier a confié au cabinet Athling Management une étude sur le crédit renouvelable, que j’ai publiée en décembre et dont vous avez pu tirer des enseignements ; enfin, last but not least, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales ont remis tout récemment un rapport sur l’usure, qui a pu inspirer tout particulièrement les propositions de M. le rapporteur.
J’ai enfin souhaité anticiper l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle, en soumettant ce texte à une étude d’impact – la première, à ma connaissance, qui ait été réalisée dans ces conditions – qui évalue les conséquences économiques de la réforme du crédit à la consommation.
Par ailleurs, nous avons, avec mon équipe, mené un travail de terrain, qui nous a permis d’observer la manière dont les commissions de surendettement traitent les dossiers : j’ai ainsi assisté à des réunions de commissions de surendettement, notamment en Seine-Saint-Denis. J’ai également participé à plus d’une douzaine de réunions plénières organisées par mes services avec les associations familiales, les associations de défense des consommateurs et l’ensemble des partenaires concernés. Enfin, j’ai tenu des réunions préparatoires avec les parlementaires les plus intéressés et les plus motivés par ce projet de loi.
Ce travail de mûrissement et d’approfondissement, vous l’avez poursuivi au sein de votre commission spéciale. Je tiens à féliciter particulièrement votre rapporteur, Philippe Dominati, ainsi que le président de la commission spéciale, Philippe Marini, pour la densité et la richesse des travaux de la commission et les propositions d’amendements ainsi préparées.
Je souhaite, au-delà, remercier l’ensemble des membres de la commission spéciale des contributions qu’ils ont apportées lors de deux auditions auxquelles j’ai participé, et ce fut un plaisir, ainsi que lors d’une séance organisée de la commission.
Depuis vingt ans, vous avez, comme moi, vu passer beaucoup de lois sur le surendettement, mais aucune pour empêcher le consommateur de tomber dans l’engrenage. Or j’ai depuis longtemps la conviction que la réduction du surendettement passe par une distribution plus responsable du crédit.
En premier lieu, le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation consiste à responsabiliser la distribution du crédit à la consommation en imposant des obligations supplémentaires à la charge des prêteurs, en éclairant le libre choix des emprunteurs, en mettant en place des mécanismes de sanction et en instituant un véritable « gendarme » du crédit à la consommation.
En deuxième lieu, ce projet de loi vise à mieux accompagner les difficultés d’endettement, en particulier celles des ménages surendettés.
Après avoir traité l’un et l’autre de ces volets, je reviendrai, en troisième lieu, sur les améliorations que la commission spéciale du Sénat a apportées au projet de loi.
Pour responsabiliser la distribution du crédit à la consommation, j’ai souhaité m’attaquer à ce que j’appelle les « quatre points noirs » du crédit à la consommation.
Le premier point noir, nous le connaissons tous, est constitué par la publicité, souvent biaisée, qui donne au consommateur une perspective en trompe-l’œil.
Certaines publicités mettent en avant un taux d’intérêt particulièrement alléchant, mais le taux d’intérêt réel pratiqué pendant toute la durée de l’emprunt, imprimé en petits caractères bleu marine sur fond noir, figure dans un paragraphe qui, peu lisible, n’est généralement pas lu.
Mon projet de loi oblige le prêteur à afficher le vrai taux d’intérêt avec la même visibilité que le taux d’intérêt promotionnel. Son adoption permettrait donc de voir disparaître les offres vantant un taux alléchant de 4,5 % sur les trois premiers mois de crédit, alors que le véritable taux applicable, pratiquement illisible, s’élève à 21 %.
Je veux également que cessent les publicités biaisées, notamment celles qui font état de « réserves d’argent », de « comptes disponibles » ou de « crédits reconstituables ».
Certaines publicités parlent de tout, sauf de crédit ! Or, une publicité sincère, c’est une publicité pour du crédit qui dit son nom. C’est pourquoi mon projet de loi impose une appellation unique pour les multiples crédits existants : le « crédit renouvelable », un point c’est tout !
Le projet de loi prévoit enfin d’interdire les mentions, nombreuses à l’examen, qui suggèrent que le crédit à la consommation permettra d’améliorer la situation financière de l’emprunteur.
Le deuxième point noir est relatif aux crédits qui ne se remboursent jamais, auxquels je souhaite mettre fin.
Un crédit doit être, un jour, définitivement remboursé. Cette affirmation peut sembler évidente. Pourtant, je reçois quotidiennement de multiples courriers de consommateurs signalant que leurs échéances de crédit renouvelable suffisent à peine à rembourser les intérêts et qu’il leur faudra plusieurs années, sans qu’ils puissent évidemment en préciser le nombre exact, pour rembourser le montant emprunté.
Mon projet de loi prévoit donc que chaque échéance sur un crédit renouvelable doit obligatoirement comporter une part d’amortissement.
Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais il me semble que les crédits renouvelables portant sur des montants importants pourraient parfaitement s’amortir sur une période de cinq ans et que nous pourrions être encore plus ambitieux pour les petits crédits renouvelables. Pour un montant inférieur à 3 000 euros, nous pourrions envisager un remboursement sur une période maximale de trois ans. Ces deux échéances paraissent raisonnables.
Pour traiter le troisième point noir, le projet de loi établit des garde-fous à l’entrée dans le crédit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la distribution de crédits dans les magasins est utile si elle est employée de façon responsable. Or, aujourd’hui, aucun garde-fou n’est prévu pour ces crédits, ce qui pose problème car le consommateur peut en contracter un sans même s’en rendre compte ! Le dispositif ressemble un peu à une autoroute sans limitations de vitesse.
Je veux donc prévoir des limitations de vitesse, des avertissements qui signalent au consommateur qu’il est en train de contracter un crédit à la consommation. C’est à cette condition que nous réduirons, je l’espère, le surendettement.
Mon projet de loi prévoit un processus d’ouverture de crédit à la consommation en trois étapes.
Premièrement, dans le cadre d’un « exercice à quatre mains », le prêteur et l’emprunteur auront l’obligation de remplir une fiche technique, établissant un bilan des revenus de l’emprunteur et de son niveau d’endettement. Il s’agit donc d’un « point budget ».
Deuxièmement, la loi imposera que le prêteur, c’est-à-dire la banque, évalue la solvabilité de l’emprunteur sur la base des informations budgétaires recensées dans le cadre de l’exercice obligatoire précédent.
Troisièmement, le prêteur sera tenu de consulter le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, qui recense les incidents de remboursement sur les prêts aux particuliers.
Le quatrième point noir est plutôt un trou noir... Effectivement, aucune réglementation, aucune législation ne s’applique à toutes ces activités de rachat ou de regroupement de crédits que l’on voit fleurir actuellement, au motif que le coût pourrait être moindre avec un seul contrat.
Dorénavant, ces activités seront soumises aux obligations que je viens d’évoquer et aux règles de protection des consommateurs.
Au-delà de ces quatre points noirs du crédit à la consommation, je souhaite m’attaquer à un deuxième élément très important, les cartes de fidélité.
Ces cartes de fidélité sont certainement utilisées comme telles, mais elles sont aussi employées, bien souvent, comme des cartes de crédit et, parfois, comme des cartes de paiement. L’instrument est donc confus et le consommateur qui prend une carte de fidélité ne se rend pas toujours compte qu’il acquiert en réalité une carte de crédit. Parfois, il est même débité du montant de ses achats sans y avoir consenti, la fidélité s’étant transformée, sans aucune volonté de sa part, en crédit.
J’ai souhaité mettre de l’ordre dans le dispositif des cartes de fidélité. Les consommateurs sont en effet attachés à cet outil, et, nous le savons, ces cartes sont aussi extrêmement utiles aux commerçants.
Le projet de loi ne vise pas à établir trois cartes différentes, une carte de fidélité, une carte de crédit, une carte de paiement. Trois cartes, la belle affaire ! L’utilisation de trois morceaux de plastique différents changerait-elle véritablement les obligations qui pèsent sur les uns ou sur les autres ?
En revanche, trois mesures sont envisagées.
Tout d’abord, il s’agirait d’interdire les cartes de fidélité qui exigent une utilisation à crédit, en obligeant toutes les cartes à avoir une fonction de paiement comptant.
Ensuite, le projet de loi renverserait le système actuel en donnant la priorité au paiement comptant.
Aujourd’hui, un consommateur peut contracter un crédit par le biais de sa carte, sans même le savoir et sans y avoir consenti. Désormais, la carte de fidélité assortie d’une fonction de paiement fonctionnera comme une carte de paiement, sauf si son détenteur décide expressément de l’utiliser comme une carte de crédit. Ainsi, le paiement comptant sera le droit commun, la règle, et c’est par exception, par décision spécifique du consommateur que la carte pourra être utilisée comme une carte de crédit.
Enfin, chaque publicité vantant les avantages commerciaux de la carte devrait préciser si un crédit est attaché à l’avantage en question.
Toutes ces obligations ne seraient rien si elles n’étaient assorties de sanctions. Pour garantir l’application de ces mesures, le projet de loi prévoit donc un dispositif de sanctions à la fois civiles et pénales.
En particulier, il étend à toutes les nouvelles obligations les sanctions pénales, ces peines allant de 1 500 euros à 30 000 euros. Il crée également un véritable « gendarme du crédit » en renforçant les missions de la Commission bancaire en matière de commercialisation des produits financiers. Cette innovation est particulièrement bienvenue à l’heure actuelle.
Un deuxième volet du projet de loi vise à mieux accompagner les personnes en situation d’endettement.
La procédure de surendettement, qui marque le temps du règlement des difficultés, doit se dérouler dans une certaine sérénité. C’est pourquoi j’ai souhaité que les procédures d’exécution par lesquelles les créanciers peuvent obtenir le recouvrement de leurs créances soient suspendues – ce n’est pas le cas aujourd’hui – dès la recevabilité d’un dossier de surendettement par la Banque de France.
Il est effectivement essentiel que les poursuites, parfois engagées dans des conditions extrêmement vigoureuses, soient momentanément interrompues dès lors que le dossier est considéré comme recevable par la Banque de France.
Je souhaite également raccourcir les procédures de surendettement et propose de donner plus de pouvoirs aux commissions de surendettement. Ces entités, proches du terrain, sont les mieux placées pour prendre des décisions rapides et pertinentes. Les mesures que nous proposons devraient permettre de raccourcir la durée moyenne de 95 % des procédures de rétablissement personnel, qui passerait d’un an et demi, la durée actuelle, à six mois.
Enfin, l’inscription au FICP peut devenir un handicap en période de stabilisation, en particulier pour l’accès à de nouveaux crédits à la consommation de consommateurs ayant assaini leur situation. Je propose donc de réduire de dix à cinq ans la durée d’inscription au FICP. Cette disposition permettra de faciliter le rebond des personnes ayant connu des difficultés d’endettement.
Les mesures que je viens de présenter constituent un ensemble cohérent et inédit en faveur de la protection des consommateurs et de l’accompagnement des personnes rencontrant des difficultés d’endettement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme pour le cholestérol, il y a du bon et du mauvais crédit ! Ce projet de loi vise à affecter le bon crédit aux bons besoins, et je crois que nous aurions réussi l’exercice si, demain, on ne proposait plus, pour répondre aux besoins de trésorerie d’une entreprise ou financer l’achat d’un véhicule automobile par un particulier, des crédits renouvelables à des taux souvent exorbitants et pour des sommes manifestement excessives au regard des besoins réellement exprimés par les consommateurs.
Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission spéciale, après avoir rendu hommage aux travaux qu’elle a menés, je tiens à souligner les multiples améliorations au projet de loi que nous devons à la commission spéciale. Je citerai le cas particulier de l’usure.
Ce dispositif, même si nous sommes désormais peu à l’utiliser en Europe, est utile. Il permet d’éviter des taux d’intérêt excessifs et, en l’état actuel, le Gouvernement y est attaché.
Le rapport que j’ai demandé à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale des affaires sociales est accablant : la segmentation des catégories de crédit à la consommation, créées il y a vingt ans, est aujourd’hui devenue totalement obsolète.
La coexistence de plusieurs catégories de taux au sein du dispositif a entraîné la prédominance, pour les emprunteurs modestes, des crédits renouvelables, pourtant plus coûteux et plus difficiles à gérer. Ces crédits, présentant un risque majeur, assortis d’un taux d’intérêt élevé et sans limitation de montant, sont ainsi proposés à des jeunes souhaitant s’acheter un véhicule ou à de jeunes chefs d’entreprise rencontrant des difficultés en termes de besoin en fonds de roulement. Ce n’est pas l’utilisation à laquelle nous destinons ces crédits renouvelables !
Le Gouvernement souhaite donc corriger ces distorsions en distinguant les catégories, non plus en fonction du type de prêt – prêts renouvelables, d’un côté, et prêts affectés ou prêts personnels, de l’autre –, mais en fonction du montant des crédits accordés et, de fait, des différentes utilisations possibles de ces prêts.
Un taux d’usure serait fixé pour les crédits inférieurs à 3 000 euros, un taux d’usure pour les crédits allant de 3 000 euros à 6 000 euros et un taux d’usure pour les crédits dépassant 6 000 euros.
Cette distinction correspond tout simplement à différents besoins en matière d’emprunt : la première catégorie concerne le financement des besoins de trésorerie et des petits achats d’équipement, la deuxième, le financement d’équipements pour la maison et de petits travaux, et, la dernière, le financement des véhicules automobiles et des travaux immobiliers.
Ce nouveau dispositif devrait permettre de réduire les taux d’usure sur les crédits renouvelables d’un montant supérieur à 3 000 euros. Il devrait par ailleurs lever les freins au développement d’une offre de crédit amortissable, qui est parfois la plus adaptée aux besoins des consommateurs.
C’est pourquoi le Gouvernement soutient la disposition introduite par la commission spéciale du Sénat, qui oblige à la refonte des catégories de crédits à la consommation en fonction du montant des prêts. C’est une excellente proposition !
La commission spéciale a également autorisé le Gouvernement à prendre les mesures transitoires indispensables pour accompagner une modification de ces catégories.
En un sens, la réforme du taux de l’usure permettra de créer les conditions d’un meilleur développement du crédit amortissable. Encore fallait-il pousser les établissements à tirer partie de ce nouvel environnement. C’est ce qu’a fait votre commission en ajoutant au projet de loi une disposition fondamentale : l’obligation de proposer systématiquement, dans les magasins, une alternative au crédit renouvelable dès lors que les crédits excèdent un certain montant et qu’ils ont pour objet exclusif de financer l’achat d’un bien ou d’un service particulier.
La commission spéciale propose, outre le développement du crédit amortissable, une deuxième grande innovation, qui a trait au fichier positif.
Elle a ainsi prévu que le principe de la création d’une centrale des crédits aux particuliers, placée sous la responsabilité de la Banque de France, fasse l’objet d’un rapport au Gouvernement et au Parlement dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi.
Je laisserai au rapporteur ou au président de la commission spéciale le soin de détailler le mécanisme, mais je tiens à dire que nous serons vigilants et que nous aurons à cœur, en particulier, d’évaluer le poids d’un tel dispositif sur la vie privée de nos concitoyens, la nécessité ou non du fichage, ainsi que le temps nécessaire aux investissements et à un éventuel rodage.
Pour autant, il ne faut pas s’imaginer que la mise en place d’un fichier ou la mise à jour complète du FICP, conformément à la recommandation que j’ai faite aux banques et qu’elles sont actuellement en train de suivre, permettront de résoudre tous les cas de surendettement. Pour environ 80 % d’entre eux, ces cas résultent en effet d’accidents de la vie qui n’ont rien à voir avec le crédit à la consommation, celui-ci n’étant alors qu’un facteur aggravant.
Enfin, la commission spéciale a évoqué le concept de microcrédit et les conditions dans lesquelles celui-ci pourrait être développé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation répond aux deux objectifs du Gouvernement : plus de responsabilité dans le crédit à la consommation – une responsabilité accrue des établissements prêteurs, une publicité qui ne soit pas biaisée ou qui donne une perspective en trompe-l’œil des mécanismes contractuels dans lesquels s’engagent les intéressés – pour plus de sécurité pour les consommateurs.
Nous voulons rendre le crédit à la consommation responsable en nous débarrassant des quatre points noirs que je viens d’évoquer.
Ce projet de loi répond à un impératif de sécurité des consommateurs. Il est par ailleurs destiné à soutenir le crédit à la consommation, auquel, nous le savons, nos concitoyens sont attachés et qu’ils sont nombreux à utiliser. La consommation joue un rôle moteur pour la croissance de notre économie, et il n’est pas question, dans la période actuelle, de casser un outil qui vise à la soutenir. Ce ne serait opportun ni socialement ni économiquement.
La responsabilité qui nous revient est celle d’un débat guidé par une seule préoccupation : l’intérêt de nos concitoyens, de notre économie et de tous ceux qui attendent de cette réforme que nous n’abîmions pas un outil nécessaire à la consommation, à l’activité, donc à l’emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les ambitions et les lignes directrices du projet de loi venant d’être présentées, ainsi que le contexte économique dans lequel il s’inscrit, il m’appartient à présent de vous faire part de l’état d’esprit dans lequel a travaillé la commission spéciale depuis deux mois, et des raisons justifiant les principaux apports qu’elle vous suggère d’adopter.
Tout d’abord, pour la majorité de la commission, ce texte constitue une étape majeure qui va bien au-delà d’une simple transposition de directive. L’ambition est ici de rénover en profondeur le droit du crédit à la consommation et d’améliorer de manière substantielle les procédures de surendettement afin de mettre un terme à ce qu’on appelle le « malendettement ».
Plus de trente ans après la loi fondatrice qui a encadré l’octroi du crédit aux consommateurs, la loi Scrivener de 1978, vingt ans après celle, non moins essentielle, qui a instauré les mécanismes de prévention du surendettement, la loi Neiertz, il s’agit de poser les bases d’un droit nouveau, attaché à conforter le crédit tout en le rendant davantage responsable. Je souhaite, madame la ministre, que la loi auquel votre nom sera attaché devienne ainsi une nouvelle référence et que les outils qu’elle contient s’avèrent durablement efficaces.
En effet, ces vingt dernières années, nombre de modifications ponctuelles, d’inégale importance, ont été apportées par des lois différentes. Cela témoigne de la difficulté qu’il y a à trouver un point d’équilibre entre la nécessité de développer le crédit, pour permettre à nos concitoyens de consommer conformément à leurs besoins et à leurs capacités, et celle de protéger les ménages contre les risques d’un crédit mal maîtrisé.
Ce point d’équilibre, je pense que nous réussirons à l’atteindre à partir de votre texte, madame la ministre, mais grâce aussi aux améliorations que le Sénat et l'Assemblée nationale lui apporteront.
Il est important que la législation se stabilise pendant un long moment afin que les acteurs évoluent durablement dans un cadre clair, loyal et prévisible sur le moyen terme.
Il ne vous a pas échappé que cette ambition était commune aux différentes propositions de loi. Dans le cadre de mon travail de rapporteur, j’ai ainsi eu à examiner les préconisations du président Philippe Marini, de Mme Nicole Bricq, de M. Claude Biwer – l’une et l’autre étant d'ailleurs vice-présidents de la commission spéciale - de M. Charles Revet et de Mme Muguette Dini, cosignataire avec son président de groupe, M. Michel Mercier, d’une des cinq propositions de loi.
Certes, si les textes des uns et des autres pouvaient aborder des aspects parfois différents, tous visaient à renforcer les dispositions relatives à la publicité et à l’information de l’emprunteur, et la plupart soutenaient la création d’un fichier positif comme une nécessité.
À bien des égards, le projet de loi a apporté une première série de réponses et, dans mon rapport écrit, je me suis attaché à systématiquement les souligner. La commission spéciale a poursuivi sur ce chemin en intégrant d’autres préconisations des propositions de loi sénatoriales, sinon dans leur lettre du moins dans leur esprit, qu’il s’agisse du fichier positif, du taux de l’usure ou du microcrédit.
Il reste quelques points qu’il ne m’a pas semblé opportun de suggérer à la commission d’adopter, mais nous aurons l’occasion d’en débattre puisqu’ils font l’objet de plusieurs amendements.
Je peux affirmer sans crainte d’être contredit par les faits que le texte que nous examinons aujourd’hui doit tout autant au Gouvernement qu’à l’implication de nombreux collègues sénateurs, tant par leurs propositions de loi que par le travail qu’ils ont accompli au sein de notre commission spéciale, ce dont, naturellement, je me réjouis.
Avant d’aborder les apports de la commission, je souhaite tout d’abord saluer les dispositions initiales du projet de loi qui, sur plusieurs points, vont plus loin que la simple transposition d’une directive : il s’agit de donner du corps au concept de « crédit responsable » défendu par le Gouvernement.
S’agissant de la distribution du crédit, je citerai, à titre d’exemples, l’avertissement légal qui devra figurer sur les publicités, la consultation obligatoire du FICP, la fiche de dialogue, que vous avez évoquée, madame la ministre, l’obligation d’un amortissement minimum dans les échéances du crédit renouvelable, l’interdiction de subordonner les avantages d’une carte de fidélité à l’utilisation d’un crédit, ou encore le principe du « paiement comptant » pour les cartes mixtes, afin que le consommateur dise expressément s’il souhaite ou non payer à crédit quand il utilise sa carte.
Toutes ces mesures, en particulier les deux dernières, apportent, j’en suis profondément convaincu, de très sérieuses garanties pour un encadrement maîtrisé du crédit renouvelable, ce que nous souhaitons tous ici.
Le principe qui sous-tend la réforme du surendettement et du FICP est l’accélération des procédures.
Pour ce faire, le projet de loi vise d’abord à réduire les délais légaux d’examen par les commissions de surendettement, qu’il s’agisse de la recevabilité ou du traitement lui-même.
Ensuite, le texte tend à conférer directement aux commissions des pouvoirs qui relevaient jusqu’à présent du juge, partant du constat que 85 % à 90 % des préconisations des premières sont aujourd’hui homologuées par le second, et qu’en tout état de cause celui-ci est toujours susceptible d’intervenir à la demande d’une des parties.
Enfin, le Gouvernement propose de simplifier la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, c’est-à-dire pour les cas où il n’y a aucun actif à réaliser.
Outre ces améliorations, il faut relever la suspension des procédures d’exécution à compter de la décision de recevabilité.
Sur tous ces points, monsieur le président, mes chers collègues, votre commission spéciale a exprimé son accord.
Il s’agit donc d’un bon projet de loi, comme l’atteste le fait que peu d’amendements remettant en cause son contenu ont été déposés.
Les quelques dispositions nouvelles que nous avons toutefois souhaité introduire visent à doter ce texte de toute la gamme des outils lui permettant de donner sa pleine mesure.
Au titre d’abord des compléments totalement nouveaux, je citerai la réforme du taux de l’usure, le principe de la création d’un fichier positif et le renforcement du microcrédit.
Sur le premier point, l’usure, ma position est claire : je m’étonne qu’avec l’Italie et la Belgique notre pays reste le dernier des grands États industrialisés à être soumis à une législation sur l’usure. Je ne souhaite évidemment pas que les gens empruntent à des taux d’intérêt très élevés ni que les banques fassent des profits colossaux sur le dos des petites gens, mais, dans une économie moderne, la régulation doit venir du marché, sous le contrôle d’organes chargés de veiller au respect des règles de la concurrence et, s’agissant des intérêts individuels, sous le contrôle du juge.
C’est ainsi qu’agissent la plupart de nos voisins. Si leurs taux jurisprudentiels de l’usure sont plus élevés que chez nous, et parfois de très loin, toutes les statistiques montrent que leurs taux d’intérêt moyens sont parfaitement comparables aux nôtres, quand ils ne sont pas plus bas, et que les personnes surendettées ne sont pas plus nombreuses qu’en France. Or, bien plus que le taux de l’usure, ce sont ces données-là qui importent.
Je rappelle que c’est au gouvernement de Michel Rocard que l’on doit la reconnaissance du rôle du marché dans la fixation du coût des prêts. La loi Neiertz a en effet modifié le mode de calcul du taux de l’usure : c’est à ce moment-là que la détermination administrée a été remplacée par le mécanisme actuel.
Cependant, si celui-ci ne fonctionne plus aujourd’hui, ce n’est pas, de mon point de vue, parce que l’on est allé trop loin, c’est, au contraire, parce que l’on n’a pas eu le courage de faire « le grand saut » et de supprimer purement et simplement le dispositif.
L’opinion n’étant pas encore mûre pour franchir cette étape, c’est donc vers l’adaptation du modèle que le Gouvernement envisage que je me suis tourné.
Le problème aujourd'hui tient à la segmentation du marché entre les établissements de crédit, spécialisés sur le crédit renouvelable, et les banques, qui se cantonnent plus particulièrement dans le crédit personnel affecté.
L’idée, commune au Gouvernement et à la commission spéciale, est d’introduire de la concurrence entre ces deux « business models » afin d’entraîner une fixation des taux en raison non pas de la catégorie du produit mais du montant du crédit.
L’article 1er A a donc pour objet, d'une part, de donner une base législative à cette transformation, d'autre part, d’autoriser une gestion administrée des taux sur deux ans au maximum afin que le changement de règle ne conduise pas à l’effondrement brutal du marché du crédit, enfin, d’instituer un comité ad hoc pour superviser la réforme et vérifier les conditions de constitution des marges des établissements de crédit.
Si cette nouvelle réforme se révèle un jour inadaptée, je pense qu’il conviendra enfin, puisque l’on aura tout essayé, de supprimer définitivement ce dispositif.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, pour ce qui est des sociétés, ce mécanisme a été abandonné en deux étapes et que la réforme a permis, jusqu’à la crise apparue il y a un an, d’élargir l’accès des PME au crédit sans augmenter le coût moyen de celui-ci.
Le deuxième point que la commission spéciale a abordé est le fichier positif.
Pour être tout à fait franc, j’estime, à titre personnel, qu’il ne constitue pas l’outil efficace que certains attendent dans la lutte contre le surendettement. Lors d’un déplacement à Bruxelles, nous avons constaté qu’il suscitait une satisfaction unanime, mais cela ne m’a cependant pas totalement convaincu.
En effet, sur la base des informations recueillies, notamment le rapport 2008 de la Banque nationale de Belgique, la BNB, je me suis livré à quelques calculs et comparaisons que je vais vous livrer de manière synthétique.
Quand on veut créer un outil qui aura pour base au moins 15 millions et peut-être même 30 millions de personnes, il s’agit de se déterminer non pas en fonction de convictions, mais bien de faits, afin de s’assurer de la nécessité de constituer un tel fichier.
Tout d’abord, je voudrais rappeler que les statistiques belges couvrent la période 2003-2007, c’est-à-dire un cycle de crédit commun à toute l’Europe où le risque n’a jamais été aussi faible, la production jamais aussi forte, et les taux jamais aussi bas. On constate dans tous les pays, sur cette période, des résultats favorables, qui ne sont donc pas nécessairement liés à la création d’un tel fichier.
En France, nous pouvons indiquer que le nombre annuel de nouveaux inscrits au FICP a baissé de 65 % entre 2003 et 2007.
À l’inverse, savez-vous que, l’an dernier, le nombre des personnes surendettées a augmenté en Belgique de 8,8 %, quand la progression n’a été que de 3,1 % en France ?
Un dernier chiffre encore : les statistiques de la BNB indiquent que le taux de défaillance des crédits s’est réduit, entre 2003 et 2007, de 10 % à 15 % selon que l’on prend en compte les emprunteurs ou le montant des contrats.
Or, si l’on entre dans le détail, on constate que les défaillances des crédits immobiliers se sont réduites de 30 % quand, dans le même temps, celles qui concernent le crédit renouvelable ont augmenté de 9,7 % ! Si la Centrale des crédits belge a effectivement sécurisé le crédit immobilier, elle ne l’a pas fait nécessairement pour le crédit renouvelable.
En quoi ces chiffres prouvent-ils l’intérêt d’un fichier positif pour éviter le surendettement ?
Transposons maintenant à notre situation les résultats obtenus en Belgique, en prenant à chaque fois les éléments les plus favorables, c’est-à-dire en estimant que notre fichier positif nous permettrait non seulement de faire aussi bien, mais même beaucoup mieux. Ainsi, pour les besoins de la démonstration, je me suis fondé sur une réduction de 20 % des incidents de crédit. J’ai par ailleurs supposé que ce taux de réduction s’appliquerait ipso facto à l’ensemble des personnes surendettées en estimant la proportion de celles qui sont victimes du crédit, et non des accidents de la vie, à 50 % et non à 13 %.
Si donc nous respectons ces proportions, compte tenu du fait que le stock des 730 000 personnes surendettées s’étale sur quatre ans, la prévention concernerait au mieux chaque année 18 000 personnes !
Il s’agit donc de constituer une centrale positive de 15 millions de personnes dans la base de données pour éventuellement prévenir le surendettement de 18 000 personnes par an. Avec cette proportion proche de 1 pour 1 000, je considère que l’efficacité d’un tel outil est relative.
En outre, cette évaluation ne tient pas compte du développement de certaines cartes bancaires, comme la carte « Double Action » que propose, par exemple, le Crédit Agricole, qui conduira donc à augmenter le nombre des personnes inscrites au fichier et, par conséquent, à rendre le ratio inférieur à 1 pour 1 000.
Permettez-moi à cet instant de quitter le domaine économique pour entrer dans le champ des libertés publiques. Est-il raisonnable et conforme à la loi Informatique et libertés de 1978, selon laquelle un fichier ne peut être autorisé que s’il constitue une solution pertinente, adéquate et non excessive au regard de la finalité qu’il poursuit, de créer un tel fichier pour un résultat aussi faible ? En mon âme et conscience, je pense que cette question nécessite un débat très approfondi. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
En revanche, si un fichier positif est bien un outil de nature à renforcer la concurrence dans le secteur du crédit, à permettre l’arrivée de nouveaux entrants, à faire baisser les prix, donc à réduire l’exclusion du crédit dont souffriraient quelque 15 % de nos concitoyens, la perspective est tout autre.
Mes chers collègues, j’imagine que, comme moi, vous l’avez remarqué, les professionnels qui s’opposent de la manière la plus véhémente au fichier sont les principales banques et leurs filiales spécialisées. Ceux qui « tiennent » le marché ne veulent surtout pas d’un fichier, les autres le demandent au nom de la concurrence.
Dans cette optique, je deviens favorable à un fichier de ce type.
Si tel est l’objectif visé, le débat difficile engagé aujourd’hui par les Belges sur le point de savoir s’il faut enrichir leur centrale de données avec les autres créances de citoyens n’a pas lieu d’être : sur le marché du crédit, seul le crédit doit être enregistré.
Enfin, compte tenu de l’absence de consensus aujourd’hui dans notre pays sur cette question - nous avons pu tous en prendre conscience au cours des auditions -, la création, dès demain, d’un fichier dit « positif » serait inopportune. En effet, il existe nombre de problèmes techniques et de considérations de principe qui interdisent une mise en œuvre immédiate. Je n’en citerai qu’un exemple : la sécurité du système et la protection des données personnelles. En Belgique, elles sont assurées par le numéro unique dont dispose tout citoyen sur sa carte d’identité, qui est obligatoire. Rien de cela en France, car nous avons, au contraire, toujours évité d’avoir un numéro unique pour nos relations avec les administrations. Il ne s’agit pas seulement d’un détail technique, et il y en a de nombreux autres ! La loi belge du 10 août 2001, qui a créé la Centrale, comporte 34 articles et couvre trois pages du Moniteur officiel. C’est dire si le dispositif est complexe...
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a adopté les articles 27 bis et 33 A qui, combinés, posent le principe de la création d’un fichier positif à terme, mais donnent du temps à l’évaluation et à la concertation, afin de permettre de rapprocher suffisamment les points de vue entre les parties – aujourd’hui encore trop divisées –, de même qu’ils ménagent le temps de la réflexion sur la vraie finalité et les modalités d’utilisation de cet outil.
C’est dans cette optique qu’une commission temporaire réunissant toutes les parties prenantes, à l’instar du comité d’accompagnement créé en Belgique à la satisfaction de tous, travaillera à élaborer un projet permettant au Parlement de prendre les mesures qui lui sembleront s’imposer pour créer un fichier positif.
Troisième et dernier élément nouveau que la commission spéciale a introduit dans le projet de loi, l’article 18 bis vise à donner une définition du microcrédit social, beaucoup trop modeste aujourd'hui, afin d’en favoriser l’essor, et à permettre au Fonds de cohésion sociale de financer non seulement les garanties, mais également directement les dépenses d’accompagnement des bénéficiaires.
Madame la ministre, mes chers collègues, j’en viens maintenant aux compléments apportés au projet de loi lui-même.
La réflexion de la commission spéciale a essentiellement porté sur trois points : la « zone grise » entre le commerce et le crédit, qu’il fallait davantage clarifier, l’information et la protection du consommateur, qui devaient être renforcées, et le fonctionnement de la procédure de surendettement et du FICP, qui pouvait être amélioré.
En ce qui concerne les relations entre le commerce et le crédit, la commission a d’abord voulu assurer une meilleure confidentialité des opérations sur le lieu de vente, garantir la formation des personnels concernés et permettre un contrôle facile du respect de ces prescriptions par l’autorité administrative.
Ensuite, il a semblé indispensable d’assujettir clairement les nouvelles cartes bancaires et de crédit aux mêmes règles de paiement comptant que les cartes de fidélité auxquelles sont associées des fonctions de paiement et de crédit. À défaut, notre travail aurait été très largement vain : en effet, il y a plus de 50 millions de cartes bancaires en circulation dans notre pays !
En outre, la commission a introduit l’obligation d’offrir systématiquement au consommateur qui souhaite régler à crédit des achats dépassant une certaine somme une offre alternative de crédit amortissable lorsqu’on lui soumet une offre de crédit renouvelable. La commission a également tenu à améliorer le fonctionnement de la loi Chatel en interdisant aux établissements de crédit de s’appuyer sur une cotisation annuelle concernant une carte de fidélité pour ne pas clore au bout de trois ans un compte de crédit renouvelable inactif.
Enfin, à partir d’un amendement de notre collègue Claude Biwer, la commission a contraint le Gouvernement à moduler les durées de remboursement des crédits renouvelables selon leur montant, afin que les petits tirages, par exemple ceux qui sont inférieurs à 3 000 euros, soient remboursés plus rapidement que les utilisations plus élevées. De même, à partir d’un amendement de Michel Mercier, elle a supprimé la distinction entre l’offre sans agrément et l’offre avec faculté d’agréer, afin de rendre obligatoire en toutes circonstances l’accord exprès du prêteur.
Mes chers collègues, toutes ces dispositions vont renforcer le nouvel équilibre que nous souhaitons tous voir s’instaurer pour limiter le crédit renouvelable aux petits achats, sur des durées de remboursement limitées.
Concernant la protection et l’information du consommateur, la commission spéciale a d’abord voulu garantir que la fiche de dialogue ne pourra pas être utilisée par le prêteur à l’encontre de l’emprunteur si celui-ci commet des erreurs ou des omissions. Pour qu’elle soit éventuellement considérée comme probante, il faudra qu’elle soit assortie des justificatifs concernés. Cette solution, fondée sur la responsabilité du prêteur, a semblé préférable à celles qui imposent des obligations générales risquant sérieusement de mettre à mal le commerce et de gêner significativement un nombre considérable de nos concitoyens.
Par ailleurs, plusieurs propositions de nos collègues ont été intégrées au texte : je pense au complément apporté à la mention légale d’avertissement et à l’obligation de faire figurer celle-ci sur la fiche d’information, deux mesures suggérées par Muguette Dini, Claude Biwer et le groupe de l’Union centriste.
Je vise également les initiatives de Laurent Béteille et de Brigitte Bout conduisant, d’une part, à ce qu’un encadré récapitulatif des principales caractéristiques du contrat figure à la première page de celui-ci et, d’autre part, à ce que tout prêteur adresse, au moins une fois par an, un récapitulatif de l’état d’exécution des crédits.
Enfin, la commission spéciale a fortement complété le texte initial en matière de surendettement et de FICP. Sur mon initiative, elle a notamment amélioré le suivi social des personnes surendettées et rendu obligatoires le rapport annuel des commissions de surendettement et leur synthèse par la Banque de France, afin d’entraîner une harmonisation des pratiques sur tout le territoire.
Des amendements de Laurent Béteille et de Brigitte Bout ont permis de conférer le droit de vote à tous les membres de la commission de surendettement. Sur la proposition de Muguette Dini, la commission spéciale a étendu le reste à vivre aux frais de garde et de transport professionnel tandis que, sur celle de Nicole Bricq, elle a prévu la réouverture du droit au versement de l’APL en cas de recevabilité du dossier de surendettement.
En ce qui concerne le FICP, la commission spéciale a prévu la traçabilité des consultations du fichier réalisées par les établissements de crédit, afin de s’assurer qu’ils vérifient bien la solvabilité de l’emprunteur avant la conclusion du contrat. En outre, sur l’initiative de Brigitte Bout et de Laurent Béteille, elle a confirmé que l’inscription au FICP n’interdisait pas, en tant que telle, la délivrance d’un crédit.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les principales améliorations que la commission spéciale a jugé utile d’apporter au texte du Gouvernement. Elles résultent d’un travail long de deux mois, scandé par six séries d’auditions et un déplacement à Bruxelles, qui a permis d’entendre 40 organismes, associations et experts, soit plus de 90 personnes au total.
Cette réflexion a été, me semble-t-il, très féconde pour faire émerger les solutions les plus adaptées tant aux contraintes dans lesquelles s’effectue cet exercice de transposition de la directive communautaire qu’aux objectifs politiques fixés par le Gouvernement. La commission spéciale a encore donné, la semaine dernière, un avis favorable à une douzaine de propositions émanant de nos collègues.
Réduire le malendettement en diminuant la part du crédit renouvelable au profit du crédit amortissable, améliorer les procédures de traitement du surendettement sont deux ambitions que nous partageons tous.
Même si certaines suggestions restent en discussion, car nous n’avons pas les mêmes appréciations sur leurs effets réels, nous nous entendons assez largement sur les points essentiels de ce texte, que nous avons examiné sous la bienveillante autorité de Philippe Marini, avec les collègues de tous les groupes, auxquels j’adresse mes remerciements pour le travail que nous avons accompli ensemble.
J’espère que ce projet de loi, qui touche à un sujet essentiel pour tous nos concitoyens, rencontrera un accueil favorable allant au-delà de la seule majorité gouvernementale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous attendions ce débat depuis un certain nombre de mois, mais entre-temps, nous n’avons pas chômé !
À titre liminaire, vous me permettrez de féliciter et de remercier notre excellent rapporteur, Philippe Dominati, et de vous suggérer de consulter, en tant que de besoin, son excellent rapport écrit,…
Mme Nicole Bricq. Faites-moi confiance !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … une véritable somme éclairant le contexte économique, juridique et politique dans lequel s’inscrit ce projet de loi.
Mes remerciements doivent être étendus à l’ensemble des membres de la commission spéciale. Beaucoup d’entre eux ont été très actifs et même positifs, quelle que soit leur appartenance politique. Je crois pouvoir dire que nous nous sommes efforcés, sans gommer, bien entendu, nos différences, de travailler ensemble pour relever le défi face à ce qui constitue une vraie question de société.
Cela étant dit, je tiens à faire remarquer que nous avons mené ce travail dans un contexte nouveau, puisque ce projet de loi est l’un des premiers à être examinés dans le cadre de la nouvelle procédure constitutionnelle, dont nous continuons, en quelque sorte, d’essuyer les plâtres. Cela nous a valu – sans doute est-ce un aspect très positif de la révision – de constituer la présente commission spéciale, afin de mieux coordonner nos positions.
Je remercie la conférence des présidents, qui a opté pour la constitution d’une commission spéciale ; de mon point de vue, cette solution répondait à une double nécessité, politique et technique.
C’était d’abord une nécessité politique : il était indispensable que les commissions des lois, des affaires économiques, des finances et des affaires sociales aient une approche commune, ce qui a été facilité par le « creuset » de la commission spéciale.
C’était aussi une nécessité technique : imaginez, mes chers collègues, une commission saisie au fond et trois commissions saisies pour avis avec pour impérieuse obligation de débattre en séance du texte de la première ! C’était priver d’efficience les démarches des rapporteurs pour avis.
Je crois pouvoir le dire sous le contrôle des autres membres, la commission spéciale fut une expérience tout à fait positive.
La commission spéciale s’est efforcée d’exercer toutes les responsabilités temporaires qui sont les siennes. Nous avons voulu jouer le jeu d’une élaboration collective en notre sein, et je voudrais tout particulièrement signaler l’épisode du débat d’orientation fort utile que nous avons eu.
Avant d’examiner le texte et les propositions d’amendement, nous avons en effet pris le temps nécessaire pour déterminer, ensemble, la méthode et les sujets qui allaient constituer en quelque sorte les nœuds de nos discussions, tout cela, bien évidemment, sans préjuger des opinions différentes qui fondent notre pluralisme.
Je tiens également à remercier Mme Christine Lagarde, qui a été présente tout au long de nos délibérations, du moins de celles qui ont abouti à la fixation du texte de la commission spéciale.
Certains d’entre nous, mes chers collègues, avaient pu, au moment de la révision constitutionnelle, émettre des doutes, manifester des préventions, formuler leurs préoccupations quant à la présence du Gouvernement au sein de la commission.
Je dois à la vérité de dire que Mme Christine Lagarde a été d’une aide précieuse. N’abusant jamais de la position éminente du Gouvernement, elle a laissé se développer le débat et est intervenue – qu’elle veuille bien m’autoriser à le dire – à bon escient pour répondre à nos questions et à nos demandes dans le cadre des responsabilités qui sont les siennes.
Mes chers collègues, ce texte est important. Aux trop nombreuses voix qui s’élèvent pour chercher à le minimiser, je tiens à répondre qu’il engage une véritable réforme. Même si vous l’avez présenté de manière modeste, madame le ministre, je répète, à la suite de M. le rapporteur, que ce projet de loi fait vraiment évoluer la situation sur plusieurs points clés. Trois maîtres mots me semblent d’ailleurs le caractériser : convergence, équilibre et urgence.
Tout d’abord, je tiens à faire état de la convergence qui a existé entre le travail du Gouvernement et celui des parlementaires.
M. Daniel Raoul. Ça dépend lesquels !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Face au problème du malendettement et du développement débridé et irresponsable de certaines formes de crédit, de très nombreux élus s’impatientent, voire – je pèse mes mots – s’exaspèrent.
Oui, mes chers collègues, nombre d’entre nous sont exaspérés par les excès auxquels se livrent des opérateurs et par les situations de détresse que nos centres communaux d’action sociale ou les services sociaux des départements sont obligés de gérer ! Jean Arthuis, qui préside en ce moment même une réunion de la commission des finances, a ainsi coutume de dire que le crédit à la consommation est dans certains cas un crédit garanti par le centre communal d’action sociale ou par les services sociaux des départements ! Compte tenu de nos expériences, nous pourrions être nombreux à faire nôtre cette remarque.
Je lis dans certaines gazettes que des responsables du secteur professionnel du crédit à la consommation se plaignent de leur mauvaise image – ils en sont en effet conscients – dans l’opinion publique et auprès des élus. Certains s’étonnent même des mesures figurant dans le texte de la commission spéciale. Or celles-ci ne sont que prophylactiques. Elles visent à établir un rapport de responsabilité, un contrat équilibré entre l’emprunteur et le prêteur.
Pourtant, cette image, dont certains professionnels au moins sont conscients et dont ils se plaignent, c’est eux-mêmes, collectivement, qui l’ont façonnée. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les publicités dans les journaux populaires. M. le rapporteur, de retour d’un déplacement durant lequel il avait disposé d’un peu plus de temps que d’habitude pour les consulter, les avait d’ailleurs brandies lors d’une réunion de la commission spéciale. Il suffit également de consulter les prospectus que nous recevons dans nos boîtes aux lettres, de regarder les publicités télévisées, de voir comment se concluent des contrats de crédit dans certaines surfaces de vente pour comprendre à quel point il devenait urgent de réformer ce système. Au reste, c’est dans son intérêt, comme vous l’avez dit, madame la ministre, et dans celui de notre économie, en particulier dans cette phase difficile que nous connaissons. (Mme la ministre acquiesce.)
En cette période de crise, les banques sont aidées, mais nous attendons en contrepartie un comportement éthique de leur part, notamment vis-à-vis des emprunteurs. (Murmures sur les travées du groupe socialiste. –Mme Nicole Bricq hoche la tête.) Je vois que Nicole Bricq approuve mes propos, ce dont je suis ravi ! (Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Non, j’appréciais le numéro : dans la démagogie, vous êtes très bon !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Par ailleurs, nous le savons tous, il est utile que la consommation demeure l’un des facteurs de soutien de l’activité de notre pays.
Telles sont les raisons pour lesquelles de nombreuses propositions de loi ont été rédigées. Philippe Dominati a bien voulu citer celle que j’avais déposée au début du mois de novembre, mais il convient tout autant de rendre hommage à Claude Biwer, à Muguette Dini, à Michel Mercier pour le nouveau texte de l’Union centriste, à Charles Revet, à Nicole Bricq et aux membres du groupe socialiste, qui sont également des parties prenantes importantes de ce débat. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Méfiance…
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Toutes ces propositions ont été examinées sans tabou par la commission spéciale. Si cette dernière n’a pas entériné tous les dispositifs (Ah ! sur les travées du groupe socialiste),…
M. Daniel Raoul. Loin de là !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … elle s’est efforcée de tirer la substantifique moelle de chacun. (Oh ! là ! là ! sur les travées du groupe socialiste.)
La loi ne peut pas tout faire. Je saisis donc l’occasion de cette intervention pour m’adresser aux responsables des établissements de crédit et des sociétés financières et leur dire : chiche ! Vous protestez, la main sur le cœur, de vos bonnes intentions, de votre volonté de rendre le crédit plus accessible à tous, à des prix réalistes et de manière responsable. Peut-être auriez-vous pu le faire mieux et plus tôt ! Quoi qu’il en soit, le texte auquel nous travaillons vous donnera tous les outils pour y parvenir demain. Il est fait pour vous !
Mme Nicole Bricq. Ça, c’est vrai, et il le dit !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Faites-en bon usage, utilisez pleinement ces outils, faites-en votre chose ! Pour répondre à ceux qui considèrent que le Parlement ne va pas assez loin,…
M. Daniel Raoul. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … faites en sorte que le malendettement diminue vraiment et montrez-leur qu’ils se trompent. Faites surtout en sorte qu’une nouvelle exaspération ne naisse pas, conduisant un jour à un dispositif encore plus resserré.
Après la convergence des intentions et des analyses, j’en viens au deuxième maître mot caractérisant ce texte : l’équilibre.
Notre objectif était de réformer en profondeur le modèle économique de la distribution du crédit à la consommation …
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … sans pour autant casser la dynamique de ce secteur. Je pense que nous avons abouti à un texte équilibré.
Madame la ministre, votre projet de loi était bon. Nous en avons respecté les principes, la trame, les éléments essentiels. Nous nous sommes juste efforcés de le compléter. J’espère que le Sénat validera notre approche.
Ceux qui voudraient minimiser nos apports font à mon avis fausse route, et je voudrais expliquer pourquoi.
Tout d’abord, il était nécessaire d’opérer une réforme des taux de l’usure. Comme l’a rappelé Mme Lagarde, les catégories sur lesquelles se fonde la problématique du taux de l’usure sont obsolètes. Aujourd’hui, les personnes les plus fragilisées se voient proposer le crédit le plus cher et le mode de crédit le plus dangereux, puisque c’est celui qui ne s’amortit pas.
M. Daniel Raoul. Tirez-en la conclusion !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. La conclusion à en tirer, mon cher collègue, c’est de voter notre texte ! (Rires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons en effet le mérite de nous prononcer en faveur d’une réforme du taux de l’usure et de formuler des propositions précises et réalistes.
MM. Daniel Raoul et Jean-Pierre Sueur. Très timides !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Par ailleurs, nous proposons la création d’une centrale des crédits aux particuliers. Cette dénomination est un peu longue, j’en conviens, mais je la préfère à celle de « fichier positif ».
Mme Nicole Bricq. Moi aussi !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. M. le rapporteur et moi-même avons beaucoup de choses en commun, en particulier celle de nous sentir mal à l’aise et bridé face aux fichiers. Nous avons donc souhaité que le principe de la création d’une centrale des crédits aux particuliers, qui est essentielle, figure dans la loi et que la méthode pour y aboutir y soit esquissée.
M. Daniel Raoul. Et mette un certain temps …
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Ce sujet mérite une réflexion sérieuse, approfondie, objective, s’appuyant sur des faits, des chiffres et des comparaisons internationales incontestables.
En cette matière, j’ai été frappé de rencontrer, d’un côté, les intégristes du fichier « positif », hors duquel il n’y aurait point de salut, et, de l’autre, les intégristes anti-fichier pour qui le recours à ce mode de fonctionnement est abominable. Les uns comme les autres ont à mon avis également tort. La commission spéciale propose donc au Sénat et au Gouvernement d’élaborer calmement les conditions de faisabilité de la centrale des crédits aux particuliers, si le législateur prend la décision de valider son principe et de le rendre opératoire dans trois ans.
En outre, nous nous sommes attachés à définir le microcrédit personnel. Nous estimons en effet qu’il faut aller bien au-delà des pratiques actuelles. Cela nécessite non seulement une volonté du secteur bancaire, mais également un accompagnement des services sociaux, ce qui suppose de mettre en place les moyens nécessaires, et un soutien de l’État via le fonds de cohésion sociale, qui a été créé en 2005 par la loi de programmation pour la cohésion sociale et dont nous souhaitons la pérennisation.
Enfin, la dernière piste suivie par la commission spéciale a trait à un sujet infiniment délicat : la distribution du crédit sur le lieu de vente, ce qu’on appelle la fameuse « zone grise ».
Nous proposons à cet égard une série de mesures qui devraient permettre d’y voir enfin clair : une obligation d’offre de crédit alternative – le crédit affecté et le crédit renouvelable –, un espace dédié dans le magasin, une formation des personnels, c’est-à-dire leur spécialisation, et un registre que l’employeur devra tenir à disposition afin, en cas de nécessité, de savoir comment le crédit a été attribué. Avec l’ensemble de ce dispositif, qui s’ajoute aux mesures figurant dans votre texte, madame la ministre, telles que le paiement comptant, qui est le principe, et un remboursement minimum du capital à chaque échéance, les excès du crédit sur le lieu de vente devraient diminuer, voire disparaître.
J’en viens enfin au troisième maître mot caractérisant ce texte : l’urgence. J’y insiste, le calendrier est essentiel.
Je faisais état de notre impatience. Elle demeure totale. Il faut aller vite : la crise est là, le surendettement est une grave préoccupation sociale, la consommation donne des signes d’essoufflement. C’est une raison de plus pour mettre en œuvre le plus rapidement possible le nouveau dispositif issu du projet de loi et complété par nos travaux.
Cela signifie, madame le ministre, que ce texte doit être examiné au plus vite en première lecture à l’Assemblée nationale, de préférence au cours de la session extraordinaire à venir,…
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … que la navette soit achevée à l’automne,…
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. …que la loi soit promulguée le plus tôt possible avant la fin de l’année,…
Mme Nicole Bricq. Vous rêvez !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … que la réforme du taux de l’usure soit engagée dès le 1er janvier 2010, que tous les décrets d’application soient pris au cours du premier trimestre 2010.
Mme Nicole Bricq. C’est ça…
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Madame le ministre, sur ces questions de calendrier, nous attendons vos engagements, car ce texte n’a de sens, compte tenu des attentes qui s’expriment, que si nous sommes en mesure de l’arrêter, de le voter et de l’appliquer dans les meilleurs délais possible.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments essentiels de l’analyse et des travaux de la commission spéciale. Permettez-moi de souhaiter que les débats en séance publique soient à l’image de ceux que nous avons eus au sein de la commission : constructifs, pluralistes et efficaces ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur de la commission spéciale a beaucoup travaillé,…
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. … de même que nos collègues, et nous avons pris des initiatives parlementaires. Cependant, à l’arrivée, le texte dont nous débattons – c’est non plus, je le rappelle, le texte du Gouvernement, mais celui de la commission, selon la nouvelle procédure – nous déçoit. Je vous en expliquerai les raisons au cours de mon intervention.
La crise étant malheureusement durable, on devrait repenser le modèle économique qui nous y a conduits. On sait que le révélateur en fut, aux États-Unis, l’endettement des ménages non solvables et l’éclatement de la bulle immobilière qui s’est ensuivi. Il est donc bien dans notre rôle de parlementaires de nous interroger, à l’occasion de ce débat, sur le modèle économique du crédit comme moteur de la consommation qu’il soutient ou qu’il génère : la consommation est en effet un indicateur essentiel, du moins dans les critères actuels du produit intérieur brut, de la croissance. Les dépenses financées grâce à lui représentent, ainsi que vous l’avez écrit dans votre rapport, monsieur Dominati, 5 % du PIB.
L’horizon est sombre, du fait notamment de l’explosion du chômage. Et l’on sait que ce dernier perdurera au-delà d’une reprise économique encore hypothétique, en tout état de cause durablement faible, et donc incapable de le résorber.
Or, en économie de marché – et le groupe socialiste se situe dans ce cadre –,…
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Intéressant…
Mme Nicole Bricq. … il faut regarder si l’offre de crédit est adaptée à la demande. Dès avant la crise, nous savions que non ! Nombreux étaient déjà les exclus du crédit à la consommation et ceux du crédit personnel classique : les plus pauvres, bien sûr, les destinataires du RMI et, demain, du RSA, confinés dans le secteur de l’aide sociale et de l’accompagnement assuré par les collectivités locales.
Il faut y ajouter des populations insérées dans la vie active mais exclues du crédit, le « précariat » étant devenu peu à peu la règle. Sans statut, multipliant les CDD, l’intérim, les temps partiels, jonglant avec les emplois, ces travailleurs sont de fait exclus du crédit. Que dire des jeunes à qui l’on ne prête que s’ils ont la perspective d’une bonne carrière assurée par le diplôme d’une grande école ? Comment peut-on parler encore, à propos des causes du surendettement, « des accidents de la vie » quand la vie elle-même devient accidentée ?
Le marché du crédit est mal orienté tant dans sa cible potentielle que dans ses produits. Parmi ceux-ci, le crédit renouvelable est le plus largement vanté – le plus rentable aussi… –, mais, inadapté à la demande, il est aussi une véritable trappe à surendettement. Les derniers chiffres communiqués par la Banque de France, qui datent du mois d’avril, nous enseignent qu’il y a une montée du surendettement et que 85 % des dossiers saisis par les commissions comportent un crédit renouvelable.
C’est pourquoi, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous attachons une grande importance aux trois propositions que je vais brièvement vous présenter.
La première proposition, celle à laquelle nous tenons le plus et dont la commission a le moins débattu, consiste en la création d’un « crédit social » dont le montant serait destiné à faire face à des dépenses personnelles pour un coût raisonnable et dont la cible serait aisément identifiable. Un tel crédit, s’il était privilégié, détournerait du crédit renouvelable des populations qui n’ont rien à y faire ; il élargirait significativement et de façon responsable l’offre de crédit.
Ce crédit ferait l’objet d’un taux bonifié par l’État. J’ai choisi cette formule afin de ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution…
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Heureusement qu’il existe !
Mme Nicole Bricq. … en créant une charge pour l’État. D’autres choix sont possibles, et je vous en présenterai quelques-uns, mis en œuvre dans des pays libéraux, à l’occasion de la discussion des articles.
J’ajoute que l’intérêt économique d’un tel crédit est certainement supérieur à celui d’une défiscalisation des intérêts d’emprunts immobiliers que vous avez fait adopter par la majorité parlementaire, pour un coût moindre. Je rappelle que la défiscalisation des intérêts d’emprunts immobiliers, dont l’efficacité économique n’est absolument pas reconnue, représente 3 milliards d’euros pour le budget de l’État !
La consommation résiste, mais jusqu’à quand ? Des experts estiment qu’elle pourrait fléchir de 5 % d’ici à 2010. Les ménages vont donc se serrer la ceinture, et les stabilisateurs automatiques que vous avez tant vantés, madame la ministre, ne joueront plus face à la montée du chômage.
Est-il normal, dès lors, que le Gouvernement et sa majorité se désintéressent d’un sujet tellement important ? Le laissent-ils aux collectivités locales, qui sont une fois de plus à l’initiative ? Celles-ci ont lancé ou étendent le microcrédit au moyen de prêts bonifiés par les villes, par l’intermédiaire des crédits municipaux. C’est le cas, notamment, de Dijon, de Paris, de Bordeaux, de Strasbourg. En Île-de-France, des partenariats permettent aux départements de mettre à disposition de leurs résidents un crédit bonifié proposé par la Ville de Paris. C’est également le cas dans mon département, la Seine-et-Marne, où le conseil général participe au financement des prêts.
Il est vrai que le Gouvernement s’en tient, par son projet, à la transposition de la directive sans explorer les voies d’un changement de modèle économique. Ce faisant, il se met dans les pas très stricts de la Commission européenne. Il se satisfait comme elle de l’objectif de cette directive, qui était, ne l’oublions jamais, de réaliser le marché intérieur des crédits. La directive a pourtant fait l’objet d’une élaboration particulièrement longue, et le Parlement européen l’a opportunément modifiée afin de mieux protéger le consommateur.
Le rapporteur a bien entendu notre proposition de crédit social, mais le texte de la commission n’y prête qu’un faible écho, au demeurant à côté du sujet puisqu’il se contente de légaliser le fonds destiné à abonder le microcrédit personnel dans un futur projet de loi de finances – il n’est pas fait mention de l’année 2010… –, fonds qui demeure cantonné au secteur de l’aide sociale proprement dit et orienté essentiellement vers le financement de l’activité. Je n’ose pas penser qu’il puisse financer les quelques dizaines de milliers d’auto-entrepreneurs.
Certes, ce type de crédit a son intérêt, mais il laisse finalement tranquilles les banques et les établissements prêteurs et ne modifie pas en profondeur l’offre de crédit. Sa philosophie continue de reposer sur une logique de bénévolat sans modifier le modèle économique des banques, qui ont pourtant reçu l’aide de la nation.
À ce sujet, je rappellerai que l’article 6 de la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie du 16 octobre 2008 faisait de la distribution de crédits aux particuliers comme aux entreprises une contrepartie attendue de l’aide accordée par l’État.
La semaine dernière, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Mme Chantal Brunel, tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises, nous avons fléché les crédits destinés aux entreprises et avons prévu des sanctions si les banques et les établissements prêteurs ne respectaient pas les obligations nées de la loi et de la libéralisation du livret A ; mais nous ne l’avons pas fait pour les crédits aux particuliers.
Le rapporteur pointe d'ailleurs dans son rapport écrit « le risque de sous-distribution du crédit », mais sans y apporter une véritable réponse.
Par ailleurs, le projet est-il apte à abaisser le coût du crédit ? Nous en doutons dès lors que le calcul du taux de l’usure demeure inchangé. Notre deuxième proposition, essentielle, vise donc à réformer dans la loi le mode de calcul du taux de l’usure.
Madame la ministre, vous n’avez pas voulu utiliser le vecteur législatif pour apporter une telle modification.
Le rapporteur, qui assume son penchant libéral depuis plusieurs années – je salue et respecte la constance de sa philosophie –,…
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Cela fait même plus longtemps ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. … considère que notre proposition « doute de la capacité du marché à s’autoréguler ». Il est vrai que nous en doutons ! (Eh oui ! sur certaines travées du groupe socialiste.) La crise financière, dans laquelle les banques de proximité ont complètement dévié de leur objet social, nous laisse en effet sceptiques quant aux vertus de l’autorégulation.
M. Dominati fait une avancée en proposant de compartimenter l’usure non plus par les types de crédits mais par les montants. Cela pourrait être intéressant, mais il s’en remet à l’autorité administrative pour prendre des mesures temporaires durant un délai de deux ans afin de permettre aux prêteurs de s’adapter.
Le Gouvernement a marqué son accord en commission sur cette proposition. En réalité, il s’en accommode parfaitement dans la mesure où il garde la main et négociera la réforme que les banquiers et les prêteurs voudront bien accepter. Comme nous avons pu le constater lors de l’audition de ces derniers, le texte de la commission ne leur posera guère de problèmes. On peut considérer que les banques ont malheureusement gagné sur toute la ligne !
J’en viens au troisième sujet de nos préoccupations, la responsabilisation du prêteur. Il serait à notre avis temps, après quinze ans de débat, de disposer dans notre droit d’un outil efficace en même temps que respectueux des libertés individuelles : je veux parler d’un répertoire national des crédits à la consommation par lequel le prêteur peut et doit s’assurer de la solvabilité de l’emprunteur.
Je sais que cette proposition ne fait pas l’unanimité, mais je constate, en lisant les déclarations de chacun, que la plus grande hostilité émane des banques, qui souhaitent préserver l’avantage qu’elles tiennent de la connaissance directe de leur clientèle.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. La Fédération de la distribution est pour !
Mme Nicole Bricq. Le texte de la commission renvoie malheureusement à trois ans la possible création d’un tel fichier. Quand on sait qu’il faut techniquement deux ans d’adaptation, cela envoie à un délai très lointain, trop lointain. En attendant, il faudra se contenter de la promesse du Gouvernement d’améliorer le fonctionnement de l’actuel FICP, dont les carences sont connues depuis longtemps.
Nous craignons que cette promesse ne nous condamne à l’immobilisme et regrettons que notre proposition de créer et d’encadrer par la loi un outil efficace n’ait pas été entendue.
Même amélioré, en supposant que le Gouvernement tienne son engagement, le FICP ne sera jamais l’outil de prévention dont nous avons besoin. Il interviendra toujours trop tard, puisqu’il se contente d’enregistrer les incidents de paiement.
Vous avez cité l’expérience belge. Elle n’a pas, pour nous, une valeur universelle. Mais, lorsque nous sommes allés à Bruxelles, toutes les parties concernées, que nous avons auditionnées, nous ont dit quelle position elles avaient prise à l’origine et quel bilan elles dressaient de la création du répertoire national du crédit créé sous l’égide de la Banque nationale de Belgique. Nous avons ainsi pu constater que ceux qui étaient initialement opposés à la création d’un tel répertoire – c’étaient, à l’époque, en Belgique, les banquiers, comme aujourd’hui en France – reconnaissent maintenant ses vertus, tandis que ceux qui étaient réservés, à savoir les associations de consommateurs, ont vite reconnu son utilité préventive. Il est dommage que le dossier soit refermé sans avoir été vraiment ouvert. Les banques peuvent respirer !
Enfin, nous espérions que des revendications unanimes portées par les associations fussent entendues, à savoir la séparation nette entre cartes de fidélité et cartes de crédit et la séparation tout aussi nette entre activités de vente et activités de crédit. Ce n’est pas le cas. Pourtant, les propositions de loi des sénateurs de la majorité étaient, sur ce point, teintées d’un volontarisme que l’on ne retrouve pas dans le texte de la commission.
Quand nous défendrons nos amendements, cas d’espèce à l’appui, je vous montrerai ce qui se passe encore aujourd’hui même.
Pour finir, madame la ministre, l’opposition socialiste a compris que vous teniez à ce texte, du moins à cette lecture par le Sénat, car, interrogée en commission – je rejoins sur ce point M. le président de la commission spéciale, Philippe Marini –, vous n’avez pu nous en garantir le cheminement et l’adoption dans des délais raisonnables.
Le risque de retard des décisions non directement issues de la transposition de la directive est réel, mais l’opposition socialiste a appris, au cours de ces deux dernières années, à prendre la mesure de votre stratégie de communication qui consiste à capitaliser sur un projet plutôt que sur des résultats et à « jouer à saute-mouton », en passant d’un sujet à un autre. Cependant, craignez que la frustration suscitée par des promesses non tenues ne contribue au désenchantement de nos concitoyens à l’endroit de l’action politique.
En ne modifiant pas l’économie du crédit à la consommation, vous prenez malheureusement le risque, dans une période particulièrement dure pour les Français, d’accroître encore le surendettement.
La formule « plus d’accès, moins d’excès », employée par le Gouvernement à propos de ce projet de loi et attribuée, me semble-t-il, à M. Martin Hirsch, est un slogan qui parle, mais un slogan ne fait pas une politique.
Pour bien faire comprendre ce qui nous sépare de la majorité, je me permettrai de citer ce qu’écrit M. le rapporteur de la commission spéciale dans l’introduction de son rapport : « les pouvoirs publics [au cours de la période qui s’ouvre] seront simultanément incités – dans une proportion dont on ne peut préjuger – à rehausser les prélèvements obligatoires et à diminuer la dépense publique, notamment les prestations sociales et de chômage ainsi que, d’une façon générale, les dépenses auxquelles des ménages sont susceptibles de pourvoir directement […]. Dans cette perspective, le revenu disponible des ménages souffrira inexorablement de la réépargne publique. »
M. Jean-Pierre Sueur. C’est exact !
Mme Nicole Bricq. « Il importera cependant que leur consommation puisse contribuer positivement à la demande globale et à la croissance, alors même que l’évolution de leurs revenus sera contrainte. »
Tout est dit ! Vous comprendrez que nous ne partagions pas la philosophie de ce rapport, ni celle du texte de la commission spéciale, qui a mis ses pas dans ceux du Gouvernement. Nous marquerons notre opposition à ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Je me réjouis, madame la ministre, que les différentes propositions de loi déposées tant par les membres de notre groupe que par d’autres groupes aient finalement fait réagir le Gouvernement.
Depuis des années, les parlementaires ont alerté les pouvoirs publics sur le manque de prévention efficace du surendettement.
Avant le surendettement installé, il y a, pour beaucoup de familles, séduites par la publicité pernicieuse de certains organismes de crédit, une longue période de stress. L’angoisse, qui peut aller jusqu’à détruire un foyer, naît au moment où le couple réalise que, s’il veut rembourser ses crédits, pris quelquefois à la légère, il va devoir réduire son train de vie quotidien, ce qui est bien plus stressant que de ne pas avoir une grande télévision à écran plat !
L’intitulé de votre projet de loi, madame la ministre, comporte d’ailleurs les mots « crédit à la consommation », ce qui indique une volonté d’agir à la fois sur la prévention et sur le traitement du surendettement.
La loi Neiertz du 31 décembre 1989 et la loi du 29 juillet 1998 avaient pour objectif premier non pas d’appréhender le surendettement en tant que tel, mais de l’alléger et de le traiter.
Je crois résolument que nous devons situer notre action, en amont, sur le plan de la prévention. Si une personne est surendettée, c’est précisément parce que la prévention a échoué.
Si le texte du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui intègre bien des mesures préventives, je crois cependant que ces dernières s’avéreront rapidement insuffisantes. On se situe plus dans la limitation des abus du crédit à la consommation que dans une véritable prévention.
Les avancées sont réelles au niveau de l’information de l’emprunteur. L’encadrement plus strict de la publicité, dans la forme comme dans le fond, était essentiel. La délivrance obligatoire d’une fiche d’information précontractuelle à l’emprunteur est également positive.
L’autre avancée notable est le renforcement de la responsabilité des prêteurs. C’est une disposition majeure de la proposition de loi déposée voilà quelques mois par notre groupe. Les prêteurs seront tenus de donner des explications à l’emprunteur, afin de lui permettre de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses choix et à sa situation financière. L’établissement de crédit devra aussi attirer l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces derniers peuvent avoir sur sa situation financière. Surtout, le prêteur devra vérifier la solvabilité de son client.
Sur tous ces points, le texte du projet de loi reprend les principes de mise en garde et de vérification des capacités financières de l’emprunteur dégagés par la jurisprudence.
Dans deux arrêts du 25 avril 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé l’obligation faite au prêteur professionnel de contrôler les informations fournies par ses clients lors de la conclusion du contrat. Elle a jugé, conformément aux termes de l’article 1147 du code civil, qu’il appartient au prêteur de vérifier les capacités financières et de remboursement des emprunteurs. La haute juridiction avait déjà énoncé ce principe dans deux arrêts de février et d’octobre 1992.
Le principal outil mis à la disposition du prêteur pour exercer ce devoir d’investigation reste le fichier des incidents de crédit aux particuliers, dont la consultation est désormais obligatoire. Notre groupe souhaitait aller plus loin ; mon collègue Claude Biwer reviendra sur ce point.
Les deux autres éléments positifs de ce texte en matière de prévention du surendettement sont l’encadrement du crédit renouvelable, ce crédit sur simple coup de fil ou en trois clics sur internet, et la réglementation de l’usage des cartes de fidélité.
Je dois dire, madame la ministre, que je regrette que nos propositions en faveur de la promotion de véritables actions d’éducation n’aient pas été retenues. Une approche pragmatique de la situation de l’endettement et du surendettement, au travers de mesures de sensibilisation et d’éducation, me paraît pourtant indispensable.
Il est très important d’apprendre aux enfants, dès l’école primaire, à tenir un budget familial, comme cela se pratique dans certains autres pays.
Pour cela, il faudrait sans doute changer les mentalités françaises, qui considèrent bien souvent que l’argent est un sujet tabou appartenant à la sphère privée, si privée d’ailleurs que le sujet est rarement abordé en famille : combien d’argent mes parents gagnent-ils ? À quoi cet argent est-il dépensé ? Pourquoi ne peut-on acheter tout ce que l’on désire ? Comment, avec leurs salaires, mes parents ont-ils pu acquérir tant de choses ?
J’aurais souhaité que cette approche du budget familial ait lieu en fin de CM2, de troisième et de terminale, mais j’ai été sensible à l’argument des programmes scolaires déjà très chargés. Je me demande alors si cette éducation ne devrait pas être faite par les banques, à l’ouverture du premier compte courant, à la majorité. Je vois beaucoup de jeunes, qui ne sont pas toujours issus de milieux défavorisés d’ailleurs, qui ne font pas systématiquement le lien entre leurs rentrées d’argent et leurs dépenses. Où est la belle époque où les banquiers étaient avant tout des conseillers et non, majoritairement, des vendeurs de placements ou de crédits ?
Venons-en maintenant à l’obligation faite au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur et des moyens dont il dispose pour la préserver.
En matière de financement des entreprises, ce devoir de contrôle existe et ne se justifie qu’en raison à la fois des documents comptables imposés par la loi aux emprunteurs et du développement d’informations publiques, en particulier celles dont la Banque de France assure le traitement. C’est donc sur la base de ces données qu’est appréciée la responsabilité des banquiers.
En matière de crédit à la consommation – et je reconnais que ce n’est pas simple –, le prêteur sollicité par un client habituel peut, certes, se référer aux renseignements qui permettent d’avoir une opinion sur sa capacité à faire face à l’emprunt demandé. Pour autant, en dehors de cette situation, l’absence à la fois d’obligation comptable à la charge d’un consommateur et de répertoire public relatant l’intégralité des dépenses, ou permettant de lui attribuer une cote de confiance, rend difficile l’approche du prêteur.
Par nos amendements, nous avions souhaité améliorer les deux sources de l’information donnée au prêteur. Il s’agit, d’une part, de l’information privée, résultant des renseignements et des documents obligatoirement fournis par l’emprunteur, et, d’autre part, de l’information publique, au travers d’un répertoire, permettant de connaître le passif et l’actif du patrimoine du candidat à l’emprunt.
Nous avons maintenu le premier de nos amendements, qui doit permettre le renforcement de l’information privée délivrée au prêteur.
Nous verrons d’ici à quelques mois si les mesures de votre projet de loi seront suffisantes pour endiguer le surendettement. En attendant, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous vous ferons crédit (Sourires.) …
M. Daniel Raoul. À quel taux ? (Nouveaux sourires.)
Mme Muguette Dini. … en acceptant l’établissement d’un rapport sur le principe de la création d’une centrale des crédits aux particuliers, placée sous l’égide de la Banque de France. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une bonne part de l’activité économique est étroitement dépendante de la tenue de la consommation populaire, et je ne peux évidemment manquer de commencer cette intervention sans revenir, de ce point de vue, à quelques aspects essentiels.
La récession dans laquelle est plongé notre pays depuis plus d’un an trouve une bonne part de ses origines et de ses prolongements dans la situation du pouvoir d’achat des ménages, que deux années de présidence Sarkozy n’ont manifestement pas permis de renforcer. La prégnance du chômage, le recours de plus en plus massif aux bas salaires, la précarité renforcée, le ralentissement de l’activité et ses corollaires – périodes de chômage technique, plans sociaux, etc. – sont autant de facteurs installant la France dans une crise durable.
Les prévisions de récession formulées par le Gouvernement lui-même – une contraction de 3 % du PIB pour 2009 – attestent de la grave situation dans laquelle se trouve notre pays.
La croissance molle de 0,5 % prévue pour 2010, inférieure au potentiel du pays et largement insuffisante pour éviter plusieurs centaines de milliers de chômeurs de plus, procède, quelque part, de l’autosuggestion.
Ce qui est en cause dans cette affaire est bel et bien un mode de fonctionnement économique qui a accordé la primauté à la rémunération du capital au détriment de celle du travail et qui a négligé le développement économique durable et équilibré au profit des seuls créneaux les plus immédiatement porteurs de plus-values financières.
Sans doute allez-vous me demander ce qu’un tel discours macro-économique vient faire dans un débat consacré au droit de la consommation, notamment à la manière dont les contrats de prêt accordés aux particuliers seront rédigés à compter de la promulgation du présent texte.
En l’occurrence, il convient de rappeler d’emblée deux éléments. D’abord, comme je viens de l’indiquer, on ne peut pas évoquer le crédit et la consommation indépendamment du contexte économique général, sauf à réduire la portée du sujet dont nous débattons. Ensuite, le crédit est précisément l’un des éléments moteurs de l’économie ; les conditions dans lesquelles il est distribué sont déterminantes pour l’activité et la croissance.
Notons d’ailleurs quelques faits.
Au cours des dernières années, une bonne part de la croissance aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne a été fondée sur le développement du crédit, donc sur l’endettement des entreprises et des ménages.
Mais ceux qui vantaient le modèle de croissance américain ou britannique oubliaient soigneusement de nous rappeler que, dans les deux pays concernés, les ménages, par ailleurs soumis à la précarité des conditions de travail, étaient endettés au-delà du possible, notamment au-delà de leur revenu disponible. Et cette fuite en avant dans l’endettement, si elle était porteuse d’activité dans un premier temps – c’était le cas, pour aller un peu vite, dans le bâtiment, chez Wal-Mart ou chez Woolworth –, était également source de crises futures, à l’image de celle que nous avons pu constater lorsque la dette des ménages américains s’est muée en crise des subprimes.
Au demeurant, la récession qui frappe les États-Unis comme le Royaume-Uni est encore plus forte que celle à laquelle notre pays est confronté, et le nombre d’emplois supprimés y est plus élevé qu’en France.
Toutefois, le Gouvernement devrait éviter de s’attribuer le mérite d’une telle situation. Ces résultats valident non pas son action, mais juste le fait que des décennies de luttes populaires ont conduit à créer un système de protection sociale dans notre pays, système qui sert aujourd'hui de puissant amortisseur à la crise.
Et ces mêmes luttes sociales ont contribué à installer dans notre pays un droit du travail suffisamment « rigide » pour que l’usage du licenciement intervienne seulement en dernier recours. Les pays où le marché du travail est plus « souple », selon les termes de quelques économistes libéraux, sont aussi ceux où la souplesse se traduit aujourd’hui par des licenciements massifs.
Cela étant, le crédit et l’endettement des ménages qui en découle participent pleinement de la croissance et de l’activité économique en général.
La remarque vaut également pour le crédit accordé aux entreprises, puisque sa raréfaction a causé un accroissement sensible des procédures collectives de redressement et de liquidation d’entreprises au cours de ces derniers mois.
Il faut dire que, préoccupées par leurs créances douteuses et parfois invisibles au premier abord, les banques de notre pays ont commencé par tenter de reconstituer leurs marges avant de penser à leur métier essentiel : favoriser le financement de l’économie.
Ainsi, les ménages français ont échappé à la situation dramatique de leurs homologues américains et britanniques – le peu de succès de l’hypothèque rechargeable, pourtant promue par le Gouvernement, et du crédit hypothécaire en général en témoigne –, mais un certain nombre d’entre eux ne sont pourtant pas à l’abri des difficultés. Je pense en particulier aux ménages surendettés, dont le projet de loi vise à éviter au maximum l’accroissement et pour lesquels il essaie de définir les voies et moyens de solutions admissibles, à travers la transposition d’une directive européenne datant du mois d’avril 2008, donc antérieure à la date officielle de naissance de la crise financière de cet automne.
Ce surendettement résulte, pour une bonne part, du recours grandissant au crédit à la consommation et, plus encore, au crédit non affecté, que l’on appelle dans un mauvais franglais le « crédit revolving » et que nous aurions tendance à dénommer le « crédit revolver ». (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
En effet, comment expliquer que, pour faire face aux dépenses de la vie courante, des ménages salariés soient contraints de souscrire des crédits de cette nature, parfaitement non affectés et dont le coût consomme une part importante de leurs ressources ?
Pour en revenir au départ, précisons d’emblée que cela provient largement de la modicité et de la faiblesse des ressources des ménages.
Des années de modération salariale, fortement encouragées par des politiques publiques malthusiennes, font sentir leurs effets aujourd’hui. Un salarié sur sept est actuellement payé au SMIC. Comme les dépenses liées au logement ont dans le même temps progressé pour devenir le premier poste budgétaire des ménages, ce qui reste se révèle bien souvent insuffisant pour faire face au quotidien.
Mais il n’y a pas que cela.
Il y a également une forme de « mal-croissance » de l’économie, largement fondée sur la sollicitation des besoins, sur l’agressivité de la publicité et sur les pratiques commerciales de fidélisation de la clientèle, c’est-à-dire sur tout un ensemble de stratégies de marchandisation qui appellent, en corollaire, la pratique généralisée du crédit.
Dans nombre de grandes enseignes de la distribution de notre pays – en fait, dans toutes –, on peut aujourd’hui disposer d’une carte de fidélité qui est en réalité – cela a déjà été souligné – une carte de crédit, puisqu’elle consiste à faire en sorte que le paiement de la baguette de pain ou du kilo de pommes de terre devienne objet de crédit !
Ne parlons pas plus longuement des méthodes consistant à proposer systématiquement des crédits gratuits aux clients des magasins d’ameublement ou de matériel informatique, méthodes qui permettent juste aux enseignes de transférer les données personnelles du client à l’organisme de crédit – lui n’est pas gratuit ! – avec lequel elles ont l’habitude de « travailler ». Cela vaut évidemment audit client de recevoir par toutes les voies possibles – courrier postal, internet ou relances téléphoniques – des messages réguliers à caractère informatif, avec pour seul objectif de l’amener à souscrire un nouveau prêt pour acquérir un bien meuble plus « consistant ».
De fait, le crédit est devenu un élément pivot des pratiques de vente de nombre d’acteurs du secteur commercial. Dès lors, on peut presque se demander s’il n’est parfois pas plus essentiel que la diffusion et la distribution des produits matériels ou des services, c’est-à-dire la raison d’être de ces acteurs.
Combinée à des pratiques d’approvisionnement qui ne sont pas nécessairement compatibles avec la préservation de la planète, une telle contamination des activités commerciales par l’usage abusif du crédit amène pratiquement au pire des modèles de développement économique, sans parler des conditions léonines imposées à la sous-traitance et aux fournisseurs, dont l’actuel conflit sur les produits frais, notamment les produits laitiers, est une illustration.
Il est grand temps que les pratiques agressives et souvent assez peu responsables des grandes enseignes commerciales en matière de crédit soient un peu plus réglementées. Ce texte, s’il est correctement rédigé, peut y contribuer.
Nous ne pouvons pas laisser des ménages s’endetter simplement parce qu’ils ont dans leur portefeuille une carte de fidélité qui s’apparente parfois à une carte d’embarquement pour l’enfer de l’endettement ou telle ou telle carte « privilège » privilégiant seulement la rentabilité de celui qui la distribue !
Il faut également s’interroger sur le surendettement lié à la pratique de taux d’intérêt particulièrement élevés.
Pour le moment, les règles déontologiques en matière de crédit à la consommation, que le présent projet de loi entend renforcer, ne portent pas sur le niveau des taux d’intérêt pratiqués.
Un tel manquement se relève immédiatement dans certaines publicités alléchantes, qui évoquent des taux particulièrement bas, et même parfois nuls, mais pour de courtes périodes suivies d’un retour immédiat aux taux les plus élevés possible, sans espoir de rétractation.
Une telle démarche nécessite de soulever quelques questions. Comment justifier que le crédit à la consommation soit assorti d’un taux de 15 % à 20 %, ce qui est énorme au regard des sommes empruntées, même si cela représente peu en montant nominal, sachant que 93 % des crédits accordés ne donnent lieu à aucune difficulté de paiement et de remboursement et que le risque de créance irrécouvrable semble devoir porter sur seulement 2 % des cas ? Comment se constituent, se structurent de tels taux d’intérêt ? En vertu de la rémunération ou de la prévention de quels risques de telles pratiques voient-elles le jour ?
Avec la crise, les taux bancaires ont connu une sensible décrue, à commencer par le taux directeur de la Banque centrale européenne, qui s’établit aujourd’hui à 1 %.
Les banques françaises trouvent aujourd’hui de telles conditions de refinancement qu’elles utilisent de moins en moins la « réserve d’argent » disponible – vous voyez que le crédit cher n’est pas forcément une bonne chose – constituée par les ressources de la Société de financement de l’économie française, laquelle a pourtant été dotée d’une capacité de 320 milliards d’euros par le collectif budgétaire du mois d’octobre dernier.
Mais les crédits à la consommation, qui sont diffusés par des services spécialisés étroitement liés aux établissements bancaires, continuent de surfer sur des vagues de taux d’intérêt particulièrement élevés.
Ces taux finissent évidemment par poser problème aux ménages confrontés, eux, au gel du traitement des fonctionnaires et à la modération salariale dans le secteur privé, doublés de la généralisation des périodes de chômage technique. Cela pèse en outre sur la croissance : la consommation populaire ne peut plus venir autant au secours d’exportations défaillantes ou du ralentissement de l’investissement dans les entreprises.
Si le crédit est nécessaire à l’activité économique, il ne peut pas avoir vocation à la « vampiriser », au risque de voir son coût absorber une part croissante de la richesse créée par le travail de la valeur ajoutée produite.
Revenir à une situation plus conforme aux intérêts du pays et de ses salariés impose d’aller plus loin que ne le fait ce texte dans la responsabilisation et la maîtrise d’un tel outil de financement de l’économie.
Nous avons fait le choix de déposer sur le texte un nombre relativement important d’amendements, largement inspirés par les réflexions et l’action des associations de défense des consommateurs et répondant aux préoccupations que nous avions nous-mêmes au départ.
Notre vote final dépendra du sort qui sera réservé à nos amendements et de la manière dont le projet de loi sera finalement rédigé. Mais notre position a priori n’est nullement favorable à ce texte, qui nous semble largement insuffisant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui présente une réforme en profondeur du crédit à la consommation, réforme particulièrement opportune en cette période de crise qui frappe l’ensemble des ménages français.
Les cinq propositions de loi sénatoriales déposées sur ce sujet depuis la rentrée parlementaire au mois d’octobre 2008, dont deux sur l’initiative de collègues du groupe de l’UMP, MM. Philippe Marini et Charles Revet, témoignent d’ailleurs d’un large consensus sur la nécessité de faire évoluer la législation, en visant deux objectifs. Le premier est d’ordre social : il faut mieux protéger le consommateur des écueils du surendettement. Le second est d’ordre économique : il s’agit d’encadrer davantage le crédit à la consommation des ménages, sans pour autant freiner la consommation.
Tout l’enjeu consistait donc à trouver un juste équilibre entre ces deux impératifs. Cela n’a cessé de guider les travaux de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, sous l’impulsion de son président, M. Philippe Marini, et de son rapporteur, M. Philippe Dominati.
En effet, le texte qui est aujourd'hui soumis à notre approbation a été largement enrichi par les propositions de la commission spéciale, en étroite concertation avec Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.
Il s’agit donc avant tout d’éviter aux ménages les plus vulnérables de se retrouver surendettés pour avoir naïvement cru aux belles promesses des offres, promotions et autres cartes de crédit.
Il est malheureusement possible de vivre au-dessus de ses moyens jusqu’à finir asphyxié par les dettes.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Dominique de Legge. C’est possible avec le crédit renouvelable, ou crédit « revolving », et avec les cartes de crédit, qui sont si facilement accessibles dans les espaces « finances » des grands magasins. C’est également possible en contractant plusieurs crédits et en multipliant les cartes jusqu’à la faillite personnelle.
Le projet de loi du Gouvernement vise à briser la spirale infernale qui affecte les ménages, souvent les plus modestes. L’objectif est de garantir une commercialisation responsable du crédit à la consommation et une meilleure prévention du surendettement.
En outre, la réforme proposée tire les conséquences de la directive européenne du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs.
Avec mes collègues du groupe de l’UMP, nous ne pouvons que nous féliciter des objectifs visés par ce texte. Il s’agit de développer un crédit responsable, de fixer des règles en matière de publicité pour supprimer les pratiques agressives qui empêchent les ménages de prendre un engagement réfléchi lorsqu’ils sont sollicités, de consolider les obligations et responsabilités des prêteurs, notamment s’agissant de l’évaluation de la solvabilité des emprunteurs, d’encadrer la distribution du crédit sur les lieux de vente et de renforcer les règles de protection des consommateurs.
En outre, le texte se penche sur la situation des personnes qui connaissent de réelles et sérieuses difficultés d’endettement. Les retombées de cette loi importante seront donc aussi bien sociales qu’économiques. Je rappelle que la consommation des ménages constitue l’un des piliers de l’économie française.
Le crédit est un instrument populaire, utile et nécessaire à la vie des ménages. Un tiers des ménages français, soit neuf millions de ménages, ont contracté un crédit à la consommation, ce qui leur offre la possibilité d’acquérir des biens en étalant le paiement dans le temps et de lisser leurs dépenses. Si le crédit à la consommation s’exerce de manière responsable, il sera un atout tant pour les consommateurs que pour la croissance.
Il faut malheureusement déplorer certaines dérives, qui conduisent à des situations intenables de surendettement. La crise financière, née aux États-Unis, nous a donné la preuve flagrante des ravages du surendettement, qui touche des familles entières, mais aussi la société dans son ensemble.
Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs réclament une véritable réforme du crédit à la consommation permettant de lutter contre le malendettement des consommateurs et de favoriser l’accès de tous à un crédit responsable.
Elles s’élèvent, en particulier, contre l’orientation quasi exclusive des distributeurs de crédit vers le crédit renouvelable, alors même que cette forme de crédit est unanimement dénoncée comme une source dangereuse de malendettement, conduisant inexorablement à un surendettement sans fin. Il s’agit de la formule de crédit la plus chère et la plus déresponsabilisante.
Le surendettement, il faut le rappeler, touche les personnes les plus modestes. Pour un grand nombre d’entre elles, le surendettement provient d’un accident de la vie, tel que chômage, séparation ou divorce, maladie. Mais, dans 25 % des cas, il trouve exclusivement son origine dans un excès de crédit, une mauvaise gestion ou un excès de charges.
Pour contribuer à atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement, la commission spéciale a souhaité porter le débat sur des thèmes que n’abordait pas le projet de loi initial, notamment la fixation du taux de l’usure, la perspective de création d’un fichier positif, ainsi que le développement du microcrédit personnel. Les travaux de la commission spéciale ont donc permis de compléter le projet de loi de manière constructive, de façon à poursuivre un objectif commun.
Comme l’a très bien rappelé le président de la commission spéciale, M. Marini, il est temps aujourd’hui d’adapter des textes qui ont vieilli.
Ainsi en est-il de la législation sur le taux de l’usure. La commission spéciale en a modifié la logique en fusionnant tous les types de crédit à la consommation dans un même ensemble. Elle a adapté les modalités de calcul du taux de l’usure, jugées obsolètes et perverses, car poussant au développement du crédit renouvelable.
La commission spéciale a par ailleurs examiné la possibilité de créer un fichier « positif », instrument utile pour connaître la situation financière des emprunteurs. Jouant un rôle d’alerte, et mis à jour régulièrement, il permettrait de responsabiliser à la fois le prêteur et l’emprunteur, à l’instar de ce qui se pratique chez nos voisins allemands et danois.
Nous mesurons tous, dans cette enceinte, les conséquences d’un tel dispositif en termes non seulement de lourdeur de gestion – il faudrait ficher environ 13 millions de personnes –, mais aussi de risques en matière de protection des libertés individuelles.
Certains auraient souhaité que l’on retienne ce système plus radical. Toutefois, la commission spéciale a estimé qu’il était raisonnable de se donner un temps pour évaluer la pertinence de l’existence d’un tel fichier.
La commission spéciale a donc souhaité que soit amélioré dès à présent le fonctionnement de la procédure de surendettement et du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, ou fichier dit « négatif ».
Elle a aussi posé le principe de la création d’une centrale des crédits aux particuliers, placée sous la responsabilité de la Banque de France, qui fera l’objet d’un rapport remis au Gouvernement et au Parlement dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi. Le principe étant acté, nous ne pouvons qu’approuver cette décision de sagesse.
En outre, la commission spéciale a modifié le projet de loi initial afin de le préciser et de le compléter sur deux sujets essentiels : le renforcement de l’information et de la protection du consommateur, la clarification de la « zone grise » commerce-crédit, c’est-à-dire la distribution de crédits sur le lieu de vente.
Enfin, la commission spéciale a introduit un nouvel article visant à définir le « microcrédit personnel », à mettre l’accent à la fois sur l’objet du crédit, la capacité de remboursement des emprunteurs et l’accompagnement social dont ils doivent bénéficier, et à autoriser le fonds de cohésion sociale à prendre en charge les dépenses d’accompagnement des bénéficiaires.
C’est sur la base de cet équilibre entre protection des consommateurs et reconnaissance du crédit dans la consommation des ménages que mes collègues du groupe UMP et moi-même approuvons pleinement les objectifs de ce projet de loi, sans préjuger les améliorations qui pourront y être apportées dans l’intérêt des familles et de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Escoffier, qui a dû s’absenter.
Voilà quelques mois, le 10 décembre 2008, à l’occasion d’une question orale sur la prévention du surendettement des Français déposée par Muguette Dini, Anne-Marie Escoffier, de même que plusieurs d’entre-nous, avait fait part au Gouvernement de ses inquiétudes concernant ce phénomène grave, qui a malheureusement tendance à se généraliser avec la crise que nous traversons.
En effet, non seulement le nombre de nos concitoyens surendettés va croissant – 188 000 dossiers sont traités chaque année par les commissions de surendettement –, mais cette tendance socio-économique s’accompagne d’un phénomène de banalisation particulièrement dangereux.
Différentes études laissent à penser que, à ce jour, plus de sept millions de personnes, c’est-à-dire 15 % de la population, seraient insolvables.
Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs alertent régulièrement les pouvoirs publics sur les véritables « pièges » financiers dont nombre de nos compatriotes sont victimes.
Or, malgré plusieurs lois, le problème n’est pas réglé, tant s’en faut, de sorte que, dans ce domaine plus que dans d’autres, l’urgence est grande.
Ainsi, la France est parvenue à une situation totalement paradoxale où, d’un côté, compte tenu de la crise, les banques restreignent l’attribution de crédits à la consommation, tandis que, de l’autre, les crédits dits « revolving » se multiplient comme les métastases d’un cancer financier gagnant sans discernement la totalité d’un organisme malade, qui n’est autre que le corps social et, à l’intérieur de ce dernier, les personnes les plus modestes, donc les plus fragiles.
Au fil des ans, le crédit revolving s’est imposé insidieusement, sournoisement, comme un outil normal de gestion du budget familial. Il a donné naissance à cette spirale infernale du surendettement, frappant celles et ceux qui n’ont pas su résister à un système au sein duquel les auteurs de publicités mensongères et les organismes de crédit indélicats se sont associés pour rendre le commerce amoral et transformer le domaine de la consommation en une véritable jungle, où seule la loi du plus fort prédomine.
Le vieil adage, qui voulait jadis que l’on ne prête qu’aux riches, est désormais contredit, puisque ce sont bien les plus pauvres ou les plus fragiles que, à coup d’actions de désinformation et de publicités mensongères, les opérateurs bancaires et les grandes surfaces détroussent littéralement.
Devant l’ampleur d’un phénomène allant jusqu’à saper les bases de la société contemporaine et un dispositif législatif devenu inopérant, parce que trop complexe et insuffisamment réactif, le Sénat n’est pas demeuré inerte, loin s’en faut, puisque cinq de nos collègues de divers bords ont déposé des propositions de lois sur le sujet. Le Gouvernement ne les a cependant pas retenues, préférant la voie du projet de loi qui nous occupe aujourd’hui, et profitant d’ailleurs de ce texte pour transcrire en droit français les éléments de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil européen du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs.
Si certains d’entre nous ont pu regretter la mauvaise manière faite par le Gouvernement à la Haute Assemblée en ne laissant pas l’initiative parlementaire aller à son terme, on ne peut en revanche que se féliciter de la mise en place fort judicieuse d’une commission spéciale, qui a beaucoup travaillé et mené une réflexion approfondie pour réformer le crédit à la consommation.
Cette commission a procédé à l’audition de toutes les parties prenantes, ce qui a permis à ses membres de bien cerner les enjeux du problème et de formuler un certain nombre de propositions concrètes tendant à adapter les formes de crédit à la consommation aux besoins des emprunteurs, à élargir l’accès au crédit responsable et à rechercher les moyens d’un meilleur accompagnement des ménages en difficulté pour leur permettre de sortir au plus vite du surendettement.
Le texte que nous examinons est le résultat de ces rencontres, de ces travaux conduits avec le souci constant, de la part notamment du président et du rapporteur de la commission spéciale, d’aboutir à un texte équilibré et responsable, protecteur des consommateurs sans pour autant porter atteinte au dynamisme bancaire indispensable à notre économie.
Comment ne pas adhérer aux dispositions de ce texte, qui devraient avoir pour effet non pas de tarir le crédit à la consommation – ce serait une grave erreur –, mais de le maîtriser ? Qui ne se réjouirait de savoir que les situations d’angoisse, de détresse, dans lesquelles sont plongées certaines familles pourraient enfin disparaître ? Qui pourrait ne pas souhaiter la fin des harcèlements, tant par courriers répétitifs que par téléphone, de la part d’officines de recouvrement souvent brutales ? Ne devrait-on pas interdire à ces mêmes officines, le cas échéant aux organismes bancaires eux-mêmes, d’intervenir auprès des maires des communes de résidence des débiteurs pour obtenir de ces derniers les remboursements des sommes prêtées parfois sans considération de la réelle solvabilité des emprunteurs ? Sur ce point d’ailleurs, il paraîtrait utile que Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales indique clairement aux élus qu’ils n’ont pas à intervenir dans de tels différends.
Fort opportunément, ce projet de loi privilégie l’accès à un crédit responsable, rigoureusement encadré, faisant une part véritable à l’information du consommateur. Plusieurs amendements sont venus améliorer sur ce point le texte initial.
Le projet de loi donne la priorité au crédit amortissable, sans ôter l’intérêt du crédit renouvelable, tout en laissant, dans le cadre d’un dialogue ouvert entre le prêteur et l’emprunteur, le choix de la solution la plus opérante.
L’information, l’accompagnement social des emprunteurs dans les situations sensibles sont autant d’éléments nouveaux, de nature positive, introduits dans le dispositif législatif.
Il n’en reste pas moins que nous aurions voulu introduire dans ce texte des mesures plus contraignantes à l’égard des banques et des organismes financiers.
En effet, il n’est pas acceptable de voir s’étaler des pages entières de publicité vantant les mérites de tel produit financier destiné au rachat de crédits ou s’allonger la liste des organismes prêteurs qui, sans procéder à des vérifications substantielles, ont laissé les emprunteurs entrer dans la noria de crédits cumulés.
Il en découle ces incidents de paiement, qui peuvent conduire à une inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Aujourd'hui, ce fichier est « négatif », car il n’a d’intérêt que s’il est régulièrement mis à jour et si sa consultation par les organismes de crédit est effective. Le débat entre fichier « négatif » et fichier « positif » est resté inabouti ; on peut le regretter.
La période d’observation donnée ainsi aux prêteurs devra être clairement mise à profit pour déterminer la meilleure voie à suivre et s’assurer que seront pénalisés effectivement ceux de ces établissements bancaires qui ne respecteront pas les engagements pris.
Je veux encore souligner l’amélioration introduite par le texte dans le fonctionnement des commissions de surendettement, disposition qui devrait permettre à ces dernières d’accélérer les processus d’examen des dossiers et de prendre des décisions relevant jusqu’à présent de la compétence du juge.
Cette mesure de simplification des procédures ne peut que favoriser le règlement de dossiers souvent difficiles, tout en veillant à l’accompagnement des personnes fragilisées par leur situation financière.
Au total, nous avons tous eu la volonté d’améliorer un dispositif devenu inadapté aux nouveaux modes de consommation.
À l’évidence, les progrès apportés par le texte demandent à être vérifiés au quotidien et sur le terrain. C’est tout l’intérêt des dispositions transitoires portant création d’une commission temporaire d’évaluation qui sera chargée de définir des aménagements et améliorations complémentaires.
Dans ce contexte, les membres du groupe du RDSE donneront un avis favorable à un texte qui, en confortant les organismes bancaires dans le respect d’un véritable code de déontologie, protège et respecte les personnes dans leur dignité de citoyens. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2006, l’endettement des ménages français représentait, en moyenne, 62 % du revenu disponible, contre 80 % dans la zone euro.
Selon l’Observatoire des crédits aux ménages, 14 millions de ménages français avaient un crédit en 2008, soit 52,6 % des ménages ; c’est un des niveaux les plus élevés de ces dernières années. Parmi ces ménages, 31,3 % détenaient un crédit immobilier et 33,8 %, un crédit à la consommation. Les Français sont donc désormais plus nombreux à être endettés au titre du crédit à la consommation qu’à celui du crédit immobilier.
Selon le baromètre du surendettement mis en place par la Banque de France en décembre 2006, la France comptait, à la fin du mois de décembre 2008, 710 000 ménages surendettés.
Chacun sait que le surendettement est lié à la dégradation de la situation financière et sociale de ménages, de personnes seules ou de familles monoparentales. Le surendettement est devenu le miroir de la fragilisation sociale, voire de l’exclusion touchant une partie de la population française.
Il a été beaucoup dit et écrit – c’est le cas dans votre rapport, monsieur Dominati – que le surendettement résulte, dans 75 % des cas, d’un accident de la vie.
Ce chiffre diffère des résultats de l’étude menée en mars 2009 par l’association CRESUS. En effet, 62 % des personnes interrogées affirment que le recours à un nombre trop important de crédits constitue l’une des deux principales causes de leur situation de surendettement.
Cette enquête a également révélé que le crédit renouvelable est utilisé par 89 % des personnes surendettées interrogées, et qu’il est souvent une solution de remplacement pour faire face aux refus de prêt des banques « classiques ».
Quoi qu’il en soit, il existe clairement un lien étroit entre le surendettement et le crédit renouvelable, le crédit renouvelable contribuant très largement au surendettement.
Selon l’UFC-Que Choisir, le crédit permanent est le deuxième crédit en termes d’encours, avec 32,7 milliards d’euros, derrière le prêt personnel.
L’association relativise cependant ces chiffres et estime que, en termes de nombre, le crédit renouvelable prime.
De plus, si la France accuse un certain « retard » par rapport aux autres pays européens en termes d’encours de crédit à la consommation, elle est beaucoup plus avancée en termes de crédit renouvelable : en effet, avec plus de 20 % des crédits à la consommation réalisés sous forme de crédits renouvelables, la France est le troisième pays le plus utilisateur de ce type de crédit et le second pays le plus utilisateur en termes d’encours de crédit renouvelable.
L’UFC-Que Choisir a démontré qu’un client souhaitant acheter un bien à crédit est le plus fréquemment orienté vers un crédit renouvelable, même si ce dernier n’est absolument pas le type de crédit le plus adapté.
Je réfléchissais à ce débat lorsque, hier, j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres un dépliant fort intéressant annonçant que l’on « offrait » – dans ces dépliants, on « offre » toujours ! – jusqu’à 6 000 euros, avec zéro euro à rembourser pendant trois mois. C’est donc formidable ! (Sourires.)
Bien entendu, en tournant la page, j’ai pu lire en caractères microscopiques : « Le TEG » – encore faut-il savoir que c’est le taux effectif global ! – « révisable en vigueur au 08/09/08 est de 19,95 % »…
M. Yvon Collin. Ce n’est pas cher ! C’est donné ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. … « et le coût total du crédit dépend de la durée et du montant emprunté. »
M. Jean-Louis Carrère. C’est comme la TVA !
M. Jean-Pierre Sueur. On n’en sait pas plus !
Des offres de ce type, qui prolifèrent d’ailleurs, sont véritablement scandaleuses ! Il est donc essentiel de prendre des mesures afin de mettre fin à ces publicités qui abusent nos concitoyens, notamment ceux d’entre eux qui connaissent des difficultés.
Ce texte y contribue certes. Mais nous aurions souhaité trouver de surcroît dans ce dernier – Mme Nicole Bricq en a parlé – certaines dispositions permettant d’atteindre l’effet escompté. Or, elles n’y figurent pas, en tout cas pas de manière suffisamment claire et forte.
D’abord, nous sommes partisans d’une distinction des genres, des fonctions et des missions. Nombreuses ont été les associations qui ont réclamé une distinction claire entre les logiques commerciale et financière, distinction qui doit passer par la séparation nette – plusieurs collègues l’ont souligné – entre carte de fidélité, carte de paiement et réserve d’argent. La proposition de loi dont le premier signataire est Mme Nicole Bricq prévoit ainsi d’interdire l’usage des cartes de fidélité comme cartes de crédit ou comme réserve monétaire.
Malheureusement, cette séparation, que nous aurions souhaitée stricte, entre les différents types de cartes et la mise à disposition d’une réserve d’argent n’a pas été retenue. L’article 5 du projet de loi se borne seulement à interdire la subordination d’avantages commerciaux à l’utilisation de la fonction crédit d’une carte de fidélité. Les mesures prévues concernent donc uniquement l’utilisation de la fonction crédit d’une carte de fidélité à laquelle le client a déjà souscrit.
L’accès à des promotions ou à des avantages conditionnés à la souscription d’un crédit renouvelable est absent de ce projet de loi, et ce malgré le caractère fondamental d’une telle distinction.
Il serait souhaitable – notre proposition de loi va d’ailleurs dans ce sens – que l’on puisse distinguer le lieu du crédit – une banque – du lieu de vente. Il faut séparer très clairement le métier de la banque, qui consiste à accorder des prêts dans des conditions à définir, du métier de la distribution.
Mes chers collègues, vous le savez, à partir du moment où l’on refuse de distinguer ces deux fonctions parce qu’il est avantageux pour la distribution que le crédit fasse partie de la distribution et soit en quelque sorte mélangé avec elle, le ver est dans le fruit !
Il serait sage que l’on ne puisse pas effectuer les deux opérations dans le même lieu, en tout cas pas en même temps. Or la confusion est généralisée. Malheureusement, ce projet de loi ne permettra pas de distinguer une carte de crédit d’une carte de fidélité. Les deux fonctions resteront mêlées alors qu’il serait sain de les séparer.
De la même manière, nous avons présenté en commission des amendements, que nous aurons l’occasion d’évoquer, qui visaient à bien distinguer le crédit des opérations de promotion.
Il nous a été objecté que ces amendements constituaient une atteinte à la liberté. Je ne le crois pas. Il est important que le consommateur sache, d’une part, ce qui est crédit – quel crédit ? À quel taux ? Quel sera le coût total ? – et, d’autre part, les avantages promotionnels, car il est bien normal que les distributeurs soient attachés à présenter des stratégies promotionnelles pour vendre leurs produits.
Dans les faits, à quoi conduit ce mélange ? En réalité, on vend une carte de fidélité en même temps qu’une carte de crédit, un crédit en même temps qu’une promotion ! Mais le crédit présenté dans le dépliant dont j’ai fait état tout à l’heure, crédit que vous payez zéro euro pendant trois mois, vous coûtera in fine 50 euros pour une promotion de 5 euros que l’on vous aura fait miroiter ! En résumé, gagnez 5 euros, remboursez zéro euro pendant trois mois pour le crédit, mais payez tôt ou tard au prix fort le montant de ce crédit ! C’est inacceptable, et nous regrettons que ce projet de loi n’aille pas beaucoup plus loin à cet égard.
Le deuxième point qui nous préoccupe concerne le répertoire national des crédits à la consommation, appellation que nous préférons à celle de « fichier positif ».
À partir du moment où l’on pose le principe selon lequel le prêteur doit prêter en connaissance de cause, il est nécessaire que celui-ci dispose d’un certain nombre de données. Prenons toutes les précautions. Bien entendu, saisissons la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et respectons ses recommandations.
Répondons aux craintes de chacun, y compris à celles des associations de consommateurs avec lesquelles nous ne sommes pas toujours d’accord à ce sujet. Je pense, notamment, à l’UFC-Que Choisir, qui propose de rénover le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, et de rendre sa consultation obligatoire. Soit ! Mais une telle mesure est insuffisante : le prêteur doit avoir toutes les données sur la table pour que soit conclu un prêt dans de bonnes conditions.
Les remarques de l’association française des usagers des banques peuvent par ailleurs être utiles. Je pense, notamment, à la consultation des derniers relevés bancaires, à l’imposition d’un pourcentage maximal d’endettement par rapport au revenu mensuel, etc.
Pour notre part, nous sommes persuadés de la nécessité de mettre en œuvre ce répertoire national des crédits à la consommation. Selon Guy Raymond, professeur honoraire de la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, la création d’un tel fichier constitue une nécessité, car il est impossible d’instaurer une responsabilité réelle des établissements de crédit si on ne les met pas en situation de pouvoir accéder à une information fiable et complète.
Enfin, cela a été dit par Mme Nicole Bricq et sera certainement répété par Daniel Raoul dans un instant, nous ne sommes pas d’accord sur la question du taux de l’usure.
Monsieur le rapporteur, vous avez très bien résumé notre position dans votre rapport, et je vous en remercie. Vous écrivez ainsi que nous proposons « pour fixer le taux de l’usure, d’affecter au taux des prêts sur le marché interbancaire à douze mois un coefficient déterminé par décret après avis du Conseil national du crédit et compris entre deux et sept. Cette solution a pour avantage incontestable de lier le coût du crédit à celui de la ressource des établissements bancaires : elle est dès lors compréhensible pour le public qui, aujourd’hui, s’étonne légitimement que les taux d’intérêt du crédit à la consommation demeurent aussi élevés alors même que le prix du refinancement bancaire a atteint des niveaux historiquement bas. »
Mais la phrase qui suit ce bon résumé de nos propositions m’a particulièrement intéressé, monsieur le rapporteur : « Mais elle [notre solution] n’est cependant pas dénuée d’inconvénients, dont le plus important est sans conteste le retour à la fixation administrée d’une norme économique. »
Les bras m’en tombent un peu ! C’est toujours la même chose : dès que l’on parle d’encadrer les choses, de fixer des normes, des règles, vous brandissez l’horreur absolue de la fixation administrée d’une norme économique ! Nous ne sommes pas d’accord !
Nous sommes favorables à une économie de marché. Nous savons depuis bien longtemps que les milliards d’équations que le marché résout chaque jour seraient toujours moins bien résolues s’il fallait que l’administration le fît.
Cependant, nous savons également que le marché, pour nécessaire qu’il soit, est myope et qu’il ne suffit pas, en particulier, à régler le problème posé par le taux de l’usure. Voilà pourquoi nous proposons d’instaurer des règles pour encadrer le marché.
Pour finir, je souhaite évoquer la question du crédit social, qui figure dans notre proposition de loi. C’est du volontarisme.
Nous sommes pour l’économie de marché, mais nous pensons que l’autorégulation du marché ne permet pas d’apporter des réponses à ceux qui sont sur la pente de la détresse, dans le cercle infernal de l’endettement qui se développe et s’exacerbe inéluctablement. C’est pourquoi nous sommes favorables au crédit social et disons, je le répète, que c’est du volontarisme. Oui, nous sommes pour une société de liberté, mais nous sommes aussi pour le volontarisme, qui permet à chacun de vivre dans la liberté et dans la dignité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de la récente campagne pour les élections européennes, certaines voix se sont fait entendre pour affirmer que les réglementations européennes étaient trop tatillonnes, voire trop contraignantes.
En l’espèce, on ne peut que remercier les autorités de l’Union européenne d’avoir adopté la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs. Sans elle, nous n’aurions peut-être pas aujourd’hui ce débat, dont je me réjouis personnellement. Je rappelle que j’avais déposé une première proposition de loi sur ce thème voilà cinq ans.
Le projet de loi que vous avez présenté, madame la ministre, comporte quelques avancées qui méritent d’être soulignées : l’avertissement légal, qui devra figurer sur les publicités de crédit et que nous avions suggéré dans notre proposition de loi ; la consultation obligatoire du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, avant tout octroi de crédit ; l’obligation d’un amortissement minimum dans les échéances du crédit renouvelable ; l’interdiction de subordonner les avantages d’une carte de fidélité à l’utilisation du crédit qui lui est lié.
Sur ce dernier point, j’observe que notre commission spéciale n’a pas prévu de découplement entre carte de fidélité et carte de crédit. De ce fait, les pratiques que nous connaissons risquent de perdurer. Ainsi, les grandes surfaces et magasins spécialisés continueront-ils de vanter les mérites de leur carte de fidélité-crédit, une réserve monétaire qui, en cas d’utilisation, coûtera 20 % d’intérêts au consommateur, sur des sommes toujours plus élevées et abondantes, puisque la mise à disposition d’avances renouvelables est régulièrement proposée.
Le fait de prévoir un minimum de remboursement de capital pour le crédit renouvelable est bien la moindre des choses. Il n’est pas rare qu’avec des remboursements très faibles la durée d’amortissement d’un tel crédit puisse atteindre, voire dépasser, dix ans, et ce, bien entendu, à des taux proches de l’usure.
J’ai proposé, par voie d’amendement, de réduire à un maximum de trois ans la durée totale de remboursement des crédits renouvelables. C’est également ce que vous avez suggéré dans votre intervention, madame la ministre, et je m’en réjouis.
Il faudrait inciter les consommateurs à se tourner vers des prêts personnels ou affectés à des taux plus raisonnables, plutôt que de succomber aux délices et poisons du crédit revolving, qui constitue une très grande source de surendettement : 80 % des dossiers de surendettement comportent plus de quatre crédits revolving.
Il en est parfois de même pour certaines collectivités territoriales, en particulier des départements comme le mien, qui, à coup d’emprunts in fine, en arrivent à des durées de remboursement de dix ans et plus pour financer leurs besoins, ce qui ne me paraît pas être un bon mode de gestion.
M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale n’ont pas souhaité imposer des justificatifs pour l’octroi de crédits sur les lieux de vente. Cela constitue une très grave lacune. À l’heure actuelle, le prêteur se contente très souvent d’une simple déclaration de l’emprunteur, sans vérifier le moins du monde sa solvabilité. Cela ne peut pas durer.
Je proposerai, par voie d’amendement, d’imposer à l’emprunteur de communiquer au prêteur les trois derniers relevés mensuels du compte bancaire où figurent ses ressources et ses charges. De cette manière, le prêteur aura une vue exacte de la situation financière de l’emprunteur et pourra appliquer les règles prudentielles en vigueur. Une telle procédure, qui est pratiquée de facto par les banques, n’aurait rien inquisitorial. Lorsque la société vous vient en aide, il ne m’apparaît pas illogique que l’on ait vis-à-vis d’elle quelques devoirs ou quelques contraintes.
Votre texte, madame la ministre, demeure cependant muet sur deux points que nous considérons pourtant comme importants pour lutter le plus efficacement possible contre le malendettement ou le surendettement. Il s’agit de la création d’un fichier recensant les crédits affectés aux particuliers, encore appelé « fichier positif », et de la réduction du taux de l’usure pratiqué en matière de crédit revolving ou renouvelable.
Sur ces deux points, la commission spéciale formule des propositions qui ne vont pas aussi loin que ce que nous souhaitons, mais qui ont le mérite d’exister, et j’en remercie son président et son rapporteur.
Les chiffres et les pourcentages que M. le rapporteur a cités à propos de la Belgique sont exacts, mais je nuancerai quelque peu son jugement. Il est vrai que le taux de surendettement a augmenté de 8,8 % en Belgique, et seulement de 3,5 % en France. Mais la Belgique connaissait depuis de nombreuses années un encadrement du crédit à la consommation, tandis que régnait, dans notre pays, la plus grande liberté en la matière.
Vous avez également précisé, monsieur le rapporteur, que seules 18 000 personnes étaient concernées par le problème du surendettement. Derrière ce chiffre, combien de drames personnels ? Madame la ministre, il est de notre devoir de prévoir un certain nombre de dispositions dans ce domaine.
S’agissant enfin du « fichier positif », la commission spéciale a ouvert la voie à sa création en prévoyant qu’un rapport sur ce sujet sera remis dans les trois ans qui suivront la promulgation de la loi. Peut-être ce délai est-il nécessaire pour constater que l’amélioration tant attendue de cette proposition sera plus longue à obtenir et qu’il nous faudra y revenir ?
En règle générale, lorsque l’on souhaite enterrer un projet, on crée une commission ! (M. le rapporteur sourit.) Comme M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale m’ont assuré que tel ne serait pas le cas, je leur fais confiance.
Très honnêtement, pourquoi attendre trois années supplémentaires pour se doter de ce fichier, alors que le surendettement explose littéralement dans notre pays ? Plus de 30 % de dossiers de surendettement ont été déposés en mars 2009 par rapport à mars 2008. C’est le niveau le plus élevé depuis la création des commissions de surendettement. Comme je l’indiquais tout à l’heure, 85 % de ces dossiers concernent des crédits renouvelables dont le taux d’intérêt avoisine les 20 % ! Certes, la crise est là. Il faut non pas se référer à la situation de 2008, mais prendre en compte la situation très particulière que nous connaissons aujourd’hui.
Soyons clairs : qui, en France, s’oppose à la création d’un tel fichier ? Il s’agit de la plupart des banques, qui craignent en réalité la concurrence déloyale que pourraient leur causer des organismes de crédit, y compris étrangers, mais qui disposent de leur propre système de contrôle et sont mieux placées que d’autres pour éviter les erreurs. Il s’agit aussi, curieusement, de la Banque de France, qui invoque le coût d’une telle opération et l’important surcroît de travail qu’elle entraînerait.
Cependant, un tel fichier, qui permettrait de recenser les crédits déjà réalisés par les futurs emprunteurs et qui devrait être obligatoirement consulté par le prêteur avant tout déblocage de fonds, s’avère indispensable si l’on veut véritablement lutter contre le surendettement.
Je reconnais que cet instrument seul, pour perfectionné qu’il soit, ne suffira pas à donner la situation financière exacte des futurs emprunteurs. Là, il convient de faire la différence entre ceux qui s’adressent à leur banque et ceux qui s’adressent à un organisme de crédit sur un lieu de vente, ou encore sur internet.
Les banques ont une vue assez exacte de la situation financière de leurs clients et savent ne pas prendre de trop grands risques. Les organismes financiers qui interviennent sur les lieux de vente ou sur internet sont, en règle générale, moins regardants. Les mauvais dossiers, bien souvent compensés par des taux d’intérêt élevés, suffisent à garantir l’équilibre financier des prêteurs. Ensuite, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, ce sont les collectivités locales qui sont sollicitées pour venir en aide aux personnes trop endettées, y compris en subvenant à leurs besoins de base et en payant leurs factures d’eau, d’électricité, etc. Les mesures que nous vous proposerons, au travers de nos amendements, permettraient de responsabiliser les organismes de crédit, mais également les emprunteurs, dont certains, il faut bien le dire, doivent être protégés contre eux-mêmes.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur le texte relatif à la réforme du crédit à la consommation adopté par la commission spéciale. En résumé, je dirai qu’il comporte des avancées qui méritent d’être saluées, mais qu’il faut aller encore plus loin si nous voulons vraiment lutter contre le surendettement. Tel sera l’objet de nos amendements, qui, je l’espère, madame la ministre, nous donneront l’occasion de rapprocher nos points de vue. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le crédit à la consommation, du fait même de son développement, a un impact social et économique : social parce qu’il a permis à de très nombreuses familles d’acquérir des équipements facilitant leur vie quotidienne, économique parce qu’il a contribué au développement de l’activité commerciale et, en amont, de l’activité dans les entreprises produisant ces équipements. Mais le manque d’information et de transparence à l’égard de nombreux acheteurs a entraîné des dérives qui ont abouti, pour certaines familles, à des difficultés financières et quelquefois au surendettement. Ce qui était un atout social et économique est en train de devenir un risque important pour la société et un cauchemar pour certaines personnes.
L’augmentation du nombre de dossiers à risques, l’irresponsabilité de certains prêteurs ou emprunteurs ont abouti à une spirale à la hausse des taux d’intérêt. Les taux du marché de l’argent n’ont jamais été aussi bas, ou presque, et les taux de crédit à la consommation jamais aussi élevés.
Sans entrer dans le détail du calcul des taux d’intérêt, il est clair que les besoins de couverture des risques engendrent une majoration de fait des taux d’intérêt pratiqués par les organismes de crédit. Qui plus est, ce sont souvent les familles modestes qui ont à supporter les taux les plus élevés. On ne peut qu’être interpellé !
Cette situation justifie que nous légiférions et que nous mettions en place des dispositions tendant à mieux organiser la gestion des crédits à la consommation.
C’est, à mon sens, en analysant les causes et en allant au fond des choses que nous pourrons trouver des solutions. Me permettrais-je une réflexion générale ? Il n’y a pas de problème qui n’ait de solution, dans quelque domaine que ce soit, si on a le courage de travailler non pas seulement sur les conséquences, ce que nous faisons généralement, mais aussi sur les causes. Je suis convaincu que c’est le cas dans le domaine du crédit à la consommation sur lequel nous légiférons aujourd’hui.
Quatre mots peuvent constituer la trame de notre démarche : formation, information, responsabilité, solidarité.
C’est en m’appuyant sur ces quatre mots que j’ai déposé quelques amendements visant à traiter en profondeur, et de manière durable, ce dossier délicat et difficile du crédit à la consommation.
Il n’est pas inutile de rappeler l’enjeu que cela constitue pour les familles et pour notre société.
Malheureusement, et je le dis dès maintenant, deux de mes amendements, que je considérais comme déterminants, n’ont pu franchir l’obstacle de l’arme absolue qu’est l’article 40 de la Constitution.
J’avoue ne pas avoir très bien compris, au moins pour l’un d’entre eux, les raisons de son application. En même temps que je proposais la création d’un fonds de solidarité, je créais les modalités de son financement. Il semble que ce soit plus complexe que cela. Sans doute ne serait-il pas vain que notre assemblée se penche non pas sur l’utilité de l’article 40, car il me paraît normal de prévoir une recette en contrepartie d’une dépense, mais sur les modalités d’application de cet article 40.
Je reviens aux quatre mots que j’ai évoqués : formation, information, responsabilité, solidarité.
Je commencerai par la formation. J’ai déposé un amendement suggérant que, dans le parcours de formation, les jeunes soient préparés à la gestion de leur budget personnel ou familial. Cette proposition concerne l’ensemble de nos concitoyens tout au long de leur vie. Le système éducatif a pour mission de préparer chaque individu à devenir un adulte responsable, capable de s’épanouir dans sa vie personnelle, professionnelle et familiale. La gestion d’un budget me paraît en être un élément essentiel.
Je poursuivrai par l’information. Il faut qu’elle soit complète et totalement transparente, pour le prêteur comme pour l’emprunteur. Il est indispensable qu’avant d’octroyer un crédit l’organisme sollicité ait une connaissance précise de la situation de la personne qui sollicite ce financement, qu’il s’agisse des emprunts déjà en cours, des charges à assumer ou de la capacité de l’emprunteur à couvrir l’ensemble de ces charges. Il faut, ce faisant, que prêteur comme emprunteur soient responsabilisés et assument les conséquences de leurs engagements.
C’est dans cet esprit que j’avais proposé un amendement prolongeant la proposition de loi que j’avais déposée avec d’autres collègues pour créer le fichier positif. Afin de prendre en compte les recommandations de la commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, le système prévu était à double détente. D’une part, ne pouvaient accéder au fichier recensant les personnes bénéficiant de crédits que les organismes agréés par la Banque de France ; d’autre part, la personne disposant du crédit était seule détentrice de la clé permettant de connaître sa situation personnelle en termes d’inscription au fichier, ce qui me semblait préserver la confidentialité.
J’en viens, enfin, à la solidarité. Ma proposition s’appuie sur le constat, souvent évoqué aussi bien du côté des consommateurs que des organismes de crédit, que 80 % des surendettements sont liés à un accident de la vie, perte d’emploi, séparation, décès et d’autres circonstances.
Il me semble légitime de prendre en compte ces situations non prévisibles.
Pour le versement des pensions alimentaires, la caisse d’allocations familiales se substitue au redevable en cas de non-versement des pensions et récupère ensuite les sommes correspondantes auprès du redevable défaillant. Je propose qu’une caisse de solidarité se substitue à la famille ou à la personne concernée pour le remboursement du capital et ensuite mette en œuvre un processus de récupération des sommes.
D’une part, cette proposition permettrait de prendre en compte la situation de la personne dont les difficultés financières peuvent être aggravées par un accident de la vie. D’autre part, la diminution des risques pour les organismes de crédit devrait faire baisser sensiblement les taux d’intérêt pratiqués.
Madame la ministre, vous proposez des avancées intéressantes et importantes en matière d’information et de responsabilisation tant des prêteurs que des emprunteurs. Ce texte contient également, comme vous l’avez indiqué, une clarification entre les différents types de cartes proposées et l’usage qui en est fait.
M. le rapporteur, qui a beaucoup travaillé ce dossier, a apporté sa contribution à travers des dispositions complémentaires qui ont enrichi le texte. Comme M. le président de la commission spéciale l’a rappelé, un travail a été fait pour mieux réguler le taux d’usure. J’y ai personnellement beaucoup participé.
Madame la ministre, j’aurais souhaité, vous le savez, que nous puissions aller plus loin. Cela étant, compte tenu de ce qui est proposé et de l’enjeu que représente le crédit à la consommation pour les familles et pour l’activité économique, je voterai votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ma lecture de ce projet de loi me donne à penser qu’il consiste essentiellement en une transposition de la directive européenne 2008/48. Le caractère a minima de l’exercice rend toutefois le texte décevant.
Dans le contexte économique et social que nos concitoyens vivent au quotidien, les associations de consommateurs se sont fortement mobilisées pour dénoncer les mauvais prêteurs, les pratiques abusives de certains intermédiaires de crédit, leur publicité agressive – que Jean-Pierre Sueur vient d’illustrer en citant l’exemple d’un prospectus déposé dans sa boîte aux lettres – et le piège des crédits renouvelables, sans parler des taux effectifs globaux, TEG, frisant le taux d’usure.
Ces constats que vous avez vous-même relevés, madame la ministre, lors de votre présentation du projet de loi, font ici consensus. Ce n’est pas un hasard si cinq propositions de lois, y compris celle de notre collègue Nicole Bricq, ont été déposées au Sénat.
Si certains points sont plutôt consensuels, d’autres le sont beaucoup moins. Sur les sujets sensibles comme l’encadrement des ventes de crédit dans les grands magasins spécialisés, les GMS, les taux de l’usure, la création d’un fichier positif, les propositions de nos collègues allaient beaucoup plus loin que votre projet de loi.
Comment expliquer que le taux de l’usure soit aujourd’hui supérieur à 20 %, alors que les taux directeurs sont aujourd’hui très faibles ? On devrait pouvoir fixer aux TEG un plafond qui serait déterminé en fonction des taux directeurs. On devrait aussi donner de la marge à la baisse des taux d’usure lorsque les taux directeurs fléchissent.
Les crédits renouvelables ou les réserves d’argent avec cartes sont, la plupart du temps, proposés à une population qui n’a pas d’autre solution pour faire face à des difficultés financières. Le rapport d’Athling management soulignait que le crédit renouvelable s’adressait, en particulier, aux classes modestes, dont le revenu annuel est compris entre 11 478 euros et 20 942 euros.
Ces ménages se voient ainsi proposer des crédits qui les font basculer dans le malendettement et, par voie de conséquence, dans la précarité bancaire. Au terme d’un mécanisme qui n’est pas sans rappeler celui des subprimes, on leur propose un crédit qu’ils sont incapables de rembourser, alors qu’ils n’ont pas accès à des crédits classiques bien moins coûteux. Pourtant, à l’origine, le crédit renouvelable était plutôt destiné à des populations aisées. C’est pourquoi nous proposons de créer un nouveau type de crédit délivré par les circuits bancaires classiques. Il est appelé « crédit social » et plafonné à 3 000 euros dans la proposition de loi de Nicole Bricq.
Force est de constater qu’en 2008 le nombre de dépôts a augmenté de 3 % par rapport à 2007. Les indicateurs sociaux actuels doivent nous préparer à une augmentation encore plus forte en 2009. L’enquête typologique de la Banque de France sur le surendettement « passif », dû à une diminution des ressources liée à un accident de la vie – perte d’emploi, maladie, divorce… – montre qu’il est passé à presque 80 %, la perte d’emploi venant en première place avec 32 %.
Cet élément est conforté par l’analyse des crédits relevant de la procédure de rétablissement personnel puisque 88 % d’entre eux relèvent du surendettement passif.
Si certains considèrent qu’il existe en France un réservoir de croissance dans les potentialités du crédit à la consommation, il ne peut pas servir de régulation en période de basse pression salariale et encore moins d’antidote à une politique de compression des revenus et d’augmentation du chômage que nous constatons chaque jour !
Croire que l’on peut maintenir la croissance par la consommation sans augmenter le pouvoir réel d’achat constitue un leurre dont les États-Unis sont un exemple flagrant avec le système des subprimes !
En résumé, comme l’a dit Nicole Bricq, des divergences sérieuses nous opposent sur les moyens proposés dans le projet de loi pour prévenir ce fléau du surendettement : la création immédiate, et non reportée à trois ans, d’un répertoire national, la séparation, sur le plan géographique et dans le temps, de l’achat et du crédit, la révision réelle du taux d’usure, la différenciation entre carte de fidélité, carte de crédit et carte de paiement.
En conclusion, les mesures proposées sont trop timides. Pourtant, le contexte économique et social aurait dû vous inciter à être plus ambitieux pour juguler ce fléau social dont la charge finira, de toute façon, par retomber sur nos collectivités. Vous comprendrez que nous aurions beaucoup de difficultés à voter ce texte s’il restait en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai quelques commentaires rapides en réponse à certaines observations contenues dans vos excellentes interventions. Elles illustrent à la fois le caractère technique du débat et l’attachement que plusieurs d’entre vous ont manifesté pour le sujet et pour les solutions que nous souhaitons trouver ensemble.
M. le président de la commission spéciale et Mme Nicole Bricq m’ont interrogée sur le calendrier. Soyez assurés que mon désir profond est de faire aboutir ce texte le plus rapidement possible. J’espère qu’il reviendra devant le Parlement dès l’automne pour être adopté et susceptible d’entrer en application, pour les dispositions relatives au surendettement, dès sa promulgation, c’est-à-dire avant la fin de l’année 2009. Pour l’ensemble des autres dispositions, en particulier celles qui sont relatives au crédit à la consommation, je forme le vœu d’une entrée en application dans le courant de l’année 2010, au plus tard au mois de mai. Voilà ce que je peux vous dire sur le calendrier. Je ne vous fais pas de promesses de Gascon…
M. Jean-Louis Carrère. Les Gascons tiennent leurs promesses ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre. Espérons que je ferai honneur aux Gascons en donnant satisfaction à ce désir profond que j’exprime devant vous !
Je suis tout simplement consciente de la surcharge du calendrier parlementaire.
M. Daniel Raoul. Réglons le problème à Versailles !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le fichier sous toutes ses formes - positif, négatif, réactif - a suscité commentaires et querelles entre intégristes et non-intégristes.
Je rejoins Mme Françoise Laborde pour considérer que, dans sa forme actuelle, le fichier négatif n’est pas en état de fonctionner convenablement. Il faut impérativement le rendre réactif, voire pro-actif. Alimenté par des données constamment actualisées en matière d’incidents de paiement, il deviendra un véritable instrument d’information auprès des organismes prêteurs chargés de vérifier, en le consultant, la solvabilité de l’emprunteur.
Cela suppose qu’il soit mis à jour, en temps réel. Il faut qu’il soit véritablement informé, au sens que les informaticiens donnent à ce terme. J’espère qu’il fera la preuve de son efficacité, nous évitant ainsi de passer, dans trois ans, au fichier positif.
Je ne suis intégriste à l’égard ni de l’un ni de l’autre, mais un fichier existe déjà et des investissements importants ont été effectués que les banques se sont engagées à développer pour qu’il fonctionne.
Compte tenu des délais nécessaires à la mise en place de tels fichiers, je crois raisonnable de s’en tenir au fichier existant, en le mettant à jour et en adoptant le principe, que vous avez proposé d’inscrire dans le projet de loi, monsieur le rapporteur, d’un réexamen à l’échéance de trois ans en vue de déterminer s’il faut ou non passer à un fichier positif.
Vous avez été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous exprimer pour ou contre ce type de fichier. En tout état de cause, je puis vous assurer, et je m’adresse notamment à Mme Bricq, que le Gouvernement s’astreindra à tenir ses engagements et incitera les banques à faire de même, en particulier, à mettre à jour le fichier.
Madame Bricq, s’agissant du crédit d’impôt que vous suggérez de mettre en place pour développer le microcrédit social, je m’interroge sur le mécanisme que vous envisagez. Je ne parviens pas à partager votre analyse sur la pertinence de l’outil.
Vous proposez l’instauration d’un crédit d’impôt égal au risque pris par la banque consentant un crédit à un débiteur en situation difficile…
Mme Nicole Bricq. C’est ce qui se fait déjà pour l’immobilier avec les prêts à taux zéro !
Mme Christine Lagarde, ministre. C’est une opération qui me paraît quelque peu délicate, car cela correspond à évacuer le risque et à mettre les banques en situation de consentir des crédits sans s’exposer du tout.
On retombe là presque dans les crédits subprimes : les banques packagent, repackagent, titrisent et revendent les créances dont elles ne supportent plus ainsi les risques, ce qui peut les conduire à faire plus de crédits que de raison.
C’est pourquoi je m’interroge, et je serai très attentive aux explications techniques dont vous assortirez vos propositions.
Avec la déductibilité des intérêts d’emprunt, on n’évacue pas le risque pris par la banque. À cet égard, je veux revenir sur le chiffrage. Vous avez fait état de 3 milliards d’euros. Or, avec une prévision budgétaire de cette nature, les coûts, en termes d’exécution, vous le savez très bien, ne peuvent pas être de cet ordre.
Mme Nicole Bricq. Si les estimations de Bercy sont fausses !… En tout cas, je n’en ai pas d’autres !
Mme Christine Lagarde, ministre. Les coûts cumulés, sur la période couvrant les années 2007 à 2009 sont de l’ordre de 1,2 milliard d’euros, et il n’est même pas certain que l’on atteigne ce montant.
Il ne faut donc pas dramatiser. Il ne faut pas non plus le faire pour les prévisions de baisse de la consommation. Aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir que notre moteur « consommation » tourne et même plus vite que prévu, alors que, dans la plupart des autres pays, il est au contraire ou en panne ou en chute de vitesse. Dans ces conditions, prévoir une baisse de la consommation de 5 %, c’est jouer les oiseaux de mauvais augure !
Quant aux quelques dizaines de milliers d’auto-entrepreneurs que vous évoquez, j’estime qu’il s’agira plutôt de quelques centaines de milliers d’auto-entrepreneurs. Nous disposerons des chiffres à la fin de l’année.
Je considère par ailleurs que le succès de ce statut que nous avons institué ne mérite pas d’être minimisé.
Madame Dini, en parlant d’actions d’éducation, vous rejoignez certaines des propositions de M. Revet. Comme lui, vous avez parfaitement raison de souhaiter que le futur emprunteur soit formé à la gestion d’un budget et comprenne que prendre un crédit engage à le rembourser, comme le préciseront les mentions obligatoires que nous souhaitons voir figurer sur les offres.
À ce propos, j’indique que le ministère de l’éducation nationale a très récemment signé un partenariat avec l’institut pour l’éducation financière du public en vue de développer du matériel pédagogique à destination des enseignants afin qu’ils soient en mesure d’intégrer, dans les cours soit de mathématiques, soit de sciences économiques, les bases impératives d’une éducation budgétaire de nature à permettre un choix éclairé.
Les commentaires de M. Sueur sont, comme toujours, fort intéressants et agrémentés d’une documentation pratique témoignant de son expérience directe du sujet.
Je souligne d’abord, monsieur Sueur, que le formulaire que vous avez mentionné deviendra illicite dès que le projet de loi aura été voté – j’espère que vous-même le voterez –, car il ne sera plus possible de prétendre qu’un crédit coûte zéro euro ou que les trois premiers mois sont gratuits. De telles informations seront considérées comme suffisamment trompeuses et biaisées pour tomber sous le coup du texte.
J’ai entendu par ailleurs les commentaires de plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment les vôtres, monsieur Sueur, sur la distinction à opérer entre la carte de fidélité, avec les promotions qui y sont attachées, la carte de crédit et la carte de paiement.
Si notre objectif partagé est, d’une part, de maintenir un crédit à la consommation, dont nous avons bien besoin, et, d’autre part, d’assainir ce type de crédit, les trois modifications profondes qu’introduit le présent projet de loi devraient nous permettre de l’atteindre.
Systématiquement associer une fonction de paiement à la carte de crédit, faire de la fonction de paiement le droit commun de l’utilisation et prévoir le consentement exprès du consommateur lorsqu’il utilise sa carte comme une carte de crédit, voilà trois éléments puissants qui viennent changer la donne en ce qui concerne l’utilisation des cartes de fidélité que l’on peut confondre avec des cartes de crédit.
Monsieur Sueur, vous avez dit, comme Mme Bricq, que vous étiez pour le marché. Nous aussi !
Mme Nicole Bricq. Pour l’économie de marché !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous sommes aussi pour la régulation, car nous sommes profondément convaincus de la véracité du principe selon lequel, sans règle, le marché, c’est la jungle, et nous ne souhaitons pas la jungle. Nous voulons au contraire un fonctionnement ordonné, discipliné des marchés.
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez bien tardé !
Mme Christine Lagarde, ministre. En revanche, nous n’adhérons pas au principe de méfiance ou de défiance, puisque nous souhaitons plutôt exprimer par ce projet de loi la confiance, et nous ne partageons pas la suspicion d’irresponsabilité, préférant au contraire responsabiliser les opérateurs. C’est donc probablement sur ces deux terrains que nous aurons des débats animés.
Monsieur Biwer, l’amortissement, vous l’avez dit, est nécessaire : le projet de loi le prévoit, pour les petits comme pour les gros crédits renouvelables. C’est là une avancée dont vous êtes, depuis longtemps, le promoteur, et c’est bien volontiers que je vous en fais crédit. (Sourires.)
En revanche, je ne vous rejoindrai pas sur la mesure relative aux remises de justificatifs, qui fait à mon avis partie de la catégorie des fausses bonnes mesures. Si elle était mise en œuvre, elle risquerait tout simplement, je le crains, de tuer le crédit à la consommation, ce qui n’est pas notre objectif.
Plusieurs d’entre vous, notamment M. Revet, ont évoqué cette curiosité : un taux interbancaire de refinancement qui baisse alors que les taux de crédit à la consommation restent élevés,…
M. Charles Revet. Très élevés !
Mme Christine Lagarde, ministre. …voire fort élevés.
Je rappelle que la fixation d’un taux d’intérêt dans le cadre d’un crédit à la consommation dépend non seulement du taux de refinancement, qui, certes, a régulièrement baissé récemment, mais aussi du coût du risque de non-remboursement, qui augmente avec le chômage, total ou partiel, et la diminution du revenu de nombre d’emprunteurs. À cela s’ajoutent les frais fixes, qui sont proportionnellement plus élevés dès lors que le crédit porte sur un montant faible. Enfin, il y a la marge bancaire.
Ces quatre éléments constituent le coût du crédit à la consommation ; alors que l’un baisse, l’autre augmente, ce qui peut contribuer à expliquer autrement que par la reconstitution de marges bancaires le maintien de taux assez élevés.
Monsieur Revet, vous avez à juste raison parlé de la protection de nos concitoyens contre les accidents de la vie.
J’ai évoqué parfois les stabilisateurs automatiques ou sociaux, mentionnés également par Mme Bricq et qui, certes, existent. Mais il y a aussi, et c’est très important en matière de crédit à la consommation, l’assurance, qui est destinée à pallier les effets des accidents de la vie : assurance contre le décès, assurance contre la perte d’emploi, assurance contre le risque de chômage partiel, et donc de perte partielle de revenus, actuellement à l’étude.
Si le projet de loi comporte des éléments sur la réforme de l’assurance des emprunteurs, c’est bien pour renforcer la concurrence entre les assureurs au bénéfice du consommateur, avec le même intérêt, mais à des coûts moins élevés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
CRÉDIT À LA CONSOMMATION
CHAPITRE IER
DÉFINITIONS ET CHAMP D'APPLICATION
Article 1er A (nouveau)
L'article L. 313-3 du code de la consommation est ainsi complété :
I. - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les catégories d'opérations pour les prêts aux particuliers n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 312-1 à L. 312-3 sont définies à raison du montant des prêts. »
II. - Après le troisième alinéa, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :
« Des mesures transitoires, dérogeant aux alinéas précédents, peuvent être mises en œuvre par le ministre chargé de l'économie, sur proposition motivée du Gouverneur de la Banque de France, pour une période ne pouvant excéder huit trimestres consécutifs, en cas de :
« - variation d'une ampleur exceptionnelle du coût des ressources des établissements de crédit ;
« - modifications de la définition des opérations de même nature mentionnées au premier alinéa.
« Un comité, présidé par le Gouverneur de la Banque de France, est chargé de suivre et d'analyser, notamment au regard du mode de fixation des taux de l'usure, le niveau et l'évolution des taux d'intérêt des crédits aux particuliers. Le comité examine également les modalités de financement des établissements de crédit et analyse le niveau, l'évolution et les composantes de leurs marges. Outre le Gouverneur de la Banque de France, le comité comprend deux parlementaires et le directeur général du Trésor et de la politique économique. Il se réunit à l'initiative de son président au moins une fois par trimestre. Il établit un rapport annuel qui est remis au Parlement et au Gouvernement. »
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. La discussion de ce projet de loi présente un caractère assez technique, une bonne part des dispositions qu’il contient étant la transposition, pas toujours intégrale d’ailleurs, de la directive communautaire d’avril 2008 sur le crédit à la consommation.
Cette apparente technicité du texte est immédiatement utilisée pour justifier un discours gouvernemental tendant à culpabiliser ceux qui seraient tentés de ne pas vouloir adopter le projet de loi.
Nous avons, madame la ministre, sur cette question comme sur bien d’autres, de profondes divergences d’appréciation avec le Gouvernement.
Nous devons replacer la discussion de ce texte dans le contexte économique et social où elle se situe.
La France connaît une crise majeure, économique, financière et sociale, dont la traduction concrète est connue : progression du chômage, ralentissement de l’activité, difficultés croissantes pour les plus modestes et dérèglement progressif des circuits de financement de l’économie, notamment du crédit, qu’il s’agisse du crédit aux entreprises ou des crédits aux particuliers.
Le débat public est largement ouvert sur le constat, mais aussi sur les issues de la crise.
En fait, la politique gouvernementale vise, depuis l’automne dernier, à faire en sorte que l’on revienne à la situation antérieure, c’est-à-dire à permettre que l’on reprenne au plus tôt les mauvaises habitudes qui ont eu cours jusqu’au déclenchement de la crise.
Le projet de loi n’a pas d’autre objet que de faire la promotion d’un « crédit soutenable », fondé sur l’illusion de l’égalité entre les parties contractantes et permettant de soutenir la croissance « molle » que l’on nous promet et que vous espérez pour le début de l’année 2010 par le développement de l’endettement des ménages.
Il ne vise aucunement à moraliser, comme il conviendrait de le faire, les pratiques agressives et excessives des organismes de crédit ; il tend plutôt à les rendre admissibles, parce que ses finalités sont ailleurs.
La préoccupation du Gouvernement, dans ce contexte de crise, est que le taux d’épargne des ménages ne connaisse pas de réduction sensible et que la prudence prime sur une consommation débridée.
En fait, le projet de loi a clairement pour objet de contribuer à la réduction de l’épargne et d’inciter les Français à s’endetter de manière plus importante qu’aujourd’hui, entre autres motifs parce que ne pas consommer pèserait sur la croissance et donc sur l’emploi.
Cela n’empêchera pas le Gouvernement de procéder aux mêmes choix politiques qu’auparavant, c’est-à-dire notamment au choix de la modération salariale dans le secteur public, en limitant la hausse des salaires au seul « glissement vieillesse technicité » et en encourageant les chefs d’entreprise à suivre le même chemin, qu’ils empruntent d’ailleurs déjà puisque rien dans la politique menée par le Gouvernement depuis quelque temps ne les incite à faire autrement.
Nous pensons que cette logique du « crédit soutenable » finira par occasionner des difficultés majeures aux familles et aux ménages salariés.
Modifier, comme nous vous y invitons avec certains de nos amendements, les termes du projet de loi est donc plus que nécessaire, ne serait-ce que pour éviter que les banques et leurs filiales de crédit ne fassent payer à d’autres les errements qui les ont conduites à acquérir quelques créances douteuses longtemps présentées comme profitables.
C’est ce qu’il convenait ici de rappeler.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, le taux des prêts sur le marché interbancaire à douze mois multiplié par un coefficient déterminé par décret après avis du Conseil national du crédit et compris entre deux et sept. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Comme nous l’avons dit dans la discussion générale, nous considérons que c’est de la loi, et non pas de l’autorité administrative, que doit relever une réforme du taux de l’usure, qui, comme cela a été dénoncé sur toutes les travées, dépasse aujourd'hui 20%.
Ce taux très élevé est difficilement justifiable dans le contexte économique actuel de déflation et de repli de l’ensemble des taux d’intérêt.
Au regard du taux actuel de refinancement bancaire, qui atteint un point historiquement bas – 4 % –, ce niveau est tout à fait excessif. Il l’est d’autant plus dans la période de crise financière que nous traversons, au cours de laquelle les banques ont pris des risques démesurés sur les marchés en ne se cantonnant plus à leur métier, mais en s’adonnant aveuglément à de multiples innovations financières non maîtrisées.
Certes, un taux de rémunération de 20 % permettrait de mesurer l’aversion des organismes financiers pour le risque que représenteraient les ménages aux ressources modestes offrant peu de garanties, mais ce serait oublier les risques, excessifs, eux, que ces établissements ont pris et qui nous ont conduits à la situation désastreuse que je viens d’évoquer.
Au vu du montant de liquidités dont certains d’entre eux ont bénéficié, force est de reconnaître qu’un tel taux de rémunération n’est plus admissible, surtout lorsque ces taux servent de « taux référents », de « taux d’indexation » pourrait-on dire, pour les crédits renouvelables, dont nous savons tous les effets délétères sur le surendettement !
La commission, cherchant à pallier les insuffisances d’un projet de loi, muet sur cette question, propose un dispositif qui vise à fondre dans une même catégorie les crédits renouvelables et les crédits amortissables, la répartition des crédits ne devant plus désormais dépendre que de leurs seuls montants. Cela conduit à redéfinir le taux de l’usure en fonction du montant du prêt sollicité. Je l’ai déjà souligné, cette proposition n’est pas dénuée d’intérêt, mais elle n’est pas suffisante. Il faut une réforme profonde, qui puisse être rapidement mise en œuvre, afin de faire baisser sensiblement le taux de l’usure, dans un contexte qui plaide pour une meilleure régulation du marché du crédit.
C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à modifier les règles de calcul du taux de l’usure et à les inscrire dans la loi, afin que le coût du crédit soit lié à celui du refinancement des établissements bancaires. Il s’agit de faire en sorte que les variations du taux de l’usure s’ajustent à celles du taux directeur et de réviser l’écart entre les taux selon la catégorie ou le montant des crédits.
Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas favorables à la disparition de toute réglementation sur le taux de l’usure, contrairement à M. Philippe Dominati, dont le rapport précise qu’il est « profondément convaincu qu’en matière de crédit à la consommation la meilleure solution consisterait à supprimer le seuil légal du taux de l’usure ». Une telle mesure serait en quelque sorte le point d’aboutissement de la loi Dutreil.
Si nous ne partageons pas la position de la commission, c’est bien parce que nous ne réduisons pas l’économie de marché à l’exercice de la libre concurrence. D’ailleurs, ce qui s’est passé ces derniers mois nous donne raison.
Monsieur le rapporteur, vous prétendez que « la réforme du calcul du taux de l’usure engagée au début des années quatre-vingt-dix – faisant ainsi référence à une époque où la gauche était en responsabilité – avait précisément pour objet de délivrer la législation sur l’usure d’arbitrages politiques pouvant s’écarter de la rationalité économique, et de conférer au marché la responsabilité de la régulation grâce au libre jeu de la concurrence ».
C’est oublier que la rationalité économique, comme l’a souligné un grand économiste, disparaît derrière les « esprits animaux », lorsque le marché est laissé à lui-même. C’est pour cela que l’intervention publique, qui vise l’intérêt général, est nécessaire.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous vous trompez de référence ! Faut-il vous rappeler que c’est la loi Dutreil, et non la loi Neiertz, qui a fait sauter le verrou de l’usure en 2003 pour les professionnels et en 2005 pour les particuliers ? À l’époque, nous nous étions opposés à cette disposition ici même !
D’aucuns soutiennent que l’administration du taux de l’usure, telle qu’elle est pratiquée en France, est une exception en Europe. En Allemagne, ce sont les tribunaux qui, à la suite d’une plainte déposée par le consommateur, jugent si le taux de l’usure pratiqué est excessif ou non. Or cette démarche correspond à une culture qui n’est pas la nôtre.
Certes, nous pouvons discuter du mode de calcul du taux de l’usure. Mais, sur le principe, nous ne voulons pas laisser à l’autorité administrative l’initiative de la négociation avec les établissements bancaires, qui ne chercheront certainement qu’à défendre au mieux leurs intérêts ; nous voulons que le taux de l’usure soit fixé dans la loi.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Madame Bricq, vous avez largement dépassé votre temps de parole !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela valait la peine !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Le règlement s’applique à tout le monde ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Cet amendement me donne l’occasion d’apporter quelques précisions sur les travaux de la commission spéciale, qui s’est saisie de la question du taux de l’usure et en a fait un mécanisme essentiel de la réforme du crédit à la consommation.
Lorsqu’il est réglementé ou administré par l’État – avec l’Italie et la Belgique, la France fait figure d’exception dans l’environnement économique actuel –, le mécanisme du taux de l’usure est illusoire. D’aucuns ont tendance à considérer que les banques distribueront automatiquement du crédit en fonction du taux qui sera déterminé par une autorité étatique. Il n’en est rien ! À l’heure actuelle, malgré un taux de l’usure que certains, à juste titre, dénoncent comme étant trop élevé, seuls 55 % des crédits renouvelables sont affectés. En d’autres termes, 45 % des demandes sont rejetées. Voilà la réalité du marché !
Ce n’est donc pas en déterminant un taux, par une équation équilibrée ou logique, et en définissant un plafonnement que la diffusion du crédit sera améliorée pour autant. En réalité, tous les mécanismes qui conduiront à une baisse obligatoire ou administrée des taux d’usure augmenteront l’exclusion du crédit. C’est une réalité économique.
Nous ne pouvons pas, d’un côté, reprocher à des établissements financiers de faire preuve d’irresponsabilité et, de l’autre, leur demander de prêter obligatoirement à un taux déjà établi. D’une certaine façon, le taux est proportionnel au risque encouru. Il en est ainsi dans le monde entier, à tout le moins dans toute l’Europe.
Madame Bricq, peut-être me suis-je trompé en affirmant que l’abandon d’un taux de l’usure administré datait du gouvernement Rocard et de la loi Neiertz. En revanche, je me souviens des années de politique de blocage des prix – qui n’était pas l’apanage des gouvernements de gauche – et de la période où votre formation politique a accepté l’économie de marché, ce qui a permis à notre pays de s’adapter à son environnement international. Vous avez eu raison de rappeler que le mécanisme du taux de l’usure ne fonctionne plus du tout pour les entreprises.
Avec l’amendement n° 21, vous souhaitez revenir en arrière et proposez un retour à la réglementation. D’autres amendements prévoient des modalités différentes. Sur quelles bases le coefficient a-t-il été fixé entre 2 et 7 ? Pourquoi pas entre 3 et 8 ? Sur quelle réalité économique vous appuyez-vous ?
La règle de détermination des taux de l’usure en France consiste à appliquer une majoration du tiers aux taux effectifs moyens observés au cours du trimestre précédent pour six catégories de prêts aux particuliers.
Toutefois, la commission a estimé que ce mode de calcul entraînait un déséquilibre, notamment pour les crédits renouvelables. C'est la raison pour laquelle elle a décidé de rejoindre la position du Gouvernement et de raisonner en seuils. Madame Bricq, j’ignore d’ailleurs si vous prévoyez un mécanisme supplémentaire ou alternatif.
L’examen des autres amendements déposés sur l'article 1er A nous donnera l’occasion de débattre de nouveau de cette question, puisque d’autres coefficients tendant à réduire encore les taux sont proposés. J’observe à ce titre que le groupe de l’Union centriste est plus sévère que le groupe CRC-SPG et que Philippe Adnot est peut-être plus sévère encore que le groupe de l’Union centriste ! Il n’en reste pas moins que ce mécanisme ne fera qu’accroître les phénomènes d’exclusion du crédit.
La réforme du crédit à la consommation proposée par la commission est bonne. Il s’agit de ne plus faire le départ entre crédit affecté et crédit renouvelable et de fixer un seuil à 3 000 euros. En outre, un mécanisme permettant une offre de crédit différente a été élaboré. La conjonction de ces deux mesures rend donc judicieux le dispositif qui vous est proposé par cet article.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
(M. Roger Romani remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est favorable à un bon endettement et non à un malendettement. C'est la raison pour laquelle il est préférable d’associer des taux à des seuils plutôt qu’à une catégorie de crédit à la consommation, comme c’était le cas jusqu’à présent.
Nous avons calculé les effets de la mesure prévue par cet amendement. Fixer un coefficient compris entre deux et sept fois le taux des prêts sur le marché interbancaire à douze mois entraînerait un rationnement considérable du crédit !
Avec un coefficient de deux, le taux de l’usure, qui est aujourd'hui à 1,77 %, atteindrait 3,54 % et la plupart des crédits à la consommation disparaîtraient, purement et simplement ! Avec un coefficient de sept, ce taux progresserait jusqu’à 12,4 % et ce seraient 22 milliards d'euros de crédit à la consommation qui disparaîtraient. Là encore, cela équivaudrait à une baisse de 1,2 point de PIB.
Pour toutes ces raisons, à l’instar de la commission, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ou, à défaut, son rejet.
M. le président. Madame Bricq, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Il n’est donc pas du tout dans nos intentions de retirer cet amendement.
C’est à la loi de régler ce problème. Pour nous, il s’agit d’un acte fondamental.
Nous avons déposé un amendement de repli, car nous considérons a fortiori que la période transitoire prévue par le Gouvernement est trop longue.
Nous n’avons pas suffisamment discuté du mode de calcul en commission, c’est ici qu’il nous faut le faire. J’observe du reste que le groupe socialiste n’est pas le seul à vouloir réformer le taux de l’usure par la loi !
Dans la mesure où le Sénat est saisi en premier de ce texte, c’est à lui d’orienter la discussion. Il ne faut pas attendre l’initiative des députés, d’autant que nous ne savons toujours pas quand ce texte leur sera soumis.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Le Sénat a l’initiative de la réforme du taux de l’usure !
Nous considérons que la mesure qui consiste à remplacer des catégories de crédit par des montants est de nature à changer le modèle économique de la distribution du crédit renouvelable par rapport à celle du crédit affecté. Il n’est pas souhaitable d’aller au-delà et de figer dans la loi des coefficients ou des valeurs d’écart, pour deux raisons.
D’abord, nous travaillerions à l’aveuglette, sans avoir les instruments d’appréciation permettant d’imaginer quelle serait la réponse du marché. Une telle initiative risquerait de se retourner contre ceux dont vous souhaitez défendre les intérêts, madame Bricq. Nous ne saurions la conseiller. Il est préférable de laisser au pouvoir exécutif la responsabilité de le faire. Telle est bien notre démarche.
Nous nous situons sur le plan des principes : c’est le domaine de la loi.
Ensuite, il appartient au Gouvernement d’appliquer et de fixer les montants ou les coefficients. Au demeurant, nous serons là pour évaluer, constater et, le cas échéant, solliciter le Gouvernement si le marché ne nous semble pas s’infléchir comme il convient. Je vous indique, mes chers collègues, que cette remarque vaut tant pour l’amendement n° 21 que pour toute la série d’amendements déposés par Mme Bricq.
Par ailleurs, je me permets d’attirer votre attention sur ce qui est fort bien et fort techniquement décrit par M. Dominati dans son rapport. L’unification des prêts, solution que nous préconisons, va s’opérer progressivement. À la page 166 du rapport précité, il est bien question de mettre le marché à l’épreuve. Il faut donc se doter d’une période d’observation. Si nous voulions que la modification issue de la loi entre en vigueur de manière trop brutale, je le répète, nous risquerions d’obtenir des effets pervers, en tout cas susceptibles d’être contraires aux intérêts que vous voulez défendre.
Il y a aussi un problème de séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement. Serait-il en effet raisonnable de fixer un coefficient et de revenir dessus six mois ou un an après ? Ce ne serait pas conforme à la distinction que le Constituant a établie entre le domaine de la loi et le domaine du règlement.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre devoir, mes chers collègues est de suivre la proposition de la commission et du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Biwer, Portelli et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa, les mots : « de plus du tiers » sont remplacés par les mots : « de plus du dixième ».
La parole est à M. Claude Biwer, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié bis.
M. Claude Biwer. Le taux d'usure défini par l’article L. 313-3 du code de la consommation dépasse, à l'heure actuelle, les 20 % ce qui, rapporté au taux d'inflation – environ 1 % – et au coût de la ressource financière – environ 4 % – paraît très largement excessif.
Or, les crédits renouvelables ou revolving sont très souvent proches du taux d’usure, ce qui contribue au surendettement des particuliers.
La commission spéciale, consciente de ce problème, propose de redéfinir le taux d’usure et de faire en sorte que, désormais, le plafond du taux des crédits à la consommation soit fixé selon leurs montants. Par ailleurs, les crédits renouvelables et amortissables seront fondus dans une même catégorie, ce qui est très positif.
Cependant, la méthode de calcul du taux d'usure avec l'application d'un taux multiplicateur de 1,33 au taux moyen de chaque nature d'opération demeure inchangée.
Le présent amendement vise à ramener à 1,10 ce coefficient multiplicateur, ce qui permettrait de réduire le taux d'usure.
M. le président. L'amendement n° 59 rectifié, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa, les mots : « de plus du tiers » sont remplacés par les mots : « de plus du cinquième ».
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Nous voici au cœur du débat, dès l’engagement de la discussion des articles : cet amendement, à l’instar d’autres, porte sur la question des taux d’intérêt des prêts à la consommation, notamment des prêts non affectés.
Malgré les réponses d’ores et déjà apportées par M. le rapporteur et par M. Marini, je vais développer mon argumentation.
Le débat concerne donc le taux d’usure, mais aussi, plus généralement, la formation des taux, telle qu’elle existe dans notre pays et qui conduit aux taux effectifs globaux, que nous pouvons observer dans de nombreux cas.
La crise financière récente a induit, rappelons-le, une raréfaction du crédit bancaire ordinaire et souvent du crédit affecté, crédits destinés aux entreprises comme aux particuliers.
Cette raréfaction, a priori combattue par les mesures de sauvetage du secteur financier prises par les États dits « développés », a été accompagnée d’une course en avant vers la réduction du loyer de l’argent, course menée notamment par les banques centrales. Pour la Federal Reserve américaine comme pour la banque centrale du Japon, le taux directeur est aujourd’hui proche de zéro, tandis que la Banque centrale européenne, animée quoique un peu tardivement du même souci, a fixé son taux directeur à 1 %. Le crédit interbancaire a d’ailleurs suivi la même évolution, se situant désormais aux alentours des 4 %, conduisant les banques françaises à faire de moins en moins appel aux services de la Société de financement de l’économie française, mise en place dans le plan de sauvetage bancaire du mois d’octobre dernier, comme je l’ai rappelé tout à l’heure.
Pour autant, les taux d’intérêt pratiqués dans le domaine des prêts à la consommation, et singulièrement des crédits renouvelables, demeurent particulièrement élevés, flirtant souvent avec des niveaux de 15 % à 18 % et appliquant, parfois, la limite autorisée pour la fixation du taux d’usure.
Nous proposons donc que le taux d’usure soit immédiatement réduit, parce qu’il convient d’envoyer un signe, notamment aux consommateurs : il est en effet nécessaire de réduire les charges d’intérêt découlant de la pratique de ces instruments financiers.
Nous restons évidemment ouverts à toute proposition visant à encadrer les pratiques de crédit mises en œuvre par les organismes spécialisés dans ces domaines. Un tel encadrement pourrait notamment se faire par référence aux taux du crédit interbancaire, en abandonnant, par exemple, le recours à la spécificité de chaque produit et en se dirigeant vers une limitation par prise en compte effective du coût de collecte de la ressource, du risque encouru par le prêteur, et des contraintes, souvent fort limitées, liées à la distribution.
Évidemment, d’aucuns soutiendront que s’attaquer ainsi aux pratiques opaques des établissements de crédit et de leurs filiales spécialisées dans le crédit renouvelable est un obstacle au développement et à la croissance.
Ainsi peut-on lire dans un article de Nicolas Bouzou, économiste libéral attitré : « On nous rétorquera que la baisse du taux d’usure sur certains types de prêts doit permettre de lutter contre le surendettement. C’est se tromper à deux titres. D’une part, selon les chiffres de la Banque de France, le surendettement trouve son origine essentiellement dans un accident de la vie, à savoir une perte d’emploi, un divorce ou une maladie. Le seul excès de crédits n’explique que 14 % des cas de surendettement, et ce taux est en recul depuis plusieurs années. D’autre part, il est absurde de réduire le surendettement en diminuant l’accès au crédit et, au passage, en sacrifiant la croissance économique, c’est-à-dire en augmentant un peu plus le chômage. »
Mais il faudra bien, un jour, que l’on nous explique pour quelle raison et de quelle manière se forment les taux dans notre pays.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter l’amendement n° 59 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Je rappelle que c’est le Parlement qui s’est saisi du mécanisme du taux d’usure et qui l’a introduit dans la loi. Mais les parlementaires que nous sommes sont confrontés à la difficulté d’évaluer le bon fonctionnement du mécanisme.
Le fait que les amendements nos 1 rectifié bis et 59 rectifié proposent des taux allant du simple au double puisque l’amendement défendu par M. Biwer est deux fois plus sévère que celui qu’a soutenu Mme Terrade,…
Mme Odette Terrade. Comme quoi…
M. Philippe Dominati, rapporteur. … montre bien combien il est difficile pour le législateur de disposer des instruments permettant de résoudre un problème aussi difficile.
Répondre à la question qui consiste à savoir comment joue le mécanisme des taux de l’usure est extrêmement difficile. Même si génération après génération, les plus brillants fonctionnaires ont essayé de trouver une solution, de décennie en décennie, l’équation a dû être modifiée.
Je le répète, la France est une exception puisque trois pays seulement pratiquent le mécanisme du taux de l’usure, qui n’est pas celui des taux sur le marché bancaire. Ce n’est pas parce que le taux de l’usure sera abaissé que, automatiquement, celui des crédits renouvelables le sera aussi. Au demeurant, si ce dernier taux diminue, nous risquons de mettre en péril le crédit affecté. Il existe en effet une réelle concurrence sur ce segment du marché. En réalité, l’accès au crédit sera rendu plus difficile.
C’est pourquoi la commission spéciale vous demande, monsieur Biwer, madame Terrade, de bien vouloir retirer vos amendements, faute de quoi elle émettra un avis défavorable, d’autant qu’il est très difficile de déterminer parmi les taux que vous proposez lequel est le bon.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Nous avons procédé à un calcul au sujet des propositions qui nous sont soumises et qui, toutes deux, aboutiraient à un rationnement très important du crédit, qu’il s’agisse du crédit immobilier ou, surtout, du crédit à la consommation.
Monsieur Biwer a été extraordinairement ambitieux : selon sa proposition, la modification du coefficient entraînerait un rationnement de 46 milliards d’euros de crédit à la consommation. Selon la proposition formulée par Mme Terrade, le rationnement, un peu plus modeste, s’établirait à 24 milliards d’euros d’encours. Cette somme est néanmoins assez importante, dans un contexte où le Gouvernement souhaite maintenir le crédit à la consommation.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote sur l'amendement n° 1 rectifié bis. .
M. Claude Biwer. Monsieur le rapporteur, j’ai bien compris le sens de votre réponse. Cet amendement, peut-être abusif sur le plan des taux, nous aura au moins permis de discuter des méthodes.
Satisfait du type de fonctionnement que vous nous proposez, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 59 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, comme M. le rapporteur, vous contestez l’intérêt de la réduction du taux de l’usure dans la loi. Cela dit, vous avez fait remarquer qu’il existait une grande distorsion entre les deux propositions qui nous sont faites. Mais vous ne nous indiquez pas quel serait le bon taux. Pour appuyer votre argumentation, vous nous assénez des chiffres que nous, modestes parlementaires, sommes dans l’incapacité de vérifier.
Nous avons l’habitude, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances, de ces discours qui s’appuient sur des chiffres dont nous nous rendons compte, par la suite, lors de l’exécution du budget, qu’ils étaient soit très supérieurs, soit très inférieurs à la réalité. Ne nous assénez donc pas de tels chiffres !
Nous avons procédé à l’audition de l’ensemble des professionnels des banques et des établissements de crédit. Ils nous ont dit qu’ils étaient favorables à une modification tendant à prendre en considération non plus les catégories mais les montants des prêts. C’est ce que vous nous proposez. Selon eux, si le taux du crédit renouvelable est abaissé, celui des autres crédits augmentera, à partir d’un certain seuil. Par conséquent, si le Parlement n’encadre pas la négociation que mènera le Gouvernement avec la profession, comme toujours sera retenue l’hypothèse formulée par les établissements bancaires, ce que nous ne voulons pas.
C’est pourquoi, même si l’amendement n° 59 n’est pas parfait, nous le voterons.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Il s'agit là d’un point très important de notre dispositif.
Actuellement, on distingue le crédit affecté et le crédit renouvelable, deux catégories à part, pour lesquels les taux d’usure sont différents.
En ce qui concerne le crédit renouvelable, le taux de l’usure, de mémoire, est de 20,5 % (Mme la ministre acquiesce.) Or, dans les publicités comme dans la pratique, ceux qui demandent ce type de financement se voient imposer le taux maximum, c'est-à-dire l’usure.
M. Daniel Raoul. Un taux de 19,95 % !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Absolument, monsieur Raoul, et parfois même davantage.
S'agissant du crédit affecté, le taux de l’usure est actuellement de 10 % environ.
À travers le dispositif que nous proposons, nous voulons que les établissements raisonnent désormais en fonction du montant du crédit accordé, selon que celui-ci représente moins de 3 000 euros, entre 3 000 et 6 000 euros ou plus de 6 000 euros.
Ainsi, une personne qui, aujourd'hui, serait exclue du crédit affecté car elle n’est pas assez solvable et qui devrait donc souscrire un crédit renouvelable à 20 % pourrait alors emprunter à 12 %, 13 % ou 14 %.
Compte tenu de l’ajustement qui se produira, la réforme que nous proposons devrait entraîner un déplacement de la demande, du crédit renouvelable vers le crédit affecté, c'est-à-dire des prêts les moins sécurisants vers des formules qui, en principe, sont plus conformes aux nécessités de la gestion des ménages. Tel est notre objectif.
Si, théoriquement, il n'y a pas lieu de douter que ces effets se produiront, il est évidemment assez difficile de prédire dans quels délais et dans quelles conditions chiffrées… C’est pour cette raison que nous devons nous préserver une certaine marge, d’autant que les contrats en cours continueront à s’exécuter et qu’un nouvel endettement se formera dans le cadre que nous sommes en train de définir.
Mes chers collègues, reconnaissez tout de même la vertu de notre proposition : il s'agit bien d’une disposition centrale pour lutter contre le « malendettement ».
Que se passerait-il si nous étions trop ambitieux, c'est-à-dire si nous fixions un taux maximum trop bas ? Nous risquerions tout simplement, comme c’est le cas actuellement avec le crédit affecté, d’écarter de ces financements des personnes, sans doute en grand nombre, qui, du coup, ne pourraient pas satisfaire à leurs besoins. (Mme la ministre acquiesce.)
Il s'agit de trouver un juste équilibre. C’est le marché qui s’en chargera, comme M. le rapporteur l’a souligné à juste titre, mais dans un cadre réglementaire différent, qui ne vise pas à conduire toujours davantage les personnes les plus fragiles vers les prêts les plus coûteux, c'est-à-dire les crédits renouvelables, ceux dont les conséquences sont les plus graves pour les budgets familiaux.
Nous ne pouvons aller au-delà. Il est bien entendu très tentant de fixer les coefficients qui sont en apparence les plus bas, mais cette mesure, j’espère l’avoir montré, risquerait de se retourner contre les intérêts d’un grand nombre d’emprunteurs. Je le répète, avec un dispositif de cette nature, mes chers collègues de l’opposition, vous ne défendriez pas réellement et efficacement les intérêts de celles et ceux dont vous vous préoccupez !
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié ter, présenté par MM. Adnot, Pointereau, Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
En tout état de cause, est usuraire tout prêt aux particuliers dont le taux effectif global excède, au moment où il est consenti, trois fois le taux annuel de l'intérêt légal.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 20, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du II de cet article, remplacer le chiffre :
huit
par le chiffre :
six
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Après les explications qui ont été fournies par le Gouvernement sur les deux amendements précédents, considérez, mes chers collègues, qu’il s’agit là d’un amendement de repli…
Madame la ministre, nous nous inscrivons cette fois dans votre logique, mais en proposant de réduire le délai de mise en application du nouveau dispositif.
À travers cet article du projet de loi, si j’ai bien compris, il s'agit en fait de redéfinir le taux de l’usure, de telle sorte que le plafond du taux de crédit à la consommation soit fixé en fonction du montant de ce prêt. Il reviendrait au Gouvernement de déterminer les seuils définissant les différentes catégories de crédits en fonction de leur montant.
Madame la ministre, est-il désobligeant de demander sur quelle étude d’impact s’est appuyé le Gouvernement pour définir ces seuils, et comment ceux-ci modifieront les taux ? En effet, il paraît que, depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, une étude d’impact doit accompagner chaque projet de loi…
Dans ce cadre, les établissements de crédit devront adapter leur modèle économique en privilégiant les prêts amortissables au détriment des crédits renouvelables, comme M. le président de la commission spéciale vient de nous le confirmer. Pour permettre aux établissements créditeurs de s’adapter – je comprends bien qu’ils éprouveront quelques difficultés à le faire –, et accompagner la mise en œuvre de cette réforme, la commission propose d’habiliter le Gouvernement à prendre des mesures transitoires pendant une période de deux ans.
Madame la ministre, vous nous avez fait ce que je qualifierai de promesse de Gascon, soit dit sans offenser les habitants de votre région, mon cher collègue des Landes. (M. Jean-Louis Carrère. sourit.)
Si nous ajoutons les six mois que prendra peut-être le processus législatif aux deux ans prévus à compter de la promulgation de loi, nous obtenons finalement un délai de trente mois. Les informaticiens des organismes de crédit sont capables d’ajuster leurs modèles en un temps plus court, me semble-t-il !
Cet amendement vise donc à faire passer cette période transitoire de huit à six trimestres, car l’application de cette réforme nous paraît urgente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Mon cher collègue, il fallait effectivement fixer un délai pour permettre au marché de s’adapter, d’autant que le mécanisme prévu n’aura pas les mêmes effets pour toutes les professions.
Tout d'abord, nous faisons preuve d’ambition ; nous pensons que le mécanisme proposé sera un succès et permettra d’atteindre l’objectif pour lequel il a été conçu, à savoir une baisse des taux d’environ six points pour le crédit renouvelable. Or six points de taux correspondent à peu près à six trimestres – un point par trimestre ; telle est notre première base de calcul.
Ensuite, nous devons prendre en compte les différentes professions. Ainsi, dans le nord de la France, deux grandes entreprises de VPC, c'est-à-dire de vente par correspondance, sont très inquiètes quant à leur avenir : elles estiment qu’un délai de deux ans n’est pas suffisant pour leur permettre de s’adapter à un nouveau modèle économique, car elles réalisent entre 40 % à 45 % de leur chiffre d’affaires grâce au crédit renouvelable ; une baisse trop forte des taux les condamnerait aussitôt.
D'ailleurs, ces deux entreprises sont également les clientes les plus importantes de La Poste, me semble-t-il… Cette réforme risque donc d’entraîner des effets en cascade importants, des milliers d’emplois étant en jeu.
Enfin – ce sera mon troisième argument –, nous fixons au Gouvernement un délai maximum, qui pourra être abrégé si le modèle économique change, si la fusion des taux s’accomplit, si la réforme est bien supportée par le marché et se révèle bénéfique pour les entreprises concernées.
Comme vous, monsieur Raoul, je souhaiterais que cette mesure entre en application le plus vite possible et que l’on n’attende pas huit trimestres. Toutefois, dès lors que nous fixons seulement un délai maximum pour le Gouvernement, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement tendant à raccourcir la période transitoire.
Je le répète, notre ambition est de baisser fortement les taux, mais il est tout de même nécessaire de laisser au marché le temps de s’adapter. Or, compte tenu des instruments économiques disponibles, je n’ai pas été en mesure, pas plus que les autres membres de la commission, me semble-t-il, d’évaluer véritablement ce délai.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Raoul, en ce qui concerne l’étude d’impact, tout d'abord, vous savez bien qu’un tel document a été élaboré et transmis au Parlement.
Toutefois, le dispositif spécifique sur l’usure relevait d’une proposition de la commission spéciale et nous n’avons donc pu réaliser d’étude d’impact sur ce thème. En revanche, nous avons soumis au Sénat le rapport réalisé conjointement par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales sur la question spécifique du taux de l’usure. Ce document, volumineux et bien documenté, présente un certain nombre de recommandations.
Nous devons faire très attention, me semble-t-il car nous allons infliger un véritable choc au modèle économique qui est utilisé actuellement, et cela quel que soit le jugement que l’on porte sur la manière dont il est structuré autour des taux d’usure.
La commission spéciale propose de modifier radicalement la fixation du taux d’usure, qui ne s’appliquerait plus en fonction des catégories de prêts mais du montant de ces derniers, sous certains plafonds et sur la base d’un coefficient de 1,33 %.
Or, on peut supposer que cette réforme, lorsqu’elle s’appliquera, suscitera un déplacement de la demande, du crédit renouvelable vers des prêts amortissables. Le crédit « renouvelable long », celui que l’on considère véritablement comme du « malendettement », c'est-à-dire les prêts renouvelables qui portent sur des sommes excédant 10 000 euros et parfois même 20 000 euros, va très probablement devenir amortissable.
Toutefois, il faut laisser les établissements s’adapter à ce changement de modèle économique. Si nous imposons un délai très court, les modifications de taux ne seront pas considérables et nous appliquerons un coefficient de 1,33 % à des bases qui n’auront pas été profondément modifiées.
Nous avons intérêt, me semble-t-il, à laisser aux établissements le temps nécessaire, pour que le modèle économique évolue, pour que les taux baissent, pour que la concurrence joue véritablement, pour que le crédit évolue du renouvelable vers l’amortissable et pour que l’on constate un authentique changement, au bénéfice des emprunteurs.
C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement, même si j’en comprends la portée et en partage d’une certaine manière les objectifs.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 20.
Mme Nicole Bricq. Je voudrais opposer trois arguments au refus de M. le rapporteur de prendre en compte notre amendement sur les délais.
Premièrement, nous sommes au début d’une navette parlementaire. Or, exceptionnellement, le Gouvernement n’a pas demandé l’urgence sur ce texte, …
Mme Nicole Bricq. … alors que la procédure accélérée est déclarée pour tant d’autres textes !
M. Daniel Raoul. Bien joué !
Mme Nicole Bricq. Nous n’avons donc pas de chemin critique, comme diraient les ingénieurs, sur la durée de la navette parlementaire, qui risque de prendre du temps. Nous avons donc intérêt à fixer un délai plus bref à la période de transition qui court à partir de la promulgation de la loi, dont nous ignorons pour l’heure quand elle aura lieu.
Deuxièmement, en ce qui concerne la profession – j’y reviens toujours –, les établissements de crédit ne sont pas pris par surprise par la proposition de la commission spéciale ! Ils ont déjà commencé à réfléchir et à travailler sur ce sujet, en avançant des montants pour fixer les taux de l’usure par catégorie. Du reste, ils mènent certains travaux de concert avec votre administration, madame la ministre... On ne peut donc pas affirmer qu’il leur faut un temps considérable pour s’adapter !
Troisièmement, je voudrais que l’on comprenne bien la cohérence d’ensemble des propositions du groupe socialiste. Mes chers collègues de la majorité, vous affirmez que vous allez modifier le modèle économique en changeant le taux d’usure. Je ne prétends pas que vous ayez tort.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Dont acte !
Mme Nicole Bricq. Toutefois, notre cohérence doit s’analyser aussi au regard de l’offre de crédit que nous proposons.
Pour notre part, nous voulons modifier le modèle économique en donnant un large accès au crédit personnel à ceux qui, aujourd'hui, se tournent vers le crédit renouvelable sans raison valable, parce qu’ils y sont forcés et non par un libre choix !
C'est pourquoi nous ne voulons pas que le taux de référence du crédit personnel augmente, ce qui sera inévitablement le cas, vous verrez, avec la proposition de la commission spéciale. Nous souhaitons que l’adaptation du marché se fasse à travers un transfert des crédits renouvelables, qui, aujourd'hui, sont souscrits par des gens pour lesquels cette formule n’est absolument pas adaptée, vers les crédits personnels. Tel est le sens de notre proposition de « crédit social ».
Quant à vous, madame la ministre, vous vous obstinez à garder le même cap, bien loin de notre objectif de modification du schéma économique actuel, et ce malgré ces temps de crise économique et sociale que nous traversons, pour de nombreux mois encore. Quand vous aurez bien négocié avec les banquiers, la conjoncture sera peut-être autre, du moins je l’espère !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er A
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 313-6 du code de la consommation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 313-6-1. - Le taux variable d'un contrat de prêt ne peut excéder, à tout moment de son exécution, un plafond correspondant au niveau mensuel moyen des taux des contrats de prêt à taux fixes conclus par l'établissement de crédit pour une durée de vingt ans au cours du mois considéré.
« Les perceptions excessives au regard de l'alinéa précédent sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Avec cet amendement n° 26, il s’agit, pour les prêts à taux variable, d’instaurer un plafond correspondant au niveau mensuel moyen des taux des contrats de prêt à taux fixes conclus par l'établissement de crédit pour une durée de vingt ans au cours du mois considéré.
Nous souhaitons également assortir ce dispositif d’une sanction : les perceptions excessives en cas de déplacement du plafond seront « imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance. » Ainsi sera assurée une meilleure protection du consommateur, qui, lorsque son prêt est à taux variable, peut se retrouver très rapidement dans une situation extrêmement difficile si des modifications de taux interviennent, modifications qu’ils n’avaient pas prévues et qui renchérissent fortement le coût de son crédit.
L’augmentation des mensualités peut, en effet, faire basculer dans le malendettement ou la précarité bancaire nombre de ménages subissant une brutale augmentation du taux de leur contrat de prêt.
La solution consistant à plafonner ce taux est tout à fait réalisable et permettrait d’éviter à de nombreux foyers de devoir faire face à des situations difficiles liées à de très fortes hausses de taux non contrôlées et pénalisantes budgétairement.
Vous aurez compris, mes chers collègues, le sens de cet amendement. Vous avez tous en mémoire des exemples de dégâts causés par les taux variables : au moment du vote, souvenez-vous-en !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Je rappelle que le taux d’un prêt à taux variable évolue en fonction de taux courts sur le marché financier, notamment de l’Euribor, et que ces derniers sont généralement inférieurs aux taux longs, donc favorables, raison pour laquelle ils sont appréciés par un certain nombre d’emprunteurs.
Aujourd’hui, l’Euribor a fortement reflué, et les taux variables reprennent l’avantage sur les taux fixes.
Prendre pour référence des taux fixes, comme cela est préconisé dans cet amendement, tendrait à dénaturer ce type de crédit, qui a été élaboré pour avantager le consommateur, en prenant référence sur les taux courts.
Par ailleurs, cet amendement vise à modifier l’article L. 313-6 du code de la consommation. Les crédits immobiliers seraient donc également affectés, outre le crédit à la consommation : si la disposition recommandée avait été appliquée, elle se serait soldée, au premier trimestre de 2009, par une contraction de crédit de l’ordre de 5 milliards d’euros, soit 0,25 % du PIB.
Enfin, je rappelle que, lorsque les banques et les établissements financiers pratiquent les taux variables, ces derniers sont généralement sécurisés et plafonnés à un ou deux points au-dessus du taux initial.
Pour ces trois raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je répondrai tout d’abord à Mme Bricq, qui a manifesté de l’agacement à l’égard des estimations chiffrées que nous avons données sur les effets qu’aurait telle ou telle mesure, que c’est à partir des données fournies par la Banque de France et concernant l’ensemble des crédits disponibles – qu’il s’agisse de crédits immobiliers, personnels, ou à la consommation –, que mes services ont procédé à un calcul simple : ils ont appliqué le taux préconisé dans l’amendement à chaque type de crédit et ont ainsi obtenu le montant des crédits qui seraient supprimés. Ce n’est pas plus sorcier que cela !
S’agissant du présent amendement, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
En effet, il en résulterait un rationnement des crédits.
De plus, aux termes de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, les banques sont désormais obligées de fournir à l’emprunteur, dans l’hypothèse de prêts à taux variables, des simulations du coût que représenterait l’emprunt.
Enfin, chacun, ici, se souvient de l’initiative conjointe prise à l’Assemblée nationale par M. Didier Migaud, président de la commission des finances, et M. Frédéric Lefebvre, consistant à demander aux banques de prendre des engagements en matière de taux variables, puisque, pendant une certaine période, les taux courts étaient plus élevés que les taux longs, et que les emprunteurs en subissaient les conséquences.
Les banques ont alors pris deux engagements : en premier lieu, celui d’examiner chaque dossier et d’offrir une alternative à toute proposition de prêts à taux variables ; en second lieu, celui de supprimer les taux d’appel.
Les emprunteurs se trouvent donc déjà relativement protégés.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Nous sommes évidemment favorables à cet amendement, qui tend à encadrer la pratique des taux variables.
Une telle pratique est, en effet, un élément central du recours aux prêts renouvelables, puisque ceux-ci sont souvent assortis d’un taux d’intérêt « d’appel » pendant les premiers mois de leur amortissement, avant de retrouver rapidement un taux sensiblement plus élevé et plus coûteux que le taux d’appel.
La pratique des coûts variables conduit nombre de ménages qui ne sont pas forcément surendettés à supporter des crédits jamais totalement remboursés, des crédits dont ils ne parviennent jamais à se débarrasser.
Les prêts à taux variable sont tout de même des prêts hautement risqués.
Si l’on considère, en effet, le crédit comme une anticipation de ressources ultérieures, force est de constater que le prêt à taux variable devient, compte tenu de son coût, une sorte d’épée de Damoclès, un pari très risqué sur l’avenir lorsque les revenus sont fragiles et limités.
Nous avons tous, ici, suffisamment à l’esprit le souvenir du désastre des prêts progressifs d’accession à la propriété et la connaissance des difficultés majeures rencontrées par certains ménages pour rembourser des prêts immobiliers à taux variable pour souhaiter que l’usage de ces formules de prêt ne soit pas encouragé d’une manière ou d’une autre.
S’il assure, moyennant quelques accidents de paiement – accidents de paiement que les taux d’intérêt permettent, d’ailleurs, d’amortir largement par solidarité involontaire entre emprunteurs –, une forte rentabilité à l’établissement prêteur, le taux variable se présente aussi comme une forte contrainte pour les ménages, obérant leurs capacités d’épargne comme de consommation.
De fait, décourager le recours aux prêts à taux variable permettrait de restaurer ou, pour le moins, de maintenir, ces capacités d’épargne et de consommation dont nous avons un besoin essentiel pour le développement économique du pays, sauf à dire que le Gouvernement préfère que la relance se fasse sur la limitation de l’épargne et sur l’accroissement de l’endettement des ménages, dans un contexte de modération salariale généralisée.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Je comprends le souci des auteurs de cet amendement, mais non le dispositif qui est prévu.
En effet, les prêts à taux variables sont remboursables à tout moment, contrairement aux prêts à taux fixes, qui, eux, ne peuvent être remboursés par anticipation que moyennant le versement d’une indemnité. Rien n’empêche un emprunteur ayant souscrit un prêt à taux variable de prier son banquier de le convertir en prêt à taux fixe, si les taux variables s’envolent. La démarche est facile à accomplir et ne nécessite pas une disposition législative.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er B
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Les articles L. 311-6, L. 311-7 et L. 311-7-1 deviennent respectivement les articles L. 311-27 à L. 311-29 ;
2° L'article L. 311-9 devient l'article L. 311-16 ;
3° L'article L. 311-9-1 devient l'article L. 311-26 ;
4° L'article L. 311-12 devient l'article L. 311-19 ;
5° L'article L. 311-14 devient l'article L. 311-20 ;
6° Les articles L. 311-15 et L. 311-16 deviennent l'article L. 311-14 et l'article L. 311-17 devient l'article L. 311-15 ;
7° Les articles L. 311-20 à L. 311-25 deviennent les articles L. 311-31 à L. 311-36 ;
8° L'article L. 311-25-1 devient l'article L. 311-38 ;
9° Les articles L. 311-26 à L. 311-28 deviennent les articles L. 311-39 à L. 311-41 ;
10° L'article L. 311-29 devient l'article L. 311-22 ;
11° L'article L. 311-30 devient l'article L. 311-24 ;
12° L'article L. 311-31 devient l'article L. 311-25 ;
13° L'article L. 311-32 devient l'article L. 311-23 ;
14° Les articles L. 311-33 à L. 311-35 deviennent les articles L. 311-47 à L. 311-49 ;
15° L'article L. 311-37 devient l'article L. 311-50 ;
16° Les articles L. 311-8, L. 311-10, L. 311-11, L. 311-13, L. 311-18, L. 311-19 et L. 311-36 sont abrogés. – (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron, MM. Pointereau, Bécot, Vasselle et Lardeux, Mme Procaccia, MM. Bailly et Portelli, Mme Rozier, MM. Doublet et Laurent, Mmes Hermange et Keller et M. Juilhard, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la date de publication de la présente loi et dès la classe de quatrième ou assimilée, les programmes scolaires doivent inclure des cours de formation à la gestion d'un budget familial ou personnel. Un décret précise les conditions d'application du présent article.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Ayant déjà largement développé tout à l’heure l’objet de cet amendement, je n’y reviendrai pas longuement.
J’ai expliqué pourquoi il me paraissait indispensable de préparer les jeunes à savoir assumer leurs responsabilités dans la vie. S’il est un domaine dans lequel cela est particulièrement important, que ce soit à titre personnel ou au sein de leur famille, c’est bien celui de la gestion d’un budget : c’est de la saine gestion du budget que dépend pour une bonne part le bon fonctionnement de la famille ou la réussite personnelle.
Madame la ministre, vous nous avez dit tout à l’heure – et je m’en réjouis – que M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, préparait les personnels destinés à remplir de telles missions.
Lorsque nous recevons des personnes en situation de surendettement dans nos permanences, nous constatons que bon nombre d’entre elles en sont arrivées là parce qu’elles n’avaient pas su bien gérer un budget familial ou personnel. Je ne parle pas de la gestion d’un budget d’entreprise qui, elle, demande une formation professionnelle et adaptée.
Le Parlement doit donner un signe fort pour montrer qu’il est préoccupé par de telles situations et faire en sorte que, dans les programmes de formation, soient incluses de telles formations. Certes, il appartiendrait à l’éducation nationale d’en mettre en place les modalités, comme je l’indique, d’ailleurs, dans l’amendement : « Un décret précise les conditions d’application du présent article. » Cependant, c’est au Parlement de montrer, dans la loi, son souhait de voir les jeunes bien préparés, pour éviter, dans la mesure du possible, qu’ils ne se retrouvent un jour dans des situations dramatiques comme celles que nous déplorons aujourd’hui et qui nous amènent à légiférer sur le surendettement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. L’intention des auteurs de l’amendement est extrêmement louable, et je tiens à préciser qu’elle était partagée par tous les membres de la commission spéciale, quel que soit leur groupe.
Pour autant, la commission spéciale a estimé qu’il n’était ni prudent, ni légitime de prévoir de tels cours dans un projet de loi, bien qu’ils soient évidemment nécessaires, car ils relèvent plus de l’éducation nationale que du droit de la consommation. Dans chaque projet de loi, nous pourrions d’ailleurs avoir une disposition de ce type. C’est la raison pour laquelle un certain nombre d’amendements ont été retirés avant la séance, le dernier en date étant celui de Mme Muguette Dini, et qu’il ne reste que celui-ci.
Par ailleurs, il n’appartient pas nécessairement au législateur de définir le programme de l’éducation nationale. Il faudrait déterminer à quel moment du cursus scolaire – en quatrième ou un peu plus tard ? – il serait opportun de dispenser ces notions de base. Ce n’est pas au législateur de prendre position sur cette question, en tout cas pas dans le présent débat.
Il serait sans doute préférable de consacrer à ce type de formation un article spécifique dans un texte lié à l’éducation nationale. Encore cela dépendrait-il de son degré de spécificité.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mon cher collègue, à retirer votre amendement. Dans le cas contraire, et pour rester conforme à la position que la commission spéciale a adoptée à l’égard des amendements d’autres formations politiques, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Revet, votre proposition est excellente. Elle est même si bonne que nous l’avons nous-mêmes devancée, en créant, je l’ai déjà évoqué, l’Institut pour l’éducation financière du public.
Outre sa mission éponyme, cet institut participe au Haut Comité de place que j’ai installé il y a deux ans afin d’essayer de mettre en place des règles d’organisation un peu plus saines, logiques et cohérentes pour la place financière de Paris. J’ai demandé qu’il puisse être financé par une fraction des sanctions prononcées par l’Autorité des marchés financiers.
L’Institut a conclu, le 20 mai dernier, une convention avec le ministère de l’éducation nationale pour officialiser leur partenariat. Ils ont en effet préparé ensemble, avec des enseignants, un certain nombre de modules d’éducation qui sont dorénavant mis à la disposition de tous les enseignants en sciences économiques et en mathématiques appliquées.
Ces derniers pourront ainsi les utiliser de manière transversale dans le cadre de leurs travaux, pour faire comprendre aux élèves, au travers de cas concrets, la gestion d’un budget familial et, notamment, les mécanismes de l’emprunt, de son remboursement et du calcul des intérêts. Point ne sera donc besoin d’y consacrer des enseignements spécifiques.
Il appartiendra au ministère de l’éducation nationale de préciser, par la voie réglementaire, puisque c’est la plus appropriée, à quel niveau, dans quelle classe et selon quelles modalités ces modules pourront être utilisés.
Monsieur Revet, vos préoccupations semblent donc satisfaites. Tout en reconnaissant le bien-fondé de votre amendement, je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 11 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Madame la ministre, mes chers collègues, me voilà bien ennuyé ! Il appartient tout de même au Parlement de donner des signes forts. Certes, il n’a pas à préciser dans quelle classe et sous quelles conditions cet enseignement doit être dispensé, les modalités pratiques étant effectivement du ressort de l’administration. Et je ne propose pas d’aller aussi loin dans les détails. Cela étant, on a tendance, dans cette enceinte, à renvoyer toujours plus au domaine réglementaire : c’est à se demander sur quoi on peut légiférer !
Madame la ministre, d’après ce que vous nous indiquez, des dispositions ont été prises. En quoi est-il gênant que le Parlement inscrive dans la loi, sans toutefois en préciser les modalités pratiques, que l’éducation nationale doit, dans ses programmes, veiller à ce que chaque jeune reçoive une formation à la gestion d’un budget, particulièrement d’un budget familial ? Ce faisant, il enverrait un signe fort, car il importe que le système éducatif prépare les futurs citoyens à ce qu’ils devront assumer.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que tous les groupes ont eu la même idée que moi, mais qu’ils ont retiré leurs amendements. Je n’insisterai donc pas, tout en regrettant que le Parlement se dessaisisse du sujet. Nous rencontrons tous dans nos permanences des familles confrontées à d’importants problèmes de ce genre auxquels elles n’ont manifestement pas du tout été préparées. Il est donc essentiel que l’on puisse pallier ces défaillances au travers de l'éducation : cela permettrait d’éviter bien des situations de surendettement. (Mmes Muguette Dini et Françoise Férat applaudissent.)
Cela étant dit, monsieur le président, je retire cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. Dommage !
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 115, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le premier alinéa de l’article L. 3231-8 du code du travail, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts ».
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement porte sur la question essentielle du pouvoir d’achat. Il n’y a pas trente-six manières, sur le fond, d’éviter aux familles les plus modestes, c’est-à-dire celles qui sont souvent le « cœur de cible » des organismes de crédit à la consommation, le malendettement et le surendettement.
La première manière, c’est de mettre le holà à la publicité mensongère, aux pratiques léonines, aux contrats illisibles recélant chausse-trapes et arnaques diverses.
La seconde, c’est de se poser la question du pouvoir d’achat des ménages et, donc, de leur faculté à consommer, à épargner et à s’endetter, dans des limites et pour des objectifs restant raisonnables.
Pour les ménages, la persistance de difficultés de paiement s’explique bien souvent par l’insuffisance notoire de ressources disponibles.
Certains arguent du fait que les commissions de surendettement examinent des dossiers traitant de surendettements consécutifs à des accidents de la vie. Mais il se trouve que, parmi ces accidents, figurent au premier chef le sous-emploi et le chômage, qui s’apparentent très vite, dès lors que les personnes concernées ont souscrit des engagements auprès d’établissements de crédit, à de véritables machines infernales les entraînant dans la spirale de l’endettement.
Dans notre pays, 17 % des salariés, de l’aveu même du Président de la République, sont aujourd’hui payés au SMIC ou par référence expresse à ce minimum de rémunération. Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs complété son discours en repoussant toute idée d’augmentation significative du SMIC, au motif, justement, qu’il n’était attribué qu’à 17 % des salariés.
Le sensible ralentissement de l’inflation en France, comme dans l’ensemble de la zone euro, signe de déflation sur les coûts de production, pourrait servir de prétexte pour ne fournir aucun effort particulier au 1er juillet prochain en vue de revaloriser de manière plus significative ce minimum social. Belle récompense que cette rigueur salariale accrue pour ceux qui auraient eu la naïveté de penser que l’élection de Nicolas Sarkozy allait permettre de réhabiliter le travail !
Malgré tout, nous souhaitons modifier les conditions d’évolution du SMIC au regard des autres salaires.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 3231-8 du code du travail précise : « En aucun cas, l’accroissement annuel du pouvoir d’achat du salaire minimum de croissance ne peut être inférieur à la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires horaires moyens enregistrés par l’enquête trimestrielle du ministère chargé du travail.
« L’indice de référence peut être modifié par voie réglementaire. »
Par cet amendement, nous proposons tout simplement que cette évolution soit encore plus proche de celle des autres rémunérations, en appliquant la règle selon laquelle l’accroissement du SMIC ne peut être inférieur aux trois quarts de l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires horaires moyens.
Une telle disposition renforcera le pouvoir d’achat des plus modestes et conduira à éviter de trop grandes disparités de rémunération, toujours préjudiciables aux capacités de consommation des ménages salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Madame Terrade, votre proposition de modifier le mode de calcul du SMIC est bien éloignée du sujet qui nous préoccupe avec ce projet de loi.
Mme Odette Terrade. Pas du tout ! Il s’agit toujours de pouvoir d’achat !
M. Philippe Dominati, rapporteur. Certes, mais rien ne dit qu’en suivant votre raisonnement et en adoptant cet amendement nous serions assurés de lutter contre le surendettement !
Dans son rapport, le cabinet Athling Management a largement démontré l’absence de corrélation sur le fond entre le niveau de revenu des ménages et le surendettement. D’ailleurs, tous ceux d’entre nous qui ont participé à des commissions de surendettement ont dû être frappés par le grand nombre de dossiers touchant des personnes appartenant à la classe moyenne.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Odette Terrade. C’est dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation est ainsi rédigée :
« Section 1
« Définitions et champ d’application
« Art. L. 311-1. - Au sens du présent chapitre, sont considérés comme :
« 1° Prêteur, toute personne qui consent ou s’engage à consentir un crédit mentionné à l’article L. 311-2 dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles ;
« 2° Emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ;
« 3° Intermédiaire de crédit, toute personne qui, dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles habituelles, et contre une rémunération ou un avantage économique, apporte son concours à la réalisation d’une opération visée au présent chapitre, sans agir en qualité de prêteur ;
« 4° Opération ou contrat de crédit, une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt y compris sous forme de découvert, ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes duquel l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture ;
« 5° Coût total du crédit dû par l’emprunteur, tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes et autres frais que l’emprunteur est tenu de payer pour la conclusion et l’exécution du contrat de crédit et qui sont connus du prêteur, à l’exception des frais d’acte notarié. Ce coût comprend également les coûts relatifs aux services accessoires au contrat de crédit s’ils sont exigés par le prêteur pour l’obtention du crédit, notamment les primes d’assurance. Ce coût ne comprend pas les frais dont l’emprunteur est redevable en cas d’inexécution de l’une de ses obligations prévue au contrat de crédit ;
« 6° Taux débiteur, le taux d’intérêt exprimé en pourcentage fixe ou variable, appliqué au capital emprunté ou au montant de crédit utilisé, sur une base annuelle. Le taux débiteur est fixe lorsque le contrat de crédit prévoit soit un taux débiteur constant sur toute la durée du contrat de crédit, soit plusieurs taux débiteurs constants appliqués à des périodes partielles prédéterminées ; dans ce dernier cas, le taux est fixé uniquement pour ces périodes partielles, dans les autres cas, le taux débiteur est variable ou révisable ;
« 7° Montant total dû par l’emprunteur, la somme correspondant au montant total du crédit et du coût total du crédit dû par l’emprunteur ;
« 8° Montant total du crédit, le plafond ou le total des sommes rendues disponibles en vertu d’un contrat ou d’une opération de crédit ;
« 9° Contrat de crédit affecté ou contrat de crédit lié, le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique. Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés ;
« 10° Autorisation de découvert ou facilité de découvert, le contrat de crédit en vertu duquel le prêteur autorise expressément l’emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde du compte de dépôt de ce dernier ;
« 11° Dépassement, un découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l’emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l’autorisation de découvert convenue ;
« 12° Support durable, tout instrument permettant à l’emprunteur de conserver les informations qui lui sont adressées personnellement, d’une manière qui permet de s’y reporter aisément à l’avenir pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction identique desdites informations.
« Art. L. 311-2. - Les dispositions du présent chapitre s’appliquent à toute opération de crédit mentionnée au 4° de l’article L. 311-1, qu’elle soit conclue à titre onéreux ou à titre gratuit et, le cas échéant, à son cautionnement.
« Pour l’application du présent chapitre, la location-vente et la location avec option d’achat sont assimilées à des opérations de crédit.
« Les opérations de prêts sur gage corporel souscrits auprès des caisses de crédit municipal en application de l’article L. 514-1 du code monétaire et financier sont soumises aux dispositions des articles L. 311-4 et L. 311-5.
« Un décret fixe le contenu des informations que les caisses mentionnées à l’alinéa précédent doivent mettre à la disposition de leur clientèle préalablement à l’octroi de ce prêt, les conditions dans lesquelles ces informations sont portées à la connaissance du public et les mentions obligatoires devant figurer dans les contrats de crédit.
« Art. L. 311-3. - Sont exclus du champ d’application du présent chapitre :
« 1° Les opérations de crédit destinées à permettre l’acquisition ou le maintien de droits de propriété d’un terrain ou d’un immeuble existant ou à construire ;
« 2° Les opérations dont le montant est inférieur à 200 € ou supérieur à 75 000 €, à l’exception de celles ayant pour objet le regroupement d’opérations de crédit mentionnées à l’article L. 313-15 ;
« 3° Les opérations consenties sous la forme d’une autorisation de découvert remboursable dans un délai d’un mois ;
« 4° Les opérations de crédit comportant un délai de remboursement ne dépassant pas trois mois qui ne sont assorties d’aucun intérêt ou d’aucuns frais ou seulement de frais d’un montant négligeable ;
« 5° Les opérations mentionnées au 3 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier ;
« 6° Les opérations mentionnées au 2 de l’article L. 321-2 du même code ;
« 7° Les contrats qui sont l’expression d’un accord intervenu devant une juridiction ;
« 8° Les contrats résultant d’un plan conventionnel de redressement mentionné à l’article L. 331-6 conclu devant la commission de surendettement. »
M. le président. L’amendement n° 44, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Au début du 4° du texte proposé par cet article pour l’article L. 311-1 du code de la consommation, supprimer les mots :
Opération ou
et les mots :
une opération ou
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Il s’agit d’un amendement de précision. En effet, le texte du projet de loi assimile la notion de « contrat de crédit » à celle d’« opération de crédit ». Or ce sont deux notions différentes, un même contrat pouvant recouvrir plusieurs opérations de crédit.
Par ailleurs, la définition reprise dans le projet de loi est celle qui, dans la directive, vise les seuls contrats. Pour éviter toute ambiguïté, il y a lieu de reprendre strictement la définition donnée par la directive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Revet, cet amendement appelle une réponse technique.
Vous souhaitez en effet supprimer la notion d’« opération de crédit » des définitions prévues par l'article 1er en ne gardant que celle de « contrat de crédit ». Or le projet de loi distingue bien ces deux notions. Vous semblez craindre que la référence à la première n’oblige les prêteurs qui appliquent des taux promotionnels pendant une durée limitée dans le cadre de crédits renouvelables à conclure un nouveau contrat pour chaque opération promotionnelle. (M. Charles Revet le confirme.)
Cette crainte n’est cependant pas fondée sur le plan juridique.
En effet, dès lors qu’un crédit renouvelable permet à son titulaire de bénéficier de taux avantageux sur une période limitée, le projet de loi n’oblige pas le prêteur à conclure un nouveau contrat, mais prévoit que cela fait partie de l’exécution du contrat initial, à l’avantage du consommateur.
Le Gouvernement s’oppose à la suppression de la notion d’« opération de crédit » au profit du seul « contrat de crédit ». Le texte vise à encadrer non seulement le contrat, mais aussi la publicité relative au crédit, ainsi que les informations précontractuelles, ce qui justifie l’utilisation du mot « opération ».
Faire uniquement référence au « contrat de crédit » aurait pour effet de restreindre l’application de notre dispositif aux seuls contrats et non pas aux relations précontractuelles et aux opérations de publicité qui entourent le contrat de crédit. La rédaction actuelle nous paraît donc plus protectrice des intérêts du consommateur.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Madame la ministre, il me semblait que c’était l’inverse. De toute façon, il était utile de préciser le dispositif puisque les explications qui nous sont données dans cette enceinte seront obligatoirement prises en compte pour l’application de la loi, quand bien même elles ne figureront pas dans le texte.
Je vous remercie donc de votre réponse et je retire l’amendement.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 44 est retiré.
L’amendement n° 79, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le dixième alinéa (9°) du texte proposé par cet article pour l’article L. 311-1 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le crédit renouvelable est une ligne de crédit utilisé pour un décalage temporaire de trésorerie dont la solvabilité de l’emprunteur permet un remboursement dans un délai de 12 mois. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Puisque l’article 1er du projet de loi procède à quelques exercices de linguistique financière, nous proposons avec cet amendement de mieux définir l’offre de crédit pour faciliter sa compréhension.
Il s’agit, en l’occurrence, de donner une définition précise du crédit renouvelable, crédit dont l’usage s’est, dans les faits, généralisé pour des prêts en apparence de faible montant, mais en réalité fortement producteurs de produit net bancaire, compte tenu des taux d’intérêt appliqués.
À notre sens, il convient que le crédit renouvelable ne ressorte que de la définition fournie par la directive elle-même, dans son article 12, pour être recentré sur sa raison d’être première : permettre à des familles de faire face à une insuffisance temporaire de trésorerie.
Par voie de conséquence, il s’agit de réserver le crédit à la consommation à des opérations affectées, qu’il s’agisse du crédit gratuit comme des contrats à durée déterminée visant à l’acquisition de biens, dans la limite des 75 000 euros prévus par la directive.
Nous ne pouvons envisager de meilleure prévention des « accidents » de l’endettement que le développement de l’affectation des crédits renouvelables à des situations marginales au regard des besoins des ménages.
Mes chers collègues, c’est donc sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Madame Pasquet, il est certes louable de ne pas vouloir laisser des personnes liées à vie à un crédit renouvelable, mais votre amendement appelle deux réserves de notre part.
D'une part, le Gouvernement a déjà précisé dans son projet de loi que chaque échéance comprend un remboursement minimal du capital emprunté.
D'autre part, nous allons, à l'article 5, examiner un amendement, qui a été retenu par la commission, tendant à moduler dans le temps, pour une période comprise entre trois et cinq ans, la durée du crédit renouvelable.
La durée que vous proposez est trop courte : elle ne permettrait de faire du crédit renouvelable que sur des montants extrêmement petits.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 311-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 311-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-2-1. - Il est interdit de proposer sous quelque forme que ce soit des lots promotionnels liés à l’acceptation d’une offre préalable d’opération de crédit. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement tend à interdire la proposition de lots promotionnels liés à l’acceptation d’une offre préalable d’opération de crédit.
En effet, l’observation des pratiques en matière de crédit révèle que, dans bien des cas, des offres promotionnelles sont soumises à l’ouverture d’un crédit. Parfois, sans s’en rendre compte, le consommateur souscrit un crédit alors qu’il voulait simplement bénéficier d’une promotion et qu’il aurait pu payer au comptant.
Il convient donc d’interdire ces pratiques commerciales tout à fait contestables, qui incitent à contracter des crédits et favorisent le surendettement qui nous préoccupe tous. Il s’agit également de responsabiliser les acteurs du crédit pour qu’ils n’offrent plus inconsidérément des crédits qui risquent, au final, de se retourner contre les emprunteurs. Je tiens à préciser que ces pratiques abusives sont dénoncées par l’ensemble des associations de consommateurs.
Notre amendement s’inspire directement, dans son esprit, de la proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Marini : je m’étonnerai donc que nos collègues de la majorité ne le votent pas, dans la mesure où il a été puisé à bonne source !
M. Daniel Raoul. Vous avez encore des illusions !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Je tiens tout d’abord à souligner que l’article L. 121-35 du code de la consommation interdit la vente à prime, c’est-à-dire, la vente d’un bien ou service donnant droit, à titre gratuit, à un autre bien ou service, sauf si ce bien ou service a une valeur négligeable. Cette interdiction s’applique aux commerçants ainsi que, par un renvoi fait à l’article L. 312-1-2 du code monétaire et financier, aux établissements financiers. Il existe donc déjà un cadre interdisant les excès.
Mme Nicole Bricq. Ces dispositions ne sont pas appliquées !
M. Philippe Dominati, rapporteur. Le consommateur est également protégé par l’interdiction, à l’article L. 122-1 du code de la consommation, de la vente liée, appelée aussi vente subordonnée : il est ainsi interdit de faire dépendre la conclusion d’un achat d’un autre achat.
Enfin, je vous rappelle que l’article 5 du projet de loi prévoit déjà, dans le cadre du crédit renouvelable, que les avantages commerciaux et promotionnels liés à une carte de fidélité ne peuvent être subordonnés au paiement à crédit. Cette avancée majeure dans la responsabilisation du crédit renouvelable, que nous recherchons tous, va bien changer la donne !
Doit-on aller plus loin encore, et interdire les cadeaux, même de valeur négligeable, lors de la souscription d’un contrat de crédit renouvelable ? Une telle disposition reviendrait, en réalité, à défavoriser le consommateur : en effet, les taux promotionnels accordés dans certains cas représentent des avantages accordés aux consommateurs. À partir du moment où le projet de loi, notamment dans son article 5, comporte de nombreuses dispositions protectrices du consommateur, il me semble que cet amendement va trop loin et qu’il serait, au contraire, particulièrement préjudiciable aux intérêts dudit consommateur.
Cet amendement témoigne d’une méfiance générale à l’égard de l’ensemble du dispositif présenté par le Gouvernement et largement amendé par la commission spéciale. Je ne peux donc pas suivre ses auteurs dans leur démarche, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je saisis cette occasion pour rappeler rapidement le sens de nos propositions, qui nous paraissent de nature à bien clarifier la situation du bénéficiaire d’une carte de fidélité, sachant que nos compatriotes aiment bien recourir à ces cartes et qu’ils les utilisent largement.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous introduisons trois modifications.
Premièrement, nous imposons que toutes les cartes de fidélité comportent une carte de paiement au comptant. Deuxièmement, nous prévoyons que le paiement au comptant soit de droit commun : c’est-à-dire que, à défaut de demande expresse par le consommateur, sa carte de fidélité fonctionne comme une carte de crédit, le paiement intervenant au comptant. Troisièmement, nous renforçons l’information de l’emprunteur, dans une véritable transparence de la relation.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement présenté, car l’étude réalisée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes révèle que son adoption interdirait, au-delà des lots promotionnels visés et compte tenu de l’interprétation très large qui en est donnée, de lier fidélité et crédit au sein d’une même carte. La notion de « lot promotionnel » recouvre en effet tous les avantages commerciaux promotionnels.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Notre amendement ne porte pas sur les cartes de fidélité. Ce sujet sera abordé plus tard, lors de l’examen de l’article 5. Je vous démontrerai alors, preuves à l’appui, l’existence de pratiques tout à fait contestables.
Dans le cas présent, nous visons les lots promotionnels, qui ne relèvent pas précisément du même sujet. En rejetant cet amendement, qui répond à une demande de l’ensemble des associations de consommateurs, vous montrez très clairement les limites que vous imposez à votre projet de loi.
En effet, M. le rapporteur cite des articles du code de la consommation qui, dans la réalité, sont contournés tous les jours ! Notre démarche s’appuie sur la réalité, sur les pratiques observées, et non sur la lettre de dispositions qui ne sont pas respectées. Il est nécessaire que la loi intervienne pour empêcher la confusion entre lots promotionnels et offres de crédit, car il s’agit de deux actes différents.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Très bien ! sur plusieurs travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
8
Réforme du crédit à la consommation
Suite de la discussion d’un projet de loi et de cinq propositions de loi
(Texte de la commission spéciale)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’examen des dispositions du chapitre II.
CHAPITRE II
PUBLICITÉ ET INFORMATION DE L'EMPRUNTEUR
Article additionnel avant l'article 2
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 341-10 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Les opérations de crédit définies à l'article L. 311-2 du code de la consommation. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement touche une question clé.
Je citerai d’abord l’article L. 341-10 du code monétaire et financier, qui porte sur les interdictions du démarchage commercial s’appliquant à un certain nombre de produits financiers :
« Sans préjudice des règles particulières applicables au démarchage de certains produits, ne peuvent pas faire l’objet de démarchage :
« 1° Les produits dont le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial, à l’exception :
« - des parts de sociétés civiles de placement immobilier. […]
« 2° Les produits non autorisés à la commercialisation sur le territoire français en application de l’article L. 151-2 ;
« 3° Les produits relevant des articles L. 214-42 et L. 214-43 :
« 4° Les instruments financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur les marchés réglementés définis aux articles L. 421-4 et L. 422-1 ou sur les marchés étrangers reconnus définis à l’article L. 423-1, à l’exception des parts ou actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières, des titres financiers offerts au public après établissement d’un document d’information dans les conditions du titre Ier du livre IV du présent code, des titres émis par les sociétés de capital-risque mentionnées à l’article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 précitée et des produits proposés dans le cadre d’un dispositif relevant du titre IV du livre IV du code du travail. »
Mises en œuvre pour éviter le démarchage agressif en faveur de produits ou d’instruments financiers de valeur et de caractère incertains, ces dispositions ont permis une certaine forme de prévention des accidents liés à des placements boursiers.
Nous estimons que les mêmes précautions doivent entourer le recours à certains instruments de crédit et, en l’occurrence, l’ensemble des crédits à la consommation.
Il s’agit en fait de répondre à deux soucis.
Le premier est de faire en sorte que l’acte de crédit soit un acte conscient du consommateur et non, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, le produit d’une démarche de marketing menée par les organismes spécialisés sur ce créneau.
Le second est un souci d’écologie mentale, qui consiste à réduire à la source la pollution commerciale que constituent les offres trompeuses et ronflantes que font nombre d’organismes de crédit pour appâter le chaland.
D’ailleurs, une question vient à l’esprit : comment se fait-il que des établissements et organismes de crédit, généralement filiales de grands établissements bancaires, se soient ainsi spécialisés dans la distribution de crédits, souvent fort chers, destinés aux publics les plus modestes ? Est-ce pour assurer coûte que coûte la rentabilité commerciale de telle ou telle enseigne, en plus de celle que procurent l’exploitation des sous-traitants et la modération salariale imposée aux salariés ? Est-ce en vue de dégager le produit net bancaire indispensable pour accorder à une clientèle privée plus favorisée ou à quelques grandes entreprises des conditions de prêt autrement avantageuses ?
En tout cas, nous avons l’impression que, depuis bien des années, tout est fait pour que les ménages les plus modestes apportent leur contribution, de manière totalement forcée, à la rentabilité des établissements de crédit. Une telle démarche doit, à notre sens, être combattue parce qu’elle est, pour les ménages, dévoreuse de capacités de financement et de consommation.
Le choix de recourir au crédit doit toujours être conscient, responsable et éclairé : c’est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. Madame Terrade, le démarchage bancaire et financier, régi par les articles L. 341-1 et suivants du code monétaire et financier, est soumis à des règles plus exigeantes que le démarchage simple : il ne peut être fait que par des démarcheurs titulaires d’une carte professionnelle, disposant d’une assurance professionnelle et agissant sur mandat reçu d’un établissement de crédit.
Échappent toutefois à cette réglementation du démarchage le crédit affecté et le crédit distribué sur le lieu de vente.
Quant à l’article L. 341-10 du code monétaire et financier, dont vous avez cité de larges extraits, madame Terrade, il interdit le démarchage pour des catégories bien précises de services financiers, qui ne concernent pas le « grand public » : il s’agit des produits dont le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription, des produits non autorisés à la commercialisation sur le territoire français, des instruments financiers non admis sur les marchés réglementés, des titres de fonds commun d’intervention sur les marchés à terme et des titres d’organismes de titrisation.
Ainsi, seuls des produits ne pouvant, par leur complexité, que s’adresser à un public averti font l’objet de l’interdiction du démarchage. Le crédit à la consommation n’entre pas dans ce cadre : c’est un produit assez simple dans son fonctionnement et assez répandu.
L’interdiction du démarchage aurait par ailleurs peu d’effets.
En ce qui concerne la souscription de crédit à distance, la démarche vient plutôt du consommateur qui cherche à financer un achat qu’il vient de faire, par exemple sur Internet, et non du prêteur.
Reste la question du lieu de vente. En magasin, il est très difficile de tracer la frontière entre ce qui relève du démarchage et ce qui ressortit aux arguments de vente du vendeur. Dans la discussion entre le consommateur et le vendeur, qui aura, le premier, parlé des solutions pour financer l’achat ?
Dans ces conditions, la solution proposée dans cet amendement est tout à fait excessive.
En outre, l’interdiction qu’il prévoit ne réglera pas la question des relances des titulaires de compte de crédit renouvelable qui n’utilisent pas leur réserve d’argent. En effet, ceux-ci ont déjà un contrat et sont déjà clients : on ne se situe donc pas dans un cadre du démarchage.
Enfin, quand bien même on parviendrait à lever ces différents obstacles techniques et juridiques, empêcher les prêteurs de proposer leurs services aux emprunteurs conduirait ces derniers à ne pouvoir solliciter que leur banque : d’où un recul de la concurrence et, probablement, par là même, un renchérissement du crédit à la consommation.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame Terrade, exactement pour les raisons que vient d’exposer brillamment M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cette proposition qui interdirait purement et simplement le démarchage en matière de crédit à la consommation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code, est ainsi rédigée :
« Section 2
« Publicité
« Art. L. 311-4. - Toute publicité, quel qu'en soit le support, qui porte sur l'une des opérations mentionnées à l'article L. 311-2 et indique un taux d'intérêt ou des informations chiffrées liées au coût du crédit comprend de façon claire, précise et visible les informations suivantes :
« 1° Le taux débiteur et la nature fixe ou variable du taux, sauf pour les opérations de location vente ou de location avec option d'achat, ainsi que les informations relatives à tous les frais compris dans le coût total du crédit pour l'emprunteur ;
« 2° Le montant total du crédit ;
« 3° Le taux annuel effectif global, sauf pour les opérations de location vente ou de location avec option d'achat ;
« 4° S'il y a lieu, la durée du contrat de crédit ;
« 5° S'il s'agit d'un crédit accordé sous la forme d'un délai de paiement pour un bien ou un service donné, le prix au comptant et le montant de tout acompte ;
« 6° Le montant total dû par l'emprunteur et le montant des échéances.
« Ces informations sont accompagnées d'un exemple représentatif. Pour les crédits mentionnés à l'article L. 311-16, un décret précise l'exemple représentatif à l'aide duquel sont fournies les informations sur le coût du crédit.
« Si le prêteur exige qu'un service accessoire soit fourni pour l'obtention du crédit, notamment une assurance, la publicité mentionne de façon claire, précise et visible la nécessité de contracter ce service.
« Lorsqu'une publicité fait référence au coût d'une assurance qui est facultative du point de vue du prêteur, le coût de cette assurance doit être exprimé en euros et par mois.
« Art. L. 311-5. - Dans toute publicité écrite, quel que soit le support utilisé, les informations relatives au taux annuel effectif global, à sa nature fixe ou variable et au montant total dû par l'emprunteur, ainsi que la mention visée au dernier alinéa, doivent figurer dans une taille de caractère au moins aussi importante que celle utilisée pour indiquer toute autre information relative aux caractéristiques du financement, notamment le taux promotionnel, et s'inscrire dans le corps principal du texte publicitaire.
« Il est interdit, dans toute publicité, d'indiquer qu'un prêt ou une opération de crédit consistant à regrouper des crédits antérieurs peut être consenti sans élément d'information permettant d'apprécier la situation financière de l'emprunteur, ou de laisser entendre que le prêt améliore la situation financière de l'emprunteur, entraîne une augmentation de ressources, constitue un substitut d'épargne, ou accorde une réserve automatique d'argent immédiatement disponible sans contrepartie financière identifiable.
« Il est interdit également dans toute publicité de mentionner l'existence d'une période de franchise de paiement de loyers ou de remboursement des échéances du crédit supérieure à trois mois. Cette interdiction ne s'applique pas aux prêts aidés par l'État destinés au financement d'une formation à la conduite et à la sécurité routière et aux prêts garantis par l'État destinés au financement de leurs études par les étudiants.
« Toute publicité, quel que soit le support utilisé, contient la mention suivante : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager. » ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui faisaient l'objet d'une discussion commune en raison de l’existence d’un troisième amendement, l’amendement n° 80, lequel a été retiré avant la séance. Nous examinerons néanmoins les deux amendements restants en même temps.
L'amendement n° 75, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-4 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° - Le taux effectif global annuel du crédit une fois pris en compte le taux annuel des assurances susceptibles d'être souscrites ;
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, dans un souci de cohérence, je défendrai en même temps les amendements nos 75, 76 et 77, ces trois amendements portant sur le contenu de l’information contractuelle de l’emprunteur.
Il est précisé, à l’article 4 de la directive du 23 avril 2008, que « si la conclusion d’un contrat concernant un service accessoire lié au contrat de crédit, notamment une assurance, est obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales, et que son coût ne peut être déterminé préalablement, l’obligation de contracter ce service est également mentionnée de façon claire, concise et visible, ainsi que le taux annuel effectif global ».
L’article 5 de cette même directive prévoit que doivent être précisés au consommateur « le taux annuel effectif global et le montant total dû par le consommateur, à l’aide d’un exemple représentatif qui mentionne toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux ; si le consommateur a indiqué au prêteur un ou plusieurs éléments du crédit qu’il privilégie, tels la durée du contrat de crédit et le montant total du crédit, le prêteur doit tenir compte de ces éléments ; si un contrat de crédit offre au consommateur différentes possibilités quant au prélèvement de crédit, assorties de frais ou de taux débiteurs différents, et que le prêteur applique l’hypothèse de l’annexe I, partie II, point b), celui-ci indique que l’existence d’autres modalités de prélèvement pour ce type de crédit peut avoir pour conséquence l’application de taux annuels effectifs globaux plus élevés ».
L'amendement n° 75 vise à assurer une information pleine et entière de l’emprunteur, lui permettant de prendre en compte tous les éléments de formation du taux effectif global.
Avec l’amendement n° 76, nous nous rapprochons des termes prévus par la directive qui, dans son article 6, permet une définition plus précise du taux effectif global et intègre, notamment, les effets des éventuels accidents de paiement.
Il serait tout de même dommage que nous ne fassions pas l’effort de transposer le plus fidèlement possible les termes de la directive et que nous nous privions de la possibilité d’une information toujours plus transparente de l’emprunteur.
Enfin, nous proposons, par l’amendement n° 77, de supprimer toute publicité ou opération promotionnelle qui tendrait à tromper l’emprunteur en abusant de sa naïveté ou de son inconséquence, voire de commettre une forme d’abus de faiblesse. Les pratiques de marketing, largement utilisées pour convaincre les particuliers de souscrire un crédit, doivent donc être clairement bannies, même si la directive ne comporte aucune disposition relative à ces pratiques.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-4 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le taux de l'usure.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, mon explication vaudra également pour l'amendement n° 24, qui concerne également l’information de l’emprunteur éventuel.
Ainsi que cela vient d’être souligné, le présent projet de loi vise en partie à transposer la directive d’avril 2008. Sans en reprendre les différents éléments, je rappelle simplement que l’emprunteur doit disposer de toutes les informations concernant à la fois le taux débiteur et la nature fixe ou variable de celui-ci, le montant total du crédit, le taux annuel effectif global, la durée du contrat, le montant total dû par l’emprunteur et le montant des échéances, c’est-à-dire « le coût total du crédit », ainsi que nous le proposons avec l’amendement n° 24.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Au moment où nous abordons l’examen de l’article 2, je voudrais faire deux remarques concernant la publicité.
D’une part, nous devons tenir compte de la contrainte liée à l’harmonisation européenne et à la transposition de la directive relative au crédit à la consommation.
D’autre part, les compléments qui ont déjà été apportés en matière d’information ont permis d’enrichir le texte, alors même que la marge de manœuvre est extrêmement étroite.
Personnellement, j’ai le sentiment que trop d’information tue l’information, mais, sur un certain nombre de sujets – par exemple, sur la longueur de la mention légale préventive –, je n’ai pas été suivi par mes collègues de la commission spéciale, sans doute faute d’avoir été suffisamment convaincant.
S’agissant de l’amendement n° 75, l’alternative est claire : soit l’assurance est obligatoire et, dans ces conditions, l’amendement devient inutile, car le coût de cette assurance est inclus dans le taux annuel effectif global ; soit l’assurance est facultative et l’article 2 prévoit que, dans ce cas, le coût doit être exprimé en euros et par mois.
Le problème est beaucoup plus complexe s’agissant du taux de l’usure, visé par l’amendement n° 23.
Il s’agit tout de même d’opérations commerciales assez lourdes. Les professionnels sont tenus de réaliser des campagnes de communication et de publicité s’appuyant souvent sur des documents imprimés, ce qui suppose des délais de fabrication assez longs. Or le taux de l’usure change tous les trois mois. Dès lors, cette proposition nous paraît peu compatible avec la réalité du marché concerné.
En optant pour la présentation du taux réel, nous avons voulu lutter contre un affichage limité à un taux promotionnel valable trois mois. Par ailleurs, nous avons tenté de simplifier l’information. Il me semble donc que les avancées sont déjà nombreuses.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour des raisons identiques à celles que M. le rapporteur vient d’avancer, notre avis est défavorable.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-4 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le coût total du crédit.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Notre avis est de même nature que celui qui a été énoncé à propos des amendements précédents.
Certes, l’élément d’information demandé est limitatif, mais c’est un chiffre supplémentaire à fournir, alors même qu’il s’obtient par une simple soustraction.
Par ailleurs, la transposition de la directive européenne nous soumet à des contraintes extrêmement strictes. Ne pas les respecter pourrait se traduire par des recours devant la Cour de justice des Communautés européennes. Des recours pourraient même être engagés auprès du juge administratif, lequel ferait jouer la primauté du droit européen sur le droit national.
Ces questions ne sont pas spécifiquement liées au projet de loi portant réforme du crédit à la consommation : il s’agit d’une simple application du droit. Je ne l’ai pas précisé tout à l’heure, mais c’est un point dont nous devrons obligatoirement tenir compte lors de l’examen d’un certain nombre de dispositions qui suivent et qui portent sur la publicité et l’information.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. À la limite, monsieur le rapporteur, je pourrais me résoudre à accepter vos explications sur le taux de l’usure. En effet, si nous faisions un test de connaissance sur la règle de trois et le calcul des pourcentages dans la population, je suis certain que nous obtiendrions un résultat très surprenant, même chez des personnes de niveau bac plus huit !
En revanche, le coût total du crédit, pour n’importe quel consommateur, c’est quelque chose de tout à fait parlant : quand on contracte un prêt pour acheter un bien, il est très utile de savoir combien cela coûtera en sus du prix de vente du bien en question.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-4 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° - Le taux d'intérêt applicable en cas de retard de l'emprunteur dans ses remboursements, ainsi que les modalités d'adaptation de ce taux, les pénalités de retard et, le cas échéant, les frais d'inexécution.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, notre avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié ter, présenté par MM. Portelli et del Picchia, Mmes Desmarescaux et B. Dupont, M. B. Fournier, Mme Keller, MM. Laménie, Lefèvre, Leleux et Leroy, Mme Malovry, MM. Milon, Pierre et Pinton, Mmes Payet et Garriaud-Maylam, MM. Demuynck et Juilhard, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-4 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 7° S'il y a lieu, la nature promotionnelle du taux d'intérêt affiché, son caractère temporaire, sa durée et le taux d'intérêt applicable à l'expiration de cette offre promotionnelle.
La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. La souscription de nombreux crédits trouve son origine dans un taux d’intérêt promotionnel attractif, par définition temporaire, amis que l’emprunteur ne prend pas toujours pour tel.
Avec mes collègues, je juge qu’il est important d’indiquer clairement, dans les publicités, que le taux affiché est promotionnel, qu’il est limité dans le temps et qu’il sera remplacé, à l’issue de telle période, par un taux plus élevé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Nous comprenons bien l’objectif de cet amendement : faire apparaître aux yeux de l’emprunteur le taux réel de son emprunt.
Toutefois, selon mon analyse, cet objectif est déjà en grande partie satisfait par le projet de loi et le droit existant. Tout d’abord, le taux réel, applicable sur l’ensemble de la durée du prêt, est le taux annuel effectif global, qui devra figurer dans toute publicité. Ensuite, l’article L. 311-5 du code de la consommation, dans sa rédaction proposée par l’article 2 du projet de loi, prévoit que ce taux figure dans une taille de caractère au moins aussi importante que, s’il y a lieu, le taux promotionnel. Enfin, les mesures relatives à la durée du taux promotionnel sont déjà encadrées par les dispositions du code de la consommation qui concernent les pratiques commerciales déloyales.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’avais proposé à la commission de demander l’avis du Gouvernement, afin qu’il conforte cette analyse ou, au contraire, l’infirme.
Toutefois la commission, après un bref débat, a décidé de soutenir cet amendement.
Je ne sais pas quelle sera la position du Gouvernement mais, si cet amendement était en définitive adopté, il conviendrait d’en affiner la rédaction au cours de la navette parlementaire, pour éviter toute confusion. En effet, contrairement à ce que laisse entendre sa formulation actuelle, l’information qu’il vise ne saurait constituer une nouvelle mention obligatoire dans les publicités puisque la directive européenne l’interdit. Il s’agit simplement d’imposer une condition de présentation lorsque l’annonceur communique sur un taux promotionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Cet amendement n’ajoute pas véritablement d’éléments à une information qui est déjà sensiblement modifiée grâce à notre projet de loi. Je rappelle que ce dernier prévoit un affichage, avec la même lisibilité, de tous les taux d’intérêt, afin que le consommateur soit parfaitement informé des conditions de son crédit.
Je ne suis pas certaine qu’il soit nécessaire d’en « rajouter » en précisant la durée de l’offre promotionnelle et le taux d’intérêt applicable à l’expiration de cette période. Ces points apparaîtront ipso facto, en vertu de l’utilisation de caractères d’imprimerie identiques pour les deux taux, en cas de succession d’un taux promotionnel temporaire et d’un taux applicable pendant le reste de la durée du prêt.
J’ai donc le sentiment que cet amendement est déjà largement satisfait par le texte.
De surcroît, je suis de l’avis de M. le rapporteur : cet ajout soulève des interrogations quant à sa compatibilité avec le droit communautaire.
Nous avons émis un avis défavorable sur des amendements précédents au motif qu’ils venaient ajouter des éléments par rapport à ce droit. Pour respecter une certaine parité de traitement, je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 5 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Il est très bien, cet amendement !
Mme Sylvie Desmarescaux. Peut-être vais-je vous décevoir, madame Bricq, mais j’ai écouté avec attention l’exposé de notre rapporteur ainsi que l’intervention de Mme la ministre et, sur la base de tout ce qui nous a été confirmé, des débats qui ont déjà eu lieu et du reste du projet de loi, je retire mon amendement.
Mme Nicole Bricq. Il faut avoir un peu de courage !
Mme Sylvie Desmarescaux. Le courage n’a rien à voir avec cela !
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié ter est retiré.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-5 du code de la consommation, après le mot :
emprunteur
insérer les mots :
et des remboursements par échéance
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement tend tout simplement à répondre au souci d’information et de transparence que nous voulons promouvoir depuis le début de ce débat.
Quand une personne est susceptible de contracter un emprunt, il est légitime qu’elle sache non seulement ce qu’il lui en coûterait globalement, mais également à combien se monteraient les échéances qu’elle aurait éventuellement à assumer. Dans le cas contraire, je ne vois pas comment elle pourrait avoir une vision très claire de la gestion de son budget !
M. Daniel Raoul. Bienvenue au club ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Le montant des échéances est l’une des informations obligatoires devant, selon l’article L. 311-4 du code de la consommation, figurer dans toute publicité pour le crédit à la consommation.
Quant à l’article L. 311-5 tel qu’il est proposé par le projet de loi, il fixe une liste plus restreinte des éléments qui, parmi ces informations obligatoires, doivent apparaître dans la plus grande taille de caractère sur toute publicité écrite : le taux annuel effectif global, la nature fixe ou variable de ce taux et le montant total dû par l’emprunteur.
Il est souhaitable de limiter l’obligation de très bonne lisibilité aux informations essentielles sur le crédit, informations qui permettent de comparer les offres entre elles et que l’annonceur pourrait vouloir cacher. Le montant des échéances n’en fait pas partie.
De plus, faire uniquement valoir le montant des échéances, et non la durée du prêt, n’est pas pertinent et peut même s’avérer trompeur pour le consommateur.
En outre, les prêteurs proposent souvent plusieurs rythmes de remboursement, qui sont examinés avec l’emprunteur.
En définitive, c’est au moment de l’établissement de la fiche de dialogue – point que nous examinerons un peu plus tard – que le montant des échéances aura une utilité. Je rappelle que cette fiche sera rédigée d’un commun accord entre l’emprunteur et le prêteur.
Puisque ces précisions en matière d’information seront bien apportées lors de l’élaboration de la fiche de dialogue, je vous suggère, monsieur Revet, de retirer votre amendement, sans quoi j’aurai le regret de devoir exprimer un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Revet, vous avez beaucoup travaillé sur ces questions de crédit à la consommation et je sais que ce sujet vous passionne, comme nous tous, d’ailleurs.
Votre amendement vise en réalité, non pas à prévoir la mention obligatoire du montant des échéances, ce qui est déjà compris dans le dispositif, mais à prévoir de manière spécifique que ce montant figurera aussi lisiblement, donc dans les mêmes caractères, que tout le reste du dispositif.
J’avoue que je suis assez tentée par cette proposition.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Ah !
Mme Nicole Bricq. Nous aussi !
Mme Christine Lagarde, ministre. En effet, le consommateur emprunteur se pose naturellement la question de savoir ce qu’il devra rembourser et le montant de l’échéance apporte une réponse sur ce point.
M. Charles Revet. Exactement !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je suis partagée entre le souhait de répondre à cette question comme vous le proposez dans votre amendement, monsieur Revet, et ma préoccupation d’une information qui ne soit pas trop abondante, afin de satisfaire à une exigence de clarté.
Je vais donc m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée pour déterminer le sort de cet amendement, qui est, à certains égards, bien séduisant.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour avoir beaucoup « flirté » avec le surendettement (Exclamations), je juge extrêmement importante l’obligation de faire figurer le montant des remboursements. En effet, cette mention est parlante : elle peut entrer largement dans la décision de recourir ou non à l’emprunt, elle éclaire le consentement de la personne concernée en lui permettant de mettre en regard l’achat et ses capacités financières. Après tout, il ne s’agit guère que d’ajouter une ligne, et celle-ci me paraît tout à fait déterminante. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 77 est présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 101 rectifié bis est présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly et Payet et MM. Deneux, Détraigne, Dubois, Maurey, Portelli, Pozzo di Borgo, Zocchetto, Badré et Merceron.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-5 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit dans toute publicité, de proposer sous quelque forme que ce soit, des lots promotionnels liés à l'acceptation d'une offre préalable de crédit.
L’amendement n° 77 a déjà été défendu.
La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l'amendement n° 101 rectifié bis.
Mme Françoise Férat. L’objet de cet amendement est d’encadrer les modalités de souscription en interdisant l’offre de cadeaux ou de lots promotionnels pour inciter à l’ouverture d’un crédit.
En effet, il semble qu’aujourd’hui tous les moyens soient bons pour attirer un client. Les organismes de crédit usent et abusent de procédés qui sont souvent à la limite de l’illégalité pour proposer un crédit.
Nous avons tous vu des publicités promettant monts et merveilles au consommateur en cas de souscription. Ce sont des cadeaux soit en nature, comme une gamme de bagages, soit en numéraire, certains établissements offrant cinquante euros, quels que soient le montant et la durée du prêt, pour remercier les souscripteurs de leur confiance…
De même que la publicité peut être de nature trompeuse, il n’est pas admissible que la souscription d’un crédit puisse être influencée par l’offre d’un cadeau ou de lots promotionnels.
J’attire votre attention, madame la ministre, sur la précision à apporter aux appellations qui peuvent être données aux différentes formes d’incitations à l’ouverture d’un crédit. Que ce soient des cadeaux, des promotions ou des lots, la rédaction que nous avons retenue dans notre amendement sous les termes « lots promotionnels » a vocation à englober toutes les formes d’offres.
Soucieux de rationaliser la publicité portant sur des crédits à la consommation, les auteurs du présent amendement entendent donc interdire toute offre de cadeau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Madame Férat, cet amendement est très proche de l'amendement n° 22 que nous avons examiné tout à l’heure, sinon que le vôtre se limite au champ de la publicité. Je ne reprendrai donc pas les arguments que j’ai déjà exposés précédemment.
Dans un souci de cohérence avec le vote émis par le Sénat sur l’amendement n° 22, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement par souci de cohérence avec le vote sur l'amendement n° 22, rejeté après l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
M. Daniel Raoul. Errare humanum est, perseverare diabolicum !
M. le président. Madame Férat, l'amendement n° 45 est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je voudrais être certaine d’avoir bien compris l’objet de notre débat. La commission spéciale a été chargée d’examiner le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. J’avais cru comprendre que l’objectif était de lutter contre le surendettement, donc de le prévenir.
Nous savons que les personnes concernées ne forment pas un public averti. Je regrette donc que cet amendement de bon sens n’ait pas votre approbation, et je le maintiens.
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement va effectivement dans le même sens que celui que nous avons défendu tout à l’heure, sans réussir à convaincre ni le rapporteur ni le Gouvernement. En vertu de l’argumentation que j’ai développée pour présenter l'amendement n° 22, nous ne pouvons qu’approuver les amendements nos 77 et 101 rectifié bis.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 et 101 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme Odette Terrade. C’est bien dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code intitulée : « Crédit gratuit » devient la section 8 et il est rétabli une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Information précontractuelle de l'emprunteur
« Art. L. 311-6. - I. - Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur préalablement à la conclusion du contrat de crédit les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur compte tenu de ses préférences d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
« Un décret en Conseil d'État fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'information à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation. Cette fiche d'information comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5.
« II. - Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d'un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d'informations mentionnée au I soit remise à l'emprunteur sur le lieu de vente.
« Art. L. 311-7. - À sa demande, l'emprunteur reçoit sans frais, si le prêteur est disposé à lui consentir un crédit, outre les informations mentionnées à l'article L. 311-6, un exemplaire de l'offre de contrat.
« Toutes les informations complémentaires que le prêteur souhaite donner à l'emprunteur sont fournies dans un document distinct de la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. » – (Adopté.)
CHAPITRE III
CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT
Article 4
I. - La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code est intitulée : « Explications fournies à l'emprunteur et évaluation de sa solvabilité » et comprend les articles L. 311-8 à L. 311-10.
II. - A. - L'article L. 311-8 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-8. - Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit, fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données le cas échéant sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur.
« Lorsque le crédit est proposé sur un lieu de vente, le prêteur veille à ce que l'emprunteur reçoive ces explications de manière complète et appropriée sur le lieu même de la vente, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges.
« Le prêteur veille à ce que les personnes qu'il charge de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L. 311-10 soient dûment formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. Ces personnes sont inscrites sur un registre tenu par le prêteur à la disposition de l'autorité de contrôle sur le lieu de vente. » ;
B. - Après l'article L. 311-8 du même code, il est inséré un article L. 311-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-8-1. - Lorsqu'un prêteur ou un intermédiaire de crédit propose au consommateur, sur le lieu de vente, de souscrire un crédit pour financer l'achat de biens ou de prestations de services particuliers pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret, le consommateur doit disposer de la possibilité de souscrire une offre de crédit amortissable alternative à la souscription d'un contrat de crédit renouvelable. » ;
C. - L'article L. 311-9 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-9. - Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur évalue la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues à l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5. » ;
D. - L'article L. 311-10 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-10. - Lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 311-6 est remise par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur. Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier. Ladite fiche est signée ou authentifiée par l'emprunteur et contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Seules les informations figurant dans la fiche corroborées par des justificatifs peuvent être opposées à l'emprunteur. »
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Dans une autre vie, j’ai obtenu un premier prix au concours général de droit civil sur le droit des obligations, plus précisément sur la protection du consommateur. Ce chapitre qui porte sur les conditions de formation du contrat me semble très important, tant il est vrai que le consentement doit être libre et éclairé.
Notre collègue Charles Revet a présenté tout à l’heure un amendement tendant à former les jeunes à la gestion d’un budget, amendement qu’il a finalement retiré.
La navette parlementaire sur ce texte risque d’être relativement longue et il va sans doute s’écouler un certain temps d’ici à son application. Or il me semble que le Gouvernement devrait d’ores et déjà, à titre en quelque sorte prophylactique, communiquer auprès des emprunteurs potentiels avec les mêmes armes que celles dont usent les organismes de crédit afin de leur délivrer les informations de bon sens que ce texte rendra obligatoires.
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article L. 311-8 du code de la consommation, remplacer les mots :
veille à ce que l'emprunteur reçoive
par les mots :
fournit à l'emprunteur
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de la position de fond défendue par notre groupe sur ce texte.
L’article 4 traite des conditions générales fixant les procédures contractuelles propres à la passation des contrats de crédit à la consommation et, singulièrement, les éléments portés à la connaissance de l’emprunteur par le prêteur.
Nous ne pouvons que nous interroger sur la distinction, quelque peu spécieuse, qui découle de la rédaction proposée pour l’article L. 311-8 du code de la consommation, entre les contrats passés par consultation d’offres sur pièces, au siège ou dans la succursale de l’établissement de crédit ou par la voie électronique ou postale, et les contrats passés sur le lieu de vente.
La directive sur le crédit à la consommation est en effet à la fois claire et sujette à interprétation.
Ainsi, lorsque le contrat de prêt est passé dans les locaux de l’établissement de crédit, les garanties sont clairement précisées, et les dispositions du premier alinéa de l’article L. 311-8 s’appliquent.
Dans le cas où le crédit procède de l’activité accessoire du vendeur – en clair, lorsque l’activité principale du lieu de vente est de vendre des biens consommables ou d’assurer des prestations de service –, nous sommes sous l’empire de l’article 7 de la directive qui précise : « Les articles 5 et 6 ne s’appliquent pas aux fournisseurs de biens ou aux prestataires de services agissant en qualité d’intermédiaires de crédit à titre accessoire. La présente disposition ne porte pas atteinte à l’obligation du prêteur de veiller à ce que le consommateur reçoive les informations précontractuelles visées auxdits articles. »
Cela signifie concrètement que les mêmes précautions n’ont pas, a priori, à être mises en œuvre quand le contrat de crédit est souscrit sur le lieu de vente de biens et de services.
Or, nous le savons, une bonne part du malendettement des ménages provient précisément de la passation de contrats de crédit destinés à l’acquisition de biens consommables – mobilier, électroménager, informatique, moyens de transport – sur le lieu de vente.
Rappelons, car cela est loin d’être négligeable, que toutes les enseignes de la distribution ont partie liée par contrat avec certains opérateurs de crédit, dont ils proposent d’ailleurs systématiquement les services dès lors que leur clientèle sollicite des facilités de paiement.
On n’ose imaginer ce que cela donnera lorsque les centres commerciaux éloignés des centres villes seront ouverts au public les dimanches, tandis que seront fermés – encore faut-il l’espérer ! – les guichets des succursales bancaires et des agences d’assurance. Il s’agit là, bien sûr, d’un petit clin d’œil adressé au passage à ceux qui, comme notre rapporteur, sont de fervents partisans de l’extension du travail le dimanche…
Avec cette rédaction a minima de l’article L. 311-8, ce ne sont donc pas seulement les conditions entourant la passation d’un contrat de crédit qui sont en cause.
Comme l’article 7 de la directive dit à la fois une chose et un peu son contraire, on peut le concevoir comme une garantie que nous devons inclure dans le texte de la loi. En effet, la deuxième phrase de cet article 7 indique, je le répète : « La présente disposition ne porte pas atteinte à l’obligation du prêteur de veiller à ce que le consommateur reçoive les informations précontractuelles visées auxdits articles. »
Mes chers collègues, je vous invite à traduire dans le texte cette obligation d’information du consommateur par le prêteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Cet amendement vise à interdire l’activité des intermédiaires de crédit sur le lieu de vente puisqu’il tend à obliger le prêteur à fournir directement les explications au client : l’adoption de ce dispositif entraînerait donc la disparition d’une partie importante du crédit à la consommation sur le lieu de vente, ce qui aurait un effet particulièrement dévastateur.
Madame Terrade, je ne sais pas si tel est bien là votre objectif, mais, surtout dans la période actuelle, ce n’est pas celui de la majorité de la commission spéciale, qui trouve votre proposition trop radicale.
En revanche, par diverses mesures relatives à l’information, à la confidentialité, à la formation des vendeurs, à l’obligation d’une double offre de crédit, la commission a encore accru la responsabilisation de la distribution du crédit sur le lieu de vente. En conséquence, elle a émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Terrade, votre amendement tend à prévoir que le prêteur fournit les explications nécessaires à l’emprunteur. Dans le projet de loi, il est indiqué que « le prêteur veille à ce que l’emprunteur reçoive ces explications ». Vous faites donc expressément peser sur le prêteur l’obligation d’être à la disposition de l’emprunteur, quasiment sur le lieu de vente.
Compte tenu du nombre de magasins agréés par certains organismes spécialisés, l’adoption d’une telle disposition nécessiterait l’embauche de très nombreuses personnes ! Ce serait certes positif pour la situation de l’emploi, à laquelle nous sommes évidemment tous attachés, mais une telle exigence n’est pas tout à fait réaliste !
La commission a déjà mis en place une obligation de formation des intermédiaires pour les mettre en mesure de présenter les arguments de placement du crédit.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, qui va au-delà de ce qui est requis par la directive.
Mme Odette Terrade. Il y a une contradiction dans la directive !
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Cornu, est ainsi libellé :
Après la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 311-8 du code de la consommation, insérer une phrase ainsi rédigée :
Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de cette formation en fonction de l'activité exercée par ces personnes et des produits distribués sur le lieu de vente.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le texte proposé par le B du II de cet article pour l'article L. 311-8-1 du code de la consommation :
« Art. L. 311-8-1. - Le prêteur ne peut exciper du montant du crédit sollicité pour limiter l'offre de crédit proposée au consommateur. »
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 32.
Mme Nicole Bricq. Les banques ou les établissements de crédit ont actuellement une fâcheuse tendance à proposer de façon systématique un crédit renouvelable lorsque le montant de l’emprunt sollicité leur paraît trop faible. Ainsi, en dessous de 3 000 euros – le seuil varie entre 3 000 euros et 6 000 euros, selon les établissements –, les directives commerciales internes demandent aux conseillers de proposer à leurs clients un crédit revolving, dont on connaît les taux très élevés, plutôt que des prêts personnels, dont les taux sont plus raisonnables.
Cet amendement vise donc à interdire au prêteur d’invoquer le montant du crédit demandé pour limiter l’offre de crédit.
Afin de prouver que notre démarche n’est pas partisane, j’indique que cet amendement s’inspire d’une disposition de la proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Marini, qui visait à imposer au prêteur de proposer un crédit affecté au lieu d’un crédit revolving. Quelques mois plus tard, nous constatons que les griffes de notre rapporteur général semblent s’être quelque peu émoussées. Nous l’avions regretté en commission spéciale. Peut-être n’aurons-nous pas à le regretter ce soir ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. C’est ça l’ouverture, chez nous ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 73.
Mme Odette Terrade. Chacun l’aura compris, nous sommes assez nettement opposés au recours au crédit renouvelable pour ce qui est du crédit à la consommation. Cette opposition de principe trouve notamment sa source dans la dérive observée depuis plusieurs années et qui tend à faire du crédit renouvelable le fondement de l’intervention de nombreux établissements de crédit. Cette dénaturation du crédit, qui occulte le recours possible au prêt bancaire personnel ou au prêt affecté, en général assortis de taux d’intérêt bien moindres que ceux qui grèvent le prêt renouvelable, soulève un certain nombre de problèmes.
L’offre de crédit doit être recentrée en fonction des usages et le crédit renouvelable redevenir une sorte d’ultime recours. À dire vrai, le développement du crédit renouvelable, même considéré comme limité dans notre pays – certains y voient même un facteur de ralentissement de la croissance économique générale –, pose une question de fond : pour un établissement de crédit, le plus important est-il le volume d’intérêts qu’il va pouvoir engranger à partir des prélèvements opérés sur le compte des emprunteurs ou la réponse adaptée qu’il est censé apporter à l’insuffisance des disponibilités immédiates de ces emprunteurs, sans prendre le risque de la perte de créance ?
Le crédit renouvelable fait penser à ces réseaux de salles de cinéma qui attirent le client en proposant des cartes d’accès illimité et pour qui le plus important n’est plus de diffuser des films auprès du plus large public, mais de faire en sorte que ce large public s’arrête aussi longtemps que possible au bar du complexe ou devant les distributeurs de confiseries. Une pratique commerciale systématique des établissements de crédit vise à imposer au client, dès lors que les sommes empruntées sont relativement faibles, de recourir au crédit renouvelable en lieu et place de toute autre formule.
La meilleure illustration du malendettement est sans doute cette pratique qui consiste à « proposer », pour des prêts de faible montant, des prêts à taux d’intérêt élevés là où un prêt affecté de courte durée ou un prêt personnel à mensualités fixes pourrait suffire.
L’offre de crédit doit – c’est d’ailleurs le sens même de la directive – être diversifiée et s’adapter de fait aux conditions choisies par la clientèle. L’article 4 de la directive est tout à fait explicite à cet égard.
L’établissement de crédit ne doit pas pouvoir imposer au particulier emprunteur de recourir au crédit qui est, de fait, assorti des taux d’intérêt les plus élevés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. L’idée, parfaitement recevable, que défendent Mmes Bricq et Terrade a été évoquée par des membres des différents groupes de notre assemblée. Cependant, entre-temps, nous avons amélioré le système. La commission spéciale a en effet décidé qu’un crédit alternatif serait proposé au-delà d’un certain seuil. Nous le verrons dans quelques instants lorsque nous examinerons l’amendement présenté par notre collègue Claude Biwer : plus le montant du crédit sera faible et plus le délai de remboursement sera court, même pour un crédit renouvelable inférieur ou égal à 600 euros. Et ce délai sera fixé par décret.
L’intention était louable, mais la commission spéciale a choisi de retenir une idée meilleure encore. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. À Nicole Bricq, qui considère que mes griffes semblent émoussées, je voudrais dire qu’elles sont simplement rétractées. (Rires.)
Mes chers collègues, vous devez désormais considérer le projet de loi tel qu’il ressort des travaux de la commission spéciale, et donc désormais assorti de l’obligation de proposer une alternative : outre l’éventuelle offre de crédit renouvelable, l’offre d’un crédit amortissable. Cette disposition change toute la perspective du débat !
Comme cela est souligné dans le rapport, la « commission spéciale a relevé que, s’agissant du devoir d’explication, la rédaction de l’article L. 311-8 différait légèrement de celle du texte de la directive communautaire ». Il est à noter que cela demeure dans des limites acceptables.
Par ailleurs, ayant « souhaité renforcer le devoir de conseil sur le lieu de vente, […] elle a imposé au prêteur de veiller à ce que les personnes qu’il charge de fournir à l’emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l’établissement de la fiche de dialogue soient dûment formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement », étant entendu que « la “traçabilité” de cette obligation de formation [serait] assurée par un registre des personnels formés, tenu sur le lieu de vente à la disposition de l’autorité de contrôle ».
Voilà qui est de nature à modifier substantiellement ce qui avait suscité nos critiques. Je le répète, le texte sur lequel nous sommes maintenant appelés à nous prononcer n’est plus tout à fait le texte initial du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 73.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 96, présenté par Mme Dini, M. Biwer et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du texte proposé par le C du II de cet article pour l'article L. 311-9 du code de la consommation, remplacer le mot :
évalue
par le mot :
vérifie
II. - Compléter la même phrase par les mots :
et notamment par la communication des trois derniers relevés mensuels du compte bancaire où figurent les ressources et les charges de l'emprunteur
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet amendement est, à mon sens, absolument fondamental. Il vise à préciser les obligations du prêteur lors de la formation du contrat de crédit. Jusqu’à maintenant, ces obligations ont largement été définies par la jurisprudence de la Cour de cassation, le code de la consommation ne prévoyant aucune obligation pesant sur le prêteur relativement au conseil ainsi qu’à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur.
La Cour de cassation a ainsi jugé, le 12 juillet 2005, qu’une banque avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard des emprunteurs sur les risques d’endettement « en ne vérifiant pas leurs capacités financières et en leur accordant un prêt excessif au regard de leurs facultés contributives ». Je tiens à insister sur les termes mêmes employés par la Cour de cassation : « vérifier les capacités financières et les facultés contributives ».
La première partie de cet amendement vise donc à reprendre la formulation de la Cour, car la rédaction actuelle du projet de loi me paraît rester passablement en deçà de la jurisprudence : elle prévoit seulement que « le prêteur évalue la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations ». Or une simple évaluation semble laisser la place à quelques approximations. L’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur n’est pas suffisante : le prêteur doit la vérifier.
Cette modification, que d’aucuns jugeront sans doute purement lexicale, peut, pour certains emprunteurs, marquer la frontière entre crédit supportable et surendettement.
Quant aux facultés contributives des emprunteurs, la meilleure façon de les connaître est de se fonder sur les relevés bancaires des trois derniers mois. En effet, le système déclaratif n’est pas efficace dès lors que même les consommateurs de bonne foi, s’ils connaissent leurs revenus, ne connaissent pas toujours l’intégralité de leurs charges.
Je tiens enfin à souligner que cet article ne concerne pas les opérations de crédit conclues sur le lieu de vente et que les dispositions prévues par cet amendement ne peuvent nullement entraîner une diminution des demandes de crédit.
En tant que parlementaires, nous sommes tous sensibilisés à l’efficacité des contrôles « sur pièces et sur place ». Sans exiger un contrôle sur place de la part des établissements bancaires et des organismes de crédit, un contrôle sur pièces est la moindre des choses.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le C du II de cet article pour l'article L. 311-19 du code de la consommation, remplacer le mot :
évalue
par le mot :
vérifie
et les mots :
d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur
par les mots :
de pièces justificatives par décret
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Je défendrai en même temps les amendements nos 70 et 69, monsieur le président.
Quand on transpose en droit national une directive européenne, il y a une méthode qui consiste, dans un premier temps, à procéder à l’insertion la plus fidèle possible, dans la législation de l’État membre, des dispositions de la directive. Mais il y a toujours place, à moins que quelque chose ne nous ait échappé, pour étendre les garanties et les protections accordées aux citoyens dans la mise en œuvre de la législation communautaire.
Dans le cadre de la directive, le principe général est fixé par l’article 8, qui fait obligation au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur : souci parfaitement légitime puisqu’il s’agit en particulier d’éviter les phénomènes, trop longtemps observés, de passation de contrats de crédit en méconnaissance quasi-totale de la réalité des ressources de l’emprunteur.
Pour autant, une fois posé le principe de l’obligation du prêteur de s’assurer de la solvabilité de l’emprunteur, vient la seconde question : devons-nous passer par la voie d’un système déclaratif du type de celui qui est mis en œuvre, par exemple, en matière d’impôt ou devons-nous opter pour une formule plus « encadrée », fondée sur la production de pièces établissant sans équivoque les capacités financières de l’emprunteur ?
De ce point de vue, le texte semble favoriser le recours à un système déclaratif, qui n’est certainement pas le plus judicieux et qui devrait alimenter, dans le futur, une bonne partie du contentieux et de l’activité des commissions de surendettement : il est évident que, face à une situation financière « déclarée » par l’emprunteur, le prêteur ne proposera pas nécessairement l’offre de crédit la plus « adaptée » à sa situation.
Nous sommes partisans, pour notre part, d’un système fondé sur un échange d’informations plus pertinentes, destinées à être précisées par décret, ne laissant place ni à l’équivoque ni à la publicité des situations individuelles, c’est-à-dire garantissant la plus totale confidentialité.
Cela dit, on peut fort bien concevoir, à l’avenir, de demander aux établissements de crédit où les particuliers disposent d’un compte courant de produire des relevés bancaires de caractère synthétique, regroupant sous de grandes rubriques, d’abord les dépenses courantes du titulaire du compte, ensuite les prélèvements dont son compte fait l’objet – souvent pour solder des dépenses fixes du ménage – et, enfin, les retraits d’argent liquide qu’il a pu effectuer sur une période donnée. En tout cas, la production concrète de documents précis peut éviter et prévenir les mésaventures du malendettement et constituer autant d’éléments qui permettront de régler les éventuels contentieux ultérieurs.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
À la première phrase du texte proposé par le C du II de cet article pour l'article L. 311-9 du code de la consommation, remplacer les mots :
d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies
par les mots :
des informations et les justificatifs fournis
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Biwer, Portelli et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du texte proposé par le C du II de cet article pour l'article L. 311-9 du code de la consommation par les mots :
et notamment par la communication des trois derniers relevés mensuels du compte bancaire où figurent les ressources et les charges de l'emprunteur
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Le texte proposé par le Gouvernement affirme le principe de l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur par le prêteur sur la foi des déclarations du client et après interrogation du FICP, c'est-à-dire le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Une telle procédure, à peine différente de celle qui se pratique à l'heure actuelle, est notoirement insuffisante et ne permet nullement de connaître la situation financière réelle de l'emprunteur.
Ce sont les raisons pour lesquelles le présent amendement, qui s’inscrit dans la logique des précédents, impose à l'emprunteur de communiquer au prêteur les trois derniers relevés mensuels du compte bancaire où figurent ses ressources et ses charges. Cela permettra au prêteur d'avoir une vue plus objective de la situation financière de l'emprunteur et d'appliquer ainsi, en bon professionnel du crédit, les règles prudentielles en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Le fait d’exiger systématiquement des clients la production de justificatifs pour souscrire un crédit à la consommation est une contrainte extrêmement pénalisante pour près de 94 % des souscripteurs. Nous avons longuement débattu, au sein de la commission spéciale, du profil de solvabilité des emprunteurs et nous avons étudié l’éventail des dispositions qui pouvaient être prises afin de mesurer cette solvabilité.
En ce qui concerne les justificatifs, la communication des trois derniers relevés mensuels du compte bancaire me paraît assez inefficace. De nombreux foyers possèdent en effet plusieurs comptes bancaires ou postaux. Il est donc tout à fait possible de produire un relevé bancaire sur lequel figurent peu de mouvements, présentant l’apparence d’une bonne solvabilité, tandis qu’un autre compte sera beaucoup plus tendu, régulièrement à découvert, comportant de nombreuses échéances, notamment de crédits renouvelables. Par conséquent, les relevés bancaires ne m’apparaissent comme un bon instrument d’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur.
Par ailleurs, il me semble qu’une telle pratique serait quelque peu embarrassante pour les habitants d’une petite ville ou d’une ville moyenne qui souhaitent avoir recours à un crédit à la consommation. Le fait de devoir présenter des relevés dans une grande surface, par exemple, ne me paraît pas offrir, dans une situation de ce genre, toutes les garanties de confidentialité.
La solution proposée par la commission spéciale est, selon moi, beaucoup plus équilibrée. Lors de l’établissement de la fiche de dialogue entre le prêteur et l’emprunteur, il appartiendra au prêteur de demander les justificatifs qui lui conviennent en fonction de la nature ou de l’importance du crédit demandé. À petit crédit, justificatifs modestes ; à crédit plus important, justificatifs plus substantiels ! Les justificatifs demandés seront inscrits sur la fiche de dialogue.
Je préfère donc nettement la formule retenue par la majorité de la commission spéciale, modulant les justificatifs en fonction de l’importance du crédit accordé. Cette formule répond à la fois au souci de confidentialité dans les agglomérations de taille moyenne et au souci pratique pour près de 94 % des consommateurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande le retrait des quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement a le même avis que M. le rapporteur : il sollicite le retrait des quatre amendements ; à défaut, il y serait défavorable.
Vous avez établi, madame Dini, une distinction entre l’évaluation et la vérification de la solvabilité. Le choix du verbe « évaluer » n’est pas le fruit du hasard. L’évaluation fait intervenir le jugement du prêteur qui, à partir des informations obtenues, déterminera l’attitude qui lui paraît appropriée. C’est un rôle actif d’appréciation que sous-entend la formule selon laquelle « le prêteur évalue la solvabilité de l’emprunteur ». Ce n’est pas une simple question de lexicologie : c’est l’ouverture d’une nouvelle jurisprudence, appelée à se développer, sans avoir nécessairement besoin de s’accrocher à une jurisprudence antérieure.
Encore une fois, le terme « évalue » a été choisi à dessein, pour signaler le rôle que doit jouer le discernement du prêteur dans l’appréciation du risque.
J’ajoute que la formulation retenue par la commission spéciale est très habile. Puisque « seules les informations figurant dans la fiche corroborées par des justificatifs peuvent être opposées à l’emprunteur », le prêteur, s’il veut pouvoir un jour, dans le cadre d’un éventuel contentieux, exciper d’informations erronées données par l’emprunteur, sera nécessairement conduit à exiger la fourniture de justificatifs.
Ce dispositif, qui nous paraît parfaitement équilibré, repose sur une relation transparente et confiante entre le prêteur et l’emprunteur. À cet égard, il répond à l’objectif de responsabilisation que nous plaçons au cœur de ce projet de loi.
M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 96 est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Je vais sans doute choquer certains d’entre vous, mais je ne suis pas certaine que l’évaluation par un prêteur, qui a de toute façon intérêt à prêter, soit aussi objective qu’on veut bien le croire. La vérification par le prêteur de la solvabilité de l’emprunteur me semble plus stricte. De surcroît, c’est le terme retenu par la Cour de cassation.
En ce qui concerne les trois derniers relevés bancaires, il ne s’agit pas de les présenter sur les lieux de vente. Il n’est nullement question d’obliger les consommateurs à se promener en permanence avec leurs trois derniers relevés bancaires en poche ! Il ne s’agit pas ici d’emprunts susceptibles d’être souscrits de manière quasi impromptue, dans un magasin.
Je maintiens donc l’amendement n° 96.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Ayant longtemps partagé les préoccupations des auteurs de ces amendements,…
Mme Nicole Bricq. C’est bien ce que j’ai dit !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … je m’emploierai à les convaincre que la solution qu’ils proposent n’est pas adéquate.
D’abord, les amendements que nous examinons sont de portée générale, c’est-à-dire susceptibles de s’appliquer aussi bien à l’offre de crédit sur les lieux de vente qu’à toute autre forme de distribution du crédit.
Ensuite, s’agissant des relevés de compte bancaire, comme l’a dit très justement le rapporteur, rien ne permet à un distributeur de crédit de s’assurer que l’emprunteur n’a qu’un seul compte bancaire. Il ne dispose évidemment d’aucun moyen légal coercitif pour s’en assurer.
Les problèmes de confidentialité et de vie privée qui ont été invoqués se posent effectivement, non seulement dans les petites villes, monsieur le rapporteur, mais aussi dans de plus grandes. Ne dit-on pas que les quartiers de Paris sont des villages ? (Sourires.)
M. Philippe Dominati, rapporteur. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Le fait de devoir présenter les trois derniers relevés de compte bancaire, avec tous les mouvements qui s’y inscrivent, peut en effet être matière à indiscrétions.
La commission spéciale, je le souligne à mon tour, s’est efforcée de trouver une rédaction équilibrée sur cette question centrale de la solvabilité de l’emprunteur. C’est un élément clé du dispositif que nous examinons. C’est un élément clé du point de vue du prêteur, qui a intérêt à être remboursé et à avoir le taux de contentieux le plus bas possible. Mais pour nous en tenir à l’intérêt général, nous avons pensé trouver un équilibre entre les contraintes pesant sur les consommateurs et la nécessaire appréciation du prêteur, sur la base du dialogue avec le client. C’est pourquoi nous avons prévu que les mentions figurant sur la fiche de dialogue ne puissent faire foi que si elles sont corroborées par des justificatifs.
En cas de contestation, si un prêteur a accordé un concours dans des conditions manifestement négligentes à une personne manifestement peu solvable, sa responsabilité pourra être recherchée, notamment au terme d’un examen en commission de surendettement, examen qui, comme vous le savez, est de la responsabilité d’un juge.
En toute objectivité, je pense sincèrement qu’il n’est pas possible d’aller au-delà.
Au demeurant, les charges et les ressources de l’emprunteur peuvent être complexes, multiformes ; elles ne figurent pas nécessairement dans les relevés de compte. Les auteurs des amendements nos 96 et 2 rectifié bis l’ont d'ailleurs bien senti puisqu’ils ont eu recours à l’adverbe « notamment » : « et notamment par la communication des trois derniers relevés mensuels… » Il paraît vraiment difficile de prévoir dans ce texte un dispositif qui soit aussi contraignant sans être pour autant exhaustif.
Nous voudrions vous convaincre, M. le rapporteur et moi-même, que nous partageons les mêmes objectifs, mais que les solutions proposées ne sont pas de nature à apporter des progrès significatifs. C’est pourquoi nous sollicitons le retrait de ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les organismes de crédit demandent déjà les relevés bancaires du compte principal, c'est-à-dire celui sur lequel est versé le salaire.
Le texte qui nous est soumis vise à encadrer le crédit et à protéger le consommateur. Or le fait de se voir refuser un crédit peut rendre service à un consommateur surendetté ou présentant un risque de surendettement, et c’est précisément l’un des objectifs du projet de loi.
Par ailleurs, il n’y a rien d’indigne à se promener avec trois relevés bancaires sur lesquels le prêteur potentiel pourra suivre les mouvements du compte et d’éventuels incidents.
J’ajoute que les magasins d’électroménager et autres distributeurs de crédits ont aménagé des lieux pour recevoir les clients dans des conditions de confidentialité qui ne sont pas plus mauvaises qu’à la sécurité sociale !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L’amendement n° 96, présenté par nos collègues du groupe centriste, est intéressant.
Il me semble que la commission et le Gouvernement pourraient en accepter au moins la première partie. Mme Dini a raison : le verbe « vérifier » est beaucoup plus précis que le verbe « évaluer ». Il s’agit bien d’une vérification plutôt que d’une simple évaluation qui, par définition, peut être estimative.
S’agissant de la deuxième partie de l’amendement, je comprends que Mme Dini y tienne. Mme Goulet l’a souligné, le fait de demander les trois derniers relevés du compte sur lequel est versé le salaire est une pratique assez courante, j’en ai moi-même fait l’expérience dans ma vie professionnelle. On peut certes objecter que cela ne relève pas forcément du domaine de la loi, mais je pense que les auteurs de l’amendement veulent exprimer la nécessité de demander des justificatifs.
Évidemment, il n’est pas très facile de vérifier si une pratique est bonne ou mauvaise ; en tout cas, je crois avoir montré tout à l’heure, en défendant un amendement, que certaines pratiques commerciales étaient hautement critiquables.
Quoi qu'il en soit, il me semble que le Gouvernement et le rapporteur devraient faire un effort au moins sur le I de l’amendement n° 96. Toujours est-il que, si Mme Dini le maintient, nous le voterons.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Mme Bricq m’a ôté les mots de la bouche !
Vous m’avez effectivement convaincue, madame la ministre, monsieur le rapporteur, à propos des relevés bancaires. Il est vrai que, de nos jours, les ménages, qui ne sont pas toujours mariés, ont souvent deux comptes. Il est donc extrêmement difficile de vérifier.
En revanche, je tiens beaucoup à la première partie de mon amendement et au mot « vérifier ». Par conséquent, monsieur le président, je rectifie mon amendement en en supprimant le II.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 96 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Biwer et les membres du groupe Union centriste. Il est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le C du II de cet article pour l'article L. 311-9 du code de la consommation, remplacer le mot :
évalue
par le mot :
vérifie
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Bricq. Vous êtes une femme de compromis !
Mme Christine Lagarde, ministre. Pardon, je m’adresse à Mme Dini, même si je vous ai aussi écoutée avec la plus grande attention, madame Bricq !
Cela étant, je ne suis pas certaine que l’on ne réduise pas trop le rôle donné au prêteur en préférant la vérification à l’évaluation. Cette dernière implique effectivement une appréciation du risque sous la responsabilité du prêteur. Ce débat nous a tout de même donné l’occasion de mesurer la valeur de la vérification, comparée à l’évaluation.
Il restera, si l’amendement n° 96 rectifié est adopté, à procéder à un toilettage du reste du texte, pour substituer le mot « vérification » au mot « évaluation », chaque fois que nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Nous soutenons également la substitution de la vérification à l’évaluation, mais je voudrais revenir sur la communication des trois derniers relevés mensuels du compte bancaire. Certes, les ménages peuvent avoir plusieurs comptes bancaires, mais il est bien évident que le prêt ne sera pas accordé si le compte sur lequel est viré le salaire fait apparaître des dépenses trop importantes.
Tout à l’heure, je proposais une forme de relevé qui indiquerait des montants globaux et sur lequel ne figurerait pas le détail de tous les prélèvements. Rien ne s’opposerait à ce que l’on puisse présenter ses comptes bancaires de cette façon.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.
M. Claude Biwer. Ce n’est pas tout à fait sans raison que nous avons déposé ces amendements. Même si je comprends les raisons pour lesquelles on peut s’y opposer, j’éprouve quelques regrets.
Il est vrai que des crédits ne sont pas remboursés. M. le rapporteur a précisé que la proportion de mauvais payeurs s’élevait à 7 %. Ce sont évidemment les emprunteurs sérieux, honnêtes, qui paient pour ces 7 %, étant entendu qu’il faut aussi ajouter les frais de contentieux aux sommes dues.
J’ai du mal à comprendre, dans ces conditions, qu’on renonce à demander à l’emprunteur de présenter un document supplémentaire, pour que son dossier soit aussi bien préparé que possible, sous prétexte de ne pas lui créer de difficultés. Je trouve cela dommage ! Une fois de plus, on soutient finalement le tricheur, en oubliant les autres, qui rapportent pourtant des sommes sans lesquelles on ne pourrait pas prêter. Bref, une fois de plus, on oublie les victimes !
Muguette Dini ayant retiré de son amendement la partie qui était identique à ma propre proposition, je retire également le mien, mais je regrette que l’on continue à accepter que ceux qui ont envie de tricher puissent présenter un faux relevé. Pourquoi pas, demain, une fausse carte d’identité, un faux permis de conduire, etc. ? Je crois que, si nous acceptons cela, nous n’assumons pas nos responsabilités.
Le président de la commission spéciale nous a dit avoir été longtemps de notre avis. Qu’il le soit resté quarante-huit heures de plus nous aurait tous bien arrangés, et nous aurions gagné du temps ! (Sourires.)
M. Philippe Dominati, rapporteur. Je voudrais préciser quelques points.
Premièrement, le chiffre de 93 % que j’ai évoqué est la proportion d’emprunteurs avec qui il n’y a aucun incident. Dans les 7 % restants, se trouvent un certain nombre d’emprunteurs qui ont effectivement connu un incident, mais celui-ci a été promptement réglé, et ces emprunteurs-là ne posent pas véritablement de problèmes. L’insolvabilité ne concerne en réalité que 2 % à 3 % des personnes ayant recours au crédit renouvelable.
Deuxièmement, pour ma part, je persiste à préférer une évaluation à une vérification, qui présente un caractère un peu automatique. Si de fausses pièces sont présentées, on ne s’y arrêtera pas : on retiendra simplement que des relevés ou d’autres documents ont été produits et l’on considérera que la vérification a bien eu lieu. L’évaluation engagerait davantage l’établissement prêteur.
Troisièmement, si j’étais plutôt défavorable à la présentation des trois derniers relevés bancaires, c’est parce que je crois en la fiche de dialogue, que nous avons enrichie d’une procédure de dialogue interactif entre le prêteur et l’emprunteur. La vérification des justificatifs se fait alors en fonction de l’importance du crédit.
Dès lors, je pense que ces amendements n’ont plus vraiment lieu d’être. Je me rallie néanmoins à l’avis émis par le Gouvernement à propos de l’amendement n° 96 rectifié.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 72 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 70.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Portelli et del Picchia, Mmes Desmarescaux et B. Dupont, M. B. Fournier, Mme Keller, MM. Laménie, Lefèvre, Leleux et Leroy, Mme Malovry, MM. Milon, Pierre et Pinton, Mmes Payet et Garriaud-Maylam, MM. Demuynck et Juilhard, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le C du II de cet article pour l'article L. 311-9 du code de la consommation, remplacer le mot :
consulte
par les mots :
doit, sous peine de sanction prévue au deuxième alinéa de l'article L. 311-47 du code de la consommation, consulter
La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Il convient de rappeler que la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers est une obligation pour le prêteur avant la conclusion d'un contrat de crédit, le manquement à cette obligation pouvant entraîner les sanctions prévues à l'article L. 311-47 du code de la consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Cet amendement est d’ores et déjà totalement satisfait par le texte.
D’une part, la consultation du FICP est obligatoire lors de l’évaluation de la solvabilité. L’éminent professeur de droit qu’est notre collègue Portelli le sait mieux que quiconque : le présent de l’indicatif emporte obligation ; autrement dit, les formules « consulte » et « doit consulter » sont, sur le plan juridique, strictement équivalentes. C’est pourquoi la loi utilise toujours ce présent de l’indicatif, comme le fait le texte actuellement proposé pour l’article L. 311-9.
S’agissant de la sanction, l’amendement renvoie au deuxième alinéa de l’article L. 311-47, lequel vise lui-même expressément l’article L. 311-9 pour indiquer à quelles infractions sont applicables les sanctions qu’il prévoit. On tourne donc en rond, et la précision suggérée par nos collègues est, elle aussi, véritablement superfétatoire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis, monsieur le président.
J’ajoute aux excellents arguments développés par M. le rapporteur que, si l’on devait mentionner, eu égard à la consultation obligatoire du FICP, la sanction qui s’appliquerait à la non-consultation, il faudrait aussi ajouter la sanction qui serait applicable à toutes les autres obligations faisant l’objet d’une sanction car, par défaut et a contrario, on aurait le sentiment que cette sanction ne s’applique qu’à cette obligation et non aux autres ; un bon juriste ou un bon tribunal pourraient retenir cette analyse.
Je pense donc qu’il serait plus prudent de retirer l’amendement n° 6 rectifié ter.
M. le président. Monsieur Fournier, l'amendement n° 6 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Bernard Fournier. Non, monsieur le président : ayant attentivement écouté les explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je le retire, naturellement.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 69, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
A la deuxième phrase du texte proposé par le D du II de cet article pour l'article L. 311-10 du code de la consommation, remplacer le mot :
éléments
par le mot :
justificatifs
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Je crois, madame Terrade, avoir donné suffisamment d’explications à l’occasion de la discussion des précédents amendements. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. - La section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code intitulée : « Crédits affectés » devient la section 9 et il est rétabli une section 5 intitulée : « Formation du contrat de crédit », qui comprend les articles L. 311-11 à L. 311-17.
II. - A. - Les articles L. 311-11 et L. 311-12 du même code sont ainsi rétablis :
« Art. L. 311-11. - L'offre de contrat de crédit est établie par écrit ou sur un autre support durable. Elle est remise ou adressée en autant d'exemplaires que de parties, et le cas échéant, à chacune des cautions.
« La remise ou l'envoi de l'offre de contrat de crédit à l'emprunteur oblige le prêteur à en maintenir les conditions pendant une durée minimale de quinze jours à compter de cette remise ou de cet envoi.
« Art. L. 311-12. - L'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 311-18. Afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint au contrat de crédit. L'exercice par l'emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier.
« À compter du jour suivant la mise à disposition des fonds à l'emprunteur et, en cas de rétractation, l'emprunteur rembourse au prêteur le capital versé et paye les intérêts cumulés sur ce capital depuis la date à laquelle le crédit lui a été versé jusqu'à la date à laquelle le capital est remboursé, sans retard indu et au plus tard trente jours calendaires révolus après avoir envoyé la notification de la rétractation au prêteur. Les intérêts sont calculés sur la base du taux débiteur figurant au contrat. Le prêteur n'a droit à aucune autre indemnité versée par l'emprunteur en cas de rétractation.
« En cas d'exercice de son droit de rétractation, l'emprunteur n'est plus tenu par le contrat de service accessoire au contrat de crédit. » ;
B. - L'article L. 311-14 du même code est ainsi rédigé :
« Le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que le dit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-15 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur. » ;
C. - L'article L. 311-15 du même code est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Tant que l'opération n'est pas définitivement conclue » sont remplacés par les mots : « Pendant un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat par l'emprunteur » ;
2° À la dernière phrase, les mots : « ou postal » sont supprimés ;
D. - L'article L. 311-16 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti » sont remplacés par les mots : « l'établissement d'un contrat de crédit est obligatoire pour la conclusion du crédit initial et, dans les mêmes conditions, pour toute augmentation de ce crédit consentie ultérieurement » ;
2° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Tout crédit correspondant à cette définition est désigné dans tout document commercial ou publicitaire par le terme : « crédit renouvelable », à l'exclusion de tout autre » ;
3° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ce cas, le contrat de crédit prévoit que chaque échéance comprend un remboursement minimal du capital emprunté, qui varie selon le montant total du crédit consenti et dont les modalités sont définies par décret. »
4° Au deuxième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé, deux fois, par le mot : « Il » ;
5° Le pénultième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le prélèvement de la cotisation subordonnée au bénéfice du moyen de paiement associé au contrat de crédit ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions du présent alinéa. » ;
E. - L'article L. 311-17 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-17. - Lorsque le crédit renouvelable mentionné à l'article L. 311-16 est assorti de l'usage d'une carte ouvrant droit à des avantages commerciaux et promotionnels, le bénéfice de ces avantages ne peut être subordonné à l'utilisation à crédit de la carte. Dans ce cas, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit a l'obligation de proposer au consommateur la possibilité de payer au comptant avec cette carte. L'utilisation du crédit résulte de l'accord exprès du consommateur exprimé lors du paiement avec la carte ou dans un délai raisonnable, à réception du relevé mensuel d'opérations prévu à l'article L. 311-26.
« Outre les mentions obligatoires prévues à l'article L. 311-4, la publicité portant sur les avantages commerciaux et promotionnels ouverts par la carte mentionnée au premier alinéa indique à l'emprunteur les modalités selon lesquelles cette carte offre la possibilité de payer au comptant ou à crédit et l'informe des modalités d'utilisation du crédit.
« Outre les obligations prévues à l'article L. 311-18, le contrat de crédit indique à l'emprunteur les modalités selon lesquelles cette carte offre la possibilité de payer au comptant ou à crédit et l'informe des modalités d'utilisation du crédit. » ;
F. - Après l'article L. 311-17, il est inséré un article L. 311-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-17-1. - Lorsqu'une carte de paiement émise par un établissement de crédit permettant à son titulaire de retirer ou transférer des fonds est assortie d'un crédit renouvelable, l'utilisation du crédit doit résulter de l'accord exprès du consommateur exprimé lors du paiement avec la carte ou dans un délai raisonnable, à réception du relevé mensuel d'opérations prévu à l'article L. 311-26.
« La publicité portant sur la carte mentionnée à l'alinéa précédent informe le consommateur des modalités d'utilisation du crédit. »
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 311-12 du code de la consommation :
« La mise à disposition des fonds ne prend effet qu'à l'expiration de ce délai.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Je défendrai en même temps les amendements nos 66 et 65.
Alors même que le délai de rétractation de l’emprunteur est rétabli à deux semaines, comme c’était le cas dans la loi Scrivener de 1976, la somme empruntée pourrait, en vertu des dispositions du présent texte, être versée dans des délais inférieurs au délai de rétractation.
On voit immédiatement le problème qui pourrait surgir, et il n’est pas que technique : en cas de rétractation, l’emprunteur sera dans l’obligation de rembourser la somme au prêteur avec application d’un taux d’intérêt. Une telle procédure risque fort de contraindre certains emprunteurs à une gymnastique passablement complexe puisqu’ils devront non seulement se dessaisir immédiatement de la somme qu’ils auront empruntée, mais de surcroît s’acquitter de quelques dizaines ou centaines d’euros au titre des intérêts.
Je prendrai un exemple simple. Vous empruntez 30 000 euros au taux d’intérêt de 12 %, c’est-à-dire un point par mois. Vous faites jouer votre droit à rétractation, et vous remboursez les 30 000 euros dans le mois suivant, plus 300 euros d’intérêts.
À la limite, nous pourrions avoir une situation où les emprunteurs n’emprunteraient plus rien, mais devraient en revanche payer des intérêts pour une somme ayant seulement transité sur leur compte bancaire !
Il convient de n’autoriser le versement des sommes demandées au titre du prêt qu’à l’expiration du délai de rétractation, lorsque l’emprunteur a donné son accord effectif quant aux conditions générales du prêt.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Le délai de sept jours pour la mise à disposition des fonds apparaît comme un compromis équilibré entre la protection du consommateur dans le cadre d’un achat précipité et le besoin de se procurer les biens jugés nécessaires.
Le crédit renouvelable est souvent utilisé pour faire face à un imprévu. Or, lorsqu’il faut répondre à l’urgence, un délai de quatorze jours correspondant au droit de rétractation semble quelque peu déraisonnable.
Comme je viens de l’indiquer, le gel de l’exécution du contrat pendant sept jours assure l’effectivité de la faculté de rétractation de l’emprunteur dans un délai suffisant pour lui permettre de mener à bien sa réflexion. Sur ce point, le projet de loi reprend le droit en vigueur, qui s’applique jusqu’à présent de manière tout à fait satisfaisante, cela nous a été précisé tant par les prêteurs que par les consommateurs lors de nos auditions.
En revanche, prévoir que la mise à disposition des fonds ne prend effet qu’à l’expiration du délai de rétractation serait excessif. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° du C du II de cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 46, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Dans le 1° du C du II de cet article, après les mots :
sept jours
insérer les mots :
qui pourra être ramené à trois jours dans le cas visé au deuxième alinéa du 2° de l'article L. 311-36,
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Le projet de loi maintient l’interdiction qui est actuellement faite au prêteur de verser les fonds avant un délai de sept jours à compter de l’acceptation par l’emprunteur.
Il omet toutefois de reprendre l’exception prévue par la législation actuelle pour les crédits affectés, qui permet au prêteur de verser les fonds avant ce délai de sept jours si le client a demandé la livraison immédiate du bien financé. Cette exception permet au vendeur d’être payé au moment de la livraison et donc de livrer le bien dans les trois jours, répondant ainsi aux attentes du client.
C’est notamment le cas dans des situations exceptionnelles. Ainsi, s’agissant d’un crédit affecté, devoir attendre huit jours en plein hiver pour que la chaudière soit remplacée peut tout de même poser quelques problèmes…
Par conséquent, cet amendement vise à maintenir le mécanisme spécifique en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 65 pour les raisons invoquées à propos de l’amendement précédent.
S’agissant de l’amendement n° 46, je voudrais rassurer notre collègue Charles Revet. Les règles propres aux crédits affectés sont maintenues à la section 9 du présent projet de loi, qui leur est consacrée. Je pense en particulier au texte proposé pour le nouvel article L. 311-36 du code de la consommation. Ainsi, dans le cas de figure que vous évoquez, mon cher collègue, tout client peut demander de manière expresse que le délai de rétractation soit ramené à trois jours. Il est donc inutile de l’indiquer également à l’article L. 311-15. Cela pourrait même avoir un effet contre-productif en termes de lisibilité.
Par conséquent, mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Revet, je crois, moi aussi, que votre amendement est satisfait. Nous avons effectivement souhaité maintenir le principe selon lequel l’emprunteur peut réduire le délai de sept à trois jours dans la mesure où il demande la livraison du bien. C’est ce qui est prévu à l’article 10 du projet de loi.
M. Charles Revet. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 46 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 65.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Biwer, Portelli et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 3° du D du II de cet article, après le mot :
consenti
insérer les mots :
sans que la durée totale de son remboursement puisse excéder trois ans
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la ministre, en vous écoutant tout à l’heure, il m’a semblé que vous étiez favorable au dispositif visé par cet amendement, c'est-à-dire à la limitation à trois ans de la durée d’amortissement des prêts revolving ou à une réorientation vers des prêts traditionnels.
Si tel est le cas, je n’aurai plus à défendre cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Cher collègue Claude Biwer, le mécanisme que vous avez inspiré est judicieux, mais il consiste tout de même essentiellement à fixer un seuil en fonction de la durée d’amortissement du crédit renouvelable. Or le seuil peut aussi varier selon l’importance du montant sur lequel porte crédit renouvelable.
Lors de son audition par la commission spéciale, Mme la ministre nous avait indiqué qu’elle envisageait un seuil – je ne sais pas s’il est maintenu – pouvant varier entre cinq et trois ans, ces trois ans correspondant à l’idée qui avait inspiré le mécanisme.
Mon cher collègue, la commission est favorable à l’idée, mais elle est défavorable à l’amendement que vous présentez. En effet, vous proposez un seuil strict de trois ans, alors que, si la somme en cause est assez élevée, elle peut justifier une durée d’amortissement plus étalée.
À mon sens, nous répondons tout à fait à la préoccupation qui vous anime. Je ne peux donc que vous inciter à retirer votre amendement : un mécanisme souple, adapté et intelligent sera proposé en fonction des seuils et des montants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Biwer, vous pouvez effectivement, me semble-t-il, retirer votre amendement compte tenu des explications que j’ai apportées tout à l’heure, lors de la discussion générale.
En effet, nous prévoyons de compléter l’article L. 311-16 du code de la consommation par un alinéa ainsi rédigé : « Dans ce cas, le contrat de crédit prévoit que chaque échéance comprend un remboursement minimal du capital emprunté, qui varie selon le montant total du crédit consenti et dont les modalités sont définies par décret. »
Je répète donc ce que j’ai indiqué tout à l’heure : pour les petits crédits renouvelables, il me paraît que l’amortissement devrait s’effectuer sur une période de trois ans. En revanche, pour les crédits renouvelables supérieurs à 3 000 euros, la durée d’amortissement serait portée à cinq ans.
M. le président. Monsieur Biwer, l'amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Claude Biwer. Non, ainsi que je l’avais laissé entendre en le présentant, je le retire, monsieur le président.
Certes, et M. le rapporteur a raison sur ce point, j’allais un peu plus loin que votre proposition, madame la ministre. Mais l’avancée à laquelle vous avez consenti et que j’ai apprise tout à l’heure me convient parfaitement.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 47, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 3° du D du II de cet article par deux phrases ainsi rédigées :
Cette obligation n’est pas applicable dans les cas visés au deuxième alinéa de l'article L. 311-50 ni aux reports d'échéance consentis à l'emprunteur en vertu des clauses et conditions commerciales du contrat de crédit. Dans ce dernier cas, le contrat de crédit prévoit un amortissement minimal annuel dont les modalités sont définies par décret.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement vise à inscrire dans la loi la possibilité pour le prêteur d'accorder des souplesses de remboursement à l'emprunteur en cas de difficultés passagères ou dans le cadre de son offre commerciale.
Comme nous le savons, le risque de surendettement place quelquefois des familles dans des situations délicates. Introduire une certaine souplesse dans le dispositif permettrait de les aider à surmonter des passages difficiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. À l’instar de mon collègue Charles Revet, je souhaite la pérennisation de cette pratique, y compris dans le nouveau cadre, qui impose l’amortissement du capital emprunté. Cela n’aurait pas été le cas si l’amortissement avait été prévu pour chaque mensualité : le report de ladite mensualité au mois suivant aurait en effet été interdit.
La rédaction que vous soumet la commission mentionne non pas les mensualités, mais les échéances, précisément afin de sauvegarder les pratiques de souplesse lorsqu’elles sont prévues par le contrat de crédit.
Par conséquent, comme le prévoit le projet de loi, il convient de laisser à l’autorité réglementaire le soin de prendre les mesures nécessaires à la bonne application de la règle de l’amortissement minimal, tout en sauvegardant cette souplesse.
Cet amendement n’est donc pas utile et je vous demande de bien vouloir le retirer, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je souscris à l’argumentation de M. le rapporteur et je sollicite également le retrait de cet amendement.
De mon point de vue, monsieur Revet, votre proposition consistant à suspendre le remboursement dans les hypothèses de surendettement est en réalité satisfaite. En effet, le texte proposé à l’article 1er pour le 8° de l’article L. 311-3 du code de la consommation prévoit que les « contrats résultant d’un plan conventionnel de redressement » sont exclus du champ d’application des dispositions relatives au crédit à la consommation.
M. Charles Revet. Mon amendement concerne plutôt la prévention du surendettement ! Il s’agit d’agir avant, et non pas après !
Mme Christine Lagarde, ministre. La souplesse que vous évoquez dans votre amendement est parfaitement possible, mais je pense que nous n’avons pas besoin de la mentionner dans le projet de loi. Cela relève plutôt du libre choix des parties dans la relation contractuelle.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le 4° du D du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : «, laquelle doit être acceptée par écrit par l'emprunteur. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’un des problèmes posés par le crédit renouvelable réside dans le caractère tacite de sa reconduction.
Outre qu’ils manquent d’informations claires et précises quant au taux d’intérêt qui est appliqué à leur emprunt, les particuliers ne savent souvent pas exactement ce qu’ils remboursent : quelle est la proportion de capital, quelle est la proportion d’intérêt ? En réalité, très fréquemment, ce qui est renouvelé, ce n’est pas tant le crédit que le renouvellement lui-même !
L’absence d’affectation favorise la persistance du droit de tirage, avec tout ce que cela implique. Je pense singulièrement au droit pour le prêteur de tirer sur le compte bancaire de l’emprunteur, fût-ce un « compte privilège »...
Nous sommes donc partisans d’un encadrement plus précis encore du crédit renouvelable, faisant de la prolongation de l’application de ses stipulations un choix pleinement conscient de l’emprunteur.
En effet, le projet de loi tend à sécuriser la passation de ce type de contrats, dont le montant global est relativement faible – cela représente moins de 10 % de l’encours des prêts aux particuliers, ce qui correspond tout de même à plus de 15 millions de comptes ouverts –, mais dont le rendement en termes de produit net bancaire est particulièrement élevé pour les établissements de crédit.
Nous proposons donc que ce qui est du domaine de la prolongation des contrats de prêt fasse l’objet d’une déclaration d’intention écrite des emprunteurs eux-mêmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Madame Pasquet, actuellement, le mécanisme est le suivant : dans les trois mois précédant l’échéance du contrat du crédit renouvelable, le consommateur a vingt jours pour mettre éventuellement fin à ce contrat.
Il y a environ 22 millions de contrats de crédit renouvelable dans notre pays. Le dispositif que vous suggérez obligerait à peu près 97 % des bénéficiaires de ces contrats à envoyer une dénonciation de contrat chaque année : ce serait une mesure extrêmement contraignante.
De plus, la commission a adopté une mesure visant à compléter le dispositif de la loi Chatel prévoyant l’extinction automatique des réserves non utilisées pendant trois années consécutives, pour faire en sorte que la cotisation de la carte de fidélité ne vaille pas réengagement du contrat de crédit renouvelable.
Je ne peux donc qu’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le D du II de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
6° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La solvabilité de l'emprunteur est vérifiée annuellement et le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers est consultée à chaque tirage. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Il s’agit d’un amendement préventif.
Mieux vaut prévenir que guérir, tel est le principe qu’il convient d’appliquer avec détermination à la mise en œuvre des contrats de crédit renouvelable.
Cette préoccupation est d’ailleurs prise en compte par la directive communautaire – faut-il y voir le résultat des pratiques de certains membres de l’Union ? – qui dispose, en son article 8, point 2 : « Les États membres veillent à ce que, si les parties conviennent d’un commun accord de modifier le montant total du crédit après la conclusion du contrat, le prêteur mette à jour les informations financières dont il dispose concernant le consommateur et évalue la solvabilité de celui-ci avant toute augmentation significative du montant total de crédit. »
En clair, nous devons entourer de toutes les précautions utiles toute sollicitation d’augmentation de l’encours de crédit et, singulièrement, de tout crédit renouvelable.
En effet, ces produits génèrent très vite un malendettement des particuliers, du fait du renchérissement considérable de nombre d’achats journaliers, avec toutes les implications dans la gestion quotidienne du ménage.
Aussi, nous estimons que la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, dans l’intérêt bien compris des parties, doit être effective, selon des modalités proches de celles que nous avons détaillées lors de l’examen de l’article relatif aux informations précontractuelles.
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Biwer et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter le D du II de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
6° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La solvabilité de l'emprunteur est vérifiée annuellement. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Les crédits renouvelables n’ont pas de limite dans le temps. Or le projet de loi ne prévoit d’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur qu’à l’ouverture d’un tel crédit.
Cependant, la situation de ce dernier est susceptible d’évoluer d’une année à l’autre, voire d’un mois à l’autre, et sa solvabilité dépend étroitement des accidents de la vie, tels que le chômage, le divorce ou la maladie.
Qu’il ait été solvable au moment de l’ouverture d’un crédit renouvelable n’est absolument pas gage de solvabilité dans le temps.
C’est pourquoi nous proposons que la solvabilité de l’emprunteur soit vérifiée chaque année. Cet amendement nous paraît de bon sens et de nature à renforcer la responsabilisation des établissements bancaires et des organismes de crédit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Je serai un peu long car ces deux amendements ont donné lieu à un débat enrichissant en commission.
Ils étaient alors identiques, visant à imposer à la fois la consultation du FICP à chaque tirage et une vérification annuelle de la solvabilité de l’emprunteur bénéficiaire d’une ligne de crédit renouvelable.
Depuis notre examen en commission, Mme Dini a rectifié son amendement afin de ne prévoir que l’examen annuel de la solvabilité, et non plus la consultation du FICP à chaque tirage.
Cette rectification montre bien que le sujet est complexe et que, au-delà de la volonté, partagée par tous, de protéger le consommateur, il convient de s’interroger, d’une part, sur la faisabilité des mesures que nous proposons et, d’autre part, sur les contraintes que nous décidons d’imposer à la plupart des consommateurs pour protéger contre eux-mêmes un nombre très limité d’entre eux.
En premier lieu, la mise en œuvre concrète d’une consultation du FICP à chaque tirage ne serait pas opérationnelle eu égard aux volumes en jeu : environ quarante millions d’opérations – tirages financiers et achats – sont effectuées annuellement. En outre, un consommateur peut effectuer plusieurs tirages dans une même journée.
Par ailleurs, les coûts de consultation du FICP par la voie ascendante seraient considérablement accrus. Il conviendrait également de prévoir des investissements importants, puisqu’il serait nécessaire d’équiper d’un terminal d’interrogation du FICP chaque caisse des magasins dans lesquels on peut régler par crédit renouvelable. Bien entendu, tous ces coûts supplémentaires seraient reportés in fine sur les consommateurs par un renchérissement du crédit.
En outre, je vous laisse imaginer la situation aux caisses, où les files s’allongeront lorsque le temps d’attente augmentera en raison de cette consultation obligatoire, qui, je le rappelle, concernera tout le monde, y compris les clients qui ne connaissent pas d’incident, lesquels représentent 97 % des consommateurs. N’est-ce pas là une disposition démesurée pour apprécier un risque concernant 3 % de la clientèle ?
Enfin, je ne vois pas dans l’amendement n° 67 ce qu’il advient une fois que le FICP a été consulté. S’il révèle un incident de paiement – qui peut du reste porter sur bien autre chose que le crédit renouvelable concerné –, que se passera-t-il ? En l’état du droit, le magasin ne peut refuser le paiement par l’usage du crédit, puisqu’il y a eu contrat. Il faudrait que des dispositions législatives complémentaires viennent indiquer que, dans ce cas, le contrat est rompu. Mais peut-on rendre nul un contrat sous prétexte qu’un autre n’a pas été totalement respecté ? Ce serait une innovation majeure, et très lourde de conséquences, du droit des contrats.
Pour toutes ces raisons, il me semble matériellement impossible d’exiger une consultation du FICP à chaque tirage, et je remercie Mme Dini et ses collègues d’en avoir pris la mesure en rectifiant leur amendement.
En second lieu, j’en viens à la disposition proposée visant la vérification annuelle de la solvabilité. Tout d’abord, depuis le début de nos travaux, je suis attentif à ce que le souci légitime de protection des emprunteurs les plus faibles soit compatible avec celui de ne pas pénaliser les quelque neuf millions de détenteurs de crédit renouvelable qui ne rencontrent jamais de problème. Si la disposition était adoptée, ces derniers n’accueilleront probablement pas très bien la vérification annuelle de tous leurs comptes, et l’on peut craindre que la relation commerciale n’en pâtisse.
Je suis également perplexe sur les conséquences juridiques d’une telle mesure. Que devrait faire le prêteur s’il apparaissait que, un an après l’ouverture d’une ligne de crédit, la solvabilité de l’emprunteur s’est dégradée. Dans l’esprit des auteurs des amendements, devrait-il suspendre l’exécution du contrat de crédit unilatéralement ? Devrait-il revoir à la baisse le montant qu’il accordait au client ? Rien n’étant indiqué sur ces points dans ces deux amendements, si ces derniers étaient adoptés, la décision serait prise de manière unilatérale par l’organisme emprunteur.
En a-t-il le droit ? Les clauses de variation du montant du crédit sont généralement considérées comme abusives. Le décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 qualifie ainsi de clause « abusive » toute disposition contractuelle réservant au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à la durée, aux caractéristiques et au prix du bien et du service à rendre.
Très sincèrement, en l’état, cette seconde disposition n’est donc pas plus applicable que la première. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais proposé à la commission de s’y opposer. Après une longue discussion, je n’ai pas réussi à convaincre mes collègues, qui ont donné un avis favorable aux deux amendements.
En tout état de cause, je comprends les préoccupations qui motivent ces propositions. Il est évidemment paradoxal d’entourer la conclusion du contrat de crédit renouvelable d’un luxe de précautions relatives à la solvabilité, alors même que l’usage de ce crédit pourra intervenir beaucoup plus tard.
Je souhaiterais donc savoir si Mme la ministre peut nous indiquer des pistes, différentes de celles qui sont proposées par nos collègues, pour trouver une solution à ce problème, qui soit à la fois pertinente, efficiente et vise bien la cible qui nous préoccupe tous, sans pour autant peser sur l’ensemble des neuf millions d’emprunteurs actuels.
Je rappelle que la commission a émis un avis favorable sur les amendements nos 67 et 95 rectifié, mais, pour ma part, je maintiens ma position et j’émets, à titre personnel, un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. J’ai écouté très attentivement les arguments pragmatiques et éminemment juridiques développés par M. le rapporteur, et j’y souscris intégralement.
Les questions que vous soulevez, monsieur le rapporteur, sur le mode de modification ou de résiliation unilatérale d’un contrat simplement parce que l’emprunteur n’aurait pas fourni les éléments relatifs à sa solvabilité posent un vrai problème de fond, qui me paraît ne pouvoir être résolu que par le retrait des amendements nos 67 et 95 rectifié et l’adoption du texte en l’état.
En effet, il est irréaliste que, à la suite de l’opération révélant la non-fourniture des éléments relatifs à sa solvabilité, l’emprunteur se voie privé de la faculté de tirer sur un crédit renouvelable qu’il pense pouvoir continuer à utiliser.
Nous nous heurtons à un problème à la fois mécanique et d’ordre juridique, concernant non seulement l’information, mais aussi l’exécution du contrat et son mode de résiliation par cette voie, compte tenu surtout de la publication du décret sur les clauses abusives.
Néanmoins, sous le bénéfice des explications fournies par le rapporteur et que le Gouvernement reprend à son compte, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, d’examiner ce problème de la solvabilité au fil de l’eau.
La solvabilité, examinée et « vérifiée » par le prêteur – pour utiliser votre terminologie – au moment de l’ouverture du crédit renouvelable, peut, en effet, évoluer au cours de l’existence de l’emprunteur, et notamment de sa vie professionnelle. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable de procéder, comme le prévoient les amendements, à des vérifications annuelles et mécaniques entraînant des effets juridiques redoutables ou à des consultations mutatis mutandis du FICP à chaque tirage, peu efficaces et soulevant également des difficultés juridiques.
Nous pourrions examiner cette question de la solvabilité, je le répète, au fil de l’eau et, dans le cadre de la navette, puisque ce texte ne fait pas l’objet de la procédure accélérée, trouver des solutions permettant de protéger le consommateur emprunteur sans pour autant opérer de modification juridique du contrat conclu entre les parties.
Une telle disposition, si elle était mise en place, serait redoutable, car elle entraînerait un coût supplémentaire considérable pour le crédit à la consommation et, partant, un renchérissement probable des taux et le rationnement d’une partie des crédits.
Comme je l’ai dit au début de mon propos, je sollicite donc le retrait des amendements nos 67 et 95 rectifié.
M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 95 rectifié est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Nous avons sans doute péché par le souci excessif de protéger les consommateurs. Je reconnais toutes les difficultés juridiques que suscite notre amendement et je remercie Mme la ministre de bien vouloir approfondir cette question.
Je retire, bien entendu, cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié est retiré.
Madame Pasquet, qu’en est-il de l’amendement n° 67 ?
Mme Isabelle Pasquet. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 28 est présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 68 est présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les E et F du II de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 311-17 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-17. - Aucun crédit renouvelable ne peut être associé à une carte ouvrant droit à des avantages commerciaux et promotionnels ou à une carte de paiement. »
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 28.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit d’un amendement particulièrement important et, si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 25 rectifié qui porte sur le même sujet.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le E du II de cet article pour l'article L. 311-17 du code de la consommation :
« Art. L. 311-17. - Les cartes dites de fidélité ainsi que tout support proposé ou distribué dans les surfaces de vente ayant pour but d'accorder un avantage commercial ou professionnel au consommateur en considération du volume de ses achats ne peuvent servir de carte de crédit ou de réserve d'argent. »
Veuillez poursuivre, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. Ces deux amendements visent à supprimer des liaisons dangereuses entre les cartes de fidélité et les cartes de crédit renouvelable.
Il existe en France plus de 30 millions de cartes dites privatives, plus connues sous le nom de cartes de fidélité, dont 20 millions sont actives. Selon le rapport de M. Dominati, « les achats à crédit effectués avec cette carte sont de l’ordre de 30 % ». La question est donc importante.
Pourtant, la commission n’a pas souhaité suivre le groupe socialiste sur ses amendements qui visent à interdire l’association d’un crédit revolving à une carte de fidélité. Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez refusé ces dispositions.
Nombre de consommateurs, lorsqu’ils acceptent une carte de fidélité, ignorent que celle-ci leur ouvre droit à une réserve d’argent, c’est-à-dire à un crédit revolving, s’ils décident de l’activer.
Comme je l’avais annoncé dans la discussion générale, je vais étayer mon propos d’un cas d’espèce très récent. Un collaborateur, éclairé, de mon groupe s’est rendu la semaine dernière dans un magasin Conforama afin d’y acheter pour 1 800 euros de biens – canapé, réfrigérateur, etc. Il a demandé au vendeur une facilité de paiement et a proposé de payer au comptant dans un mois. Aucun problème, lui a-t-il été répondu, sans donner plus d’explications.
Quelques jours plus tard, notre collaborateur a reçu à son domicile une carte qui lui permet de disposer d’une réserve d’argent de 4 000 euros, la carte devant être renouvelée en juin 2014.
Je rappelle que le montant des achats de ce collaborateur s’élevait à seulement 1 800 euros. S’il utilise la carte, elle se transforme en crédit à un taux effectif global de 21,16 %, renouvelable tous les ans. S’il ne l’utilise pas, il perd ses points, qui lui permettent de bénéficier de chèques-cadeaux, par exemple.
Pour résumer, ce jeune homme, en demandant un délai d’un mois pour payer comptant, se retrouve avec un crédit revolving présenté sous la forme d’une carte de fidélité lui ouvrant droit à des avantages commerciaux. Comment peut-on qualifier une telle pratique commerciale ? Je me permets, pour ma part, de dire qu’il s’agit d’une arnaque !
Alors que 85 % des dossiers de surendettement comportent au moins un crédit revolving, comment peut-on accepter l’idée qu’un consommateur soit titulaire, malgré lui, d’un tel crédit via ces cartes de fidélité ?
Monsieur Marini, vous vous êtes interrogé en commission et vous avez argué du fait, même si vous avez admis que vous ne faisiez pas souvent les courses, que disposer dans son portefeuille d’une ou de plusieurs cartes ne réglait pas le fond du problème. Mais le problème, monsieur Marini, c’est qu’un consommateur qui souhaite seulement bénéficier d’un avantage commercial se retrouve malgré lui titulaire d’un crédit revolving, qu’il le veuille ou non.
C’est pourquoi, par ces deux amendements, nous demandons au Sénat de mettre fin à cette pratique. Les cartes de fidélité ne doivent plus pouvoir servir de carte de réserve d’argent ou de crédit. Là encore, c’est une demande qui fait l’unanimité parmi les associations de consommateurs.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 68.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise, concrètement, à éviter que ne perdure la confusion des genres.
Le temps passant, les pratiques commerciales, notamment dans la grande distribution, ont développé le recours aux techniques de fidélisation de la clientèle matérialisées par la diffusion de cartes diverses, qui sont à la fois des cartes de crédit et des moyens de paiement ou, parfois, de simples cartes de fidélité promotionnelles.
Ce mélange des genres a conduit nombre de particuliers à connaître des difficultés majeures de paiement pour un certain nombre de leurs achats, et il ne s’agit pas seulement de biens meubles devenant immeubles par destination, et à ne solliciter que l’organisme de crédit attaché à telle ou telle enseigne pour tout achat à tempérament.
En clair, les cartes de magasin, de fidélité, « privilège » ou je ne sais quoi encore, tendent, aujourd’hui, à faire jouer un crédit payant pour les achats courants et privent les particuliers de tout recours à un crédit affecté ou à un prêt personnel à plus faible taux pour tel ou tel achat plus important.
La carte de fidélité est donc parfois payée en retour par une forme de captation du détenteur.
La confusion des genres a été quelque peu mise en question par la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite « loi MURCEF », laquelle avait spécifié que les enseignes devaient clairement et lisiblement indiquer l’usage de telle ou telle carte et faire expressément figurer la mention « carte de crédit » sur celles qui correspondent à cette définition.
Le fait est que le caractère propre à chacune de ces cartes doit être plus encore précisé. Il faut également que les enseignes renoncent aux offres alléchantes comme celles de cette grande marque de vente de produits de beauté prétendument naturels qui offre régulièrement de la bagagerie fabriquée en Chine à sa clientèle, avant de lancer des cabinets d’affacturage à la poursuite des créances impayées.
La pratique du cadeau promotionnel, aussi ancienne que la découverte des techniques de marchandisation en France, est trompeuse. Sa raison d’être est d’attirer le chaland et de le livrer pieds et poings liés aux délices de l’endettement, fût-il pour une durée limitée.
L’illusion de l’argent facile dans les cadeaux-primes ne peut pas et ne doit pas être encouragée.
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron, MM. Pointereau, Bécot, Vasselle, Lardeux, Bailly et Portelli, Mme Keller et M. Juilhard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le E du II de cet article pour l'article L. 311-17 du code de la consommation :
« Art. L. 311-17. - Aucun crédit ne peut être associé à une carte ouvrant droit à des avantages commerciaux et promotionnels. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement va dans le sens de tout ce qui a été indiqué et se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. La commission est défavorable à ces quatre amendements car, d’une part, il n’est pas du tout certain que la mesure qu’ils visent à mettre en place soit réellement protectrice et, d’autre part, ils imposeraient aux consommateurs une gestion trop contraignante de l’ensemble de leurs cartes.
Tout d’abord, je rappelle que le projet de loi prévoit expressément que la fonction de paiement de la carte de fidélité par défaut sera dorénavant celle du paiement comptant, cash ou différé de fin de mois.
Cette disposition radicalement nouvelle résout un grand nombre de problèmes actuels nés de la confusion entretenue par ces cartes de fidélité. Elle interdit ce que nous dénonçons tous, à savoir un usage du crédit renouvelable à l’insu du consommateur. Dorénavant, celui-ci devra expressément indiquer qu’il souhaite payer à crédit. Vous avez donc en partie satisfaction pour le mécanisme protecteur que vous souhaitez mettre en œuvre.
Par ailleurs, cette simple obligation va entraîner, et c’est une conséquence très lourde, la suppression de 13 millions de cartes de fidélité ne fonctionnant qu’à crédit puisqu’elles n’ont pas l’option « paiement au comptant ». De plus, sur les 5 millions de cartes privatives ouvertes chaque année, environ 80 % n’enregistrent d’ores et déjà que des transactions par paiement au comptant ou en trois fois. En outre, l’encours de crédit renouvelable engendré par ces cartes est faible : il est de l’ordre de 4 milliards d’euros, soit 15 % de l’encours du renouvelable et 3 % de l’ensemble des crédits.
Avec la disposition prévue par le Gouvernement, saluée par les associations de consommateurs et approuvée par la commission, le problème que nous souhaitions résoudre est donc pris à bras-le-corps de manière efficace.
Aller au-delà par une dissociation physique des cartes poserait deux types de difficulté sans améliorer d’un iota la situation. Au contraire, celle-ci pourrait même s’avérer défavorable au consommateur.
D’abord, comment éviter les erreurs de carte au moment du paiement ? Il est tout à fait possible, en ayant deux cartes du même établissement, que le consommateur utilise la mauvaise carte et paie à crédit alors qu’il voulait payer comptant.
Par ailleurs, l’évolution contemporaine du commerce fait que nous avons tous plusieurs cartes dans nos portefeuilles. Pour ma part, je l’ai dit en commission, mon porte-cartes ne contient aucune carte de crédit renouvelable. Il compte pourtant une dizaine de cartes : passe Navigo, carte Vélib’...
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Une carte Vélib’ ! (Sourires.)
M. Philippe Dominati, rapporteur. Eh oui, je suis parisien, monsieur le président !
Et je ne parle pas de la carte vitale et des cartes d’accès à tel ou tel lieu.
Si l’on devait en outre démultiplier les cartes commerciales et de fidélité en deux, voire en trois exemplaires pour distinguer la fidélité, le paiement et le crédit, le nombre de cartes pourrait devenir ingérable.
Le principe selon lequel le paiement au comptant est le moyen de paiement automatique me semble offrir une grande sécurité.
Madame Bricq, je comprends tout à fait votre indignation au sujet de l’exemple concret que vous avez évoqué. Je ne vous cache pas que mon assistant parlementaire a vécu une situation à peu près similaire à celle de votre collaborateur après avoir contracté un crédit immobilier dans une banque. Au moment de la signature de son crédit immobilier, il lui a été demandé de souscrire un crédit renouvelable avec des arguments très pressants mais qui, en réalité, ne sont pas légitimes.
Cependant, le mécanisme que vous proposez n’est pas plus protecteur. En réalité, à partir du moment où on imposera la dissociation des cartes, un démarchage automatique sera opéré et une seconde carte du magasin avec une offre de crédit renouvelable sera envoyée systématiquement au consommateur. Votre collaborateur ne sera pas mieux protégé par ces amendements. De plus, il y aura un risque de confusion entre la carte de paiement comptant et celle de paiement à crédit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces quatre amendements.
Nous souhaitons éviter la situation actuelle où, sous le prétexte d’une carte de fidélité qui fait plaisir parce que nous sommes tous contents d’accumuler des points ou de recevoir des cadeaux, nous entrons à l’insu de notre plein gré (Sourires) dans le crédit. Il s’agit d’une situation abusive : je vous donne une carte de fidélité et, subrepticement, je vous fourgue une carte de crédit !
Dans ce projet de loi, très utilement complété par la commission spéciale, nous proposons tout simplement d’inverser le système.
Dès lors qu’une carte de fidélité sera assortie d’un mode de paiement, ce paiement devra être obligatoirement au comptant.
En revanche, il pourra toujours y avoir des cartes de fidélité pures. Beaucoup de magasins fournissent d’ailleurs ce type de cartes, qui ne sont assorties d’aucun mode de paiement, ni au comptant ni à crédit.
M. Daniel Raoul. Ça fera une carte de plus à M. le rapporteur !
Mme Christine Lagarde, ministre. Non, ça ne fera pas une carte de plus, je vais vous expliquer pourquoi !
À partir du moment où la carte de fidélité est assortie d’un moyen de paiement, le moyen automatique, de plein droit, sera le paiement comptant.
Cette carte pourra également être assortie d’un paiement à crédit. Mais, si c’était le cas, le paiement de plein droit, celui qui interviendra de manière automatique à l’insu du consommateur emprunteur, sera le paiement au comptant. Pour que la fonction « crédit » puisse entrer en vigueur, il faudra que le consommateur donne expressément son consentement. Alors que le système marchait sur la tête, on le remet sur ses deux jambes, c'est-à-dire la fidélité et le paiement comptant.
Madame Bricq, dans l’exemple que vous donniez tout à l’heure, il faudrait que votre collaborateur consente expressément à la fonction « crédit » qui lui est proposée pour que le paiement puisse s’effectuer sous cette forme.
Pour ces raisons, il me semble que le mécanisme prévu par le projet de loi fonctionne mieux et rétablit l’équilibre dans la relation contractuelle.
La commission spéciale a conforté ce système en adoptant une disposition qui vise à soumettre les cartes bancaires auxquelles est associée une réserve de crédit renouvelable à la même obligation de paiement comptant par défaut. Ce dispositif est beaucoup plus solide, car la fonction obligatoire du paiement comptant permet d’éviter les contournements du texte.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne suis pas convaincue par les explications qui viennent d’être fournies. Dans le cas d’espèce que j’ai cité, il s’agissait précisément d’un paiement comptant, assorti d’une facilité de paiement. Le consommateur n’a pas demandé à bénéficier d’une carte de fidélité, il a souhaité payer un mois après au comptant. Or il se retrouve avec une carte de crédit sur laquelle est inscrite une somme représentant plus du double de son achat !
Votre dispositif ne réglera pas cette situation, qui est très répandue et là est la difficulté. Il faut donc séparer très nettement les deux formes de paiement, ce que ne fait pas le texte qui nous est proposé. C’est la raison pour laquelle je souhaite le maintien de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Bricq, si vous votez le projet de loi en l’état, une telle situation ne sera plus possible. La proposition faite à votre collaborateur serait une « arnaque »...
Mme Nicole Bricq. Ça l’est déjà !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je comprends l’intérêt de cette mesure et j’y suis tout à fait favorable.
Mais le problème qui se pose est celui de l’expression de la volonté. Une fois que vous êtes arrivé à la caisse, lorsqu’on vous demande en combien d’échéances vous souhaitez régler votre achat, il est difficile de se prononcer, compte tenu de l’urgence de la situation, évoquée par M. le rapporteur, et notamment de l’affluence. Il se peut alors que la caissière propose au consommateur de payer de façon différée, par exemple en dix fois, sans préciser les conditions de ce paiement.
Une autre pratique consiste à refuser le paiement différé en plusieurs fois lorsque le solde disponible sur la carte ne permet pas le paiement comptant. Par exemple, s’il reste seulement 500 euros sur votre crédit revolving, vous ne pouvez pas dépenser 600 euros que vous rembourserez en deux échéances de 300 euros : la carte sera bloquée.
Je rejoins Mme Bricq sur ce point : le texte qui nous est proposé doit être quelque peu retravaillé. Je suis tout à fait prête à suivre la commission, mais une difficulté subsiste : lorsque l’offre de paiement différé est formulée lors du passage en caisse, la qualité du consentement peut être affectée et, par conséquent, le consommateur court un risque.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. S’agissant de cette disposition, nous devons nous efforcer d’être concrets. Il existe actuellement des cartes à usage mixte, qui sont à la fois des cartes de crédit et des cartes de paiement comptant, et dont les modes d’exploitation diffèrent.
Certains de nos collègues souhaitent dissocier complètement le paiement comptant, c’est-à-dire par carte bancaire à laquelle correspond une provision sur un compte bancaire, et le paiement par carte de crédit.
Le Gouvernement propose une rédaction de synthèse, qui prévoit la possibilité, et non l’obligation, de délivrer une carte unique ouvrant le choix entre plusieurs modes d’exploitation, mais dont l’usage automatique de base serait le paiement comptant. Dans ce cas, si le consommateur souhaite utiliser non pas la fonction « paiement comptant », mais la fonction « crédit », il lui sera nécessaire de taper un code secret, procédure qui lui permet d’exprimer clairement sa volonté.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Est-il vraiment préférable et plus responsabilisant pour le consommateur de disposer d’une carte unique ou d’en avoir deux ?
Le texte précise en effet que le consommateur disposera d’une carte unique de paiement comptant, sauf s’il décide de changer de mode d’exploitation en tapant un code secret.
Le fait de disposer d’une carte unique est-il plus dangereux que d’en avoir deux ou plus dans son portefeuille ? Après tout, choisir une carte parmi plusieurs est assez analogue au fait de taper un code ou d’exprimer la volonté d’acheter à crédit !
Quelle est véritablement la différence ? Dans un cas, vous choisissez celle de vos cartes qui met en œuvre un crédit, auquel est assorti un intérêt et qu’il faudra rembourser. Dans l’autre cas, vous disposez d’une carte unique et, pour mobiliser votre faculté de crédit, vous devez taper un code. Cela n’est-il pas extrêmement formel ? Les auteurs de ces amendements sont-ils absolument certains que la pluralité des cartes serait moins tentatrice qu’une carte unique dont la fonction automatique de base est le paiement comptant ? Nous devons nous poser cette question collectivement.
Je partage, à titre personnel, l’intention des auteurs des quatre amendements, mais je ne pense pas qu’ils en tirent la juste conséquence. Il me semble que l’équilibre proposé par le Gouvernement, et amélioré par le vote de plusieurs amendements intégrés au texte de la commission, constitue une formule aussi protectrice que possible pour le consommateur.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’exposé du président de la commission spéciale. Mais, techniquement, si une même puce électronique présente sur la carte doit assurer deux fonctions et si un système de double code est nécessaire, je peux vous assurer que des problèmes ne manqueront pas de se poser !
Combien de personnes âgées demandent déjà aux caissières de taper leur code ? Alors, avec un double code sur une micro-puce de ce type, je vous laisse imaginer les difficultés et les erreurs manifestes qui se produiront à l’occasion de la manipulation de cette carte unique !
Il serait tout de même plus simple de conserver une carte de fidélité permettant de cumuler des points, sans plus.
S’il est possible de conserver la double fonction « crédit » et « paiement comptant » de la carte bancaire, il faut, en revanche, dissocier complètement la carte de fidélité des cartes de crédit et de paiement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 68.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 12 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 10 rectifié bis est présenté par M. Revet, Mme Henneron, MM. Pointereau, Bécot, Vasselle, Lardeux, Bailly et Portelli, Mme Keller et M. Juilhard.
L’amendement n° 61 est présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 92 est présenté par Mme Dini, M. Biwer et les membres du groupe Union centriste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 311-16 du code de la consommation, les mots : « pendant trois années consécutives » sont remplacés par les mots : « lors de la première année » et les mots : « à l'échéance de la troisième année » sont remplacés par les mots : « à l'échéance de la première année ».
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié bis.
M. Charles Revet. Comme le souligne le rapport Athling, il existe un grand décalage entre le nombre de crédits revolving ouverts et le nombre de ces crédits qui sont actifs. Cet important écart souligne que de nombreux consommateurs se retrouvent titulaires malgré eux d’un crédit revolving. Alors que ce type de crédit est dénoncé comme une source dangereuse d’endettement, il importe d’encadrer sa distribution et son utilisation en autorisant les titulaires à y renoncer dès qu’ils en expriment le souhait.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 61.
Mme Odette Terrade. Nous connaissions déjà les comptes bancaires dormants, les livrets d’épargne jamais ouverts et les contrats d’assurance vie en déshérence. Nous découvrons désormais les crédits renouvelables non mobilisés et non sollicités !
Notre pays compterait plus de 15 millions de comptes plus ou moins actifs, à partir desquels les particuliers seraient en situation de recourir à un crédit renouvelable. Mais un grand nombre de personnes ne cherchent aucunement à disposer de cette faculté, ne serait-ce que parce qu’elles n’en ont pas besoin dans l’immédiat.
Le cheminement qui conduit à cette situation est d’ailleurs relativement simple.
Prenons un exemple. Vous vous rendez dans une très grande enseigne, reconnue et réputée, de diffusion de matériel électronique grand public, qui exerce également une activité de vente de matériel informatique, de consommables, de biens culturels et de prestations de services de même nature.
Vous décidez de vous rendre propriétaire du dernier modèle le plus performant possible d’ordinateur, pourvu du système d’exploitation le plus récent, même si, à l’usage, vous vous rendrez compte qu’il est loin d’être sans défaut d’application.
Le prix de cet appareil indispensable à votre vie quotidienne et, notamment, à la scolarité de vos enfants au collège ou au lycée, vous conduit à demander un paiement à tempérament. Un crédit vous est donc immédiatement proposé, versé par l’organisme de crédit qui travaille, de manière exclusive, pour l’enseigne précitée, et évidemment assorti d’un taux d’intérêt élevé.
Bien entendu, compte tenu de la brièveté de l’opération de crédit, vous ne vous rendez qu’à peine compte du montant des prélèvements occasionnés par la réalisation des intérêts.
Mais, au-delà de tout cela, ce qui va vous arriver est fort simple : vous allez figurer dans le fichier clientèle de l’organisme de crédit.
Dès lors, vous trouverez régulièrement dans votre boîte à lettres un courrier vantant les mérites de la « réserve d’argent immédiatement disponible », dont on se demande presque pourquoi vous ne l’avez pas encore sollicitée, notamment à l’approche des vacances !
Par ailleurs, si vous avez eu l’idée saugrenue d’indiquer votre numéro de téléphone portable sur l’offre de prêt, celui-ci sera régulièrement pollué par des messages de relance, avant que la voix déterminée d’un agent commercial ou d’un téléperformeur ne vous incite de nouveau à souscrire un prêt non affecté !
Enfin, votre boîte à lettres électronique, accessible si vous avez indiqué votre adresse e-mail sur le document contractuel prévu par les textes, verra apparaître des offres de l’opérateur de crédit que vous aurez sollicité initialement ou d’autres offres, c’est-à-dire, allez savoir pourquoi, des offres de regroupement de vos crédits formulées par des officines spécialisées dans le rachat de crédit. Vous vous demanderez alors, l’espace d’un instant, comment vos coordonnées ont pu se retrouver sur les listes de telles « entreprises », qui se font fort de devenir votre exclusif, et souvent fort gourmand, créancier unique. À moins qu’à défaut de percevoir sur votre dos quelque intérêt, l’organisme de crédit que vous avez initialement sollicité n’ait « revendu » vos coordonnées à celui qui s’est spécialisé sur le rachat...
Nous voulons faire reculer ces pratiques avec cet amendement, qui tend à imposer la déchéance de la relation de crédit renouvelable si elle n’est pas sollicitée au terme d’un an à compter de la souscription du premier crédit.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 92.
Mme Muguette Dini. Je vous renvoie aux excellentes explications de M. Revet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Aux termes de la loi Chatel, la non-utilisation d’un crédit renouvelable pendant une période de trois ans entraîne de plein droit la résiliation du contrat de crédit renouvelable.
Ce dispositif, qui a fait ses preuves, provoquant, entre 2005 et 2007, la résiliation de 2,5 millions de contrats, a été renforcé sur ma proposition : la commission spéciale a considéré que l’établissement de crédit ne pouvait pas prendre prétexte de l’éventuelle cotisation de fidélité pour maintenir ouverts ces crédits renouvelables.
Mme Bricq et ses collègues du groupe socialiste avaient déposé un amendement identique, qui a été retiré au vu du dispositif adopté par la commission.
Peut-être aurait-on pu envisager un délai intermédiaire de deux ans. Quoi qu’il en soit, un an, c’est beaucoup trop court. Cette durée va à l’encontre de toutes les pratiques commerciales en usage dans le secteur du crédit renouvelable.
Je pense plus particulièrement aux établissements de vente par correspondance du nord de la France, qui ne sont pas des organismes de crédit. Quand le crédit renouvelable porte sur de petits montants, la première réaction est de l’utiliser. Puis, il est mis en sommeil. Enfin, il est réactivé au cours de la deuxième année. Mais, effectivement, au-delà de la deuxième année, si la faculté de crédit renouvelable n’a plus lieu d’être, elle est généralement abandonnée.
Le délai de trois ans me semble judicieux. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je rejoins M. le rapporteur.
Je rappelle que la loi Chatel, qui vise en quelque sorte à couper les branches mortes du crédit, a été adoptée en 2005, voilà trois ans et demi. Elle a déjà permis d’obtenir la clôture de 2,5 millions de comptes. Laissons un peu de temps à ce texte pour apprécier, au fil de son application, comment il parvient à faire disparaître le crédit vraiment mort.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, un an, c’est beaucoup trop court !
Imaginez que quelqu’un prenne, au moment des soldes, une carte qui n’est pas tout de suite utilisable. Cette personne peut très bien se servir de sa carte exclusivement au moment des soldes et ne pas venir au magasin pendant toute une année ! Je pense à certains magasins que l’on fréquente plus particulièrement pendant les périodes des soldes : pour ceux-là, l’utilisation de la carte peut effectivement être très avantageuse. Le choix d’une année ne me paraît pas approprié.
En outre, fermer au bout d’un an les comptes non activés coûterait très cher à certains des organismes prêteurs puisque cela entraînerait la clôture d’un quart des comptes dont bon nombre n’auraient pas été activés depuis un an mais auraient été utilisés l’année précédente. Le fait de ne pas se servir de cette carte pendant une année ne signifie donc pas son abandon définitif. D’ailleurs, les organismes en question vous relancent régulièrement pour vous rappeler que vous détenez cette carte et qu’elle peut être utilisée.
Ramener l’éradication des branches mortes sur la base d’une année, c’est véritablement trop court. En outre, je crois qu’il faut laisser à la loi Chatel le temps de nettoyer le système plutôt que de le déstabiliser encore en lui portant un coup qui lui serait extrêmement préjudiciable.
Je demande le retrait des amendements identiques nos 10 rectifié bis, 61 et 92. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° 10 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié bis est retiré.
Madame Terrade, l'amendement n° 61 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Je le retire, monsieur le président.
Mme Muguette Dini. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 92 est retiré.
L'amendement n° 62, présenté par Mmes Terrade, Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 311-9 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'opération de crédit visée au présent article ne peut être proposée ni conclue dans les locaux des magasins de grande surface visés au 2° de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier. Ces magasins ne peuvent proposer comme crédit à la consommation que du crédit affecté et du crédit personnel. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Il convient de rectifier l’amendement pour viser dorénavant l’article L. 311-16 du code de la consommation.
Avec cet amendement, il s’agit, pour nous, de manifester notre refus de principe de la généralisation du crédit renouvelable comme mode de financement des achats les moins significatifs des ménages.
Ainsi, de manière quasi systématique, dans certaines enseignes, la priorité est donnée au recours au crédit renouvelable, aux dépens de toute autre formule.
On en vient pratiquement à se demander si le plus important est non pas de vendre des produits ou des services, mais de « placer », coûte que coûte, des emprunts, c’est-à-dire d’abord et avant tout des frais financiers.
Nous sommes, en la matière, confrontés à une évolution dangereuse.
Les enseignes de la distribution jouissent souvent d’une position dominante au regard de leurs fournisseurs, ce qui leur permet notamment de tirer pleinement parti du paiement différé des marchandises qu’elles exposent à la vente dans leurs rayonnages.
En cheville avec ces enseignes, les établissements de crédit cherchent, dans les faits, à dégager la marge la plus importante en termes de produit net bancaire. Pour ce faire, ils proposent donc de manière prioritaire la formule de crédit la plus onéreuse, c’est-à-dire le crédit renouvelable, et non le crédit affecté.
Nous avons exprimé notre préoccupation : une bonne part du résultat net bancaire de nos grands établissements provient de la « remontée » vers la tête de groupe des excédents réalisés par les filiales spécialisées dans le crédit à la consommation, eu égard aux taux d’intérêt particulièrement élevés dont sont assorties les opérations en question.
Pour autant, comme le fait de distribuer un crédit n’est pas une opération anodine, nous devons restreindre la sollicitation du crédit renouvelable aux seuls établissements spécialisés et interdire que la souscription de tels prêts puisse être effectuée dans le milieu tempéré d’un lieu de vente situé en surface commerciale banalisée. Et, concrètement, dans le plus parfait non-respect de la concurrence dans l’offre de crédit qui existe dans notre pays.
Comme nous ne doutons pas l’espace d’un instant que vous êtes, chers collègues, attachés à une concurrence libre et non faussée, nous ne pouvons que vous inviter à voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Madame Terrade, peut-être s’agit-il d’un amendement d’appel. En tout cas, il est excessif.
Voilà quelques mois, ce type d’amendement permettait d’attirer l’attention de nos concitoyens et de cristalliser l’opinion publique. Mais on peut se demander pourquoi vous avez choisi le chiffre de 1 000 mètres carrés. Pourquoi viser les locaux des magasins de grande surface ? Comment les différencier dans un centre ville ? Ce sont autant de notions que la commission trouve dépassées à ce stade de la discussion du projet de loi s’agissant de la protection du consommateur.
Je vous rappelle les dispositions que nous avons adoptées : la formation des personnels qui distribuent le crédit, la dévolution d’un espace garantissant, dans la mesure du possible, la confidentialité en fonction de la nature du lieu où cela se trouve, la consultation du FICP, l’établissement de la fiche de dialogue, l’offre de crédit amortissable alternative, l’amortissement obligatoire du crédit renouvelable et la fonction de paiement comptant.
La notion d’espace retenue par votre amendement, beaucoup plus symbolique, n’est plus techniquement de nature à répondre à l’objectif du projet de loi.
Aussi, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 313-11 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 313-11. - Les vendeurs non salariés d'un organisme bancaire ou de crédit ne peuvent en aucun cas être rémunérés en fonction des crédits qu'ils font contracter à l'acheteur d'un bien mobilier ou immobilier.
« Les vendeurs salariés d'un organisme bancaire ou de crédit ne peuvent en aucun cas être rémunérés en fonction du taux et du type de crédits qu'ils font contracter à l'acheteur d'un bien mobilier ou immobilier. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le processus de formation du taux d’intérêt des crédits à la consommation trouve sans doute une partie de son origine dans le fait que la rémunération des salariés dont la mission est de vendre ce type de prestation de service est assez étroitement liée au volume des opérations souscrites par la clientèle.
Une telle situation est, de notre point de vue, préjudiciable à la qualité du crédit, comme à la nécessité de la prévention du malendettement ou du surendettement des ménages.
Incités à placer toujours plus de crédits, les salariés pratiquant l’intermédiation peuvent, rapidement, se trouver dans la situation de ne pas accorder toute l’attention requise à l’examen de la situation de l’emprunteur, avec toutes les conséquences que cela peut engendrer par la suite.
Responsabiliser les salariés se livrant à cette activité professionnelle ne passe aucunement par l’établissement de leur rémunération en fonction du volume des affaires traitées. D’autant que l’apparition de tout contentieux peut aisément permettre à l’organisme de crédit, ici le prêteur, mais aussi l’employeur, de se retourner contre eux en cas d’incident de paiement ou de quelque procédure que ce soit.
Nous estimons qu’une véritable moralisation des pratiques s’impose et que les salariés chargés de l’intermédiation et, donc, de la négociation des prêts doivent être rémunérés en fonction de leurs qualités propres, et non sur un niveau de performance d’autant plus aléatoire qu’il n’est pas rapporté aux difficultés émergeant de ces performances.
La passation de contrats de crédit est un acte responsable, de quelque côté de la relation commerciale que l’on se situe. Il est par conséquent naturel que nous fassions appel à la responsabilisation des intermédiaires, sans dédouaner les organismes prêteurs eux-mêmes, en demandant, avec cet amendement, que les conditions de rémunération soient fixées de manière plus générale et moins individualisée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Il convient de souligner qu’il est dans l’intérêt des organismes de crédit de faire en sorte que celui-ci réponde aux besoins du consommateur emprunteur. C’est d’ailleurs dans cette perspective que les établissements spécialisés assurent un suivi de la qualité des dossiers transmis par leurs partenaires commerciaux, sur le formalisme et sur le niveau de risque. Si le taux de réclamation des clients est élevé, l’image commerciale de l’établissement est ternie.
C’est la raison pour laquelle ces établissements disposent généralement de structures de contrôle, qui sont alors alertées.
Tout en comprenant l’objet de cet amendement, je souhaite rappeler, une fois encore, que le texte a prévu un certain nombre de garde-fous contre la distribution abusive de crédit renouvelable : le devoir d’explication, l’offre alternative, la formation des personnels à la distribution de crédit.
En outre, cet amendement peut se révéler inefficace et contre-productif.
Tout d’abord, rien n’interdira à un établissement spécialisé de motiver le personnel d’une manière autre que la rémunération, en offrant, par exemple, des voyages à ses meilleurs éléments. Ce procédé détourné a déjà été utilisé ailleurs.
Ensuite, et surtout, nous ne connaissons pas l’incidence d’une telle mesure, au champ d’application très large, sur l’offre de crédit à la consommation. Celle-ci peut s’en trouver considérablement restreinte, car elle concernerait toute distribution de crédit, quel que soit le crédit, quel que soit le lieu.
Enfin, comme Mme Bricq l’a souligné en commission, ces amendements font peser la charge exclusivement sur les vendeurs dont les rémunérations sont déjà souvent faibles.
Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 63.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.
(L'amendement n'est pas adopté.)
CHAPITRE IV
CONTENU ET EXÉCUTION DU CONTRAT DE CRÉDIT
Article 6
I. - La section 6 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code est intitulée : « Informations mentionnées dans le contrat » et comprend les articles L. 311-18 à L. 311-20.
II. - A. - L'article L. 311-18 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-18. - Le contrat de crédit est établi sur un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.
« Un décret en Conseil d'État fixe la liste des informations figurant dans le contrat et dans l'encadré mentionné au premier alinéa. » ;
B. - À l'article L. 311-19 du même code, rétabli, les mots : « l'offre préalable » sont remplacés, trois fois, par les mots : « l'offre de contrat crédit » et le mot « obligatoire » est remplacé par les mots : « exigée par le prêteur » ;
C. - L'article L. 311-20 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « une ou plusieurs offres préalables, visées aux articles L. 311-8 à L. 311-13 et L. 311-15 à L. 311-17 » sont remplacés par les mots : « un ou plusieurs contrats de crédit » ;
2° Au second alinéa, les mots : « offres préalables d'ouverture de crédit permanent définies » et la référence : « L. 311-9 » sont respectivement remplacés par les mots : « contrats de crédit renouvelable mentionnés » et la référence : « L. 311-16 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 74 rectifié, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le B du II de cet article :
B. - L'article L. 311-19 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-19. - Lorsque l'offre de contrat crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, l'offre de contrat crédit et la fiche d'information contractuelle rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre de contrat crédit et la fiche d'information contractuelle rappellent les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Au-delà de son caractère formel, destiné notamment à rendre un peu plus lisibles les dispositions du texte, passablement compliquées par la réorganisation du code de la consommation, cet amendement est, pour nous, l’occasion de vous interpeller sur le problème de l’assurance crédit.
Il est, en effet, fréquent que soit associée à un contrat de prêt la souscription d’une assurance, parfois obligatoire, parfois facultative, destinée à couvrir tel ou tel incident qui pourrait avoir lieu dans le cadre de l’exécution du contrat, et, singulièrement, dans celui du remboursement du prêt.
En matière d’assurance, la directive consacre la faculté, pour l’emprunteur, de souscrire l’assurance de son choix, de faire jouer la concurrence pouvant exister en ce domaine, une concurrence dont il convient tout de même de rappeler le caractère en bien des cas assez formel.
Notons d’ailleurs d’entrée que cette concurrence ne pourra jouer que si l’emprunteur apporte la preuve qu’il peut souscrire une assurance effectivement moins coûteuse et plus « sécurisante » que celle qui lui est proposée en lien avec le contrat de prêt.
En quelque sorte, la charge de la preuve incombe à l’emprunteur pour délier le prêteur de l’ardente obligation de l’assurer.
Une telle démarche est un encouragement, qu’on le veuille ou non, à la vente liée de contrats d’assurance et de contrats de prêts, une vente liée qui renchérit d’autant le coût du crédit, et le renchérit d’autant plus qu’elle ne présente pas un caractère indispensable dans tous les cas de figure.
Imaginons d’ailleurs comment demain les emprunteurs pourront faire jouer la concurrence en matière d’assurance crédit lorsqu’ils souscriront toujours plus de prêts dans le cadre de l’activité de centres commerciaux ouverts le dimanche !
Ne nous voilons pas la face : peu d’emprunteurs feront le tour des organismes d’assurance crédit avant de souscrire un prêt à la consommation et beaucoup seront donc contraints de souscrire aussi l’assurance proposée.
Notre amendement a au moins un avantage, celui de faire en sorte que l’assurance soit présentée de la même manière que le contrat de prêt et que joue par conséquent, pour cette partie accessoire du contrat, le même délai de rétractation que celui qui porte sur le prêt principal.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, B. Dupont, Henneron, Rozier, Dumas, Bout, Sittler, Desmarescaux, Mélot, Hummel et Lamure, MM. Cambon, Revet et Gournac, Mme Troendle et M. Cornu, est ainsi libellé :
Compléter le B du II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans la deuxième phrase du même article, après les mots : « pour obtenir le financement, » sont insérés les mots : « la fiche d'information mentionnée à l'article L. 311-6 et » et le mot : « rappelle » est remplacé par le mot : « rappellent ».
La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Cet amendement vise à améliorer la sincérité de l'information dont bénéficie le consommateur lorsque le préteur exige la souscription d'un contrat d'assurance pour l'obtention d'un crédit.
Chaque consommateur doit être réellement et clairement informé avant toute souscription à un contrat d'assurance.
Peu de candidats au crédit savent qu'ils ont la faculté de refuser la proposition qui leur est faite par l'établissement de crédit et qu'ils peuvent choisir de souscrire l'assurance exigée auprès d'une autre compagnie d'assurance.
Cette situation est susceptible de restreindre le libre jeu de la concurrence et, de ce fait, de renchérir pour le consommateur le coût de son crédit. Il est donc important que cette information soit fournie au consommateur dans la fiche d'information précontractuelle, et non pas seulement dans l'offre de contrat de crédit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Le projet de loi vise à renforcer la concurrence en matière de crédits, mais aussi en matière d’assurance des crédits.
Ainsi, concernant les crédits immobiliers, son article 17 met fin au système qui permet aujourd'hui aux banques d’imposer une compagnie d’assurance à l’occasion du contrat de prêt immobilier.
Ces deux amendements répondent à cette même préoccupation, leur objet étant de permettre aux consommateurs de mieux faire jouer la concurrence.
Actuellement, en matière de crédits à la consommation, les emprunteurs ont le choix de leur assurance crédit, mais cette faculté de choix n’est rappelée que lors de la remise de l’offre préalable de contrat.
Les deux amendements visent à introduire un mécanisme d’alerte encore plus en amont, c'est-à-dire lors de l’établissement de la fiche de dialogue. À ce stade du processus, l’emprunteur n’est pas encore lié et la fiche de dialogue a précisément pour but de lui permettre de comparer les offres. C’est donc le bon moment pour la transmission de l’information.
On peut cependant regretter que l’amendement n° 74 rectifié prévoie de surcroît que les modalités de non-adhésion à une assurance facultative soient rappelées dans la fiche d’information précontractuelle.
Cette précision n’est pas très utile, car il importe uniquement pour le consommateur de savoir si une assurance est obligatoire ou facultative. Si l’assurance est facultative, l’option doit être exercée au moment de la signature du contrat. Nul besoin donc d’ajouter, dans l’information précontractuelle, cette précision qui découle implicitement du caractère facultatif de l’assurance.
Tout en portant sur le fond une même appréciation sur les deux amendements, la commission estime donc que l’amendement n° 8 rectifié bis est préférable à l’amendement n° 74 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. L’avis du Gouvernement est similaire à celui de la commission : nous sommes d’accord avec les objectifs poursuivis dans chacun de ces deux amendements, mais il nous semble que l’amendement n° 8 rectifié bis, dans la mesure où il fait référence à la fiche d’information précontractuelle, est mieux rédigé.
J’invite donc Mme Pasquet à retirer son amendement au bénéfice de celui qui a été présenté par Mme Henneron.
M. le président. Madame Pasquet, l'amendement n° 74 rectifié est-il maintenu ?
Mme Isabelle Pasquet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 74 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
I. - La section 7 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code intitulée : « Sanctions » devient la section 11 et il est rétabli une section 7 intitulée : « Exécution du contrat de crédit », qui comprend les articles L. 311-21 à L. 311-26.
II. - A. - L'article L. 311-21 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-21. - En cas de modification du taux débiteur, l'emprunteur en est informé par écrit ou sur un autre support durable, avant que la modification n'entre en vigueur. Cette information indique le montant des échéances après l'entrée en vigueur du nouveau taux débiteur et précise si le nombre ou la périodicité des échéances vont changer.
« Lorsque la modification du taux débiteur résulte d'une variation du taux de référence, que le nouveau taux de référence est rendu public par des moyens appropriés et que l'information relative au nouveau taux de référence est également disponible dans les locaux du prêteur, les parties peuvent convenir dans le contrat de crédit que cette information est communiquée périodiquement à l'emprunteur. » ;
B. - L'article L. 311-22 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-22. - L'emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti. Dans ce cas, les intérêts et frais afférents à la durée résiduelle du contrat de crédit ne sont pas dus.
« Aucune indemnité de remboursement anticipé ne peut être réclamée à l'emprunteur dans les cas suivants :
« 1° En cas d'autorisation de découvert ;
« 2° Si le remboursement anticipé a été effectué en exécution d'un contrat d'assurance destiné à garantir le remboursement du crédit ;
« 3° Si le remboursement anticipé intervient dans une période où le taux débiteur n'est pas fixe ;
« 4° Si le crédit est un crédit renouvelable au sens de l'article L. 311-16.
« Dans les autres cas, lorsque le montant du remboursement anticipé est supérieur à un seuil fixé par décret, le prêteur peut exiger une indemnité qui ne peut dépasser 1 % du montant du crédit faisant l'objet du remboursement anticipé si le délai entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit est supérieur à un an. Si le délai ne dépasse pas un an, l'indemnité ne peut pas dépasser 0,5 % du montant du crédit faisant l'objet d'un remboursement anticipé. En aucun cas l'indemnité éventuelle ne peut dépasser le montant des intérêts que l'emprunteur aurait payé durant la période comprise entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit convenue initialement.
« Aucune indemnité autre que celle mentionnée au présent article, ni aucun frais ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur en cas de remboursement par anticipation. » ;
C. - Le premier alinéa de l'article L. 311-23 du même code est ainsi rédigé :
« Aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles. » ;
D. - Après l'article L. 311-25-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 311-25-1. - Pour les opérations de crédit visées au présent chapitre, le prêteur est tenu, au moins une fois par an, de porter à la connaissance de l'emprunteur le montant du capital restant à rembourser. » ;
E. - L'article L. 311-26 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « à l'article L. 311-9 » est remplacée par la référence : « à l'article L. 311-16 » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« - l'estimation du nombre de mensualités restant dues pour parvenir au remboursement intégral du montant effectivement emprunté, établie en fonction des conditions de remboursement convenues. »
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mme Escoffier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le D du II de cet article pour l'article L. 311-25-1 du code de la consommation par une phrase ainsi rédigée :
Cette information figure, en caractères lisibles, sur la première page du document adressé à l'emprunteur.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Notre commission a déjà, à de nombreuses reprises, dit l’absolue nécessité d’assurer aux consommateurs une information précise et claire.
C’est l’objet de cet amendement, qui vise à ce que l’information n’apparaisse pas discrètement au verso d’un relevé annuel mais soit lisible et bien visible en première page du relevé adressé à l'emprunteur afin que celui-ci sache exactement quel est le montant du capital qui lui reste à rembourser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Cet amendement, qui apporte une utile précision et auquel la commission est tout à fait favorable, démontre l’efficacité de la procédure parlementaire puisqu’il enrichit un amendement déjà adopté par la commission sur le devoir d’information à l’initiative de Laurent Béteille et Brigitte Bout.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mme Escoffier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Compléter le E de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces informations, à l'exception de celles mentionnées au huitième alinéa, figurent obligatoirement, en caractères lisibles, sur la première page du document adressé à l'emprunteur. »
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement est de même nature que le précédent et répond à la même logique : il vise à ce qu’en matière de crédit renouvelable également toutes les informations utiles figurent sur la première page du relevé mensuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Après le deuxième alinéa de l'article L. 313-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les contrats de crédit entrant dans le champ d'application du chapitre Ier du présent titre, le taux effectif global, qui est dénommé « Taux annuel effectif global », ne comprend pas les frais d'acte notarié. » – (Adopté.)
CHAPITRE V
DISPOSITIONS APPLICABLES À CERTAINS CONTRATS DE CRÉDIT
Article 9
I. - La section 8 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code, telle qu'elle résulte de l'article 3, est intitulée : « Crédit gratuit » et comprend les articles L. 311-27 à L. 311-29.
II. - A. - L'article L. 311-27 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-27. - Toute publicité, quel qu'en soit le support, qui porte sur une opération de crédit dont la durée est supérieure à trois mois et pour laquelle ne sont pas requis d'intérêts ou d'autres frais, indique le montant de l'escompte sur le prix d'achat, lorsqu'un tel escompte est consenti en cas de paiement comptant et précise celui qui prend en charge le coût du crédit consenti gratuitement. » ;
B. - À l'article L. 311-28 du même code :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au sens des articles L. 311-4 à L. 311-6 » sont supprimés ;
2° La seconde phrase du premier alinéa et le second alinéa sont supprimés ;
C. - À l'article L. 311-29 du même code, les mots : « une offre préalable de crédit distincte » et la référence : « L. 311-8 et L. 311-10 et suivants » sont respectivement remplacés par les mots : « un contrat de crédit distinct » et la référence : « L. 311-11 à L. 311-19 ». – (Adopté.)
Article 10
I. - La section 9 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code, telle qu'elle résulte du I de l'article 5, est intitulée « Crédits affectés » et comprend les articles L. 311-30 à L. 311-41.
II. - A. - L'article L. 311-30 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-30. - Sont soumis aux dispositions de la présente section les contrats de crédit affectés mentionnés au 9° de l'article L. 311-1. » ;
B. - L'article L. 311-31 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « Lorsque l'offre préalable mentionne le bien ou la prestation de services financé » sont supprimés ;
2° À la seconde phrase, les mots : « de l'offre préalable remise à l'emprunteur et la » sont remplacés par les mots : « du contrat de crédit et le » ;
C. - L'article L. 311-34 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, la référence : « à l'article L. 311-34 » est remplacée par la référence : « à l'article L. 311-48 » ;
2° À la deuxième phrase, les mots : « l'offre préalable du prêteur » sont remplacés par les mots : « le contrat de crédit » ;
D. - À la deuxième phrase de l'article L. 311-35 du même code, la référence : « les articles L. 311-15 à L. 311-17 » est remplacée par la référence : « l'article L. 311-12 » et le chiffre : « sept » est remplacé par le chiffre : « quatorze » ;
E. - L'article L. 311-36 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-36. - Le contrat de vente ou de prestation de services est résolu de plein droit, sans indemnité :
« 1° Si le prêteur n'a pas, dans un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat de crédit par l'emprunteur, informé le vendeur de l'attribution du crédit ;
« 2° Ou si l'emprunteur a, dans ce même délai de sept jours, exercé son droit de rétractation.
« Toutefois, lorsque l'emprunteur, par une demande expresse, sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, l'exercice du droit de rétractation du contrat de crédit n'emporte résolution de plein droit du contrat de vente ou de prestation de services que s'il intervient dans un délai de trois jours à compter de l'acceptation de contrat de crédit par l'emprunteur.
« Le contrat n'est pas résolu si, avant l'expiration du délai de sept jours mentionné au 1°, l'acquéreur paie comptant. » ;
F. - L'article L. 311-37 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-37. - Dans les cas de résolution du contrat de vente ou de prestations de services prévus à l'article L. 311-36, le vendeur ou le prestataire de services rembourse, sur simple demande, toute somme que l'acheteur aurait versée d'avance sur le prix. À compter du huitième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts, de plein droit, au taux de l'intérêt légal majoré de moitié. » ;
G. - L'article L. 311-38 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-38. - Lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation du contrat de vente ou de fourniture de prestation de services mentionné au 9° de l'article L. 311-1, le contrat de crédit destiné à en assurer le financement est résilié de plein droit sans frais ni indemnité, à l'exception éventuellement des frais engagés pour l'ouverture du dossier de crédit. » ;
H. - L'article L. 311-40 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « ou postal » sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « de l'article L. 311-25 » sont remplacés par les mots : « de l'article L. 311-36 et de l'article L. 311-37 » ;
I. - À la première phrase de l'article L. 311-41 du même code, le chiffre: « sept » est remplacé par le chiffre : « quatorze ».
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le C du II de cet article par huit alinéas ainsi rédigés :
3° Cet article est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Ces contrats doivent obligatoirement comporter trois rubriques au choix pour l'acquéreur :
« - paiement comptant ;
« - paiement à crédit offert par le vendeur ou le prestataire ;
« - paiement à crédit proposé par un autre établissement.
« L'acheteur doit cocher la case correspondant au mode de financement de l'opération et apposer sa signature dans la case choisie. Les contrats doivent reproduire cette disposition sous peine de nullité. »
4° L'article L. 311-49 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Celui dont les contrats ne respectent pas les mentions prévues à l'article L. 311-34. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 10 du projet de loi ne fait que transposer les termes de la directive communautaire sur le crédit à la consommation. C’est en tout cas ainsi que dans son rapport M. Dominati entend présenter les faits.
Le e) de l’article 10 de la directive précise que le contrat de crédit mentionne « si le crédit est accordé sous la forme d’un délai de paiement pour un bien ou un service donné, ou dans le cas des contrats de crédit lié, ce produit ou service et son prix au comptant ».
Cela signifie que, pour les crédits affectés, formule très ancienne de crédit – souvenons-nous du crédit gratuit des regrettées Galeries Barbès ou de celui pratiqué par des enseignes comme Conforama ou But en matière d’ameublement –, toutes les hypothèses doivent être clairement proposées au client.
Toutes les hypothèses, cela implique donc que le client ait le libre arbitre sur le choix de financement qu’il va opérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Madame Pasquet, cet amendement est satisfait, car les dispositions actuelles de l’article L. 311-34, relatif au crédit affecté, prévoient que « chaque fois que le paiement du prix sera acquitté, en tout ou partie, à l’aide d’un crédit, […] le contrat de vente ou de prestation de services doit le préciser ».
Certes, dans la pratique on a vu se développer des cas où le vendeur cochait la case « comptant » lorsque le crédit n’était pas distribué par son intermédiaire. Cependant, il n’appartient pas à la loi mais au règlement de résoudre ce problème.
Par ailleurs, la sanction de cette obligation est aujourd'hui fixée à 1 500 euros. En visant l’article L.311-49, le présent amendement a pour effet de la porter à 30 000 euros, ce qui est disproportionné.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
L'article L. 121-20-11 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les opérations mentionnées au 4° de l'article L. 311-1, les obligations de communication mentionnées au premier alinéa sont satisfaites par l'envoi par le prêteur de la fiche prévue à l'article L. 311-6 et des informations contractuelles prévues à l'article L. 311-18.
« Pour les opérations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-42, ces obligations de communication sont satisfaites par l'envoi par le prêteur des informations prévues au II de l'article L. 311- 43. » – (Adopté.)
Article 12
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code est complété par une section 10 ainsi rédigée :
« Section 10
« Opérations de découvert en compte
« Art. L. 311-42. - Pour les opérations de crédit consenties sous la forme d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois et inférieur ou égal à trois mois, seuls sont applicables les 1° à 3° de l'article L. 311-4 et les articles L. 311-9, L. 311-10, L. 311-30 à L. 311-41, L. 311-43, L. 311-44, L. 313-1 et L. 321-3.
« Lorsque les autorisations de découvert se prolongent au-delà de trois mois, l'intégralité des dispositions du présent chapitre leur sont applicables.
« Art. L. 311-43. - I. - Pour les opérations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-42, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit, donne à l'emprunteur avant que celui-ci ne soit lié par un contrat de crédit les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur compte tenu de ses préférences d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
« Un décret en Conseil d'État fixe la liste et les conditions de présentation de ces informations.
« II. - Le contrat de crédit est établi sur un document distinct de tout support ou document publicitaire.
« Un décret en Conseil d'État fixe la liste des informations figurant dans le contrat.
« III. - L'emprunteur reçoit, à sa demande et sans frais, un exemplaire d'une offre de contrat comprenant les informations prévues au deuxième alinéa du II, sauf si le prêteur n'est pas disposé à lui consentir ce crédit.
« Art. L. 311-44. - Pour les opérations consenties sous la forme d'une autorisation de découvert, le prêteur est tenu d'adresser régulièrement à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, un relevé de compte comprenant les informations dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'État.
« En cas d'augmentation du taux débiteur ou des frais dont il est redevable, l'emprunteur est informé par écrit ou sur un autre support durable avant que ces modifications n'entrent en vigueur.
« Lorsque la modification du taux débiteur résulte d'une variation du taux de référence, que le nouveau taux de référence est rendu public par des moyens appropriés et que l'information relative au nouveau taux de référence est également disponible dans les locaux du prêteur, les parties peuvent convenir dans le contrat de crédit que cette information est communiquée dans le relevé de compte susmentionné.
« L'emprunteur peut procéder à tout moment et sans frais à la résiliation d'une autorisation de découvert à durée indéterminée, à moins que les parties n'aient convenu d'un délai de préavis. Ce délai ne peut être supérieur à un mois.
« Si le contrat de crédit le prévoit, le prêteur a la faculté de résilier l'autorisation de découvert à durée indéterminée moyennant un préavis d'au moins deux mois communiqué à l'emprunteur par écrit ou sur un autre support durable. En cas de motif légitime, cette résiliation peut intervenir sans préavis et dans ce cas le prêteur en communique les motifs à l'emprunteur si possible avant la résiliation.
« Art. L. 311-45. - Lorsque la convention de compte prévoit la possibilité d'un dépassement, cette convention mentionne le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, les frais applicables et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles ces frais pourront être modifiés. Dans tous les cas, le prêteur fournit ces informations par écrit ou sur un autre support durable à intervalles réguliers.
« Dans le cas d'un dépassement significatif qui se prolonge au-delà d'un mois, le prêteur informe l'emprunteur, sans délai, par écrit ou sur un autre support durable, du montant du dépassement, du taux débiteur et de toutes pénalités et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables.
« Art. L. 311-46. - Lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit au sens de l'article L. 311-2, dans les conditions régies par le présent chapitre. »
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par Mme Escoffier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le premier alinéa de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le relevé de compte visé au premier alinéa indique, à titre d'information, qu'un montant de découvert est autorisé, il mentionne immédiatement après, dans les mêmes caractères, le taux annuel effectif global au sens de l'article L. 313-1 du code de la consommation, quelle que soit la durée du découvert autorisé considéré. »
II. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article par la référence :
I. -
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il s’agit d’éviter une difficulté d’interprétation concernant le montant maximum de découvert autorisé figurant à la première page du relevé de compte bancaire, en précisant que les agios s’appliquent au découvert remboursable dans un délai inférieur à un mois comme aux découverts portant sur d’autres durées, information qui doit être complétée par la mention du taux annuel effectif global.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. C’est une excellente initiative : la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
CHAPITRE VI
DISPOSITIONS APPLICABLES AUX INTERMÉDIAIRES DE CRÉDIT
Article 13
I. - Au premier alinéa de l'article L. 321-2 du même code, après les mots : « par un particulier », sont insérés les mots : «, à l'exception des opérations de crédit mentionnées à l'article L. 311-2 ».
II. - Après l'article L. 321-2 du même code, sont insérés deux articles L. 321-3 et L. 321-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 321-3. - Toute publicité et tout document destinés aux emprunteurs et diffusés par ou pour le compte d'un intermédiaire de crédit au sens de l'article L. 311-1 doit indiquer, de manière apparente, l'étendue des pouvoirs de l'intermédiaire, et notamment s'il travaille à titre exclusif avec un ou plusieurs prêteurs ou en qualité de courtier indépendant.
« Art. L. 321-4. - Avant la conclusion d'un contrat de crédit portant sur une des opérations mentionnées à l'article L. 311-2, l'intermédiaire de crédit et l'emprunteur conviennent par écrit ou sur un autre support durable des frais éventuels dus par l'emprunteur à l'intermédiaire de crédit pour ses services.
« L'intermédiaire de crédit informe le prêteur de ces frais, aux fins du calcul du taux annuel effectif global. »
III. - L'article L. 322-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le non-respect des dispositions des articles L. 321-3 et L. 321-4 est puni de la même peine. »
IV. - L'article L. 322-5 du même code est abrogé. – (Adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Communication relative à l’adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 15 juin 2009, l’informant de l’adoption définitive des dix-huit textes soumis en application de l’article 88-4 de la Constitution suivants :
E-2306 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (version codifiée).
(Adopté le 23/04/2009)
E-3116 Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres et la République d’Albanie.
Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part.
(Adopté le 26/02/2009)
E-3166 Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une procédure d’examen et de consultation préalables pour certaines dispositions législatives, réglementaires ou administratives envisagées par les États membres dans le domaine des transports (version codifiée).
(Adopté le 22/04/2009)
E-3631 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 80/181/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux unités de mesure.
(Adopté le 11/03/2009)
E-3759 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux matières pouvant être ajoutées aux médicaments en vue de leur coloration (Refonte).
(Adopté le 23/04/2009)
E-3841 Proposition de décision du Conseil concernant la signature d’un protocole à l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part, visant à tenir compte de l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.
Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion d’un protocole à l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part, visant à tenir compte de l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.
(Adopté le 26/02/2009)
E-3920 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux dispositions communes aux instruments de mesurage et aux méthodes de contrôle métrologique.
(Adopté le 23/04/2009)
E-3946 Proposition de règlement du Conseil modifiant les annexes IV et V du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le traitement des déchets contenant des polluants organiques persistants provenant de procédés de production thermiques et métallurgiques.
(Adopté le 14/04/2009)
E-4238 Projet de directive de la Commission du modifiant la directive 2006/87/CE du Parlement européen et du Conseil établissant les prescriptions techniques des bateaux de la navigation intérieure.
(Adopté le 24/04/2009)
E-4243-1 Avant-projet de budget rectificatif n° 1 au budget général 2009. État des dépenses par section. Section III. Commission.
(Adopté le 11/03/2009)
E-4244 Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l’Union européenne.
(Adopté le 11/03/2009)
E-4266 Règlement (CE) de la Commission concernant l’adoption d’une méthode de sécurité commune relative à l’évaluation et à l’appréciation des risques visée à l’article 6, paragraphe 3, point a), de la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil.
(Adopté le 24/04/2009)
E-4272 Proposition de décision du Conseil définissant la position à adopter, au nom de la Communauté, au sein du Comité de l’aide alimentaire en ce qui concerne la prorogation de la Convention relative à l’aide alimentaire de 1999.
(Adopté le 27/04/2009)
E-4306 Décision du Conseil portant nomination d’un membre suédois et d’un membre suppléant suédois du Comité des régions.
(Adopté le 16/03/2009)
E-4323 Proposition de règlement du Conseil relative à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée.
(Adopté le 06/04/2009)
E-4343 Décision du Conseil approuvant le plan directeur européen de gestion du trafic aérien du projet de recherche sur la gestion du trafic aérien dans le ciel unique européen (SESAR).
(Adopté le 30/03/2009)
E-4383 Proposition de règlement du Conseil clarifiant le champ d’application des droits antidumping définitifs institués par le règlement (CE) n° 85/2006 du Conseil sur les importations de saumon d’élevage originaire de Norvège.
(Adopté le 16/04/2009)
E-4411 Décision du Conseil portant nomination d’un membre allemand du Comité des régions.
(Adopté le 23/04/2009)
10
Transmission d'un projet de loi
M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 462, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
Dépôt d'une proposition de loi
M. le président. J’ai reçu de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, Josiane Mathon-Poinat, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Jean-Luc Mélenchon, Mme Isabelle Pasquet, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade, MM. Bernard Vera et Jean-François Voguet une proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 461, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
12
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de directives de négociation en vue d’un nouvel accord entre l’Union européenne et la République de Moldavie ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4521.
- Initiative de la République tchèque en vue de l’adoption d’une décision du Conseil, portant adaptation des traitements de base du personnel d’Europol ainsi que des allocations et indemnités qui lui sont versées ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4522 ;
- Proposition de décision du Conseil sur la position de la Communauté au sein du Comité mixte institué par l’accord sur l’Espace économique européen, concernant l’adaptation des protocoles 10 et 37 relatifs à la simplification des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4523.
13
Dépôt d'un rapport
M. le président. J’ai reçu de M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Le rapport sera imprimé sous le n° 463 et distribué.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 17 juin 2009, à quatorze heures trente et le soir :
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 18 et 19 juin.
2. Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (n° 364, 2008-2009).
Proposition de loi présentée par M. Michel Mercier et les membres du groupe de l’Union centriste, tendant à prévenir le surendettement (n° 325, 2008-2009)
Proposition de loi présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à encadrer le crédit à la consommation et à instaurer un crédit social en faveur des ménages modestes (n° 255, 2008-2009).
Proposition de loi présentée par M. Charles Revet et plusieurs de ses collègues renforçant l’encadrement des contrats de crédit afin de prévenir le surendettement (n° 173, 2008-2009).
Proposition de loi présentée par M. Claude Biwer et les membres du groupe de l’Union centriste, tendant à prévenir le surendettement (n° 114, 2008-2009).
Proposition de loi présentée par M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement (n° 94, 2008-2009).
Rapport de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission spéciale (n° 447, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 448, 2008-2009).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 17 juin 2009, à zéro heure quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD