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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Régularisation des Padhue

M. Stéphane Sautarel

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Cantine à 1 euro

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Encadrement des centres de santé dentaire

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Réseau Asalée

Mme Nicole Duranton

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Vaccination contre le papillomavirus dans les collèges

Mme Patricia Demas

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Situation de l'Ehpad Les Escales

Mme Céline Brulin

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Difficultés des établissements de santé privés

Mme Marie-Do Aeschlimann

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Réforme de l'allocation de solidarité spécifique et compensations financières aux départements

M. Jean-Claude Anglars

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Augmentation de la surpopulation carcérale pendant les JOP

Mme Corinne Narassiguin

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Suppressions de postes dans l'enseignement public à Paris

Mme Colombe Brossel

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Autorisations d'instruction en famille

Mme Laurence Garnier

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Bilan de la formation au numérique des formateurs

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Difficultés financières des Ésat

Mme Nicole Duranton

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Régime spécifique d'approvisionnement

Mme Viviane Malet

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Compatibilité des aides de la PAC avec l'agrivoltaïsme

M. Jean-François Longeot

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Accueil d'enfants palestiniens blessés en provenance de Gaza

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Baisse de l'IPPA dans plusieurs circonscriptions consulaires en 2024

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Difficultés matérielles d'exercice des missions de lieutenant de louveterie

M. Philippe Bonnecarrère

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Absence de réponse de l'Anah au Défenseur des droits

Mme Nadia Sollogoub

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Congés frauduleux des propriétaires à l'occasion des JO

M. Ian Brossat

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Gratuité de l'autoroute A62

M. Hervé Gillé

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Crues de l'Armançon et du Serein

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Crise du logement social

M. Jean-Gérard Paumier

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Transfert obligatoire des compétences Eau et assainissement en 2026

M. Didier Mandelli

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Plan de développement de compétences pour la filière cynégétique

M. Olivier Cigolotti

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Réseau express métropolitain des Hauts-de-France

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Interdiction des aéronefs à fins de loisirs en zone de montagne

M. Jean-Michel Arnaud

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Pollution en Île-de-France

Mme Anne Souyris

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Quotas de pêche de lieu jaune

M. Jacques Fernique

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Modalités d'affectation de la dotation de solidarité rurale

Mme Sylviane Noël

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Procurations tardives

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Avenir de l'Otan

M. Stéphane Demilly

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Mutualisation des antennes de télécommunication

Mme Sylvie Valente Le Hir

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Taxation exceptionnelle des plus aisés

M. David Ros

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Surveillance mutualisée d'aires de baignade

Mme Nathalie Delattre

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Note comptable et libre administration des communes

M. Michaël Weber

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

TVA applicable aux produits utilisant des matériaux réemployés

M. Guislain Cambier

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Conséquences des zones réglementées pour l'activité commerciale lors des JOP

M. Francis Szpiner

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Protection des filières industrielles françaises face à la concurrence étrangère déloyale

M. Christophe Chaillou

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Application de la TVA à des structures non assujetties

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Taxe additionnelle à la taxe de séjour au profit d'Île-de-France Mobilités

Mme Jocelyne Guidez

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Exploitation des hydrocarbures en Guyane française

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

Devenir de l'industrie et fermeture d'entreprises sur l'axe Seine

Mme Agnès Canayer

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique

CMP (Nominations)

Salut à une délégation étrangère

Académie nationale de chirurgie

Discussion générale

M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi

M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Anne-Sophie Romagny

Mme Anne Souyris

Mme Céline Brulin

Mme Maryse Carrère

Mme Nadège Havet

Mme Annie Le Houerou

Mme Pascale Gruny

Discussion de l'article unique

Ordre du jour du mardi 14 mai 2024




SÉANCE

du mardi 7 mai 2024

84e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Régularisation des Padhue

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) qui veulent exercer en France subissent un long parcours administratif : épreuves de vérification des connaissances (EVC), parcours de consolidation des compétences (PCC) et, enfin, autorisation d'exercer délivrée par une commission ministérielle.

Le 16 janvier, le Président de la République s'est engagé à sécuriser leur situation. Mais les régimes dérogatoires successifs se succèdent pour les candidats non lauréats. Or ceux-ci doivent aussi bénéficier de mesures efficaces et définitives !

Le Cantal manque cruellement de médecins et compte de nombreux déserts médicaux. Or des médecins étrangers candidats à l'installation rencontrent de nombreuses difficultés pour exercer. Pourtant, ils rendraient un service attendu par la population.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faciliter l'installation des Padhue ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - L'autorisation d'exercice pour les Padhue représente à la fois un enjeu individuel pour les intéressés, mais aussi une mesure garantissant le maintien de l'offre de soins dans de nombreux territoires.

La loi du 27 décembre 2023 opère une réforme structurelle du dispositif. Le concours, qui a lieu tous les ans, est la seule voie d'accès permettant l'obtention du plein exercice.

Depuis l'adoption de la loi, les praticiens peuvent disposer d'une autorisation temporaire d'exercice de treize mois, renouvelable une fois, dans l'attente de passer le concours. Les praticiens déjà en exercice en France au moment des résultats du concours de 2023 ont bénéficié d'une affectation prioritaire sur leur établissement employeur.

À compter de 2024, les épreuves prendront en compte l'expérience acquise par ces praticiens sur le territoire français et la durée du PCC pourra être aménagée.

Ces mesures faciliteront la vie des Padhue tout en veillant à la qualité de leurs compétences, gage de la qualité des soins.

M. Stéphane Sautarel.  - J'espère que ces décisions récentes assoupliront le parcours administratif des Padhue.

Mme la présidente.  - Je salue la présence en tribune d'une délégation de sapeurs-pompiers de Paris. (Applaudissements)

Cantine à 1 euro

M. Christian Redon-Sarrazy .  - En raison du plan d'économies décidé en février, le Gouvernement a suspendu, entre autres, le remboursement aux communes du dispositif Cantine à 1 euro, notamment en Haute-Vienne. Créée en avril 2019 au profit des communes rurales de moins de 10 000 habitants, cette mesure permet aux enfants de familles modestes de déjeuner à la cantine pour 1 euro au maximum.

L'Agence de services et de paiement (ASP), qui gère le dispositif, a indiqué aux communes que la reprise des paiements interviendrait avant fin mars. Nous sommes le 7 mai : toujours rien !

Les élus craignent que cette suspension soit le prélude à la suppression du dispositif.

Le Gouvernement rendra-t-il un arbitrage prochainement ? Le dispositif retrouvera-t-il un fonctionnement normal ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - La tarification sociale des cantines est un succès. En 2023, 2 500 communes ou regroupements de communes ont reçu une subvention de 3 euros par repas. L'État a ainsi subventionné 15 millions de repas à tarif social, au profit de 194 000 élèves.

Depuis janvier 2024, la subvention passe à 4 euros lorsque la collectivité s'engage à respecter l'objectif de 50 % de denrées locales et de 20 % de produits bio, conformément à la loi Égalim.

Cette mesure est au coeur du pacte des solidarités présenté le 18 septembre 2023 ; elle est confortée jusqu'en 2027.

Les collectivités disposant déjà d'une convention avec l'ASP pourront la renouveler à son échéance, sous réserve de respecter les critères d'éligibilité. Les collectivités qui le souhaitent pourront signer un avenant à la convention pour bénéficier du bonus Égalim.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Les communes connaissent ces procédures. Le problème, c'est le versement de la subvention !

Conscient de ses erreurs, le Gouvernement cherche à faire des économies dans la panique. Mais la tarification sociale des cantines est une mesure de justice sociale. Si l'État a besoin d'argent, qu'il taxe les riches et les superprofits, et non les plus fragiles et les collectivités !

Encadrement des centres de santé dentaire

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Les dérives de certains centres de santé dentaire ont eu de graves conséquences sur la santé des patients et sur le coût induit pour l'assurance-maladie, d'où le vote, en mai 2023, de la loi Amélioration de l'accès aux soins.

Or, à ce jour, les six décrets d'application de ce texte n'ont pas été pris. De plus, la loi accroît la charge des agences régionales de santé (ARS), avec le rétablissement de la procédure d'agrément préalable des centres, supprimée en 2009 par la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Cette décision a sans doute favorisé les dérives : ne reproduisons pas les mêmes erreurs.

Quand les décrets d'applications seront-ils publiés ? Quels seront les moyens alloués aux ARS pour que celles-ci puissent mener à bien leur mission ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Ces dérives, constatées dans des centres dentaires, mais aussi ophtalmologiques, portent atteinte à la solidarité nationale.

Nous avons déjà agi. L'assurance maladie a sanctionné une dizaine de ces centres. La loi du 19 mai 2023 prévoit des mesures de régulation et des sanctions.

Le décret d'application a fait l'objet de concertations avec les acteurs concernés. Il devrait être publié d'ici à juillet 2024, après les consultations obligatoires de la Cnil, du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ou des caisses d'assurance maladie.

Les services du ministère accompagneront les ARS, qui instruiront ainsi les demandes d'agrément au mieux.

Le Gouvernement est très ferme vis-à-vis des établissements qui ne respectent pas la loi.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Les professionnels de santé attendent le décret avec vigilance pour éviter ces dérives qui portent atteinte à l'accès aux soins de nos concitoyens.

Réseau Asalée

Mme Nicole Duranton .  - Dans l'Eure, les infirmiers et infirmières du réseau Action de santé libérale en équipe (Asalée) mènent un travail remarquable, en collaboration avec tous les acteurs des soins primaires. Leur rôle est essentiel dans mon département, devenu au fil des ans un désert médical.

Ce travail collaboratif redonne de l'autonomie aux patients, libère du temps de consultation pour les médecins généralistes et diminue les coûts.

Or Asalée est actuellement dans la tourmente, compte tenu du désengagement financier de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). Des négociations sont en cours, mais l'association peine à payer ses salariés.

La situation est paradoxale : d'un côté, la Cnam soutient officiellement Asalée, et, de l'autre, elle ne lui verse pas les dotations en temps et en heure.

Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il pour aider cette association ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Le Gouvernement est pleinement convaincu de l'intérêt du réseau Asalée ; c'est un dispositif qui a fait ses preuves, il n'est pas question de le remettre en cause.

Les pouvoirs publics ont accompagné le projet depuis sa création. Le montant annuel de la subvention versée à l'association par l'assurance maladie s'élève à 80 millions d'euros. Celle-ci est allouée aux soins, mais la convention ne prévoit pas la prise en charge de loyers, comme le souhaite l'association.

Le ministère et l'assurance maladie veillent à la bonne utilisation des deniers publics. L'assurance maladie continue à verser 6 millions d'euros chaque mois à Asalée.

Cela dit, une nouvelle convention a été proposée à la signature de l'association le 2 mai dernier -  nous attendons sa réponse, que j'espère positive.

Madame Duranton, soyez assurée de l'engagement du Gouvernement en faveur de l'accès aux soins et de l'association Asalée.

Vaccination contre le papillomavirus dans les collèges

Mme Patricia Demas .  - Chaque année, le papillomavirus est responsable de 6 000 cancers et de 30 000 lésions précancéreuses du col de l'utérus.

La vaccination est efficace lorsqu'elle a lieu dès le collège, car, à cet âge-là, deux doses suffisent pour être protégé, alors qu'il en faut trois à partir de 15 ans ; or chaque dose coûte 100 euros, raison de plus pour vacciner tôt !

La couverture vaccinale des jeunes progresse, mais elle demeure inférieure à celle des pays voisins : 55 % des collégiennes et seulement 41 % des collégiens ont reçu une première dose. Or nous devons atteindre un taux de couverture de 80 % : nous en sommes encore loin !

Pourquoi seuls 10 % des collégiens, selon les résultats - très décevants - de la première campagne menée en septembre 2023, ont-ils reçu la première injection ? Le Gouvernement dispose-t-il d'un bilan précis ? Enfin, pour quelles raisons la région sud est-elle l'une des moins bien couvertes ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Cette première campagne de vaccination est un succès : plus de 117 000 élèves de cinquième ont reçu leur première dose, de manière sûre et gratuite, et ils s'apprêtent à recevoir la seconde. La campagne de vaccination au collège a eu un effet d'entraînement sur la vaccination spontanée en ville.

Plus de 48 % des adolescents âgés de 12 ans en 2023, soit 400 000, ont été vaccinés ; c'est 17 points de plus que la génération précédente. Pour la prochaine campagne, notre objectif reste de vacciner 80 % d'une tranche d'âge d'ici à 2030.

Évalué par les agences régionales de santé (ARS), le dispositif sera plus souple et plus opérationnel : les parents d'élèves de sixième recevront un premier courrier à la fin du mois de mai et un second à la rentrée prochaine ; des séances de sensibilisation seront menées dans les collèges en juin ; une large campagne de communication sera déployée à la rentrée à destination des professionnels de santé.

Les différences territoriales ne s'expliquent que par l'adhésion au vaccin.

Situation de l'Ehpad Les Escales

Mme Céline Brulin .  - Depuis novembre dernier, l'Ehpad Les Escales du Havre, qui compte 600 lits, est placé sous administration provisoire : sa dette s'élève à 12,5 millions d'euros.

L'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) propose de supprimer une centaine de postes sur 566 ETP : les soignants sont très inquiets, alors qu'ils sont déjà soumis à une lourde charge de travail. Avec une infirmière pour 120 patients, certaines unités fonctionnent en mode dégradé. Épuisés, les soignants souffrent de ne pouvoir assurer convenablement l'aide due aux résidents.

À cela s'ajoutent des problèmes de gestion, qui se conjuguent au déficit de communication de la direction.

Monsieur le ministre, la situation est délétère. Quels moyens entendez-vous mobiliser pour garantir la sécurité des patients et du personnel ? C'est urgent !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - L'agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental ont accompagné l'établissement, unique par sa taille, dans la transformation de son organisation.

Alertée en septembre 2023, l'ARS a versé 3,4 millions d'euros d'aides exceptionnelles en 2023 et 5,5 millions d'euros en 2024, avant de décider, en lien avec le conseil départemental et avec le président du conseil d'administration, de placer l'Ehpad sous administration provisoire.

Dans le cadre du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), l'ARS s'est engagée à verser 200 000 euros pour développer trois pôles d'activité et de soins adaptés (Pasa) et le département 750 000 euros pour renforcer certains effectifs.

L'amélioration du taux d'occupation est en cours, tout comme l'évaluation de la charge en soins/dépendance et la récupération de la TVA dans le cadre des chantiers. Enfin, des partenariats ont été lancés avec les acteurs du domicile et avec les établissements médico-sociaux.

Des réductions de dépenses sont nécessaires.

L'administration provisoire sera prorogée à compter du 20 mai 2024 pour six mois maximum.

Ces actions visent toutes à pérenniser l'offre d'accueil.

Mme Céline Brulin.  - Et les emplois ?

Vous le voyez, fusionner de la misère n'a jamais créé de la richesse !

Difficultés des établissements de santé privés

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - Monsieur le ministre, vous pouvez empêcher la grève de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) et des syndicats de médecins libéraux, qui déplorent la hausse de 0,3 % des tarifs hospitaliers privés en 2024, contre 4,3 % dans le secteur public.

Cette hausse est dérisoire - l'hôpital privé subit la même inflation que le public - et désobligeante, car le privé prend sa part dans l'offre de soins : il est même majoritaire dans mon département, les Hauts-de-Seine, ou en Corse. Les hôpitaux privés accueillent 9 millions de patients, 35 % de l'activité hospitalière, 40 % de la chirurgie du cancer, 25 % des soins palliatifs et participent aux urgences.

Alors que l'hôpital public est en crise, est-il judicieux d'opposer les deux systèmes ? Les patients seront les premières victimes !

Les secteurs public et privé sont complémentaires et non concurrents : dans mon département, les cliniques renforcent les services de l'hôpital public, notamment en chirurgie pédiatrique.

Accepterez-vous une juste convergence tarifaire pour préserver le fragile équilibre de notre système ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Depuis 2019, les ressources versées aux cliniques privées par l'assurance maladie ont augmenté de 2,2 milliards d'euros. En cumulé, depuis 2021, les cliniques privées ont perçu quelque 3,5 milliards d'euros de financements publics. Entre 2013 et 2017, la précédente majorité a fait baisser chaque année les tarifs du secteur privé.

Or, en 2024, pour la sixième année consécutive, les tarifs sont en hausse, de 0,5 % contre 5,3 % l'an dernier. De plus, les cliniques privées, comme les établissements publics, ont bénéficié en février 2024 de 500 millions d'euros de soutien exceptionnel. Ce n'est ni dérisoire ni désobligeant !

L'écart entre les deux tarifs reflète l'impact des revalorisations salariales décidées par le Gouvernement pour le public et le soutien apporté par l'État à certaines activités, portées par le public, sous-financées, notamment la pédiatrie et les maternités.

Réforme de l'allocation de solidarité spécifique et compensations financières aux départements

M. Jean-Claude Anglars .  - Au début du mois de février 2024, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé la suppression de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les chômeurs en fin de droits, en les redirigeant vers le dispositif du revenu de solidarité active (RSA).

Cette décision, préoccupante par ses effets potentiels sur la précarité financière des demandeurs d'emploi, est très critiquée par les départements.

L'État, encore une fois, a pris unilatéralement cette décision ; la considération pour les départements et la décentralisation est bien faible...

Or le transfert des bénéficiaires de l'ASS, environ 300 000 personnes, vers le RSA aura des conséquences pour les départements : l'ASS coûte près de 2,1 milliards d'euros. Un tel transfert de charges ne peut se faire sans transfert de moyens, étant donné que les départements connaissent déjà « une situation d'étranglement » de leurs finances, selon Départements de France. En Aveyron, cette réforme coûtera entre 6 millions et 7 millions d'euros par an.

Monsieur le ministre, cette annonce est-elle encore d'actualité ? L'État s'engage-t-il à compenser intégralement le transfert de charges vers les départements ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Nous souhaitons que notre système soit plus équitable, que nos prestations soient plus simples à obtenir et surtout qu'elles accompagnent leurs bénéficiaires vers l'emploi.

Or tel n'est pas le cas aujourd'hui : l'ASS peut être cumulée avec un revenu d'activité pendant plus de trois mois, mais elle ne peut l'être avec des revenus du patrimoine. Est-ce équitable ? Est-ce que cela donne envie de retrouver un travail ?

L'ASS est la seule prestation de solidarité qui donne des droits à retraite, mais cela dépend des revenus du conjoint. Est-ce que cela invite à travailler plus ? Le Premier ministre l'a dit, la retraite doit être le fruit du travail.

La suppression de l'ASS sera progressive ; elle ne fera pas de perdants.

M. Jean-Claude Anglars.  - Les départements vous écoutent, monsieur le ministre !

Augmentation de la surpopulation carcérale pendant les JOP

Mme Corinne Narassiguin .  - La surpopulation carcérale risque de s'aggraver durant les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024. En cause, la multiplication des patrouilles de police dans les transports, l'augmentation du nombre d'audiences de comparution immédiate et la création de nouveaux délits.

La situation de la prison de Villepinte est pourtant déjà dramatique. Lors de ma visite, le 8 avril dernier, le taux d'occupation était de 180 % et treize des détenus dormaient sur des matelas posés au sol.

L'administration pénitentiaire entend libérer 120 places, via des transferts vers la nouvelle structure d'accompagnement vers la sortie de Noisy-le-Grand, vers le centre de détention de Fleury-Mérogis, voire vers d'autres régions pour une cinquantaine de détenus volontaires. S'agit-il d'instructions nationales ou régionales ?

Pouvez-vous me transmettre des informations précises bimensuelles jusqu'à mi-septembre 2024 sur les flux entrants et sortants de la prison de Villepinte ?

Allez-vous enfin mettre en place un mécanisme contraignant de régulation afin de lutter concrètement contre la surpopulation carcérale ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Les services centraux et déconcentrés de l'administration pénitentiaire optimisent en permanence les taux d'occupation pour réduire la densité carcérale, dans le cadre notamment d'opérations de désencombrement. La direction interrégionale de Paris dispose ainsi d'un droit de tirage de plus de 1 500 places afin de remédier à d'éventuels déséquilibres.

Les données prévisionnelles des flux entrants et sortants pour les mois à venir n'existent pas, car il n'est pas possible de prévoir le nombre de personnes qui seront condamnées à une peine d'emprisonnement et affectées à Villepinte.

Sachez que 406 places ont été ouvertes à Fleury-Mérogis et, lorsque c'est possible, certains détenus sont orientés vers des structures d'accompagnement vers la sortie - Osny, Meaux, et Noisy-le-Grand tout récemment.

Mme Corinne Narassiguin.  - S'agissant des flux entrants et sortants, j'attends non des prévisions, mais des chiffres réels. Nous avons besoin d'une véritable stratégie en matière de surpopulation carcérale.

Suppressions de postes dans l'enseignement public à Paris

Mme Colombe Brossel .  - Malgré les alertes, vous continuez à fermer des classes et à supprimer des postes, arguant de la baisse démographique. Oui, le nombre d'enfants scolarisés dans l'académie de Paris diminue. Mais au lieu d'en profiter pour faire baisser le nombre d'enfants par classe, vous fermez encore et toujours, jusqu'à surcharger les classes. C'est absurde ! QPV, REP... aucun territoire n'est épargné.

L'an dernier, vous avez fermé brutalement 178 classes de primaire et supprimé 182 postes d'enseignants dans le second degré. Pour 2024, vous vous obstinez : 137 fermetures dans le premier degré et 58 dans les collèges publics, sans compter la baisse des dotations horaires globales (DHG).

Où vous mènent ces saignées sans fin ? Écoutez ceux qui vous alertent et qui défendent l'école publique et revenez sur ces suppressions de postes à Paris !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Dans l'académie de Paris, la baisse démographique est structurelle et va se poursuivre. En dix ans, le nombre d'élèves dans le premier degré public y a baissé de 30 000. Après une baisse de 2 690 élèves à la rentrée 2023, une baisse de 2 031 élèves est attendue pour la prochaine rentrée. Pour autant, cette académie détient, avec la Corse, le meilleur taux d'encadrement de France métropolitaine, avec 6,6 postes d'enseignants pour 100 élèves en 2023 - contre 6 en moyenne nationale. De même, le nombre moyen d'élèves par classe y est très favorable, avec 19,9 élèves en moyenne.

Dans le second degré, les effectifs ont diminué de 1 443 élèves en 2023 et une nouvelle baisse de 1 276 élèves est attendue en 2024.

Les moyens déployés permettront la mise en oeuvre du choc des savoirs, la poursuite de l'effort en faveur de l'école inclusive et les évolutions de la voie professionnelle. Enfin, comme à la rentrée 2023, chaque établissement disposera d'une dotation dans le cadre du dispositif Pacte pour mettre en place des dispositifs d'accompagnement et de soutien au bénéfice des élèves.

Autorisations d'instruction en famille

Mme Laurence Garnier .  - La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié les modalités de l'encadrement de l'instruction en famille. Dans le nouveau régime d'autorisation préalable, les maires sont en première ligne. Les services de la mairie doivent en effet réaliser une enquête afin de s'assurer que l'instruction délivrée est bien compatible avec l'état de santé de l'enfant. Mais les maires - qu'ils soient cadres bancaires, agriculteurs ou retraités de la fonction publique territoriale - sont-ils vraiment compétents et légitimes pour ce faire ?

Comment comptez-vous mobiliser les services de l'éducation nationale et de votre ministère pour assurer le suivi de ces enfants ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Depuis 2022, il ne peut plus être dérogé à l'obligation de scolarisation que sur autorisation préalable pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi. Le maire, agent de l'État, est chargé de mener une enquête dont le résultat est communiqué au directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) ainsi qu'aux personnes responsables de l'enfant.

La loi du 24 août 2021 a modifié l'objet de l'enquête du maire : il ne s'agit plus de vérifier l'état de santé des enfants, mais la réalité des motifs invoqués. Il s'agit aussi de contrôler s'il est donné à l'enfant une instruction compatible avec son état de santé et les conditions de vie de la famille. Enfin, il est demandé d'obtenir une attestation de suivi médical. Cette enquête complète le contrôle pédagogique réalisé par les autorités académiques. Le Gouvernement entend préserver cette dualité de contrôle. Afin d'accompagner les maires, le guide dédié est en cours d'actualisation.

Mme Laurence Garnier.  - Soyons très vigilants, car les maires ne pourront tout assumer.

Bilan de la formation au numérique des formateurs

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Dès 2018, j'avais formulé de nombreuses recommandations pour que les élèves prennent en main leur destin numérique. Ces préconisations sont encore d'une vive actualité.

J'avais alors insisté sur la nécessaire formation des formateurs. D'où mon amendement à la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance afin que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) forment les étudiants et les enseignants aux outils et ressources numériques. Depuis, je demande régulièrement un bilan de cette disposition, mais n'ai reçu que des réponses lacunaires.

Le Digital Service Act (DSA), entré en application en février dernier, contraint les plateformes à atténuer les risques qu'elles représentent et permet de lutter contre les contenus illicites. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) y veillera. Mais la protection des jeunes en ligne n'est pas qu'une question de sécurité. La formation des formateurs est également clé. Voilà pourquoi je vous en demande un bilan précis.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Le développement des compétences numériques est un élément essentiel du parcours scolaire, de l'insertion professionnelle et de la vie citoyenne.

Une stratégie numérique pour l'éducation 2023 a été élaborée et une charte pour l'éducation à la culture et la citoyenneté numérique a été rédigée.

Le Digital Services Act concerne d'abord les plateformes grand public du numérique. Le ministère de l'éducation nationale s'appuie sur des plateformes souveraines et protectrices du droit des usagers. C'est ainsi que, depuis novembre 2022, nous déployons, pour les élèves de sixième, l'attestation de sensibilisation aux compétences numériques à l'aide de la plateforme PIX.

La formation des enseignants au et par le numérique est une dimension obligatoire de leur formation initiale.

Enfin, les écoles peuvent mener des expérimentations pédagogiques sur cinq ans, qui peuvent porter sur l'organisation de la classe ou de l'école, l'utilisation des outils numériques ou encore la répartition des heures d'enseignement sur l'année scolaire.

Une approche équilibrée, progressive et sécurisée des enjeux du numérique permettra à l'école d'éduquer les futurs citoyens de demain.

Difficultés financières des Ésat

Mme Nicole Duranton .  - Je pose cette question au nom de Nadège Havet, sénatrice du Finistère, qui félicite tout d'abord l'établissement et service d'aide par le travail (Ésat) de Briec, Les Genêts d'Or, pour l'organisation de la fête des Fleurs.

Les Ésat, qui proposent un accompagnement spécifique pour plus de 120 000 personnes en situation de handicap, ont des difficultés de financement. En effet, les coûts liés aux évolutions positives du statut des travailleurs des Ésat prévues par la loi du 18 décembre 2023 en faveur du plein emploi - remboursement des frais de transports publics, accès aux titres-restaurant et aux chèques-vacances, prise en charge de la couverture complémentaire collective  - suscitent l'inquiétude, alors que plus d'un Ésat sur quatre est en déficit net. L'accompagnement proposé pourrait en être détérioré.

Comment le Gouvernement tiendra-t-il compte de ce contexte financier dégradé ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Les 1 500 Ésat jouent un rôle fondamental pour accompagner les personnes en situation de handicap vers un travail en milieu ordinaire. Le Gouvernement a fait converger les droits des travailleurs des Ésat avec ceux des salariés, tout en leur conservant un statut protecteur qui ne permet pas leur licenciement. La loi en faveur du plein emploi leur octroie des droits collectifs - droit de faire grève ou de se syndiquer  - , et individuels, comme une complémentaire santé obligatoire prise en charge pour moitié par l'employeur.

Sa mise en place à partir du 1er juillet prochain inquiète fortement le secteur. Des travaux sont en cours pour définir le meilleur moyen d'accompagner les Ésat, alors que plus de 3,2 milliards d'euros leur sont consacrés en 2024. Nous trouverons ensemble une solution pour protéger leur situation financière et la santé de leurs travailleurs.

Régime spécifique d'approvisionnement

Mme Viviane Malet .  - Le régime spécifique d'approvisionnement (RSA) vise à compenser les surcoûts, liés à l'éloignement et à l'absence de cultures céréalières en outre-mer, en matière d'alimentation animale, qui empêchent l'émergence de filières de viande biologique dans les départements d'outre-mer (DOM), indispensables pour répondre aux obligations fixées par les lois Égalim. Le plafond du RSA n'a pas été relevé depuis dix ans et 8 millions d'euros de coûts de fret sont indûment supportés par les éleveurs des DOM, que l'État a demandé de ne pas répercuter sur les consommateurs, en échange de l'engagement de prendre en charge le complément du RSA dès l'obtention du feu vert de la Commission européenne. Or l'État n'a pas encore tenu son engagement et s'abrite derrière le refus des collectivités locales de cofinancer ce dispositif, alors qu'il n'en a jamais été question.

Confirmez-vous que l'État abondera l'enveloppe du RSA, comme la Commission européenne l'y autorise depuis l'été 2023 ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Si la Commission européenne a confirmé en juin 2023 que le rehaussement du plafond du RSA pouvait être abondé par des crédits nationaux, cela ne signifie pas que l'État accepte d'en verser la totalité.

Lors de la préparation de la visite officielle de la Première ministre à La Réunion en mai 2023, il a été décidé que ce rehaussement serait pris en charge par les collectivités territoriales. En août 2023, dans un courrier des ministres chargés de l'agriculture et des outre-mer, il leur était demandé si elles voulaient prendre en charge l'augmentation du plafond du RSA et participer à la gouvernance du dispositif. Leurs retours sur les montants et sur la répartition des coûts entre État, régions et départements sont encore incomplets, mais le Gouvernement a confirmé, en février dernier, qu'un abondement de l'État n'était envisageable qu'à la condition d'un cofinancement des collectivités territoriales.

Compatibilité des aides de la PAC avec l'agrivoltaïsme

M. Jean-François Longeot .  - La compatibilité des aides de la politique agricole commune (PAC) avec le développement de l'agrivoltaïsme me tient à coeur, comme l'atteste la proposition de résolution tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France déposée avec Jean-Pierre Moga il y a deux ans.

La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite Aper, a accéléré le développement de l'agrivoltaïsme. Or des obstacles persistent en raison de l'article 8 de l'arrêté du 13 mai 2023, qui impose notamment de ne pas couvrir plus de 30 % de la surface d'une parcelle par des panneaux photovoltaïques. En outre, l'usage non agricole doit être limité dans le temps et intervenir après la récolte : les agriculteurs n'enlèveront pas leurs panneaux pour les réinstaller ensuite.

Un arrêté modificatif pour ajuster ces critères est-il envisagé ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - L'agrivoltaïsme concerne les installations photovoltaïques sur les terres agricoles exploitées, dont la fonction première est d'apporter un bénéfice. La loi Aper fixe un cadre clair : la production agricole est systématiquement privilégiée et la présence d'une installation agrivoltaïque n'empêche pas le versement des aides de la PAC.

Pour les projets déjà en service, une visite des services de l'État doit être menée rapidement afin de confirmer le maintien de l'activité agricole et de permettre le versement de ces aides. Les installations photovoltaïques au sol, qui ne sont pas agrivoltaïques, car elles ne permettent pas le strict maintien de l'activité agricole, continueront à être soumises au régime actuel.

Vous avez raison, il est nécessaire de modifier l'arrêté du 13 mai 2023, en particulier pour ce qui concerne le taux maximal de 30 % de couverture. Je vous confirme qu'un arrêté modificatif sera signé dans les prochaines semaines.

M. Jean-François Longeot.  - Merci !

Accueil d'enfants palestiniens blessés en provenance de Gaza

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Selon l'Unicef, la bande de Gaza est l'endroit le plus dangereux au monde pour un enfant : un enfant y est blessé ou tué toutes les dix minutes. Plus de 14 000 enfants ont été tués, deux fois plus, blessés et des milliers d'autres sont portés disparus. En novembre dernier, le Président de la République déclarait mobiliser tous les moyens pour apporter des soins urgents, en France, aux enfants gazaouis blessés ou malades, ajoutant que nous pourrions accueillir jusqu'à cinquante enfants. Or, selon l'association Palmed France, aucun enfant en provenance de Gaza n'a été accueilli ; seuls quelques enfants venant du Caire, où ils étaient déjà soignés, l'ont été. Aujourd'hui, une quinzaine de médecins, dont deux Français, partent à Gaza dans le cadre de la mission organisée par l'association Palmed.

Que compte faire le Gouvernement pour faciliter le départ de médecins français vers Gaza ? Quand la France ouvrira-t-elle les cinquante lits ? (M. Ian Brossat applaudit.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Depuis le début du conflit, la France a mené plusieurs actions destinées aux enfants de Gaza. Ces évacuations sont longues, difficiles, voire dangereuses, et complexes techniquement, car plusieurs conditions sont nécessaires : l'accord explicite des parents ou des ayants droit des enfants concernés, celui des autorités israéliennes et la confirmation de l'intérêt médical d'une prise en charge en France.

À ce jour, quatorze enfants ont été admis au sein de nos hôpitaux. Ce chiffre n'est pas plus élevé, en raison du choix par les parents d'une hospitalisation en Égypte ou dans une région plus proche. Nous sommes prêts à accueillir cinquante enfants et de nouvelles opérations d'évacuation sont en cours. Leur réussite ne doit pas être jugée à l'aune d'un seul chiffre.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Depuis novembre, quatorze enfants accueillis, ce n'est pas sérieux ! Les cinquante lits doivent ouvrir. La France doit tenir sa promesse.

Baisse de l'IPPA dans plusieurs circonscriptions consulaires en 2024

Mme Hélène Conway-Mouret .  - La pérennité de notre système de solidarité envers les familles françaises qui ont besoin de bourses scolaires est en danger. Parmi les leviers d'économies activés figure la baisse de l'indice de parité du pouvoir d'achat (IPPA) dans nombre de circonscriptions consulaires pour la campagne 2024-2025.

L'opacité de cette décision, prise sur la base de données confidentielles fournies par une agence privée, suscite l'incompréhension des conseillers des Français de l'étranger chargés d'examiner les dossiers et empêche les parlementaires de contrôler l'action du Gouvernement. Cette décision paraît davantage motivée par des raisons budgétaires que par l'évolution réelle des parités de pouvoir d'achat entre la France et les pays concernés. Elle est contraire à l'esprit de notre système d'aide à la scolarité et aux objectifs du Président de la République, qui veut doubler le nombre d'élèves d'ici à 2030.

Sur quels critères repose ce nouveau mode de calcul de l'IPPA ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - L'IPPA est calculé à partir de données objectives fournies annuellement par l'agence Mercer Consulting. Il est constitué pour 70 % de l'indice de coût de la vie et pour 30 % de l'indice de coût de logement. La variation de l'IPPA a un effet mécanique sur la valeur des aides à la scolarité.

Le contexte inflationniste mondial a entraîné en 2023 de très fortes variations : 52 pays sur 176 ont connu une hausse supérieure ou égale à dix points. La baisse constatée dans certains postes en 2024, est due à l'actualisation de la méthode de calcul des indices de coûts de la vie, mais la plupart des pays concernés retrouvent, en réalité, un indice proche de celui de la campagne 2022-2023.

Les données utilisées sont acquises par le ministère dans le cadre d'un marché avec Mercer Consulting qui est une entreprise privée ; elles ne peuvent pas être rendues publiques.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Le Gouvernement doit faire preuve de plus de transparence à l'égard des élus locaux et des parlementaires.

Difficultés matérielles d'exercice des missions de lieutenant de louveterie

M. Philippe Bonnecarrère .  - Les lieutenants de louveterie sont des bénévoles qui assurent des missions d'intérêt général ayant trait à la faune sauvage, lorsque celle-ci porte atteinte aux biens ou aux personnes. Leurs interventions ont lieu dans le cadre du code de l'environnement et l'État exige d'eux d'être disponibles, de disposer d'un équipement spécifique, d'entretenir au moins quatre chiens et d'être mobiles.

L'État fait de plus en plus appel à eux, notamment pour l'application du plan Loup. Parallèlement, leurs charges progressent et ils rencontrent des difficultés croissantes pour assurer la conservation des meutes exigée par l'État. En résumé, on leur demande plus, alors que leurs conditions de travail se dégradent.

Comment résolvez-vous cette contradiction pour leur permettre de mieux exercer leur activité ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Les lieutenants de louveterie jouent un rôle essentiel de régulation des espèces sauvages, de répression du braconnage et d'entretien du lien social en ruralité.

En raison de l'expansion de la présence du loup, ils sont fortement mobilisés pour défendre les troupeaux. Le remboursement de leurs frais de déplacement est effectif depuis 2011. Néanmoins, le Gouvernement a lancé une mission pour améliorer leur accompagnement, dont les recommandations, qui m'ont été remises en mars, seront rendues publiques dans les prochains jours et seront prises en compte dès cette année. Il apparaît nécessaire notamment de recentrer leurs missions sur les priorités actuelles, comme la gestion du loup ou du sanglier, ou de permettre des accords avec les employeurs pour faciliter l'aménagement du temps de travail des louvetiers.

Les travaux menés au Sénat et à l'Assemblée nationale nourriront ces réflexions et nous permettront d'améliorer la situation des louvetiers.

Absence de réponse de l'Anah au Défenseur des droits

Mme Nadia Sollogoub .  - Fin 2022, le Défenseur des droits déclarait avoir reçu 500 réclamations d'usagers souhaitant recourir à MaPrimeRénov', dont l'accès est totalement dématérialisé. Or, l'ensemble des foyers français ne disposant pas d'équipement informatique et de connexion internet, l'absence de moyen d'accès alternatif constitue une rupture d'égalité devant le service public. Le Défenseur des droits est donc sollicité par les usagers qui rencontrent des difficultés dans la gestion de leur demande d'aide.

Les difficultés ne s'arrêtent pas là, puisque les représentants du Défenseur dans les territoires sont ensuite confrontés à l'absence de réponse de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Face à ce constat affligeant, l'Anah peut-elle répondre aux sollicitations du Défenseur dans des délais raisonnables ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Depuis la mise en oeuvre de MaPrimeRénov', plus de 2,3 millions de ménages ont reçu une aide pour rénover leurs logements, pour un total de près de 10 milliards d'euros. Depuis le 1er janvier 2022, ce dispositif est complété par le déploiement de France Rénov', le service public de la rénovation de l'habitat, qui permet aux ménages d'être informés, conseillés et orientés dans plus de 580 espaces de conseil.

Depuis le lancement de l'aide en 2020, le Défenseur des droits a saisi l'Anah de 1 341 dossiers : 88 % d'entre eux ont obtenu une réponse. Les autres font l'objet d'un traitement, avec prise de contact directe avec les usagers pour trouver des solutions. Les équipes de l'Anah échangent régulièrement avec celles du Défenseur des droits au niveau national.

Il faut apporter une réponse à chacun, mais le nombre de dossiers concernés est minime.

Mme Nadia Sollogoub.  - Nous n'avons pas les mêmes chiffres. En la matière, l'État semble déconnecté, loin des gens, qui risquent de renoncer.

Congés frauduleux des propriétaires à l'occasion des JO

M. Ian Brossat .  - Les jeux Olympiques (JO), c'est bientôt. Les Français attendent ce grand événement populaire ; mais à Paris et en Seine-Saint-Denis, les congés frauduleux, par lesquels des propriétaires voyous se débarrassent de leurs locataires pour louer leur logement sur des plateformes de location touristique comme Airbnb, se multiplient. Des locataires se retrouvent à la porte de leur appartement, sans solution de relogement. Ces congés frauduleux seraient passés en deux ans à Paris de 19 % à 28 %, selon l'Agence départementale d'information sur le logement (Adil) de Paris. Quels sont les moyens mis en oeuvre par l'État pour les éviter ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - C'est essentiel : nos concitoyens doivent pouvoir se loger dignement pendant les Jeux. D'après l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, un bailleur ne peut donner congé à son locataire qu'à l'échéance du bail et dans trois cas de figure : s'il souhaite reprendre le logement pour l'occuper à titre de résidence principale ou y loger un proche, s'il souhaite vendre le logement inoccupé - le locataire étant alors prioritaire pour l'acquérir - ou pour un motif légitime et sérieux - non-respect par le locataire de l'une de ses obligations, retard répété de paiement, défaut d'entretien du logement, trouble de voisinage. Le locataire peut contester le congé devant le juge, qui le déclare non valide en l'absence d'éléments sérieux et légitimes et peut prononcer une amende pénale. La réglementation est très protectrice des locataires ; il y aura toujours des gens qui fraudent, mais face à cela, la loi s'appliquera, rien que la loi, juste la loi.

M. Ian Brossat.  - Mais la loi ne s'applique pas ! Très peu de locataires vont devant le juge pour faire valoir leurs droits. Je suis d'autant plus inquiet que le ministre du logement passe plus de temps à expliquer comment il veut expulser que comment il veut loger, alors que 330 000 personnes sont à la rue, et que le nombre d'expulsions locatives a enregistré un record cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Gratuité de l'autoroute A62

M. Hervé Gillé .  - En Sud Gironde, beaucoup doivent emprunter l'autoroute A62 pour aller travailler dans la métropole bordelaise. En plus du coût de leur véhicule et de l'essence, ils payent 4,60 euros de péage de Langon à Bordeaux et retour, soit 92 euros par mois, plus de 1 000 euros par an. Cette somme énorme est injuste : l'accès à la métropole bordelaise est gratuit sur les autres axes et Vinci Autoroute, concessionnaire de l'A62, a fait 2,2 milliards d'euros de profit en 2022. Que répondez-vous aux élus de ce territoire ? La gratuité d'une portion de l'A62 est juridiquement impossible, mais vous avez demandé aux concessionnaires des efforts sur les abonnements et le covoiturage.

À quelques années de la fin des contrats, l'État doit avoir une politique volontariste. Êtes-vous favorable à ce que les cahiers des charges permettent la gratuité de ces tronçons ou une diminution significative de leur tarif ? Êtes-vous favorable à une expérimentation ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - C'est une question importante pour nos concitoyens qui doivent emprunter ces autoroutes. Le modèle de la concession réside dans le financement de l'infrastructure par ses usagers. Toute réduction ou suppression d'un péage doit contractuellement être compensée par une augmentation d'autres péages : ce serait déplacer le problème ! La gratuité de l'A62 jusqu'à la Réole conduirait à faire payer par d'autres utilisateurs des travaux sur une section qu'ils n'empruntent pas. Pour réduire l'impact du péage pour les trajets domicile-travail, les sociétés ont mis en place, à la demande du Gouvernement, des formules d'abonnement équivalant à une réduction de 30 % du prix, dès dix trajets.

Il faut effectivement anticiper la fin des concessions historiques entre 2031 et 2036. Nous travaillerons donc avec vous et les sénateurs Hervé Maurey et Marie-Claude Carrère-Gée sur ce sujet.

M. Hervé Gillé.  - Les rentes autoroutières sont évaluées à 55 milliards d'euros. Dommage que le Gouvernement ne trouve pas les moyens de lancer des expérimentations sur ce type de tronçons ! La compensation peut être apportée par les collectivités, mais aussi par l'État : pourquoi pas ?

Crues de l'Armançon et du Serein

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Du 1er au 4 avril dernier, les habitants de l'Yonne ont été touchés par les crues de l'Armançon et du Serein ; j'ai une pensée pour tous les sinistrés et pour tous les élus qui les ont épaulés - j'ai pu le constater dans de nombreuses communes.

Ils attendent des réponses. Concernant la gestion de l'eau en amont, ils ont de nombreuses questions sur le barrage de Pont-et-Massène, auxquelles Voies navigables de France (VNF) a pu répondre en préfecture la semaine dernière : le barrage est essentiellement dédié à réguler le niveau du canal et son utilisation pour l'écrêtement de crues nécessiterait des études et des travaux - c'est une piste. Sur la prévention des inondations, comment l'État compte-t-il aider au financement du reméandrage, de la création de zones d'expansion de crues ou de la gestion des embâcles ? En matière d'information des élus, dès lors que la Côte-d'Or est mise en vigilance, l'Yonne doit l'être aussi, car l'eau arrive très vite. De nombreux dégâts de voiries sont à déplorer. Comment l'État accompagnera-t-il les collectivités ? Une part de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pourrait être mise de côté à cette fin.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - J'adresse au nom du Gouvernement une pensée à tous les habitants durement frappés par ces crues et je vous remercie d'avoir été sur place aux côtés des habitants et des élus. C'est notre marque de fabrique ! Le Gouvernement est très attaché à la préparation de nos territoires aux crues. VNF gère le barrage-réservoir de Pont-et-Massène qui alimente le canal de Bourgogne et n'est pas dimensionné pour atténuer significativement les crues de l'Armançon : lorsque le niveau d'eau devient élevé, le barrage doit lâcher exactement la même quantité d'eau que ce qu'il reçoit en amont - l'ouvrage devient transparent à la crue. Si la collectivité disposant de la compétence Gémapi souhaite faire jouer un rôle plus actif au barrage -  et si la configuration technique le permet  - , elle doit passer une convention avec VNF. Nous continuerons à expertiser les pistes que vous évoquez avec le préfet.

Crise du logement social

M. Jean-Gérard Paumier .  - Pour Val Touraine Habitat, plus grand bailleur social de la région Centre avec 24 000 logements, la situation s'est sérieusement dégradée depuis 2018 : la baisse des APL l'a contraint à des réductions de loyers de solidarité (RLS) à hauteur de 6 millions d'euros par an, en plus de la hausse du taux d'intérêt du livret A de 1 à 3 %. Son résultat 2023 est ainsi de 2 millions d'euros, contre 10 à 12 auparavant. La construction de logements neufs est passée de 100 à 50 logements par an ; les réhabilitations sont passées de 900 à 750 logements malgré la loi Climat et résilience ; les gros travaux d'entretien ont baissé de 2 millions d'euros.

De nombreux locataires sont confrontés à l'explosion des coûts : pour les 2 400 d'entre eux alimentés en chauffage collectif au gaz naturel, la facture annuelle augmente de 500, voire 1 000 euros à cause d'un prix du gaz passé de 20,85 euros le mégawattheure à 141 euros en 2023. Les impayés de loyer sont passés en quatre ans de 5 à 9 % du chiffre d'affaires. Dans ces conditions, la priorité n'est pas de faire sortir du parc social les 3 % de locataires qui paient un surloyer de solidarité, contribuant ainsi à la mixité sociale, mais de mettre en place un tarif social de l'énergie. Les gens qui entrent dans le parc HLM aujourd'hui sont plus pauvres qu'il y a dix ans.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Face à une crise exceptionnelle, le Gouvernement s'est mobilisé : les ménages modestes résidant en habitat collectif ont été protégés par un bouclier tarifaire individuel ou par un bouclier tarifaire collectif équivalent lorsque l'électricité ou le gaz sont payés par leurs copropriétés ou leurs bailleurs, ce qui a évité un doublement de leur facture énergétique. Les tarifs sociaux de l'énergie ont été remplacés en 2018 par le chèque énergie, indifférent au type de chauffage et plus automatique. Des chèques énergie exceptionnels ont été envoyés dès 2021 et 2022. En 2024, le Gouvernement travaille à ce que le chèque énergie puisse être utilisé pour payer les charges locatives incluant des frais d'énergie dans le parc HLM.

Transfert obligatoire des compétences Eau et assainissement en 2026

M. Didier Mandelli .  - Depuis un amendement à la loi NOTRe adopté sans étude d'impact, le transfert des compétences Eau et assainissement des communes aux communautés de communes est obligatoire.

Grâce au Sénat, ce transfert a été repoussé au 1er janvier 2026 et, en mars 2023, nous avons adopté une proposition de loi autorisant une gestion différenciée de ces compétences, toujours pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Quelques jours plus tard, lors de la présentation du plan Eau, le Président de la République lui-même admettait : « Parfois l'intercommunalité est le bon choix, parfois non ». Le ministère devait établir une carte et, là où l'échelon intercommunal n'était pas pertinent, trouver d'autres solutions de mutualisation.

Lors des questions d'actualité le 11 avril dernier, Christophe Béchu a confirmé cet assouplissement : un dispositif alternatif devrait être voté avant la fin de l'année, un texte soumis au Sénat avant l'été. Un mois plus tard, pouvez-vous nous préciser le contenu de ce projet de loi et son calendrier ? En Vendée, un collectif de maires constitué à l'initiative de Frédéric Rager, maire de Maché, et Philippe Briaud, maire de Bellevigny, dans la communauté de communes de Vie-et-Boulogne est à votre disposition pour travailler sur le sujet. (MMJean-Michel Arnaud et Olivier Cigolotti apprécient la question et applaudissent.)

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - La proposition adoptée par le Sénat en mars 2023 prévoyait un retour en arrière. Or la raréfaction de la ressource en eau nous incite à sa mutualisation, raison pour laquelle le Gouvernement avait émis un avis défavorable. Contrairement à ce que vous dites, cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour réservé du groupe Liot le 8 juin 2023, le Gouvernement proposant deux aménagements : les départements pourraient devenir membres des syndicats et des syndicats intracommunautaires de gestion de l'eau pourraient être créés. L'examen n'a pu arriver à son terme, malgré un nombre très limité d'amendements. Le premier aménagement est cependant inscrit dans le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Le Gouvernement reste donc ouvert à la discussion, mais nous ne pouvons pas faire machine arrière.

M. Didier Mandelli.  - Quand examinerons-nous ce texte ? Effectivement, le texte a bien été inscrit, mais pas voté à l'Assemblée nationale. Merci pour votre volonté d'avancer avec les élus locaux.

Plan de développement de compétences pour la filière cynégétique

M. Olivier Cigolotti .  - Les fédérations de chasse ont constaté une forte diminution des fonds liés à leur plan de développement des compétences (PDC) : en 2023, l'enveloppe a été réduite de 30 %, obligeant les acteurs à revoir leurs projets ; cette année, elle est à nouveau en baisse.

Selon les dispositions réglementaires du code du travail, le PDC des entreprises de moins de 50 salariés est financé par les contributions légales des entreprises, déduction faite de la part revenant aux demandeurs d'emploi. Mais l'État se désengage du financement de la formation des salariés au profit des demandeurs d'emploi. Les structures de la branche cynégétique, essentielles au maintien et à la reconstitution de la biodiversité, subissent une diminution structurelle de leurs ressources financières. Ne pourrait-on pas réattribuer les contributions légales des entreprises de moins de 50 salariés à la formation de ces derniers ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Les fédérations de chasse regroupent 1 500 collaborateurs qui oeuvrent quotidiennement pour encadrer et contrôler la chasse, surveiller et acquérir des connaissances sur la biodiversité et éduquer au développement durable. Je leur redis tout mon soutien. Chaque branche adhérente à l'opérateur de compétences des entreprises de proximité (Opco-EP) a été affectée par l'adoption de la méthode de fixation des effectifs définie au I. de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. Le Gouvernement a accompagné l'Opco en neutralisant un reversement qui aurait dû être effectué en 2023 au titre des disponibilités excédentaires. Par ailleurs, des réunions techniques ont permis d'expliquer et de faire accepter cette méthode de calcul. De plus, la branche cynégétique bénéficie aussi de l'aide financière de l'Opco-EP pour la prise en charge des formations en alternance : 638 000 euros contre 180 000 euros pour les formations au titre du PDC. Je suis à votre disposition pour continuer à travailler ensemble sur le sujet.

M. Olivier Cigolotti.  - Il est urgent de prendre en compte cette question ; une fois de plus, ce sont les territoires ruraux qui sont pénalisés.

Réseau express métropolitain des Hauts-de-France

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - À Liévin, en février 2022, le Président de la République s'est engagé sur la nécessité de connecter la métropole lilloise et le bassin minier. « Nous avons su nous engager pour le Grand Paris et le Grand Marseille dans des proportions massives ; nous nous engagerons pour le Grand Lille dans les mêmes proportions. »

Le 14 novembre 2022, le Gouvernement m'a confirmé cet engagement ici même. Les élus concernés ont donc repris ce projet qu'ils pensaient assuré. Mais ça, c'était avant : au détour d'une question posée par les lecteurs de La Voix du Nord, le ministre Vergriete l'a tout simplement balayé d'un revers de main. Il ne m'appartient pas de juger de sa désinvolture ; mais les trois présidents des agglomérations concernées, Sylvain Robert, Christophe Pilch et Frédéric Leturque ont écrit directement au chef de l'État pour lui demander une clarification. Ce projet induit l'essor ou la thrombose d'un territoire, le passage à une économie décarbonée au pays du charbon, la volonté de respecter les élus locaux. L'expression du ministre des transports est-elle personnelle ou la promesse présidentielle tient-elle toujours ? L'État financera-t-il le projet et à quelle hauteur ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Patrice Vergriete n'a pas du tout remis en cause l'engagement présidentiel ; il s'est interrogé sur le coût et le périmètre du projet : la métropole de Lille et le bassin minier sont-ils la bonne maille ou faut-il raisonner plus largement à l'échelle de la région métropolitaine ? L'évolution du nom, de « RER lillois » à « réseau Métropolitain des Hauts-de-France » dit quelque chose de cette ambition différente dans son périmètre.

Le 23 avril dernier, Patrice Vergriete a présenté le calendrier et la méthode de labellisation des services express régionaux métropolitains. C'est dans ce cadre que les élus locaux auront à préciser les contours du projet.

Le Gouvernement soutient dès à présent les études et les premiers travaux à hauteur de plus de 800 millions d'euros dans les contrats de plan État-région 2023-2027 - 300 millions d'euros depuis 2027 pour les Hauts-de-France.

Interdiction des aéronefs à fins de loisirs en zone de montagne

M. Jean-Michel Arnaud .  - Le droit actuel interdit l'atterrissage et la dépose des aéronefs à des fins de loisirs dans les zones de montagne, sauf sur un aérodrome désigné ou un emplacement autorisé. La loi Climat et résilience a également prohibé les vols de transport de passagers à des fins de loisirs. Or les termes « zones de montagne » et « à des fins de loisirs » sont imprécis, laissant une marge d'interprétation à l'administration et plaçant les professionnels dans des situations inéquitables.

Saisi le 8 avril 2022, le ministère de la transition écologique m'avait précisé que les « activités à des fins de loisirs » englobaient la dépose et la récupération de skieurs, randonneurs ou touristes hors aérodrome, ou le poser à titre personnel, sans but professionnel, hors des plateformes autorisées. Les entreprises s'interrogent. Le Gouvernement envisage-t-il d'établir un cadre qui maintienne le droit à l'activité de ces entreprises, particulièrement importantes dans mon département ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - La définition des zones de montagne remonte à la loi Montagne de 1985 ; chacune est délimitée par arrêté interministériel et rattachée à l'un des massifs définis par la loi. Une définition alternative pour les aéronefs à moteur emporterait des conséquences sur l'ensemble de la législation, ce qui n'apparaît pas opportun.

Dans un souci de protection de l'environnement, la loi Climat et résilience a élargi l'interdiction aux atterrissages et aux décollages de loisir.

Si la notion de « loisir » n'est pas définie par la loi, la jurisprudence en a fixé les contours. Les activités de formation et de maintien de compétences, notamment au vol en montagne, ne sont pas visées. L'interdiction s'applique néanmoins si la finalité de l'embarquement ou du débarquement a un caractère récréatif ou sportif - activités sportives en montagne, transport à destination ou en provenance d'un restaurant d'altitude ou d'une résidence de villégiature - même s'il s'agit d'activités économiques. Les choses me semblent claires, mais je reste à votre disposition.

M. Jean-Michel Arnaud.  - La totalité de mon département est classée en zone de montagne, y compris en plaine, là où sont les aérodromes.

La société Hélicoptère de France est partenaire du Tour de France : vous me confirmez donc que cette activité n'entre pas dans les interdictions de dépose. (M. Hervé Berville hoche la tête.) Il faudrait l'indiquer à la direction générale de l'aviation civile, afin d'éviter toute difficulté cet été.

Pollution en Île-de-France

Mme Anne Souyris .  - Les PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées) ou polluants éternels contaminent l'environnement et nous intoxiquent. Nous pouvons les interdire, le 30 mai prochain, en adoptant une proposition de loi écologiste.

Le 20 novembre 2023, une étude de l'ARS Île-de-France sur 25 poulaillers domestiques, menée à la suite des alertes du collectif 3R, confirmait une contamination ubiquitaire en polluants organiques persistants (POP) et en PFAS. Cette étude interroge sur l'exposition des Franciliens, notamment à proximité des incinérateurs.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), elle, a mené une étude sur la présence de dioxines dans le lait maternel en Île-de-France. Pour quels résultats ? Quelle est l'origine de cette pollution ? L'incinération de déchets ménagers est-elle en cause ? Si oui, l'alerte sanitaire devrait être étendue à l'essentiel du territoire national ! Quels sont les moyens d'expertise ?

Enfin, la presse s'est fait l'écho de défauts du contrôle des rejets de dioxines par l'incinérateur d'Ivry-Paris 13. Des centaines d'heures d'opérations n'auraient pas été contrôlées. Comptez-vous saisir les inspections compétentes ? À quand des contrôles indépendants ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - En effet, un rapport de l'ARS montre une contamination des sols et des oeufs de poulaillers domestiques dans l'agglomération parisienne. L'ARS n'a pas mesuré de concentrations plus importantes à proximité d'incinérateurs ; elle met en cause la circulation routière ou le brûlage de déchets à l'air libre.

Les rejets des incinérateurs sont strictement encadrés par une réglementation sans cesse renforcée. Les valeurs limites d'émission de polluants sont ainsi de plus en plus basses.

Le ministère a diligenté en 2024 un contrôle spécial sur certains incinérateurs. Les plus grands font l'objet d'une inspection au moins une fois par an. Les contrôles réalisés sur l'incinérateur d'Ivry montrent que les exigences réglementaires de surveillance des dioxines ont été respectées. Les durées d'indisponibilité de la surveillance sont surestimées, car elles comprennent des périodes d'arrêt de l'installation.

Le Gouvernement, pleinement mobilisé, a publié le 5 avril 2024 son plan d'action interministériel sur les PFAS. Il inclut l'obligation de mesurer les PFAS dans les émissions des incinérateurs, organise la mobilisation de toutes les administrations concernées afin de réduire les risques associés et s'appuie sur l'expertise de nombreux opérateurs et agences de l'État.

Quotas de pêche de lieu jaune

M. Jacques Fernique .  - Les ligneurs de la pointe de Bretagne alertent sur l'état des populations de lieux jaunes. Ils ont proposé des mesures de sauvegarde - période de repos biologique, augmentation de la taille minimale de capture -, toutes rejetées.

En décembre, l'Union européenne a adopté des quotas de pêche drastiques, mais la répartition par bateau fait que de nombreux ligneurs se retrouvent sans quota. Leurs demandes auprès des organisations de producteurs (OP) ont été, pour l'essentiel, refusées. Ces jeunes pêcheurs, qui ont des pratiques respectueuses de l'environnement, risquent la faillite. C'est injuste, d'autant que le principal critère d'attribution sont les droits de pêche historiques, issus d'une politique de surpêche, au mépris des critères environnementaux et sociaux.

Donner des miettes aux pêcheurs artisans et concéder l'essentiel des droits de pêche aux industriels, c'est acter la mort de la petite pêche. Que faites-vous pour protéger les ligneurs de lieu jaune ou les pêcheurs artisans de thon rouge ? Quid de l'article 17 de la politique commune ? Ne laissez pas couler les pêcheurs qui ont les meilleures pratiques !

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Le Conseil des ministres européen définit les possibilités de pêche par espèce. Cette année, vu la baisse de la ressource de lieu jaune, elles ont été réduites de 87 % en Manche, mer Celtique et mer d'Irlande, ce qui impacte les pêcheurs artisans - notamment les canneurs-ligneurs de Bretagne : 6 tonnes pour 2024, alors que la consommation moyenne des dernières années avoisinait les 35 tonnes.

Nous avons demandé aux OP de transférer des quotas au profit des navires non adhérents, ce qui a permis la réouverture de la pêche du lieu jaune pour ces derniers dès le 8 mai. Ils sont donc assurés de pouvoir pêcher pendant la période de juin et juillet.

Reste le sujet de la règle de répartition. Nous travaillons depuis deux ans sur les critères d'attribution de la réserve nationale d'antériorités, afin d'intégrer des critères environnementaux et sociaux, voire de « crise économique ». Concernant le lieu jaune, cette évolution permettrait de limiter les baisses pour les navires hors OP. Ces travaux iront jusqu'au bout, vous êtes bien entendu invité à y participer.

M. Jacques Fernique.  - J'entends, mais vous avez fait appel de la décision du tribunal de Montpellier annulant l'arrêté sur la répartition du quota français de thon rouge. Les pêcheurs artisans ne tiendront plus longtemps si vous ne les soutenez pas mieux !

M. Hervé Berville, secrétaire d'État.  - Cela n'a rien à voir avec le lieu jaune !

Modalités d'affectation de la dotation de solidarité rurale

Mme Sylviane Noël .  - La dotation de solidarité rurale (DSR) est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et chefs-lieux d'arrondissement de moins de 20 000 habitants. Sa première fraction est attribuée aux communes qui représentent au moins 15 % de la population du canton, aux communes sièges des bureaux centralisateurs, ainsi qu'aux communes chefs-lieux de canton au 1er janvier 2014.

Cependant, lorsque la commune chef-lieu de canton a dépassé le seuil de 10 000 habitants, les communes situées dans son unité urbaine ne sont plus éligibles. C'est le cas de Groisy, en Haute-Savoie : Thorens-Glières, chef-lieu de canton en 2014, a dépassé les 10 000 habitants du fait d'une fusion de communes en 2017. En 2024, Groisy perdra ainsi près de 5 % de son budget de fonctionnement.

Ces communes font pourtant face à des charges spécifiques liées à leur situation géographique et à leur faible densité de population.

Le Gouvernement entend-il modifier les modalités de calcul de cette dotation, notamment quand l'augmentation de population résulte d'une fusion de communes, ou compenser le manque à gagner pour les communes concernées ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - La première fraction de la DSR, dite bourg-centre, priorise les communes supportant des charges de centralité. C'est le cas des communes de plus de 10 000 habitants chefs-lieux de canton, qui assument davantage que les autres le maintien de services publics au-delà de leur seul territoire.

La création de communes nouvelles vise à créer des pôles d'attractivité dynamiques par une mutualisation et une centralisation des services de proximité. De ce fait, il est cohérent que le dépassement du seuil de population par la commune nouvelle chef-lieu issue d'une fusion entraîne l'inéligibilité des autres communes du canton.

J'ajoute que depuis 2023, toutes les communes nouvelles de plus de 10 000 habitants qui seraient considérées comme rurales au sens de l'Insee sont éligibles aux trois fractions de la DSR.

Oui, cette situation peut conduire à exclure certaines communes qui assument pourtant toujours des charges de centralité. Le sujet sera traité dans le cadre des travaux de refonte de la DGF annoncés par le Président de la République.

Mme Sylviane Noël.  - La question ne saurait être éludée, car le fait qu'une commune dépasse les 10 000 habitants ne change rien au budget des autres !

Procurations tardives

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Depuis quelques années, tout est fait pour faciliter le recours aux procurations. Pour la première fois, lors des prochaines élections européennes, les procurations pourront être 100 % dématérialisées.

Or faute de date limite pour établir une procuration, certaines arrivent tard - le samedi soir, voire le dimanche matin. Difficile, dès lors, pour les petites mairies de mettre à jour le répertoire électoral unique, et donc les listes d'émargement. Lors des dernières élections, notamment dans des communes rurales, des électeurs munis de procuration n'ont pas pu voter...

Envisagez-vous de fixer une date limite pour l'établissement des procurations ?

En 2019, il y avait eu 34 listes candidates aux élections européennes ; nous en sommes déjà à 22, avant même la date de clôture du dépôt des candidatures. Alors que les mairies ont le plus grand mal à gérer l'affichage public, pouvez-vous faire passer un message de souplesse ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - La téléprocédure « Maprocuration » a simplifié la procédure et engagé sa dématérialisation. Grâce à l'interconnexion au répertoire électoral unique (REU), les procurations établies en ligne sont désormais automatiquement contrôlées et transmises aux communes ; elles sont automatiquement inscrites sur la liste d'émargement éditée à partir du REU.

Le code électoral n'imposant pas de date limite, il est en théorie possible d'établir une procuration jusqu'au jour du scrutin, ce qui suppose en effet une vérification par les communes. Dans un contexte de hausse de l'abstention, le Gouvernement n'envisage pas d'instaurer une date limite pour l'établissement des procurations. Cependant, des modalités pratiques d'accompagnement des communes dans la prise en compte des procurations tardives seront mises en place pour les élections européennes du 9 juin 2024, au travers de la permanence assurée par un agent de préfecture le jour du scrutin.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Dans une commune de 200 habitants, la liste d'émargement est imprimée le samedi midi, dernier délai, pas le dimanche matin ! J'entends qu'une certaine souplesse sera accordée, et qu'il y aura un agent de la préfecture sur place.

Avenir de l'Otan

M. Stéphane Demilly .  - Le 4 avril dernier marquait le 75e anniversaire du traité de l'Atlantique Nord. L'avenir de l'Organisation est incertain, Donald Trump ayant récemment affirmé qu'il pourrait ne pas protéger un allié en cas d'attaque russe, fidèle à sa position selon laquelle « les conflits en Europe de l'Est ne valent pas des vies américaines. »

Le recul probable du soutien américain dans les années à venir « sape la sécurité de tous », de l'avis du secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.

Les leaders européens durcissent le ton face à Moscou, insistant sur la nécessité d'aider l'Ukraine, mais aussi d'augmenter leurs propres capacités de défense.

En 2023, le budget de la défense américaine représentait 67 % des dépenses militaires de l'Otan, preuve de notre dépendance.

Alors que l'Ukraine subit les assauts russes et réclame des munitions, l'Union européenne peine à s'accorder sur la politique de défense, ne serait-ce qu'en mer Rouge où les attaques contre des navires marchands européens se multiplient.

Quelle défense européenne voulons-nous ? Quel mode de gouvernance, dans ce monde instable marqué par de nombreuses menaces ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - La défense du continent européen passe tant par l'Otan que par l'Union européenne.

La responsabilité est collective : la quote-part américaine au budget de l'Otan est de 16 %, celle des États européens de l'Alliance, d'environ 72 %. Nous sommes engagés à disposer de forces entraînées, équipées, interopérables et immédiatement déployables - bref, un 2 % réellement utile.

L'Otan offre un processus de planification capacitaire de long terme, des capacités de commandement et de contrôle utilisables dans le cadre d'un mandat de l'Union dit « Berlin plus », une standardisation et un processus de certification adapté à un conflit majeur sur le continent européen.

L'Union européenne soutient l'Ukraine en travaillant sur des formations militaires ou sur la construction de coalitions capacitaires et industrielles, notamment grâce au fonds européen de défense.

Enfin, le réarmement de la France contribue à la défense de l'Europe. Sous l'impulsion du Président de la République, la France aura doublé son budget de défense entre 2017 et 2030. Pour la période 2024-2030, ce sont 3,2 milliards d'euros d'augmentation par an. Nous en consacrons 29 % à l'investissement, à la fois dans le conventionnel et dans la dissuasion nucléaire. Nous continuons à avancer, en Européens.

Mutualisation des antennes de télécommunication

Mme Sylvie Valente Le Hir .  - Alors que la mutualisation des pylônes permettrait aux opérateurs de télécommunications de partager des infrastructures existantes, les élus locaux sont impuissants à les y contraindre.

Dans le département de l'Oise, les communes de Trosly-Breuil et Gaudechart ont dû engager des recours juridiques, longs, coûteux et aux résultats incertains, pour éviter de nouvelles installations à proximité d'antennes existantes.

À l'heure du zéro artificialisation nette, il y a lieu de s'interroger sur de telles pratiques, notamment en matière de préservation des terres agricoles, sans parler de la pollution visuelle. L'absence de rationalisation suscite un mécontentement grandissant de nos habitants et de leurs représentants.

Le Gouvernement envisage-t-il de contraindre les opérateurs à mutualiser pylônes et antennes-relais, et de doter les élus locaux des outils juridiques pour s'y opposer ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Je mesure l'exaspération que suscite la multiplicité d'antennes dans certains territoires. Le New Deal mobile est une réponse à un manque criant de couverture. L'État ne fait que combler un manquement des opérateurs, qui se détournent des zones moins rentables.

La concurrence par les infrastructures permet aux opérateurs de se différencier en matière de qualité de couverture, et donc de qualité de service. Ils ont l'obligation de mutualiser leurs pylônes et installations actives lorsqu'ils sont quatre sur la zone. L'arrivée des « towercos » favorise également la mutualisation, dans un souci de rentabilité.

Citons également l'obligation qui s'impose aux opérateurs en zone de montagne ou dans le cadre du déploiement 5G dans les zones peu denses, ainsi que l'article 30 de la loi Chaize, qui les oblige à justifier auprès du maire du choix de ne pas recourir au partage de site ou de pylône. Le rapport de l'Arcep doit également indiquer l'état de partage des sites mobiles.

Avant toute implantation, il y a un temps de dialogue via le dépôt des dossiers d'information. Rien n'est fait à l'encontre des décisions du maire.

Nous pouvons encore progresser sur la concertation et la transparence. Les difficultés nous remontent, nous y travaillons ; j'ai rencontré la semaine dernière la sénatrice Demas, qui envisage une avancée législative.

Mme Sylvie Valente Le Hir.  - Il faut mesurer la réalité du terrain, car nos élus sont bien embarrassés !

Taxation exceptionnelle des plus aisés

M. David Ros .  - Répondant à une question d'actualité à l'Assemblée nationale, Bruno Le Maire a invité les parlementaires de tous bords à trouver de nouvelles recettes fiscales. Mais nous avons la nette impression que le Gouvernement n'écoute pas les propositions... Le groupe SER du Sénat en avance de longue date : lutte contre l'évasion fiscale, taxation des superprofits, rétablissement de l'ISF - autant de recettes substantielles dont vous vous privez.

M. Mattei, chef du groupe centriste à l'Assemblée nationale, et de nombreuses figures du groupe Renaissance font valoir qu'il est possible de prendre des mesures de justice sociale sans briser la croissance. Pour éviter que le pays ne bascule dans le camp de l'extrême droite, il faut faire contribuer les plus riches, et pas uniquement les classes moyennes et populaires, à l'effort national.

Dans la période actuelle, nul ne comprendrait que vous ne taxiez pas exceptionnellement les plus riches pour rééquilibrer les finances publiques et assurer des services publics dignes. Il y a urgence, alors que la Commission européenne s'apprêterait à placer la France sous procédure pour déficit excessif.

Envisagez-vous de taxer davantage les plus aisés pour sortir notre pays de l'impasse budgétaire et rétablir l'équité ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - La politique fiscale menée depuis 2017 porte ses fruits : pour la cinquième année consécutive, la France est le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers. En sept ans, nous avons créé 2 millions d'emplois et 200 usines ont ouvert.

C'est le résultat des baisses d'impôt consenties aux ménages et aux entreprises, à hauteur de 60 milliards d'euros. Nous en sommes convaincus : c'est par la croissance et l'emploi que nous financerons nos priorités.

Nous entendons poursuivre cette politique, mais nous savons aussi nous adapter. Ainsi, pour répondre aux situations exceptionnelles liées aux crises récentes, le Premier ministre a demandé à des députés de la majorité de proposer des mesures fiscales spécifiques. Nous attendons le fruit de leurs travaux.

Au niveau européen, nous avons agi en faveur de la taxation des géants du numérique et des superprofits.

S'agissant enfin de l'évasion fiscale, il est faux de prétendre que nous resterions les bras croisés : nous avons soutenu dès 2018, avec l'Allemagne, l'imposition minimale des multinationales et défendons au G20 une initiative similaire pour les individus les plus fortunés. Nous sommes plus déterminés que jamais à proposer, convaincre et agir au niveau international.

M. David Ros.  - Pour financer la transition écologique, le logement ou le grand âge, mais aussi le numérique, il y a urgence à trouver des recettes supplémentaires. Mobilisez-vous pour collecter les recettes potentielles, au lieu de tomber dans la facilité en visant les collectivités territoriales, l'assurance chômage et les dépenses sociales. L'année dernière, 68 milliards d'euros de dividendes ont été versés par les entreprises du CAC 40, un record !

Surveillance mutualisée d'aires de baignade

Mme Nathalie Delattre .  - Je salue les élèves du collège Joséphine-Baker de Mios, présents en tribune.

Ma question porte sur la surveillance des aires de baignade au sein de parcs résidentiels de loisirs (PRL) ou de campings.

Les entreprises touristiques de plein air ont construit des zones de baignade pour satisfaire des vacanciers de plus en plus exigeants. C'est essentiel pour l'attractivité de nos territoires : l'hôtellerie de plein air et les PRL représentent plus de 30 % de l'offre dans notre pays. Plusieurs complexes ont fait le choix de mutualiser, pour partager les coûts mais aussi économiser l'eau et l'espace.

Le Conseil d'État a précisé, le 25 juillet 2007, que l'obligation de surveillance s'impose dès lors que le bassin n'est pas réservé à une clientèle propre. Or une piscine réservée à la clientèle d'un PRL est qualifiée de privée à usage collectif : l'obligation de surveillance ne s'y applique donc pas.

Confirmez-vous que, dans ce cas, l'accès à la zone de baignade est possible pour les propriétaires et ayants droit d'un PRL voisin, dès lors que chaque PRL jouit d'une servitude pour aller d'un parc à l'autre et que l'accès est exclu à toute personne étrangère aux PRL mutualisés ? Bref, la piscine conserve-t-elle son caractère privé à usage collectif ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - La réglementation applicable aux piscines privées à usage collectif concerne notamment des piscines d'hôtel, de camping et de village vacances. La présence d'un personnel qualifié n'y est pas obligatoire, mais une surveillance peut être mise en place ; l'exploitant doit alors mettre à la disposition des personnels qualifiés l'ensemble des moyens de secours.

Un avis du Conseil d'État du 26 janvier 1993 a précisé que les baignades des hôtels, campings et villages vacances doivent présenter des garanties de sécurité. Si un enseignement d'activité aquatique y est dispensé, les établissements doivent assurer une surveillance constante par du personnel qualifié.

L'exploitant doit avertir les usagers de l'absence de surveillance, de leur responsabilité et des heures d'ouverture. Il doit contracter une assurance responsabilité civile et afficher le règlement intérieur du bassin et le plan de sécurité. Enfin, un des quatre dispositifs de sécurité normalisés - barrière, couverture, abri ou alarme - doit être mis en place.

Bref, rien n'interdit de mutualiser l'accès à une piscine, dès lors que les utilisateurs sont clairement identifiés. L'obligation de surveillance s'applique lorsqu'une activité aquatique ou sportive est enseignée. (Mme Nathalie Delattre remercie Mme la ministre.)

Note comptable et libre administration des communes

M. Michaël Weber .  - Nombre d'élus locaux s'inquiètent du nouvel indicateur de pilotage comptable communiqué par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Ce document délivre une note, tout en précisant qu'il ne s'agit pas d'un jugement sur la gestion de la collectivité. Ce mode d'évaluation, scolaire et sans égard pour les particularités de chaque territoire, fait craindre un rapport de hiérarchie entre le receveur et l'ordonnateur. C'est aux élus locaux d'évaluer l'efficacité des politiques et de fixer des orientations aux fonctionnaires - et non l'inverse !

Le service de gestion comptable tient avec l'élu le compte financier unique. Or l'avis critique sur le travail du comptable remet en cause la compétence exclusive de ce dernier, ce qui est vu comme une ingérence des services de l'État contraire au principe de libre administration.

Jusqu'où ira cette notation ? Demain, l'élu devra-t-il justifier de ses contraintes et de ses choix politiques ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - L'indicateur de pilotage comptable est produit par la DGFiP depuis 2020, en remplacement de l'indicateur de qualité des comptes locaux. Il est fondé sur les contrôles automatisés réalisés tout au long de l'année dans le logiciel Hélios. La présentation des résultats a été maintenue sous la forme d'une note chiffrée, plus évocatrice.

Cet indicateur ne vise nullement à se prononcer sur la qualité de la gestion ou du financement ou sur la solidité financière de la collectivité. Il ne prend en compte ni la maîtrise des risques, ni le déploiement des contrôles internes. Sa visibilité, souhaitée par le Comité de fiabilité des comptes locaux, est un levier important pour améliorer la qualité comptable de toutes les collectivités locales.

Cet indicateur doit être considéré comme un outil partagé entre l'ordonnateur et le comptable, permettant de cibler les actions d'amélioration des processus. Ni label de qualité des comptes, ni critère exclusif d'appréciation de leur fiabilité, il doit être intégré dans une démarche globale de progression de la qualité comptable.

Les comptables publics ou conseillers aux décideurs locaux peuvent également proposer aux ordonnateurs une synthèse de la qualité des comptes, dont les résultats sont présentés aux élus lors de leur adoption. Expérimenté avec succès depuis quatre ans, ce dispositif a vocation à intéresser un public élargi à la qualité des comptes.

M. Michaël Weber.  - Il est essentiel que cet outil tienne davantage compte des spécificités locales.

TVA applicable aux produits utilisant des matériaux réemployés

M. Guislain Cambier .  - J'ai apporté avec moi une ceinture (l'orateur montre l'accessoire en question), mais pas n'importe laquelle : elle a été réalisée à partir d'un pneu de vélo recyclé par La Vie est Belt, une éco-entreprise de Roubaix.

Or ce produit subit une double taxation : une TVA de 20 % lors de la première mise en circulation du pneu, puis une TVA au même taux sur le produit transformé - sans parler de l'écotaxe acquittée par l'acheteur. Ce système encourage peu une démarche vertueuse d'économie circulaire.

De telles initiatives créent des emplois localement, contribuent à la réinsertion et favorisent une consommation plus responsable. Pour soutenir ce modèle économique, envisagez-vous une taxation différenciée pour les produits issus de matériaux réemployés ? Depuis 2018, l'Union européenne permet aux États membres de fixer les taux de TVA. Quant à la feuille de route pour l'économie circulaire annoncée par le Gouvernement, nous l'attendons toujours...

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Les règles en matière de TVA sont fixées au niveau européen.

La fabrication et la vente de biens neufs sont soumises à TVA, sans considération de la nature des matières premières ni du régime fiscal qui leur a été appliqué dans un cycle de consommation antérieur.

Toutefois, un régime particulier est prévu pour les biens relevant du régime de l'occasion, acquis par des acheteurs revendeurs auprès de particuliers : la taxe ne porte alors que sur la marge réalisée lorsque la modification apportée à l'objet se limite à une remise en état.

Les taux réduits de TVA ne sont applicables qu'à certaines catégories de biens et services, strictement prévues par la directive. Or aucune disposition ne vise les biens résultant d'un circuit de recyclage. La vente d'accessoires recyclés est donc soumise au taux normal.

L'expérience a montré que les baisses de taux, en plus de coûter cher aux finances publiques, entraînent rarement une baisse des prix.

Pour ces raisons, il n'est pas envisagé à ce stade d'appliquer un taux réduit aux produits fabriqués à partir de matériaux recyclés.

M. Guislain Cambier.  - C'est bien dommage ! Aujourd'hui, la TVA est la même pour une ceinture fabriquée à partir d'un matériau recyclé et une ceinture venue d'Asie... Agissez au niveau européen pour soutenir les acteurs écoresponsables.

Conséquences des zones réglementées pour l'activité commerciale lors des JOP

M. Francis Szpiner .  - Des mesures sont-elles prévues par le Gouvernement, notamment du chômage partiel, pour les commerçants situés dans les rues parisiennes soumises à des restrictions de circulation lors des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) et qui envisagent soit de fermer boutique soit de se passer de plusieurs salariés durant cette période ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Lors du comité interministériel du tourisme de ce matin, le préfet de police de Paris, M. Laurent Nuñez, a présenté le plan de circulation prévu pour Paris durant les Jeux. La circulation des véhicules sera interdite dans les zones rouges, non la circulation piétonne. Les réunions de concertation avec les riverains et les acteurs économiques ont permis l'adoption de nombreuses dérogations. Le dialogue se poursuit via des ateliers territoriaux pilotés par les préfets et le ministère des transports. Les mesures de sécurisation prévues ont été détaillées par le préfet de police le 25 avril dernier. Pour une demande spécifique, il est possible de contacter la préfecture au moyen d'une adresse dédiée. Les établissements estimant avoir subi un préjudice anormal et spécial pourront formuler des demandes d'indemnisation à l'issue des JOP. Des accords sectoriels sont aussi intervenus en amont, par exemple pour les céréaliers.

M. Francis Szpiner.  - La place du Trocadéro sera définitivement fermée du 16 au 26 juillet. Que fera un service de voiturier de ses 16 salariés ? Quelle réponse pour un concessionnaire automobile qui ne pourra pas recevoir de livraisons ni de clients ? Les commerçants devront donc adresser après coup une demande à l'État, dont la réactivité est extraordinaire, comme chacun sait, et attendre un ou deux ans avant de recevoir une décision. Les concertations et les plans, c'est très bien, mais cela n'aidera pas les commerçants parisiens !

Protection des filières industrielles françaises face à la concurrence étrangère déloyale

M. Christophe Chaillou .  - La stratégie de dumping économique pratiquée par la Chine sur le marché photovoltaïque en Europe depuis la fermeture des marchés américain et indien, contraire aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui conduit les entreprises chinoises massivement subventionnées à vendre leurs panneaux quatre fois moins cher que les panneaux français, menace de nombreuses industries françaises et met en péril la volonté d'autonomie énergétique et de réindustrialisation de l'Union européenne et de la France. Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre pour sauver ce qui reste de cette industrie ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Nous visons la multiplication par cinq, dans les dix ans, de nos capacités photovoltaïques installées, moyennant 20 milliards d'euros d'investissements partout sur le territoire. Pour y parvenir, deux acteurs historiques continuent de produire des panneaux et deux gigafactories en développement produiront dès 2026 leurs premiers panneaux. Le Gouvernement a mis en place un crédit d'impôt qui couvrira jusqu'à 200 millions d'euros des investissements par projet, a fait évoluer les critères d'attribution des tarifs d'achat pour favoriser l'installation de panneaux produits en Europe, et mettra en oeuvre dès 2025 le Net-Zero Industry Act négocié à Bruxelles, en orientant les subventions publiques vers des projets qui concourent à la résilience de l'économie européenne. Les acteurs se sont aussi engagés dans un pacte de solidarité de filière et nous mettons en oeuvre l'Induscore qui tracera le nombre d'étapes de fabrication réalisées en Europe.

M. Christophe Chaillou.  - Il faut agir dans un cadre européen. Nous allons dans la bonne direction, mais cela reste à concrétiser. Espérons que l'air des Pyrénées permettra au président chinois, en visite dans notre pays, d'entendre le message !

Application de la TVA à des structures non assujetties

Mme Marie-Claude Lermytte .  - Les Ehpad, qui ne paient ni ne perçoivent de TVA sauf dans le cadre de travaux d'extension, pour lesquels ils peuvent bénéficier d'un taux réduit de 5,5 % lorsqu'ils sont affectés à de l'habitation pour au moins 50 % de la superficie, sont tout de même assujettis à une TVA de 20 % dans un premier temps et doivent demander à l'administration fiscale la récupération des 14,5 % restants. En réalité, les établissements, contraints de s'engager dans une procédure de déclaration de numéro de TVA, doivent engager des sommes phénoménales, voire emprunter de l'argent avant d'être remboursés. Ne faudrait-il pas alléger ces démarches en imposant dès le départ une taxation à 5,5 %, dans le cadre d'une contractance générale, pour éviter les jeux de trésorerie ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - La TVA à 5,5 % qui s'applique aux Ehpad gérés par des personnes morales de droit privé, assujettis à la TVA, dans les cas que vous décrivez est légitime, toute affectation à son entreprise d'un bien construit, extrait ou transformé, par un assujetti qui n'aurait pas pu déduire la TVA correspondante s'il avait acquis le même bien auprès d'un tiers devant être soumise à la TVA. Pour les Ehpad publics non assujettis, elle est motivée par des raisons de simplification et de sécurité juridique.

Si le fait générateur de la taxation de la livraison à soi-même intervient à la date de l'achèvement des travaux, la liquidation de la TVA au taux réduit de 5,5 % peut intervenir au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant cette date. En revanche, la déduction peut se faire dès le mois suivant les travaux. L'abandon de ce dispositif au profit d'une taxation directe de travaux au taux réduit n'est pas envisagé, d'autant que cela remettrait en cause un avantage substantiel pour la trésorerie des Ehpad.

Taxe additionnelle à la taxe de séjour au profit d'Île-de-France Mobilités

Mme Jocelyne Guidez .  - L'impact de la taxe additionnelle à la taxe de séjour de 200 % instaurée par l'article 140 de la loi de finances pour 2024 au profit d'Île-de-France Mobilités sera particulièrement important sur les hébergements de nombreuses communes situées à proximité immédiate de départements non concernés, comme l'Eure-et-Loir et le Loiret, où la taxation est plus faible, les touristes, notamment d'affaires, risquant de privilégier les départements où la taxe de séjour est la plus faible. Une révision de la zone d'application de cette taxe peut-elle être envisagée ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - L'instauration de cette taxe fait suite à la signature, le 26 septembre dernier, d'un protocole entre l'État et Île-de-France Mobilités. Les surcoûts d'exploitation et d'investissement dans les transports franciliens représentent près de 800 millions d'euros en 2024. Le protocole entend répondre aux craintes exprimées par une mission de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), pour qui cette taxe additionnelle représente « un faible surcoût pour les voyageurs rapporté au coût d'une nuitée » et peu d'effets macroéconomiques significatifs. La taxe additionnelle de séjour sera au maximum de 9,20 euros pour un palace parisien, de 5 euros pour un hôtel quatre étoiles et de 3,20 euros pour un hôtel trois étoiles. Cette taxe, dont le taux a fait l'objet d'une large concertation avec les représentants de l'hôtellerie, doit rapporter environ 200 millions d'euros par an. La distorsion de concurrence que vous redoutez semble limitée eu égard au montant de la surtaxe par nuitée, en particulier pour la clientèle d'affaires. Toutefois, un bilan sur le rendement et les effets de la taxe pourra être dressé après une année d'application.

Mme Jocelyne Guidez.  - Votre réponse ne me satisfait pas, vous vous en doutez ! Ces territoires périphériques ne bénéficient des services d'Île-de-France Mobilités que de façon résiduelle. Ne leur faisons pas subir une double peine.

Exploitation des hydrocarbures en Guyane française

M. Pierre-Antoine Levi .  - Tandis que l'euphorie pétrolière gagne nos voisins du Guyana et du Suriname, la Guyane française demeure en marge de cette richesse potentielle. Ce choix, s'il en est un, de ne pas engager notre territoire dans la course à l'exploitation pétrolière, soulève une question de justice et d'équité pour les Guyanais. Ne faut-il pas reconsidérer notre position et évaluer toutes les options disponibles pour assurer le développement durable de la Guyane dans le double respect de ses écosystèmes uniques et de ses besoins économiques pressants ? Ne faudrait-il pas revisiter la loi Hulot de 2017 dans ce contexte nouveau ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - La France s'est engagée, dans le cadre des accords de Paris, à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 à 2 degrés. Conformément à la recommandation des scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) de ne pas lancer de nouvelles explorations, la France s'est engagée, par la loi Hulot de 2017, à interdire la délivrance de nouveaux permis de recherche d'hydrocarbures. Elle a également transmis à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques l'objectif européen de réduction de 55 % des émissions en 2030. Une révision de la loi du 30 décembre 2017 afin de permettre l'exploration des ressources pétrolières de la Guyane est donc impossible. Par ailleurs, la France vise une réduction importante de la part des hydrocarbures dans son mix énergétique d'ici à 2045. La production des hydrocarbures issue d'une telle exploration, qui n'arriverait que d'ici dix à quinze ans, ne trouverait probablement pas de débouchés commerciaux importants.

Le projet de loi de simplification de la vie économique comprendra en revanche des dispositions favorables à l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles minières de la Guyane.

Devenir de l'industrie et fermeture d'entreprises sur l'axe Seine

Mme Agnès Canayer .  - L'annonce, le 11 avril dernier, par le groupe ExxonMobil de l'arrêt définitif des activités chimiques à Port-Jérôme-sur-Seine et de la suppression de 677 postes pour la fin de l'année 2024 a mis le territoire normand sous le choc, cette entreprise y étant présente depuis plus de 90 ans. Au total, en incluant les entreprises sous-traitantes et cotraitantes, plus de 1 500 emplois sont touchés par cet arrêt brutal. Les élus locaux, sous l'égide de Virginie Carolo-Lutrot, présidente de Caux Seine Agglo, travaillent pour l'accueil de nouvelles entreprises de chimie en 2027 et 2028, notamment l'entreprise américaine Eastman et le groupe belge Futerro, mais l'État devra accompagner le territoire en attendant ces nouvelles installations. Que comptez-vous faire pour garantir l'avenir industriel de Caux Seine Agglo, qui a reçu le label Territoires d'industrie ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique .  - Le Gouvernement déplore la décision d'ExxonMobil de fermer le vapocraqueur de Notre-Dame-de-Gravenchon et de céder la raffinerie de Fos-sur-Mer au consortium Rhône Énergies. Le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie, Roland Lescure, a d'ailleurs signifié son insatisfaction à la direction. L'action du Gouvernement vise désormais à limiter l'impact de cette fermeture sur les sous-traitants et la chaîne de la chimie française et sur le territoire et à s'assurer d'une prise en charge de qualité pour les salariés licenciés. L'entreprise devra assumer pleinement ses responsabilités à leur égard, comme l'a indiqué le ministre aux représentants syndicaux d'ExxonMobil le 30 avril dernier. Nous contrôlerons donc avec attention les mesures qui seront négociées dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi. Par ailleurs, le Gouvernement assurera un suivi détaillé des projets alternatifs pouvant se développer sur le territoire. Enfin, le Gouvernement est attentif à la situation de la raffinerie de Fos-sur-Mer, dont le ministre a rencontré les repreneurs le 23 avril dernier.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

La séance est suspendue à 12 h 40.

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance est reprise à 14 h 30.

Salut à une délégation étrangère

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.) Je suis particulièrement heureux de saluer la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation du Bundesrat, conduite par la présidente de celui-ci, Manuela Schwesig. (Applaudissements nourris) Elle est accompagnée par des représentants du Land de Mecklembourg-Poméranie Occidentale, dont elle est ministre-présidente, et par notre collègue Ronan Le Gleut, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Allemagne.

Hier, nous avons partagé un moment particulièrement fort au Mémorial de la Shoah, afin de rendre hommage aux victimes et de rappeler notre opposition ferme à toute forme d'antisémitisme.

Demain, nous nous rendrons ensemble, ce qui sera une première, aux cérémonies du 8 mai 1945, pour redire notre attachement commun à la paix sur le continent européen.

Cette visite s'inscrit dans le cadre d'une coopération étroite et ancienne entre nos deux institutions, consacrée par la déclaration commune du Sénat et du Bundesrat du 19 mars 2019. Elle fait suite à mon déplacement de novembre dernier à Berlin, au cours duquel nous avons évoqué nos coopérations dans de nombreux domaines, dans le cadre européen, mais aussi au niveau de nos collectivités locales.

Par leur dialogue régulier, le Sénat et le Bundesrat apportent une contribution essentielle à la relation entre la France et l'Allemagne, ainsi qu'à la relation entre la France, l'Allemagne et la Pologne dans le cadre du Triangle de Weimar des secondes chambres. Les travaux conjoints de nos deux institutions se poursuivront fin octobre, dans le cadre de la 22e rencontre des groupes interparlementaires d'amitié du Sénat et du Bundesrat, qui se tiendra à Paris.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite à nos amis du Bundesrat et à leur présidente la plus cordiale bienvenue au Sénat : leur présence renforce les relations et l'amitié entre le Sénat et le Bundesrat, entre l'Allemagne et la France. (Applaudissements nourris)

Académie nationale de chirurgie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie, présentée par Mme Pascale Gruny et M. Alain Milon, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Cette proposition de loi vise à réparer une injustice, tout du moins à rétablir une équité. Alors que le statut de personne morale de droit public à statut particulier a été reconnu à l'Académie nationale de médecine, en 2013, puis à l'Académie nationale de pharmacie, en 2016, l'Académie nationale de chirurgie demeure sous la forme d'une association de la loi 1901.

Des arguments sont avancés pour justifier cette distorsion, notamment par l'Académie nationale de médecine. Ils tendent à démontrer le caractère superfétatoire, voire dangereux, de l'octroi du statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie. Cette évolution serait source d'affaiblissement, de parcellisation, de concurrence - donc de perte d'influence auprès des pouvoirs publics.

Pourquoi avons-nous tendance à concevoir l'émergence de l'autre comme un danger plutôt qu'une opportunité ?

Ces réticences pourraient s'entendre si elles avaient empêché la création de l'Académie nationale de pharmacie ou si l'Académie nationale de chirurgie était créée ex nihilo - or elle existe depuis 1875.

Devant l'Académie nationale de médecine, le professeur Philippe Marre s'est interrogé sur la signification de la double représentation de la chirurgie française dans les deux académies : « L'Académie nationale de chirurgie et la deuxième division de l'Académie nationale de médecine se vivent de plus en plus comme complémentaires. Loin de créer la confusion, l'expression de la chirurgie française dans deux institutions académiques différentes est vécue comme une richesse. Elles voient coopérer leurs différentes spécialités dans les nouvelles pratiques "mini-invasives" et "interventionnelles", qu'elles soient médicales ou chirurgicales, pour le plus grand bien des patients. »

Cette approche bat en brèche les résistances de ceux qui redoutent un affaiblissement de l'Académie nationale de médecine.

Accorder le statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie, si vous en décidez ainsi, sera une marque de reconnaissance légitime de la particularité du métier de chirurgien.

Cette spécificité a été soulignée de façon fort élogieuse, voire complaisante, par Paul Valéry, dans un discours prononcé en 1938 au Congrès de chirurgie : cette discipline, disait-il, « demande un si riche recueil de facultés, une mémoire si prompte et si pleine, une science si sûre, un caractère si soutenu, une présence d'esprit si vive, une résistance physique, une acuité sensorielle, une précision des gestes si peu communes, que la coïncidence de tant de ressources distinctes dans un individu fait du chirurgien un cas tout à fait peu probable à observer. »

À la même tribune, Jean d'Ormesson disait en 1985 : « Vous êtes des mystiques du réel et de l'invention. Votre premier souci est de réparer ce qui ne marche pas et de faire fonctionner ce qui ne fonctionne plus. Vous êtes les mécanos du Bon Dieu, les ingénieurs-conseils du hasard et de la nécessité. »

Derrière ces propos qui peuvent sembler dithyrambiques, un constat lucide : celui des aptitudes indispensables à l'exercice d'une profession en pleine mutation, sous l'effet de la robotique, de l'intelligence artificielle et de la simulation.

Dès lors, comment ne pas conférer aux chirurgiens la reconnaissance qu'ils méritent ? Le rapporteur Khalifé Khalifé et Pascale Gruny vous présenteront plus en détail les raisons et les conséquences de l'évolution proposée. Pour ma part, je citerai à nouveau Valéry : « Au moment où je ne sais quels délires, quelles manifestations tétaniques et quelles alternatives trop souvent le témoin des derniers moments d'une civilisation qui semblent vouloir finir dans le plus grand luxe de moyens de détruire et se détruire, il est bon de se tourner vers des hommes qui ne retiennent des découvertes, des méthodes et des progrès techniques que ce qu'ils peuvent appliquer au soulagement et au salut de leurs semblables. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi d'Alain Milon et Pascale Gruny vise à conférer à l'Académie nationale de chirurgie la qualité de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République.

Ce texte, symbolique, a soulevé certaines interrogations, voire des inquiétudes. Je tenterai d'y répondre.

L'Académie nationale de chirurgie est une institution ancienne, héritière d'une tradition monarchique ayant donné naissance à des académies dès le XVIIe siècle : l'Académie des sciences est fondée en 1666 par Colbert ; l'Académie royale de chirurgie est créée en 1731, suivie par l'Académie royale de médecine en 1778. Toutes deux dissoutes après la Révolution française, elles sont conjointement restaurées par une ordonnance royale de 1820 dans une Académie royale de médecine.

Depuis deux siècles, médecins, chirurgiens et pharmaciens cohabitent au sein de cette académie, devenue Académie nationale de médecine ; la transdisciplinarité est au coeur de l'identité de cette institution, où siègent aussi d'éminents juristes, philosophes ou sociologues. Parallèlement, pharmacie et chirurgie ont continué à se structurer de façon autonome à partir du XIXe siècle. Les académies de chirurgie et de pharmacie s'inscrivent aujourd'hui dans une logique de complémentarité.

Actuellement, l'Académie nationale de chirurgie est une association régie par la loi de 1901. Ses missions ne sont pas concurrentes de celles de l'Académie nationale de médecine, ce dont témoigne la collaboration fructueuse entre les deux institutions.

Cette proposition de loi vise à préserver l'équilibre actuel, qui permet de cultiver des champs de recherche s'enrichissant mutuellement. Les missions de l'Académie nationale de chirurgie n'ont pas vocation à être modifiées.

La qualité de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République a été conférée à l'Académie nationale de médecine en juillet 2013. En janvier 2016, cette même reconnaissance a été accordée à l'Académie nationale de pharmacie, afin, essentiellement, de développer la recherche dans les sciences pharmaceutiques et biologiques. L'existence d'une division de pharmacie au sein de l'Académie nationale de médecine n'a pas constitué un obstacle à l'évolution statutaire de l'Académie nationale de pharmacie.

L'ambition de cette proposition de loi pour l'Académie nationale de chirurgie n'est pas différente : soutenir l'exercice de ses missions. Cette institution valorise l'excellence du savoir et des pratiques de la chirurgie française, s'investit dans la formation continue des chirurgiens et la promotion de la recherche et de l'innovation. À l'heure où l'intelligence artificielle bouleverse les pratiques de la discipline, il est essentiel de conforter sa légitimité et d'en faire un interlocuteur à part entière du Gouvernement. L'Académie nationale de chirurgie oeuvre déjà aux côtés de l'Agence de l'innovation en santé et collabore avec la Haute Autorité de santé (HAS) et le monde de la recherche.

Sa consécration comme personne morale de droit public à statut particulier assurera aussi son indépendance, notamment financière. Il est prévu qu'elle s'administre librement et bénéficie de l'autonomie financière, sous le seul contrôle de la Cour des comptes. Je précise que ce statut n'emporte pas de conséquences automatiques en termes de soutien financier public. Si l'Académie nationale de médecine bénéficie de personnels affectés et d'une subvention annuelle obligatoire, la subvention perçue par l'Académie nationale de pharmacie ne revêt aucun caractère obligatoire et son montant est mineur.

Enfin, la reconnaissance de ce statut particulier emporte certains effets juridiques, comme l'insaisissabilité des biens et la compétence du juge administratif.

Entre des académies héritières d'une histoire commune également prestigieuse, la différence de traitement qui subsiste aujourd'hui, plaçant l'Académie nationale de chirurgie dans une situation d'infériorité symbolique, n'apparaît pas justifiée. Donnons à cette discipline les moyens de faire progresser une expertise spécialisée et la recherche académique. Au reste, le Conseil national de l'ordre a exprimé un soutien sans réserve à ce texte.

Compte tenu des réserves exprimées, j'ai souhaité présenter des amendements susceptibles de rassurer tous les acteurs. En commission, nous avons ainsi maintenu le nom actuel « Académie nationale de chirurgie », sans y adjoindre les pratiques interventionnelles innovantes. En séance, nous vous proposerons de prévenir tout risque de concurrence avec les travaux de l'Académie nationale de médecine et de différer l'entrée en vigueur du dispositif pour permettre au Gouvernement d'en préparer les conséquences réglementaires.

Les origines et l'histoire communes des trois académies comme la nature des missions de l'Académie nationale de chirurgie plaident pour lui reconnaître ce statut particulier. Sans qu'il y ait risque de redondance ou de concurrence, son rôle sera ainsi justement reconnu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Je souscris à l'intention de mieux valoriser la chirurgie, mais les modalités proposées par les auteurs de la proposition de loi soulèvent un certain nombre de risques et d'inconvénients qui pourraient en réduire considérablement l'intérêt.

Consacrer une Académie nationale de chirurgie distincte de l'Académie nationale de médecine risquerait de fragmenter le paysage médical, entraînant nécessairement une dissociation des expertises et des institutions. Ce serait dommageable pour la connaissance scientifique et la recherche médicale - donc, à terme, pour les patients.

La nouvelle Académie nationale de chirurgie risquerait de créer de la confusion avec les missions dévolues à la deuxième division de l'Académie nationale de médecine. Or une individualisation accrue des deux institutions irait à rebours des évolutions scientifiques en cours.

Cette proposition de loi interroge sur l'opportunité d'isoler la chirurgie et les pratiques interventionnelles innovantes du reste de la médecine, surtout à l'heure où la réalité des pratiques médicales tend au contraire à converger au bénéfice d'une approche plus coordonnée. Nous craignons de voir se dissocier disciplines chirurgicales et disciplines médicales, alors que c'est leur rapprochement qui permet d'améliorer la prise en charge des patients.

L'intégration de la radiologie interventionnelle dans les procédures chirurgicales constitue un exemple de complémentarité. De même, l'oncologie chirurgicale et la pharmaco-chirurgie montrent que la combinaison de la chimiothérapie, de la radiothérapie et des interventions chirurgicales peut offrir une prise en charge complète et personnalisée du cancer. Par ailleurs, les progrès de la médecine régénérative et de la bio-ingénierie ouvrent des horizons nouveaux pour la chirurgie reconstructive, avec l'utilisation de thérapies cellulaires pour restaurer ou remplacer les tissus endommagés.

Il est clair que l'avenir est à une approche intégrée, où médecine et chirurgie s'entremêlent pour offrir des solutions de traitement plus efficaces et moins invasives et continuer à repousser les frontières de la connaissance scientifique.

Enfin, cette proposition de loi pourrait susciter des questions opérationnelles, notamment de fonctionnement et de financement. L'Académie nationale de chirurgie, reconnue d'utilité publique, dispose déjà d'un certain nombre de capacités juridiques et opérationnelles. Modifier son statut pourrait, sans bénéfices tangibles, être source de redondances, alors que les pouvoirs publics se sont engagés dans une démarche de simplification.

Je partage pleinement votre volonté de donner à la discipline chirurgicale la place qu'elle mérite, mais, pour toutes les raisons que je viens d'exposer, le Gouvernement est défavorable à ce texte. Nous souhaitons plutôt encourager le développement des interactions entre l'Académie nationale de médecine et l'Académie nationale de chirurgie et les synergies entre toutes les disciplines médicales, au bénéfice de l'innovation et de l'amélioration des soins.

Mme Marie-Claude Lermytte .  - L'Académie nationale de chirurgie, association de droit privé reconnue d'utilité publique, ne jouit pas du même statut que ses pendants en médecine et en pharmacie. Cette proposition de loi y remédie en lui donnant le statut de personne morale de droit public à statut particulier. Mais pourquoi faudrait-il lui donner le même statut qu'aux deux autres ? La réponse reste insuffisamment étayée.

L'égalité n'est pas un argument en soi : ce changement de statut n'a d'intérêt que si patients et professionnels y gagnent. Or quelle serait la plus-value de bousculer la gouvernance d'une institution qui semble fonctionner très bien ? L'Académie nationale de chirurgie ne sollicitera aucun financement complémentaire, mais ce changement lui permettrait de le faire ; ce point ne nous paraît pas suffisamment clair.

La chirurgie fait pleinement partie de la médecine. Il y a d'ailleurs, à juste titre, une section de chirurgie au sein de l'Académie nationale de médecine. Renforçons-la si nécessaire, mais ne prenons pas le risque d'une forme de compétition, voire de concurrence, entre les deux académies. Dans de nombreux domaines, la concurrence peut être saine ; mais, en l'occurrence, je n'en suis pas convaincue.

Alors que les progrès techniques en matière de chirurgie vont conduire à revoir les frontières entre disciplines, il est plus que jamais nécessaire que chirurgie et médecine collaborent étroitement.

Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué en commission que ce texte avait une portée essentiellement symbolique. Bien des symboles mériteraient une étude approfondie en vue d'évolutions législatives... Je ne pense pas que celui-ci soit une priorité.

Je n'ai pas plus d'arguments contre ce texte que ses auteurs n'en ont avancés pour. Mais la santé est un domaine dans lequel on ne doit prendre aucun risque. Ne voyant pas les effets bénéfiques du texte et en redoutant même des effets néfastes, le groupe Les Indépendants votera contre.

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le régime de personne morale de droit public à statut particulier qu'il est proposé de conférer à l'Académie nationale de chirurgie concerne peu d'organismes, dont l'Académie française et l'Académie des beaux-arts. L'Académie nationale de médecine et l'Académie nationale de pharmacie en bénéficient déjà.

Assurer un statut équivalent à l'Académie nationale de chirurgie rétablirait l'égalité entre trois institutions qui ont un héritage historique partagé et entretiennent une coopération structurée. Cette évolution renforcerait aussi l'implication de l'Académie nationale de chirurgie dans les missions d'intérêt général qu'elle exerce auprès du Gouvernement, de la Haute Autorité de santé, de l'Inserm ou de France Biotech. Elle consacrerait son indépendance, notamment en lui accordant l'autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes.

Cette institution est particulièrement impliquée dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique de santé publique. Elle joue également un rôle structurant dans les domaines de la recherche et de l'enseignement, participant au rayonnement de la communauté chirurgicale française.

Ce texte a toutefois fait débat en commission. Ainsi, faut-il renommer l'institution en Académie nationale de chirurgie et des pratiques interventionnelles innovantes ? Cela introduirait une distinction injustifiée avec les deux autres académies.

Pourquoi conférer des pouvoirs spécifiques à l'Académie nationale de chirurgie alors qu'une division de chirurgie existe au sein de l'Académie nationale de médecine ? Comme pour l'Académie nationale de pharmacie, l'existence de cette division ne saurait faire obstacle à l'octroi du statut de personne morale à l'Académie nationale de chirurgie. D'autant qu'elle seule assure l'égale représentation des treize spécialités chirurgicales, dont la chirurgie thoracique et cardiovasculaire, la neurochirurgie et l'oto-rhino-laryngologie.

En cas d'adoption du texte, le Gouvernement aura à garantir l'indépendance financière de l'Académie nationale de chirurgie, donc à établir la part de l'État dans son financement. L'Académie nationale de médecine dépend uniquement du soutien de l'État, tandis que les recettes de l'Académie nationale de pharmacie sont constituées à 45 % de cotisations. Le pouvoir réglementaire devrait aussi prévoir de nouveaux statuts pour l'Académie nationale de chirurgie.

Notre rapporteur a déposé trois amendements visant à différer l'entrée en vigueur du texte, à circonscrire à la chirurgie les avis de l'Académie nationale de chirurgie et à coordonner les travaux des deux institutions. Le groupe Union Centriste les votera dans un esprit d'apaisement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

Mme Anne Souyris .  - Cette proposition de loi renforce le statut de l'Académie nationale de chirurgie au nom de son héritage historique. Je défendrai une autre vision du rôle des académies, en revenant notamment sur les raisons de leur suppression.

On retient que l'Académie royale de chirurgie fut supprimée en 1793 en raison de l'esprit monarchique qu'elle incarnait. Mais elle était surtout en inadéquation avec la politique de santé défendue par les révolutionnaires, qui souhaitaient faire du malade un citoyen. L'historienne Dora Weiner a mis en lumière l'idée révolutionnaire du citoyen patient, acteur de sa propre santé - une idée proche de ce que nous appelons la démocratie sanitaire

L'un de nos prédécesseurs, François de la Rochefoucauld-Liancourt, déclarait : « La bienfaisance publique doit à l'indigent malade des secours prompts, gratuits, certains et complets ». Il mena le combat pour que chaque citoyen devienne, en quelque sorte, son propre médecin.

Plutôt que le renforcement de l'académie et la spécialisation des savoirs, les révolutionnaires ont privilégié le partage des connaissances et une forme d'« empouvoirement » en santé.

Sans opposer nécessairement les académies à la démocratie sanitaire, rappelons que la politique consiste souvent à établir des priorités. Le renforcement des académies ne fait pas partie de mes priorités ; la démocratie sanitaire, si.

En 1820, Louis XVIII créait l'Académie royale de médecine, chargée de poursuivre les travaux de la Société royale de médecine et de l'Académie royale de chirurgie. Quant à la Société de chirurgie dont l'actuelle académie est issue, elle fut créée en 1842, sous Louis-Philippe.

Les académies de médecine et de chirurgie n'ont pas été des outils de démocratie sanitaire et ne semblent pas souhaiter le devenir. En outre, le cadre académique ne garantit pas un avis éclairé : souvenons-nous de la diffusion de fausses nouvelles sur les risques de l'amiante par l'Académie nationale de médecine dans les années 1990.

Renforcer les académies, pourquoi pas... Mais quand elles auront pris le chemin d'une réforme nécessaire pour intégrer les citoyennes et les citoyens à leurs travaux et pris en compte le nouveau régime climatique et les risques qui en résultent, par exemple en termes de maladies émergentes.

Nous avons entendu ces dernières semaines l'opposition de l'Académie nationale de médecine à l'évolution proposée pour l'Académie nationale de chirurgie. Il ne nous appartient pas de trancher ces querelles de chapelles.

Le GEST votera contre cette proposition de loi anachronique.

Mme Céline Brulin .  - L'objet de ce texte peut sembler louable : assurer l'égalité de traitement entre les académies et reconnaître pleinement l'importance et la qualité des travaux de l'Académie nationale de chirurgie.

Nous pensions ce sujet sans grand enjeu. Mais il n'en est visiblement rien : l'Académie nationale de médecine craint « un affaiblissement majeur au regard des problématiques de santé publique et de l'expertise pluridisciplinaire qu'elles nécessitent plus que jamais ».

Cette question aurait pu être traitée par voie d'amendement dans un projet de loi sur la santé ou la recherche. Mais encore faudrait-il que le Gouvernement nous saisisse d'un texte : hélas, il contourne de plus en plus le Parlement... Résultat : les travaux parlementaires sont parsemés de propositions de loi parcellaires, sans vision globale.

Pour sérieux et indispensables que soient les travaux des différents acteurs impliqués, nous devons garder à l'esprit les urgences en matière de santé. Hier encore, j'ai été interpellée par un patient en affection de longue durée dont le médecin traitant part en retraite et qui peine à en trouver un autre... Et que dire de la situation des hôpitaux, alors que les urgences ferment de plus en plus souvent ? Que dire de nos Ehpad, dont 80 % font face à des déficits structurels ?

Que dire de la financiarisation de la santé, objet d'une mission d'information sénatoriale ? Des pénuries croissantes de médicaments ? À ce sujet, monsieur le ministre, vous devriez vous saisir d'urgence des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale, notamment face aux annonces de mise en vente de Biogaran.

Gardons-nous de nourrir des batailles qui accentuent les fractures dont certains font leur miel ; veillons à ce que d'obscurs enjeux n'accentuent pas la déconnexion avec les difficultés de nos concitoyens.

Notre groupe ne votera pas ce texte - ce serait un OPNI, objet parlementaire non identifié, alors qu'il y aurait tant à faire en matière de santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Maryse Carrère .  - Fondée en 1731, l'Académie nationale de chirurgie est une institution prestigieuse dont le principal objet est de promouvoir la chirurgie en France et dans le monde. Elle joue un rôle important dans l'élaboration de normes et de protocoles chirurgicaux et dans la promotion de l'éthique au sein de la profession. Elle fédère les treize spécialités chirurgicales.

À l'époque d'Hippocrate, la chirurgie faisait partie intégrante de la médecine. Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle que l'exercice de la chirurgie s'est individualisé de l'art médical. Pour autant, ces domaines sont de plus en plus complémentaires et les séances, commissions et séminaires communs sont nombreux. Le professeur Philippe Marre a souligné la richesse des coopérations entre les deux académies.

Mais l'Académie nationale de chirurgie ne bénéficie pas de la même reconnaissance que l'Académie nationale de médecine ou que l'Académie nationale de pharmacie. Ce texte viserait donc à rétablir une égalité de traitement.

Cette proposition de loi nous semblait anodine. Mais, il y a quelques jours, nous avons été interpellés par le secrétaire perpétuel de l'Académie nationale de médecine : ce changement de statut serait dangereux, il conduirait à « une déstructuration de l'Académie nationale de médecine et de son efficacité en santé publique ».

Faut-il ouvrir un tel débat, alors que notre système de santé traverse une crise sans précédent ? Il faut améliorer la qualité des soins, renforcer la prévention, investir dans la formation et le recrutement de personnel médical, moderniser les infrastructures hospitalières et garantir un accès équitable. Notre système de santé a besoin d'un « choc d'attractivité », comme le répète souvent Véronique Guillotin.

Je salue le travail d'équilibriste du rapporteur.

Dans ces conditions, une partie de notre groupe s'abstiendra, l'autre votera contre.

Mme Nadège Havet .  - Le rôle de l'Académie nationale de chirurgie est de promouvoir l'excellence du savoir et des pratiques de la chirurgie française dans le monde. Elle accompagne les professionnels dans l'évolution de leur métier, qu'il s'agisse de progrès techniques ou organisationnels. Elle concourt aux progrès de la science et de la recherche, dans l'intérêt supérieur des patients.

Tout comme la Société royale de médecine, l'Académie royale de chirurgie, fondée en 1731, a été dissoute par la Convention de 1793. C'est sous la Restauration qu'une Académie royale de médecine a été créée, avec une division chirurgie. Parallèlement, les chirurgiens ont constitué la Société des chirurgiens de Paris en 1843, devenue la Société des chirurgiens français trente ans plus tard. Les Académies nationales de chirurgie et de médecine ont donc connu des évolutions parallèles depuis le XVIIIe siècle. Cette proximité a conduit au rapprochement des disciplines et a renforcé la collaboration académique.

L'Académie nationale de pharmacie est elle aussi l'héritière d'une histoire ancienne : la Société libre des pharmaciens de Paris, fondée en 1796, devenue la Société de pharmacie de Paris en 1803, reconnue d'utilité publique en 1877 et qui devient Académie nationale de pharmacie en 1879.

Les membres de l'Académie nationale de chirurgie souhaitent que leur académie ait, elle aussi, le statut de personne morale de droit public à statut particulier et soit placée sous la protection du Président de la République.

Les statuts de l'Académie nationale de médecine sont définis par la loi du 22 juillet 2013 : l'institution a pour mission de s'occuper de tous les sujets d'étude et de recherche contribuant à l'art de guérir.

Le même statut a été attribué à l'Académie nationale de pharmacie, dont le champ d'étude et de recherche s'étend aux médicaments, aux produits de santé, à la biologie et la santé environnementale.

Nos collègues Milon et Gruny souhaitent attribuer la personnalité morale de droit public à l'Académie nationale de chirurgie, ce qui soulève plusieurs interrogations.

Le nouveau statut mettrait l'Académie nationale de chirurgie dans une position d'égalité vis-à-vis de l'Académie nationale de médecine.

Or l'Académie nationale de médecine comporte une division dédiée à la chirurgie. Donner un statut identique à l'Académie nationale de chirurgie entraînerait une mise en concurrence des deux entités.

Compte tenu du caractère symbolique de ce texte, pourquoi prendre un tel risque ? Aussi, notre groupe votera contre.

Mme Annie Le Houerou .  - Dépourvue d'enjeu particulier, cette proposition de loi soulève des interrogations sur le rôle et le positionnement des différentes académies.

Je salue les efforts du rapporteur pour rapprocher les points de vue. 

L'Académie nationale de chirurgie ne bénéficie pas de la même reconnaissance que l'Académie nationale de médecine. La collaboration entre les deux a toujours été fructueuse, favorisant un dialogue essentiel pour l'avancement de la recherche et des pratiques médicales.

L'Académie nationale de médecine nous a fait part de ses inquiétudes : l'évolution du statut de l'Académie nationale de chirurgie serait de nature à remettre en cause l'expertise transversale et pluridisciplinaire de l'Académie de médecine.

L'Académie nationale de médecine souligne que la chirurgie est une discipline de la médecine et que la santé suppose une approche intégrée, notamment à l'heure des développements de l'intelligence artificielle. Or une telle évolution statutaire risquerait de conduire à des prises de position divergentes et à de la confusion.

Nous préférerions travailler à une grande loi Santé pour l'accès aux soins de tous sur l'ensemble du territoire.

Cette évolution est avant tout symbolique : il s'agit de restaurer le prestige et la reconnaissance institutionnelle de l'Académie nationale de chirurgie. Ses biens deviendraient insaisissables et son indépendance comme sa libre administration, sous le contrôle de la Cour des comptes, seraient consacrées.

L'Académie nationale de médecine dispose d'un budget de fonctionnement bien supérieur aux autres académies. Tout comme les pharmaciens, les chirurgiens ne sollicitent pas, à ce jour, de financements complémentaires de l'État.

Nous avons regretté la réaction tardive de l'Académie nationale de médecine, qui n'avait pas émis de réserve lors de son audition au Sénat.

Les Académies royales de chirurgie et de médecine ont été créées en 1731 et 1778, avant d'être dissoutes sous la Révolution ; l'Académie nationale de médecine a été restaurée en 1820. À l'époque, une académie unique comportant trois divisions -  médecine, chirurgie, pharmacie  - avait été préférée à la création d'académies distinctes. Les arguments étaient déjà les suivants : priorité donnée au patient, nécessaire prise en charge globale, interlocuteur unique de l'État.

Ce schéma demeure celui de l'Académie nationale de médecine, institution pluridisciplinaire unique en France dans le domaine de la santé. Sa mission est triple : suivi des politiques publiques ; suivi des progrès de la science ; mission patrimoniale et historique. Sa présidence est alternativement occupée par des médecins, des chirurgiens, des pharmaciens, des biologistes et des vétérinaires.

L'Académie nationale de chirurgie compte plus de 700 membres et est construite sur le schéma des sociétés savantes, tel qu'il en existe dans toutes les spécialités médicales. Ses modalités d'entrée ne relèvent pas d'une élection par les pairs et son nombre de membres est illimité.

Créer des académies comparables à l'Académie nationale de médecine ouvrirait la porte à des divergences, avec une vision plus corporatiste que scientifique. Pourquoi pas une académie de cardiologie ou de pneumologie ?

La plupart des maladies bénéficiant de la chirurgie relèvent de l'expertise des chirurgiens, des médecins, mais aussi des radiologues, etc. Les deux spécialités sont enseignées dans les facultés de médecine. Les chirurgiens sont d'abord des médecins.

C'est pourquoi l'Académie nationale de médecine a émis un avis défavorable à ce texte, lors de sa séance du 30 avril, à l'unanimité moins une voix. Un sondage a été réalisé auprès de sa division chirurgie : même avis défavorable. Toutefois, le Conseil national de l'ordre des médecins a soutenu cette proposition de loi.

Nous encourageons un dialogue constructif entre tous les acteurs, dans l'intérêt supérieur de la santé publique et de la recherche médicale. Les amendements du rapporteur vont dans ce sens.

Le groupe SER s'abstiendra sur ce texte.

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'héritage mêlé des trois académies et les buts communs qu'elles poursuivent ne se sont pas traduits par une égale reconnaissance juridique. L'Académie nationale de chirurgie est dans une situation d'infériorité symbolique, à laquelle ce texte remédie.

Il ne remet pas en cause l'existence de la deuxième division de l'Académie nationale de médecine. En 2016, lorsque ce statut a été accordé à l'Académie nationale de pharmacie, la situation était identique ; cela n'avait pas été un obstacle.

L'objet de notre proposition de loi n'est pas de mettre ces trois instances en compétition mais, au contraire, de conforter leur complémentarité, car leur collaboration a été historiquement fructueuse.

Demain comme aujourd'hui, l'Académie nationale de médecine jouera son rôle fédérateur d'instance transversale, riche de ses quatre divisions qui favorisent les échanges interdisciplinaires.

Nous appelons à une égalité de traitement. Discipline d'excellence, la chirurgie mérite elle aussi un traitement particulier. L'Académie est reconnue d'utilité publique, elle entretient des relations avec la HAS ou l'Agence de l'innovation en santé. Ce nouveau statut fera de la chirurgie un interlocuteur de premier plan. Nous y voyons aussi un enjeu de rayonnement pour la France.

L'existence autonome de l'Académie nationale de chirurgie répond à un besoin de structurer et de spécialiser ses travaux dans un contexte d'hyperspécialisation. Tous les chirurgiens que nous avons rencontrés nous ont fait part de leur besoin d'être représentés dans leur spécificité. L'Académie nationale de chirurgie est la seule institution qui regroupe les treize spécialités chirurgicales, la seule spécialisée dans la recherche technopédagogique et l'innovation dans les actes opératoires.

Robotique, simulation, IA : autant de révolutions que les chirurgiens ont besoin d'aborder entre eux, en laissant à l'Académie nationale de médecine la vision transversale.

La proposition de loi renforce l'indépendance de l'Académie nationale de chirurgie en prévoyant son autonomie financière. Elle n'entraîne aucune dépense supplémentaire et ne remet pas en cause le financement de l'Académie nationale de médecine.

Il est primordial de maintenir la qualité et la fluidité des échanges entre les académies ; c'est pourquoi nous soutenons les amendements du rapporteur.

Quand l'Académie nationale de pharmacie travaille sur les médicaments innovants, ce travail est partagé au sein de l'Académie nationale de médecine. Il en irait de même pour l'Académie nationale de chirurgie.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous changerez d'avis ! (M. Frédéric Valletoux sourit.)

Discussion de l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

santé publique

par le mot :

chirurgie

M. Khalifé Khalifé, rapporteur.  - Cet amendement précise les missions respectives de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de chirurgie.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Ils définissent les modalités de coordination de ses travaux avec ceux de l'Académie nationale de médecine dans le champ de la chirurgie. 

M. Khalifé Khalifé, rapporteur.  - Amendement de précision qui officialise les liens entre l'Académie nationale de chirurgie et l'Académie nationale de médecine.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé : 

... - Les I et II du présent article entrent en vigueur le 1er mai 2026.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur.  - Cet amendement prévoit une entrée en vigueur dans deux ans, au 1er mai 2026, afin de donner au Gouvernement et à l'Académie nationale de chirurgie le temps de prendre les dispositions réglementaires nécessaires.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Un chirurgien, c'est un médecin qui opère : l'amendement n°1 ne clarifie pas les rôles entre chirurgiens et médecins. Cette dilution d'expertise n'est pas souhaitable. Avis défavorable à l'amendement n°1.

Pour ne pas diluer l'expertise, là encore, j'émets un avis défavorable à l'amendement n°3.

Le délai plus long prévu à l'amendement n°2 ne change pas le fond du problème : avis défavorable.

L'amendement n°1 est adopté, ainsi que les amendements nos3 et 2.

À la demande du GEST, l'article unique, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°182 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 249
Pour l'adoption 188
Contre   61

L'article unique, modifié, est adopté. En conséquence, la proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Je salue les auteurs de la proposition de loi, qui ont mené un travail cohérent jusqu'au bout. Je remercie le rapporteur de son travail : l'art du grand écart est difficile... (Sourires)

Prochaine séance, mardi 14 mai 2024, à 14 h 30.

La séance est levée à 15 h 50.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 14 mai 2024

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Pierre Ouzoulias, vice-président.

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

1. Proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, présentée par Mme Samantha Cazebonne (procédure accélérée) (texte de la commission, n°578, 2023-2024)

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate (texte de la commission, n°558, 2023-2024)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France (texte de la commission, n°585, 2023-2024)