LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-292.html

ANNEXE
L'ENCADREMENT DES MEUBLÉS DE TOURISME

À la demande de la commission des affaires économiques, la division de la Législation comparée du Sénat a effectué des recherches sur l'encadrement juridique des meublés de tourisme dans trois villes européennes : Barcelone, Florence et Lisbonne.

1. Barcelone

Au niveau régional, le décret-loi 3/2023 du 7 novembre 202339(*) de la communauté autonome de Catalogne prévoit l'obligation de disposer d'un permis, valable cinq ans, pour proposer un meublé de tourisme (viviendas de uso turístico (VUT)) dans 262 villes catalanes connaissant des problèmes d'accès au logement, dont Barcelone. Les villes concernées ne peuvent octroyer des permis que dans la limite de 10 meublés de tourisme pour 100 habitants.

La ville de Barcelone s'est dotée dès 2017 d'un Plan spécial d'urbanisme des hébergements touristiques40(*) (PEUAT). Même s'il vise surtout à enrayer la hausse du nombre de meublés de tourisme, il concerne également les hôtels, pensions et auberges de jeunesse. Initialement proposé et mis en place en 2017, ce plan avait été annulé par le tribunal supérieur de justice de la Catalogne en raison de l'absence d'étude d'impact économique41(*). Le PEUAT, complété par l'étude d'impact, est définitivement entré en vigueur le 26 janvier 2022.

Afin d'éviter une concentration excessive des hébergements touristiques dans un quartier de la ville, le plan établit une répartition selon différentes zones. Lorsqu'il y a une diminution du nombre d'hébergements touristiques dans les zones saturées, il est en principe possible d'en créer dans une autre zone. Depuis la mise en place de la première version du plan en 2017, le nombre de meublés de tourisme est en légère diminution42(*).

Le PEUAT distingue quatre zones43(*), chacune soumise à des règles propres :

Zone 1 (zone de décroissance) : aucun nouvel hébergement touristique (de quelque type que ce soit) ne peut être créé, ni la capacité d'accueil des hébergements existants augmentée. Plus de 60 % des lits disponibles à Barcelone sont situés dans cette zone. Concernant spécifiquement les meublés de tourisme, lorsqu'il y a une diminution de leur nombre dans la zone 1, une nouvelle autorisation peut être accordée uniquement dans la zone 344(*).

Zone 2 (zone de stabilité) : aucune augmentation du nombre de lits dans les hébergements touristiques existants n'est permise. Comme pour la zone 1, lorsqu'il y a une diminution du nombre de meublés de tourisme dans la zone 2, il est possible d'accorder une nouvelle autorisation de création ou d'augmentation de la capacité de meublés de tourisme dans la zone 345(*).

Zone 3 (zone de croissance limitée) : de nouveaux hébergements sont admis à condition de ne pas dépasser une certaine densité. De nouveaux meublés de tourisme peuvent être autorisés en cas de diminution dans les autres zones (1, 2 et 4), dans la limite de 370 meublés. Ces meublés de tourisme ne peuvent être situés que dans des ilots où la densité ne dépasse pas un ratio de 1,48 % entre le nombre des meublés de tourisme et le nombre de logements à usage d'habitation, ou dans la limite de dix meublés dans un même bâtiment46(*).

Zone 4 (grands quartiers en transformation) : de façon similaire aux zones 1 et 2, aucun nouveau meublé de tourisme n'est admis dans cette zone qui comprend notamment le quartier de la gare de Sants. Cependant, la radiation d'un meuble de tourisme existant permet une ouverture dans la zone 347(*).

En résumé, la création de nouveaux meublés de tourisme à Barcelone est autorisée uniquement dans la zone 3, à condition d'être compensée par une diminution des meublés dans les autres zones et en respectant les limites de densité applicables dans la zone 3.

Par ailleurs, l'implantation des hébergements touristiques (y compris les meublés de tourisme) est soumise à certains critères de distance, définis en fonction de la taille des établissements, spécifiques à chaque zone. L'objectif est d'empêcher que certains quartiers touristiques ne deviennent des quartiers « fantômes » hors saison touristique.

2. Florence

La situation des locations touristiques de courte durée à Florence constitue un défi majeur pour la municipalité, avec une concentration de 75 % de ces activités sur 5 % du territoire communal48(*). Cette répartition inégale exerce une pression importante sur les zones centrales et historiques de la ville, affectant directement le niveau des loyers et la qualité de vie des résidents locaux.

Depuis 2022, la mairie a manifesté sa volonté que soit instauré un cadre réglementaire plus strict au niveau national, estimant que les mesures en vigueur sont insuffisantes pour aborder efficacement ce problème croissant. Dans cette optique, le décret-loi n° 145/2023 du 18 octobre 202349(*), adopté comme tentative de réguler les locations touristiques à l'échelle nationale, n'a pas réussi à répondre pleinement aux besoins spécifiques de Florence. Le maire et les autorités locales considèrent que le texte n'apporte pas les solutions nécessaires pour atténuer les effets néfastes des locations touristiques sur la ville, notamment en termes d'impact sur le marché immobilier et la qualité de vie50(*). Par ailleurs, Florence ne bénéficie pas des mesures d'urgence mises en place pour Venise, qui visent à réguler les locations à court terme dans son centre historique51(*). En outre, la loi régionale toscane ne propose qu'une obligation d'information pour les propriétaires de biens immobiliers destinés à des locations touristiques, sans mettre en place de mesures concrètes pour limiter ces activités52(*).

Face à cette situation, le conseil municipal, dans une délibération adoptée en octobre 2023, a pris la décision de réviser le plan d'urbanisme afin d'interdire les nouvelles installations de locations touristiques dans le noyau historique classé au patrimoine mondial de l'Unesco.

Plus précisément, la version révisée du règlement d'urbanisme, d'une part, établit une distinction pour les logements entre « l'usage résidentiel » et « l'usage temporaire », comprenant les locations touristiques de courte durée, ainsi que les structures d'accueil extra-hôtelières et, d'autre part, interdit spécifiquement l'installation d'usages résidentiels temporaires dans le périmètre du centre historique (zone A).

Plusieurs associations professionnelles, de consommateurs ainsi que des entreprises ont déposé un recours auprès du Tribunal administratif régional afin d'annuler la délibération53(*). Le juge, qui n'a pas suspendu la délibération, devrait prendre sa décision au fond le 9 mai 2024.

Au niveau national, le cadre législatif vise à encadrer les locations touristiques sans pour autant limiter cette activité. Avant l'adoption du décret-loi n° 145/2023 du 18 octobre 202354(*), il n'existait pas de régime de licence ou d'enregistrement. Le décret-loi vise principalement à assurer la protection de la concurrence et de la transparence du marché, ainsi que la sécurité du territoire, à travers différentes mesures, définies dans l'article 13-ter du décret-loi :

- le ministère du tourisme attribue, par le biais d'une procédure automatisée appropriée, un code d'identification national (CIN) aux unités immobilières à usage d'habitation destinées aux contrats de location à des fins touristiques, aux unités immobilières à usage d'habitation destinées aux locations à court terme et aux établissements touristiques d'hébergement hôteliers et non hôteliers ; ce CIN est attribué par le ministère du tourisme, sur présentation en ligne d'une demande par le locateur ou le titulaire de la structure touristique d'hébergement, accompagnée d'une déclaration sur l'honneur attestant des données cadastrales de l'unité immobilière ou de la structure et, pour les locateurs, de la conformité aux normes de sécurité des installations ;

- des sanctions administratives pécuniaires sont prévues : pour le titulaire d'une structure touristique d'hébergement hôtelière ou non hôtelière sans CIN, ainsi que pour toute personne proposant ou louant à des fins touristiques ou des unités immobilières ou des parties de celles-ci sans CIN ; pour le défaut d'affichage et d'indication du CIN par les parties concernées ; pour toute personne louant des unités immobilières à usage d'habitation, à des fins touristiques ou sans les exigences de sécurité ; pour l'exercice des mêmes activités en l'absence de SCIA ;

- le contrôle et la vérification, ainsi que l'application des sanctions administratives indiquées, sont assurés par la commune où est située la structure touristique d'hébergement hôtelière ou non hôtelière ou l'unité immobilière louée, par le biais des organes de police locale.

Par ailleurs, les intermédiaires qui interviennent dans le paiement ou l'encaissement des loyers/redevances relatifs aux contrats de location de courte durée doivent effectuer, sur ces sommes, une retenue à la source de 21 %, à titre d'acompte.

Enfin, le décret prévoit une série d'obligations pour les personnes qui louent des unités immobilières à des fins touristiques ou à court terme, pour les propriétaires d'établissements d'hébergement touristique, ainsi que pour ceux qui exercent des activités d'intermédiation immobilière ou qui gèrent des portails en ligne, notamment l'obligation d'afficher le CIN à l'extérieur du bâtiment où se trouve l'appartement ou la structure, en assurant le respect des éventuelles contraintes urbanistiques et paysagères, ainsi que de le mentionner dans chaque annonce publiée et communiquée.

Certaines dispositions initialement prévues dans le projet de loi de légalisation du décret n'ont pas été retenues, telles que l'obligation d'un minimum de 2 nuits par voyageur dans les meublés touristiques. Ces aspects montrent que la volonté nationale est davantage d'encadrer cette activité plutôt que de la limiter, laissant aux municipalités la responsabilité de prendre des mesures plus contraignantes si nécessaire.

3. Lisbonne

À Lisbonne, le « règlement municipal du logement local » 55(*), entré en vigueur le 8 novembre 2019, encadre les règles concernant les locations de courte durée, dont les meublés de tourisme (alojamento local56(*)). Ce règlement vise à maintenir le stock de logements à usage d'habitation permanente et à limiter les locations de courte durée dans les quartiers où leur implantation est jugée excessive par rapport au nombre total de logements disponibles.

Ce règlement crée deux zones de restriction :

- une zone de restriction absolue concernant les quartiers touristiques où le ratio entre les locations de courte durée et les résidences permanentes est égal ou supérieur à 20%57(*). Dans cette zone, il est interdit de créer de nouvelles locations de courte durée. Exceptionnellement, l'enregistrement de locations de courte durée dans cette zone peut être autorisée lorsque ces biens font partie d'opérations de réhabilitation depuis plus de trois ans et que ces opérations présentent un intérêt spécial pour la ville58(*) ;

- une zone de restriction relative qui s'applique dans les quartiers où le ratio entre les locations de courte durée et les résidences permanentes est égal ou supérieur à 10% mais inférieur à 20%59(*). Dans cette zone, il est possible de faire enregistrer de nouvelles locations de courte durée, à titre exceptionnel, sur autorisation explicite de la mairie de Lisbonne (Câmara Municipal de Lisboa), et sous réserve de remplir l'une des trois conditions suivantes60(*) : i) lorsque la totalité de l'immeuble est déclarée en ruine ou totalement inoccupée depuis plus de trois ans ; ii) lorsqu'une partie de l'immeuble est déclarée inoccupée depuis plus de trois ans ou quand un immeuble est dans un mauvais état de conservation et qu'en conséquence il a dû faire l'objet de travaux de réhabilitation au cours des deux dernières années ; iii) lorsque la totalité ou une partie de l'immeuble a changé d'usage, au cours des deux dernières années, passant de la logistique, de l'industrie ou des services à un usage d'habitation.

Cependant, même si les conditions énoncées ci-dessus sont remplies, le projet ne peut être autorisé s'il concerne la totalité d'un immeuble ou une partie ayant fait objet d'un contrat de location à usage d'habitation depuis moins de cinq ans61(*).

Les autorisations exceptionnelles de locations de courte durée sont valables pendant cinq ans dans la zone de restriction relative, voire dix ans au maximum pour les locations situées dans des immeubles en réhabilitation62(*).

Par ailleurs, dans le cadre du plan gouvernemental « Mais Habitação », le Parlement portugais a adopté, le 6 octobre 2023 63(*), une loi contenant des dispositions visant à limiter le développement de nouvelles locations de courte durée et à inciter les propriétaires à les transformer en locations à usage d'habitation. Sont ainsi prévus, aux articles 18 à 22 de cette loi :

- la limitation de la durée d'enregistrement des locations de courte durée à cinq ans, renouvelable pour la même durée ;

- la suspension de l'enregistrement de nouveaux logements de locations de courte durée sur tout le territoire, à l'exception des zones rurales moins peuplées (plus précisément, les territoires dits « intérieurs » figurant en annexe de l'arrêté n° 208 du 13 juillet 2017). Cette suspension peut être levée si la commune approuve une charte du logement définissant l'équilibre approprié en matière de logement (sauf dans les zones où une commune a déclaré une pénurie de logements) ;

- le réexamen en 2030 des locations de courte durée autorisées avant l'entrée en vigueur de la loi ;

- la mise en place d'une contribution extraordinaire dénommée CELA (contribuição extraordinária sobre os apartamentos e estabelecimentos de hospedagem integrados numa fração autónoma de edifício em alojamento local), correspondant à 15 % d'une assiette qui varie en fonction du revenu d'exploitation, de l'évolution des loyers et du poids des locations de courte durée dans la région, payée par les propriétaires souhaitant poursuivre leur location de courte durée.

Par ailleurs, ce plan prévoit une exonération totale de l'imposition des revenus fonciers jusqu'au 31 décembre 2029 (au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt sur les sociétés) pour les propriétaires titulaires d'une licence de location de courte durée qui choisissent de transférer leur bien en location à usage d'habitation64(*).


* 39  Decreto ley 3/2023, de 7 de noviembre, de medidas urgentes sobre el régimen urbanístico de las viviendas de uso turístico.

* 40  Plan Especial Urbanístico de Alojamientos Turísticos. Pour une meilleure compréhension du PEUAT, il convient de consulter le «  Manuel opérationnel » qui contient les articles du Plan, les études menées et les formulaires de demande d'autorisation. Le terme « logement touristique » est utilisé ici pour désigner l'ensemble des établissements hôteliers, de séjours, locations saisonnières et meublés de tourisme concernés par le PEUAT.

* 41 Pour une analyse des décisions sur le PEUAT de Barcelone voir : https://www.uv.es/catedra-economia-colaborativa-transformacion-digital/es/novedades/analisis-sentencias-peuat-barcelona-razones-ha-sido-declarado-ilegal-elementos-son-cambio-compatibles-directiva-servicios-1286057015758/Novetat.html?id=1286097939946..

* 42 Un instrument de gestion des meublés de tourisme. Disponible sur https://ajuntament.barcelona.cat/pla-allotjaments-turistics/es. Consulté le 19 avril 2024.

* 43 Voir la carte sur le site internet de la municipalité de Barcelone : https://ajuntament.barcelona.cat/pla-allotjaments-turistics/es

* 44 Ibid., article 15, §2, page 6. OU Manuel opérationnel, point 4.1, page 6.

* 45 Ibid., article 16, §2, alinéas a et b, page 6. OU point 4.2, alinéas a et b, page 6.

* 46 Ibid., article 23, page 11. OU point 5.2, alinéa b, page 8.

* 47 Ibid., article 18, §2, page 8. OU point 4.4, page 7.

* 48 Affitti turistici brevi, comincia l'iter formale per bloccarli in area Unesco | Città di Firenze (comune.fi.it)

* 49 DECRETO-LEGGE 18 ottobre 2023, n. 145

* 50 https://regolamentourbanistico.comune.fi.it/

* 51 Le décret-loi n° 50 du 17 mai 2022 met en place, spécifiquement et uniquement pour la commune de Venise, des mesures visant à réguler la location à court terme de logements dans le centre historique de Venise afin de préserver son caractère résidentiel tout en garantissant la protection de son patrimoine histoire et environnemental. Toutefois, la commune de Venise ne l'a pas mis en oeuvre.

* 52 LEGGE REGIONALE 20 dicembre 2016, n. 86

* 53 Draghi e Gandolfo (FdI): "Appello a Nardella, non si voti l'approvazione della delibera sugli affitti brevi prima del Tar" | Città di Firenze (comune.fi.it)

* 54 Voir supra.

* 55 Regulamento municipal do alojamento local : https://www.lisboa.pt/fileadmin/download_center/normativas/regulamentos/comercio/RAlojamentoLocal_DR_n214_2s_ParteH_Aviso17706_C_2019.pdf

* 56 Le terme “alojamento local” désigne au Portugal un établissement qui fournit des services d'hébergement temporaire, notamment à des touristes, moyennant paiement, à condition qu'il ne remplisse pas les conditions requises pour être considéré comme une entreprise de tourisme. https://eportugal.gov.pt/fichas-de-enquadramento/alojamento-local

* 57 Regulamento municipal do alojamento local, article 4, §1, alinéa a, page 5.

* 58 Ibid., article 5, §§ 1 et 2, page 6.

* 59 Ibid., article 4, §1, alinéa b, page 6.

* 60 Ibid., article 6, §1, page 6.

* 61 Ibid., §2, page 6.

* 62 Ibid., article 7, §4, page 7.

* 63 Loi n° 56/2023 Aprova medidas no âmbito da habitação, procedendo a diversas alterações legislativas. : https://files.diariodarepublica.pt/1s/2023/10/19400/0000200050.pdf.

* 64 https://www.portugal.gov.pt/pt/gc23/comunicacao/noticia?i=alojamento-local-perguntas-e-respostas

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